samedi 3 avril 2021

L’importance de l’attention à l’école

Voici une synthèse de deux articles que Mike Hobbiss (2017, 2020) consacre sur son blog aux apports de la recherche sur l’attention.

(Photographie : spacetownhigh)


Deux dimensions et quatre raisons de l’importance de l’attention dans un cadre scolaire


Deux dimensions de l’attention sont signifiantes dans un cadre scolaire ;

  • La capacité à contrôler ce sur quoi nous centrons notre attention
  • La capacité à résister à la distraction 

Quatre raisons font de l’attention une dimension importante en éducation : 

  1. L’attention est la porte d’entrée de la cognition. 
    • Nous ne pouvons pas traiter ce que nous ne laissons pas entrer dans notre mémoire de travail. 
    • Nous ne pouvons pas apprendre si nous ne sommes pas attentifs.
  2. L’attention a un impact direct sur la réussite scolaire de chaque élève, dans chacune des matières scolaires, sans exception.
  3. En tant que ressources limitées, l’attention peut servir de médiateur pour de nombreuses autres variables clés qui contribuent à la réussite scolaire
  4. Les capacités d’attention ont un impact réel sur le bien-être d’un individu.




L’attention, porte d’entrée de la cognition


Au niveau le plus basique, l’attention décrit notre capacité à sélectionner et dès lors de traiter des informations issues de notre environnement. 

L’attention est en lien avec notre mémoire de travail : 

  • Les individus dont la capacité visuelle et la mémoire de travail sont bonnes sont plus efficaces pour supprimer activement les distracteurs importants (Gazzaley, 2011 ; Zanto & Gazzaley, 2009). 
  • L’incapacité d’un individu à filtrer des stimuli concurrents laisse présager une faible capacité de mémoire de travail (Gaspar et coll., 2016).
  • Les capacités d’attention du nourrisson permettent de prévoir l’intelligence de l’adolescent (Bornstein & Sigman, 1986 ; McCall & Carriger, 1993). En combinaison avec les différences environnementales, elles peuvent entrainer des écarts pouvant atteindre 20 points de QI (Sigman, Cohen & Beckwith, 1997).

Plus concrètement, si nous laissons entrer des informations non pertinentes par le goulot d’étranglement attentionnel, notre capacité à traiter et à manipuler les informations comme nous le souhaitons sera entravée par la présence accrue de distracteurs concurrents. 

À un niveau plus élevé, l’éducation implique essentiellement des processus cognitifs plus complexes, tels que le raisonnement, la créativité, de même que la fluidité et l’intégration des connaissances dans la mémoire à long terme. Bien que ces compétences de niveau supérieur soient importantes, elles reposent sur le fondement de niveaux inférieurs qui les soutiennent et leur permettent de fonctionner correctement. Un élève inattentif et facilement distrait en classe ne sera pas en mesure de raisonner même s’il en a les capacités potentielles.



L’attention, un facteur fondamental de la réussite des élèves


Les élèves distraits ou perturbateurs sont une préoccupation majeure des enseignants. 

L’idée que les élèves peuvent apprendre à résister aux distractions et que nous devons leur offrir un cadre adéquat et facilitateur dans ce sens, est un élément clé. Nous le retrouvons dans de nombreuses théories éducatives et des pratiques qui leur sont liées en classe.

Certaines observations de la recherche sont à ce titre signifiantes :

  • Les capacités d’attention sont un indicateur important des résultats scolaires de tous les élèves, et pas seulement de ceux qui ont reçu un diagnostic de TDAH (Breslau et coll., 2009 ; Duncan et coll., 2007 ; Merrell et coll., 2016)
  • Les effets de l’inattention sont préjudiciables à la progression des élèves dans leur éducation. Ils sont ressentis bien au-delà des limites de la limite clinique du TDAH (Merrell et Tymms, 2001).
  • Breslau et ses collègues (2009) ont montré que les évaluations de l’attention d’élèves de 6 ans par les enseignants peuvent être un facteur de prédiction de leurs résultats en lecture et en mathématiques à 17 ans. 

L’attention est un prédicteur unique significatif de la réussite scolaire. Cela reste vrai même en contrôlant les variables confusionnelles potentielles telles que le QI, le statut socio-économique, l’éducation des parents ou d’autres problèmes émotionnels ou comportementaux.



Le rôle médiateur de l’attention pour les apprentissages


Les différences individuelles en matière de capacités d’attention peuvent affecter les résultats scolaires des enfants d’âge scolaire, par l’intermédiaire de différentes compétences clés nécessaires à la réussite à l’école.

Barriga et ses collègues (2002) ont examiné une série de facteurs psychologiques et comportementaux négatifs chez les adolescents, comme le repli sur soi, les plaintes somatiques, le comportement délinquant ou agressif. Ils ont mis en évidence que l’attention jouait un rôle médiateur important dans la relation entre tous ces éléments et la réussite scolaire. Plus les capacités d’attention sont développées, moins les individus en sont affectés.

