L’évaluation formative telle que la conçoivent Paul Black et Dylan Wiliam (2010) dans leurs multiples travaux peut élever le niveau des résultats des élèves. Le fait est que les différentes pratiques d’évaluation qu’elle implique ne sont pas mises en œuvre de manière organisée et systématique dans la plupart des cours de sciences du secondaire.
Les spécificités de l’apprentissage des sciences
Les sciences fournissent les moyens par lesquels les élèves peuvent interagir avec le monde qui les entoure et développer des idées sur les phénomènes qu’ils vivent. Les élèves observent et s’interrogent sur ce qu’ils observent. Peu à peu, ils peuvent commencer à comprendre des phénomènes et à en prévoir l’évolution et les conséquences.
L’exercice des sciences passe par le développement de compétences en matière de processus d’investigation et de communication à la clé des résultats pour remettre en question et discuter des hypothèses. Cependant, si l’apprentissage et l’enseignement de sciences visent cette finalité propre à la démarche scientifique, ils gagnent à éviter de l’utiliser comme démarche pédagogique pour acquérir des connaissances et des compétences. Celles-ci bénéficient mieux de la prise en compte des actions conjuguées d’un enseignement explicite, d’une évaluation formative et de la science de l’apprentissage.
L’importance de la rétroaction dans l’évaluation formative
L’évaluation formative se centre sur le dialogue et le retour d’information. Elle se fonde sur des activités qui aident à l’apprentissage. Ces dernières fournissent en retour des informations que les enseignants ou leurs élèves peuvent utiliser pour évaluer, afin de modifier les activités d’enseignement ou d’apprentissage dans lesquelles ils sont engagés.
Pour que le retour d’information soit efficace, il doit découler d’expériences d’apprentissage qui peuvent fournir des éléments de diagnostic signifiants afin que des jugements puissent être portés sur l’étape suivante de l’apprentissage
Deux types de retours d’information sont essentiels lors de l’évaluation formative :
- Le premier se fait de l’élève vers l’enseignant
- Le second se fait de l’enseignant vers l’élève
La compréhension approfondie en classe s’effectue par alternance entre ces deux types de rétroaction, chaque contribution répondant à l’autre. La qualité du dialogue et de la communication en classe joue un rôle primordial. Le point de départ vient de questions formulées par l’enseignant pour amener les élèves à exprimer leurs idées et leurs connaissances.
Le but de l’évaluation formative est de permettre aux enseignants de passer au crible l’effusion de données qui se dégage des discussions et des activités en classe. L’enjeu est que des jugements professionnels pertinents soient portés sur les prochaines étapes de l’apprentissage.
À certaines périodes de l’année, les élèves doivent également se préparer à des examens. Si l’accent doit être mis sur l’apprentissage de connaissances scientifiques, il faut également prévoir du temps lors des cours pour affiner des techniques de réponse à des questions d’examens.
Le retour d’information, l’évaluation par les pairs et l’auto-évaluation ont tous un rôle important à jouer dans ces processus. Une évaluation formative correctement utilisée peut entraîner des gains d’apprentissage importants.
Les démarches liées à l’évaluation formative disposent d’un large faisceau de données probantes qui démontrent leur efficacité. Il existe des preuves rigoureuses que les initiatives qui sont liées à l’évaluation formative améliorent effectivement les résultats d’apprentissage des élèves. Si nous prenons en considération le cadre de l’enseignement des sciences, elles peuvent se décliner selon cinq principes qui régissent un apprentissage efficace et contribuent à soutenir la motivation et l’estime de soi de nos élèves.
Premier principe : L’apprentissage des élèves démarre de là où ils se trouvent
Nous reconnaissons que nos élèves doivent être cognitivement actifs dans la construction de leurs idées scientifiques et l’élaboration de leurs schémas. Un apprentissage génératif nécessite de multiples occasions de s’engager dans un traitement cognitif pertinent.
