samedi 20 février 2021

Un format de développement professionnel pour l’évaluation formative

Un développement professionnel consacré aux pratiques des enseignants devrait toujours avoir pour enjeu l’amélioration de l’expérience scolaire et des résultats des élèves.

(Photographie : Mitch Epstein)


L’évaluation formative et ses démarches forment à ce titre un candidat idéal. Dans de nombreuses disciplines scolaires, dans différents pays et pour des apprenants d’âges différents, l’utilisation de l’évaluation formative semble être associée à des améliorations très nettes de la qualité de l’apprentissage. D’après les données probantes issues de la recherche à travers différentes méta-analyses, l’évaluation formative est probablement l’un des moyens les plus efficaces — et peut-être le plus efficace — d’augmenter les résultats des élèves. Hattie (2009) a établi une taille d’effet de 0,90 pour l’évaluation formative, ce qui est conséquent.



Exigences liées à l’établissement d’un processus d’évaluation formative


Selon Paul Black et Dylan Wiliam (2009), la pratique dans une classe est formative dans la mesure où :

  • Les preuves concernant les résultats des élèves sont obtenues, interprétées et utilisées par les enseignants, les élèves eux-mêmes ou leurs pairs. 
  • Ceux-ci prennent des décisions sur les prochaines étapes de l’enseignement ou de l’apprentissage. 
  • Ces décisions sont susceptibles d’être meilleures ou mieux fondées que celles qu’ils auraient prises en l’absence des preuves obtenues.

Si l’évaluation formative implique certaines démarches de la part de l’enseignant, il en est de même pour l’élève. L’efficacité de l’évaluation formative nécessite que les élèves fassent un choix entre :

  • Fournir les efforts nécessaires et utilisés en vue de l’amélioration de leurs résultats d’apprentissage.
  • Viser la continuité d’un bien-être immédiat qui se traduirait en peu de changements à moyen et long terme et ne permettrait pas de réelle amélioration des résultats.


Ainsi le succès de l’évaluation formative dépend non seulement de son pilotage par l’enseignant, mais aussi de la prise en considération de la rétroaction par les élèves à travers des efforts ciblés et suffisants.




La complexité de la mise en œuvre des processus de l’évaluation formative


Nous devons l’avouer, la mise en œuvre de l’évaluation formative est une tâche complexe et difficile. Des mises en place systémiques, globales et imposées à large échelle, structurées, imposées et rigides ne garantissent en rien l’effet escompté. Il n’y a pas actuellement de système éprouvé aisément transposable qui fonctionnerait toujours dans n’importe quel contexte face à n’importe quel type d’élèves.

Toutefois, selon Wiliam et Thompson (2007), il existe des preuves solides en faveur de l’évaluation formative. Des démarches d’évaluation formative simples et organisées à l’échelle de l’heure de cours peuvent avoir au fur et à mesure un impact profond sur les résultats des élèves. L’évaluation n’est pas une alchimie, mais son effet est fonction du respect strict de certains principes clés.

Selon Yeh (2006), un certain nombre d’études montrent que ce qu’il appelle l’évaluation formative rapide, sous forme d’évaluations menées de deux à cinq fois par semaine, peut améliorer de manière significative l’apprentissage des élèves.

Sur une échelle de temps encore plus courte, Black, Harrison, Lee, Marshall et Wiliam (2003) décrivent une expérience avec un groupe d’enseignants de mathématiques et de sciences. Ils les ont aidés à développer leur utilisation de l’évaluation formative sur le fil, c’est-à-dire en direct. Ils ont constaté que même lorsqu’elle est mesurée par des évaluations standardisées, les gains en matière de résultats des élèves sont substantiels.

Il y a des données probantes en suffisance qui montrent qu’il est possible à échelle réduite de reproduire en situation de classe réelle les effets mis en évidence par la recherche. 



Déterminer le contenu, puis le processus dans un développement professionnel touchant les pratiques des enseignants, et visant un impact sur l’apprentissage des élèves


Les communautés d’apprentissage professionnelles sont souvent préconisées comme une solution idéale pour l’amélioration de l’enseignement et le développement professionnel des enseignants, mais cela revient à faire passer le processus avant le contenu. 