Selon Gathercole et ses collègues (2008) même des problèmes d’attention relativement mineurs peuvent être amplifiés par leur association à d’autres compétences cruciales. Il s’agit d’une corrélation. Le sens de la causalité n’est pas toujours établi. Toutefois, cela montre l’importance générale des capacités d’attention dans l’aboutissement de la réussite scolaire en général.



Le lien entre les capacités d’attention et le bien-être


L’inattention quotidienne a des conséquences sociales et émotionnelles importantes. La capacité à contrôler la focalisation de son attention et la capacité à résister à la distraction peuvent être deux facteurs importants dans l’expérience du bien-être et du bonheur général des individus.

Les personnes distraites font souvent état d’une diminution de leur bonheur ressenti :

  • La distraction par les médias sociaux a un effet négatif sur l’évaluation du bonheur, à la fois dans des conditions expérimentales et à l’aide de questionnaires (Brooks, 2015). Cela se vérifie également dans des contextes plus réels. Ils utilisent pour ce faire par exemple des techniques d’échantillonnage d’expérience telles que l’envoi régulier de SMS au participant pour évaluer les changements de concentration et d’humeur du moment (Kross et coll., 2013).
  • Le fait de se laisser distraire par ses propres pensées est impliqué dans les changements d’humeur négatifs. L’errance mentale involontaire (la dérive de nos pensées sur la tâche que nous traitons vers d’autres pensées non liées à celle-ci) est associée à une réduction du bonheur (Seli, Risko & Smilek, 2016). Cette constatation a été mise en évidence à la fois en laboratoire (Smallwood, Fitzgerald, Miles & Phillips, 2009) et dans le monde réel (Killingsworth & Gilbert, 2010).

Les personnes tristes font souvent état d’une distractibilité accrue :

  • La distractibilité est communément reconnue comme un symptôme de dépression et d’autres troubles affectifs (Mialet, Pope & Yurgelun-Todd, 1996).
  • Il a été démontré que dégrader artificiellement le niveau d’humeur des participants au cours d’une expérience entraine une augmentation de leur distractibilité (Pacheco-Unguetti & Parmentier, 2014).



Des facteurs d’inattention liés à l’enseignement en classe


Différentes recherches dans un contexte universitaire ont montré que : 

  • Dans les cours magistraux, l’attention diminue souvent de manière mesurable pendant toute la durée d’un cours. Au fur et à mesure, les étudiants prennent moins de notes, s’agitent et regardent plus souvent autour d’eux. Ils montrent même une diminution de leur rythme cardiaque vers la fin d’un cours (voir Wilson & Korn, 2007).
  • Des étudiants qui suivent un cours magistral ont également l’esprit plus vagabond dans la seconde moitié du cours (Risko et coll., 2012) et reconnaissent qu’ils s’ennuient plus (Mann & Robinson, 2009). 
  • Différentes conditions vont entrainer des niveaux de distraction plus élevés des étudiants lors d’un cours. C’est le cas en présence notamment d’un bruit de fond (Zeamer & Fox Tree, 2013). Ils apparaissent également lors de l’utilisation détournée d’un ordinateur en dehors de la prise de notes. Celui-ci est non seulement distrayant de manière mesurable pour l’utilisateur, mais également pour les personnes se trouvant à proximité (Sana, Weston et Cepeda, 2013).



Pistes pour réduire l’inattention en classe à travers l’enseignement


La recherche auprès d’étudiants universitaires offre quelques pistes pour réduire les niveaux d’inattention :

  • La réalisation de courts tests réguliers en lien avec les contenus des cours permet d’améliorer la mémoire et de réduire les taux d’errance mentale (Szpunar, Khan & Schachter, 2013).
  • Le fait de présenter des défis est de bien positionner la difficulté de la tâche (c’est-à-dire la rendre difficile, mais pas impossible) peut servir de protection contre la distraction (Halin et coll., 2014). 
  • Une charge cognitive accrue rend les étudiants plus susceptibles d’être distraits (Carmel, Fairnie et Lavie, 2012), car une mémoire de travail chargée a plus de mal à se concentrer sur un objectif et à hiérarchiser les informations. Cependant, il est difficile de « mesurer » la charge imposée par une situation donnée, car elle varie d’un individu à l’autre, tout comme sa capacité à y faire face.



Mis à jour le 25/09/2023


Bibliographie


Mike Hobbiss, 2017, Pay attention! Why I think it is important to study attention in school children https://hobbolog.wordpress.com/2017/10/07/pay-attention-why-i-think-it-is-important-to-study-attention-in-school-children/

Mike Hobbiss, 2020, Attention in the classroom. My “best bets” from the research https://hobbolog.wordpress.com/2020/01/30/attention-in-the-classroom-my-best-bets-from-the-research/

Bornstein, M. H., & Sigman, M. D. (1986). Continuity in mental development from infancy. Child development, 251–274.

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