Le simple fait d’ajouter à des connaissances préalables non réactivées et peut-être absentes une superposition de nouvelles idées conduit à une mauvaise compréhension, voire à de la confusion.
Un enseignement qui ne va pas rechercher les connaissances préalables et les préconceptions des élèves en sciences ne peut arriver à un résultat cohérent.
Deuxième principe : Lors de l’enseignement, les élèves participent activement au processus
L’enseignant :
- Encourage les élèves à participer et à s’engager dans une réflexion rigoureuse
- Écoute attentivement les diverses réponses formulées par des élèves, il les prend toutes au sérieux, qu’elles soient justes ou fausses, pertinentes ou loufoques
- Aide les élèves à surmonter leurs incohérences et les soutient à relever les défis.
Dans le cadre de ces interactions, les enseignants adaptent au fur et à mesure leurs interventions aux besoins d’apprentissage qui ont été mis en évidence.
Ce processus n’est possible que si les élèves participent activement au processus. L’apprentissage est fait par les élèves, il ne peut être fait pour eux.
Troisième principe : Lors de l’enseignement, les élèves comprennent les intentions d’apprentissage
Les intentions d’apprentissage et les indicateurs de maitrise qui les accompagnent doivent être parfaitement perçus et compris par les élèves. Les élèves identifient quels comportements sont attendus et permettent de définir la maitrise des objectifs pédagogiques.
Deux conditions sont importantes :
- Un élève doit pouvoir observer et regarder ce que sont les exemples de réussite et en observer les caractéristiques afin de bien comprendre comment y arriver.
- De même, un élève doit également obtenir ou se faire une idée de là où il se situe par rapport à la maitrise des objectifs pédagogiques. À partir de là, quelles sont les prochaines démarches éventuellement nécessaires à leur apprentissage.
Ce n’est qu’avec ces deux éléments que les élèves peuvent finalement s’investir dans des démarches de métacognition. Ils acquièrent la capacité de superviser et de guider leurs propres apprentissages dans la bonne direction, afin d’en assumer la pleine responsabilité.
Cette finalité n’est pas aisée à atteindre. Pour y parvenir, les enseignants s’emploient à aider leurs élèves à comprendre et à s’approprier leurs objectifs d’apprentissage et les critères de qualité correspondant. Les élèves doivent finalement pouvoir déterminer de manière autonome si le produit de leurs efforts répond ou non à ces critères.
L’évaluation par les pairs et l’auto-évaluation sont essentielles à cet égard. Elles encouragent à la fois la participation active et la pratique de juger de la qualité de leur travail et celle des autres élèves.
Quatrième principe : Lorsque les élèves parlent d’idées dans un domaine, ils utilisent un langage précis et rigoureux
Que ce soit lors d’échanges avec toute la classe, au sein d’un groupe de pairs ou dans leurs productions autonomes, les élèves doivent être soutenus dans leurs usages d’un langage scientifique rigoureux. Apprendre à s’exprimer et communiquer correctement est une partie importante de l’apprentissage. Il est une condition à une compréhension en profondeur des contenus futurs.
Un parallèle peut être fait avec le développement professionnel. Les enseignants savent que lorsqu’ils doivent apprendre eux-mêmes, ils doivent se saisir personnellement des nouvelles idées et se les approprier. Ils doivent les confronter aux leurs et les mettre en pratique concrètement dans leur pratique, afin que ces éléments nouveaux (concepts ou approches) aient un sens pour eux et pour leurs collègues. Il en va de même pour l’apprentissage de leurs élèves.
Cinquième principe : Lors de l’apprentissage, le retour d’information indique aux élèves comment s’améliorer
Il est important de réfléchir à la manière dont le retour d’information affecte la motivation et l’estime de soi des élèves. Le retour d’information peut être de deux types soit il porte sur la personne, soit il porte sur les processus :
Lorsque la rétroaction porte sur la personne de l’élève
- Il tend à cataloguer l’élève en tant que bon ou mauvais élève, voire moyen, en mettant l’accent sur le jugement global par les notes ou le classement des élèves les uns par rapport aux autres.