Les communautés d’apprentissage professionnelles sont de bons moyens d’atteindre certains objectifs, mais beaucoup moins efficaces pour d’autres. Elles ne sont pas une solution en elle-même. Par exemple, si nous voulons améliorer les connaissances des enseignants, les communautés d’apprentissage professionnelles seraient un moyen plutôt inefficace d’y parvenir. Une forme d’enseignement explicite délivré par des experts peut parfois être efficace. C’est pourquoi le processus doit venir après le contenu. 

Nous devrions d’abord décider quels types de changements dans l’enseignement auront le plus grand impact sur les résultats des élèves, et ensuite — et seulement ensuite — nous devrions trouver la meilleure façon de garantir ces changements. 

En d’autres termes, nous devrions d’abord déterminer le contenu de l’apprentissage des enseignants, puis choisir le processus pour atteindre cet objectif.

Pour réussir, le développement professionnel des enseignants doit se concentrer à la fois sur le contenu et sur le processus, mais le contenu doit venir en premier. En d’autres termes, nous devons nous concentrer sur ce que nous voulons que les enseignants changent. Puis nous devons comprendre comment aider les enseignants à effectuer ces changements que ce soit par l’intermédiaire de communautés d’apprentissage professionnelles ou par du coaching pédagogique ou un mélange des deux. La manière d’aider les enseignants à modifier leur pratique lorsqu’ils retournent dans leur classe est essentielle.




La nécessité d’un équilibre entre souplesse et fidélité, entre enjeux généraux et spécifiques dans la mise en œuvre de pratiques d’enseignement à l’échelle d’une école


Le niveau optimal de mise en œuvre de l’évaluation formative est celui d’un établissement scolaire qui cherche à redéfinir son mode d’évaluation. Toutefois, nous devons bien prendre en compte la difficulté d’une mise en œuvre générale à grande échelle et le succès d’une mise en œuvre à échelle réduite.

Une école se trouve à mi-chemin entre ces extrêmes :

  • Il semble que certains aspects cruciaux des interventions liées à l’évaluation formative ne peuvent pas être transmis à grande échelle. Ces aspects ont besoin d’être adaptés, d’être appropriés localement et d’être contextualisés par des équipes réduites d’enseignants.
  • Parallèlement, une école a besoin de se définir un modèle cohérent, lisible, unique et équitable pour bien fonctionner.


Lorsque nous prenons l’échelle de l’école, les enjeux spécifiques sont :

  • D’instaurer autant que possible un dialogue qui vise et mène à de la cohérence et à un consensus sur les sujets de l’enseignement et l’apprentissage parmi les enseignants de diverses disciplines. 
  • Toutefois, nous devons également respecter les spécificités liées à l’âge des élèves et aux diverses matières. Enseigner à un élève de onze ans n’est pas la même démarche qu’à des élèves de dix-sept ans. Enseigner les mathématiques n’est pas enseigner l’histoire.


Le modèle de l’évaluation formative adopté doit faire preuve de suffisamment de souplesse pour pouvoir être adapté aux circonstances contextuelles où l’enseignant intervient :

  • Pour lui permettre de rencontrer l’impact attendu
  • Afin de tirer parti de toutes les opportunités qui s’offrent à nous pour améliorer l’intervention. 


Le modèle adopté pour l’évaluation formative doit être suffisamment rigide pour que toute modification apportée conserve une fidélité suffisante à la conception d’origine. Nous devons pouvoir donner une assurance raisonnable que l’intervention ne subira pas de mutation létale. Le terme de mutation létale est utilisé pour décrire le phénomène par lequel une pratique bénéfique en classe devient néfaste par des changements dont l’apparence peut sembler minime et anodine pour ceux qui l’appliquent.

La démarche suggère d’adopter un cadre à la fois strict sur certains aspects cruciaux et souple sur d’autres aspects plus secondaires. Ce cadre doit combiner :

  • Une adhésion qui garantit la conformité aux principes centraux de la conception du modèle.
  • Des adaptations aux besoins, aux ressources, aux contraintes et aux particularités qui apparaissent dans le cadre de l’école. La condition est que ces adaptations n’entrent aucunement en conflit avec les processus même de l’intervention.


Un certain nombre de principes apparaissant importants pour soutenir les enseignants dans le développement de la pratique de l’évaluation formative. Ce sont le choix, la flexibilité, les petits pas, la responsabilité et le soutien.



Laisser le choix des priorités et privilégier l’action sur les points faibles dans un développement professionnel portant sur les pratiques des enseignants


À l’échelle d’un établissement, nous supposons généralement que pour s’améliorer, les enseignants devraient spécifiquement s’attacher à développer ce qui constitue les points faibles de leur pratique. 

Pour certains enseignants, il est évident que certains aspects peuvent être réellement problématiques et devraient être prioritaires dans leur développement professionnel. 

Le point de vue opposé à cette idée est que des avantages plus importants pour les élèves peuvent être issus du développement de l’expertise de ces enseignants dans leurs domaines de prédilection. Même s’ils sont déjà un point fort de leur pratique. 

Il y a trois avantages immédiats :

  • Les enseignants sont plus motivés à s’investir dans un apprentissage professionnel pour lequel ils ont des affinités claires et pour lequel ils disposent déjà de bonnes connaissances préalables. À l’opposé, ils seront peu motivés à s’investir dans un domaine pour lequel ils ne ressentent pas d’affinités personnelles.
  • Lorsque les enseignants décident de manière autonome des sujets qu’ils souhaitent privilégier pour leur propre développement professionnel, ils sont plus susceptibles de faire en sorte que ça fonctionne et se traduise par un changement positif. 
  • En adoptant ce type de démarche, nous accroissons les ressources en expertise locale au sein d’un établissement. Celles-ci sont susceptibles de diffuser par la suite grâce au travail collaboratif et à un coaching pédagogique local.

Laisser le choix permet également de mettre fin aux modèles traditionnels typiquement descendants de développement professionnel des enseignants, où leur sont délivrées des idées et des pistes à tester dans leurs classes. 

Une réaction habituelle liée à ce type d’approche est de blâmer par la suite à la fois le formateur ou l’initiateur hiérarchique initiateur du développement professionnel. Cela arrivera dès que se présentent des difficultés ou une situation d’échec liée à l’application des nouvelles méthodes en classe. 

Nous pouvons laisser pour une part le choix à l’enseignant en ce qui concerne les aspects de sa pratique qu’il souhaite développer. Dès lors, sa responsabilité est plus spontanément engagée, afin d’assurer et de garantir une mise en œuvre efficace est partagée dans le cadre d’un partenariat. 




Laisser une part de flexibilité tout en posant les bases de la fidélité dans un développement professionnel portant sur les pratiques des enseignants


Les enseignants ont besoin de faire preuve d’une certaine flexibilité pour comprendre et adapter les techniques d’évaluation formative qui leur sont présentées. Eux seuls connaissent leur contexte de classe exact. 

Le principal danger qui se pose est qu’un enseignant dénature une idée jusqu’au stade où elle en perd son potentiel d’efficacité. Nous parlons alors d’une mutation létale.

Nous devons trouver un moyen d’accorder aux enseignants une certaine souplesse, tout en limitant l’utilisation de cette souplesse afin que les modifications apportées aux idées originales n’affaiblissent pas indûment leur efficacité. 

La piste proposée pour y parvenir est de clarifier la distinction entre les stratégies et les techniques d’évaluation formative.



Les cinq stratégies clés du modèle de l’évaluation formative


Pour définir les stratégies d’évaluation formative (Wiliam & Thompson, 2008), trois processus clés impliqués dans l’évaluation formative sont identifiés :

  1. Identifier vers où ils vont (ce que l’élève doit atteindre)
  2. Identifier où en sont les apprenants dans leur progression face à leurs apprentissages (là où l’élève en est actuellement)
  3. Identifier les mesures à prendre pour y parvenir (comment atteindre les objectifs d’apprentissage).

En considérant les rôles joués par l’enseignant (a), l’élève (b) et ses pairs (c) dans ces processus, neuf cases sont obtenues. 

Elles qui ont été regroupées sous forme des cinq stratégies clés de l’évaluation formative :


Chacune de ces cinq stratégies constitue le point de départ pour l’analyse et la réflexion sur un certain nombre de questions plus générales relatives à l’enseignement. 

Elles peuvent porter sur les contenus à enseigner, la science de l’apprentissage et la forme pédagogique privilégiée (plus généralement l’enseignement explicite).

Pour chacune de ces cinq stratégies clés, un certain nombre de techniques spécifiques en classe sont répertoriées :

  • Ces techniques peuvent appartenir à une ou à plusieurs des cinq stratégies clés.
  • Ces techniques prennent la forme de pratiques validées par des preuves. 
  • Les enseignants sont libres d’adopter les techniques qu’ils souhaitent en prenant en compte leur contexte, à partir du moment où ils recouvrent suffisamment les cinq stratégies clés.