- Il contribue à développer l’implication de l’ego et ses effets sont négatifs.
- Il décourage les élèves les moins performants. Il fait également en sorte que les élèves les plus performants évitent des tâches s’ils ne peuvent pas être certains de leur succès. L’échec serait considéré comme une mauvaise nouvelle pour eux plutôt que comme une opportunité d’apprendre.
Lorsque la rétroaction porte sur les processus mis en œuvre par l’élève :
- L’accent n’est pas mis sur la personne, mais sur les forces et les faiblesses du travail en question.
- L’accent est mis sur ce qui doit être fait pour s’améliorer.
- Elle permet de développer l’implication dans les tâches. Ses effets sont positifs, car il peut encourager tous les élèves, quelles que soient leurs réalisations passées, à voir qu’ils peuvent faire mieux en essayant, et qu’ils peuvent apprendre de leurs erreurs et de leurs échecs.
Une mise en œuvre collaborative en école pour des pratiques d’enseignement efficace
Le fait de dire aux enseignants comment ils devraient faire mieux, peut être perçu offensant si ces conseils proviennent de personnes qui ne partagent pas leurs problèmes quotidiens.
Les changements de pratique induits par l’évaluation formative ne sont pas aisés à mettre en œuvre. Le développement de l’évaluation formative va nécessiter le développement de nouvelles ressources adéquates, de meilleures questions et de commentaires adéquats sur l’évaluation du travail.
L’évaluation formative nécessite des changements dans la manière dont les enseignants travaillent avec les élèves. Nous touchons au cœur du métier, aux habitudes, ce qui représente des défis. Ceux-ci peuvent être perçus comme étant contraires à certains aspects de la politique d’évaluation de l’école ou à certaines conceptions des enseignants.
Pour faire face à de telles difficultés potentielles, le contexte d’une communauté d’apprentissage professionnelle est à la fois précieux et fondamental dans le cadre du développement de l’évaluation formative.
Ce développement doit disposer d’un plan collectif :
- Le premier élément essentiel est que l’équipe doit bénéficier du soutien de la direction. Cela peut impliquer une certaine indulgence, pour s’écarter de certaines règles de l’école sur l’évaluation. Celles-ci peuvent concerner des tests sommatifs fréquents ou l’accumulation de notes dont les moyennes sont pondérées selon divers facteurs dans le carnet de notes de l’élève.
- Le second élément essentiel est que l’équipe doit être aidée à trouver des moments pour se parler longuement, pour partager les expériences, les succès et les déceptions, et pour aller observer le travail de collègues dans leurs classes. Ils doivent également avoir accès à des conseils extérieurs provenant d’intervenants disposant d’une certaine expertise.
Une première étape dans la réalisation du plan collectif sera un audit visant à déterminer quels aspects de l’évaluation formative sont déjà réalisés.
Une deuxième étape consistera à examiner les différents changements possibles et à décider lesquels essayer dès le départ. En effet, il serait trop exigeant et illusoire de tenter plusieurs nouvelles pratiques à la fois.
L’idée est que dans le cadre d’une communauté d’apprentissage professionnelles regroupant les enseignants en sciences, toute l’équipe essaye la même activité, ou différentes équipes pourraient commencer avec des activités différentes. Le plan devrait inclure un calendrier s’étendant sur au moins un an pour l’essai et l’évaluation de toutes les différentes activités.
Mis à jour le 04/08/2023
Bibliographie
Paul Black and Christine Harrison, Science inside the black box—Assessment for learning in the science classroom, GL Assessment, London, 2004
Black P, Wiliam D. Inside the Black Box: Raising Standards through Classroom Assessment. Phi Delta Kappan. 2010;92(1):81-90. doi:10.1177/003172171009200119
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