Phase de préparation


La première stratégie consiste à clarifier, partager et comprendre les objectifs d’apprentissage et les critères de réussite. Ceux-ci sont essentiellement conçus par l’enseignant et communiqués à ses élèves dès que leur enseignement démarre.

Il incombe aux enseignants d’expliciter les objectifs d’apprentissage grâce à des critères de réussite qui peuvent rendre visible l’apprentissage à atteindre. Les élèves doivent développer une compréhension claire et précise des attentes.


Prise en charge de l’enseignant


La deuxième stratégie concerne le rôle de l’enseignant une fois qu’il a clairement défini les objectifs d’apprentissage, qu’il les a partagés et a commencé à enseigner. 

Rapidement, durant ce processus il doit régulièrement déterminer où en sont les élèves dans leurs apprentissages. Il doit recueillir des preuves orales ou écrites, formelles ou informelles des apprentissages en cours.

La troisième stratégie met l’accent sur le rôle de l’enseignant, qui doit fournir une rétroaction à ses élèves. Il leur précise non seulement où ils en sont, mais aussi les mesures à prendre pour faire progresser leur apprentissage. Cette rétroaction implique également l’enseignement prodigué que l’enseignant peut être amené à adapter en fonction du retour d’information récolté.

Placer l’élève au centre du processus


Les deux dernières stratégies visent à placer l’élève au centre du processus et à lui transférer progressivement la responsabilité des apprentissages.

Il faut partir du constat que les décisions les plus importantes prises en classe ne sont finalement pas prises par les enseignants. L’enseignant a beau se démener à développer les approches pédagogiques les plus efficaces, ses élèves auront le dernier mot. S’ils ne sont pas preneurs du guidage et des conseils que leur propose l’enseignant et ne s’engagent pas concrètement dans l’apprentissage et dans la prise en compte de la rétroaction, celui-ci perdra son temps.

La quatrième stratégie met l’accent sur le rôle que l’évaluation par les pairs peut jouer pour soutenir l’apprentissage des élèves. Elle précise également que le but de l’évaluation par les pairs dans un cadre d’évaluation formative n’est pas de juger le travail d’un pair, mais de l’améliorer.

La cinquième stratégie souligne que l’objectif ultime est toujours d’aboutir à des élèves autonomes, qui dans les dernières étapes deviennent capables de se réguler pour pleinement répondre aux objectifs d’apprentissage.



Relever le défi du transfert de la responsabilité des apprentissages à travers les processus d’évaluation formative


Transfert de la responsabilité des apprentissages


Trop souvent, en particulier dans les situations à enjeux élevés, nous pensons que nous pouvons générer l’apprentissage pour l’élève. L’enseignant n’a accès qu’à des pratiques d’enseignement.

Qui crée l’apprentissage ? Ce ne sont pas les enseignants, ce sont les élèves qui créent l’apprentissage.

Cela permet de soulever un problème : dans de nombreuses classes, les enseignants travaillent beaucoup et les élèves peu.

L’idée est qu’à la fin d’une journée scolaire, un élève aura travaillé plus, intellectuellement, qu’un enseignant, qu’il se soit plus fatigué.

La nécessité de transférer la responsabilité des apprentissages est un équilibre à trouver entre deux positions extrêmes non désirables
  • D’un côté des enseignants essaient de toute faire pour inciter et contraindre l’apprentissage pour leurs élèves, ce qui les dispense d’en prendre eux-mêmes la responsabilité et de développer de l’autonomie.
  • De l’autre côté, certains enseignants peuvent estimer qu’il ne s’agit pas de leur responsabilité et qu’ils ne sont là que pour proposer des activités attrayantes et faciliter l’apprentissage de leurs élèves.
L’enseignement est complexe et l’on ne peut recourir à l’un de ces deux extrêmes. On ne peut pas assurer l’apprentissage à la place d’un élève et on ne peut pas non plus considérer qu’il peut y arriver seul.

Dylan Wiliam définit l’enseignement comme ingénierie de l’apprentissage efficace. Il s’agit de créer les situations dans lesquelles les élèves apprennent :
  • Parfois, il faut leur dire ce qu’ils doivent faire
  • Parfois, il faut les faire travailler seul
  • Parfois, il faut leur demander de s’entraider. 

En adoptant des démarches d’évaluation formative, nous devons savoir exactement trois choses :

  1. Quels sont les objectifs du processus d’apprentissage visés par l’enseignement ?
  2. Où se trouve un élève en ce moment
  3. Ce qu’il doit faire pour y arriver.


Fréquence de l’évaluation formative et de la rétroaction


Une évaluation formative régulière peut avoir une incidence importante sur l’apprentissage. Mais jusqu’à quel rythme ? D’après Dylan Wiliam, si on observe que des contrôles fréquents sont associés à des niveaux plus élevés de réussite, une périodicité des contrôles inférieure à deux semaines semble ne plus apporter de bénéfices supplémentaires.



Avancer par petits pas dans un développement professionnel portant sur les pratiques des enseignants


Des performances de haut niveau dans un domaine complexe comme l’enseignement nécessitent l’automatisation d’une grande partie des actions en classe orchestrées par les enseignants. 

L’apprentissage professionnel des enseignants va impliquer le développement de nouveaux automatismes à la place des anciens par une pratique délibérée. Parallèlement, les enseignants vont adapter leurs modèles mentaux. 

C’est un processus lent qui doit être à la fois délibéré, soutenu et distribué dans le temps. Des habitudes qui prennent la forme de procédures automatisées sont extrêmement difficiles à modifier. Pour que les changements de pratique soient durables, ils doivent être intégrés dans la routine existante de l’enseignant. Cela prend du temps. 

Nombre des changements de pratique associés à la mise en œuvre de l’évaluation formative ne sont pas seulement difficiles à modifier parce qu’ils demandent de changer des habitudes. Ils contredisent également des croyances largement répandues et parfois fortement ancrées concernant, par exemple, la valeur des notes en tant que facteur de motivation pour les élèves. 

Même lorsque les enseignants sont convaincus de la valeur d’approches telles que le fait de fournir uniquement par un commentaire, ils peuvent souvent être dissuadés de les essayer. Des collègues plus anciens qui considèrent les innovations comme étant des utopies ou des lubies déconnectées de la réalité de l’enseignement peuvent s’employer à les décourager. 

Même si nous sommes pressés d’aider les enseignants à améliorer leur pratique, nous devons nous hâter lentement, petit pas par petit pas, en accompagnant. 

Il est utile d’engager les enseignants dans une planification de l’action. Celle-ci reprend de manière détaillée les changements qu’ils prévoient d’apporter à leur enseignement. Il est préférable d’adopter une approche très structurée. 

  1. Le plan d’action doit identifier un petit nombre de changements que les enseignants vont apporter à leur enseignement. Lorsque les enseignants essaient de changer plus de deux ou trois choses dans leur pratique en même temps, le résultat est souvent que leur routine de classe se détériore de manière significative. Ils se rabattent alors sur les routines avec lesquelles ils se sentent à l’aise ou en sécurité. Comme dans l’histoire de la tortue et du lièvre, les enseignants qui essaient de changer trop de choses en même temps finissent par faire moins de progrès que ceux qui font de petits changements graduels et gérables.
  2. Le plan doit être mis par écrit. En écrivant le plan, nous avons plus de chances d’y réfléchir pendant que nous l’écrivons. Nous rendons nos idées plus concrètes et nous créons également un dossier, ce qui signifie que nous avons moins de chances d’oublier ce que nous avons prévu de faire.
  3. Le plan doit se concentrer sur les cinq stratégies clés de l’évaluation formative. Nous devons donner la priorité aux changements susceptibles de bénéficier aux élèves.
  4. Le plan doit identifier ce que les enseignants espèrent réduire ou abandonner pour avoir du temps pour les changements :
    • La plupart des enseignants travaillent aussi dur qu’ils le peuvent, donc s’ils considèrent ces changements comme un ajout à leur charge, il est peu probable qu’ils ne soient jamais mis en œuvre. 
    • Pour trouver du temps pour ces changements, le plan d’action doit identifier quelque chose que l’enseignant fait actuellement et qu’il va arrêter de faire, ou faire moins. 
    • La seule façon de dégager du temps pour de nouvelles pratiques est de réduire, ou d’arrêter complètement, d’autres pratiques utilisées, afin de dégager du temps pour l’innovation.



Associer soutien et responsabilité dans un développement professionnel portant sur les pratiques des enseignants


Soutien et responsabilité peuvent être considérés comme les deux faces d’une même pièce. 

Cette pièce est une caractéristique essentielle des environnements d’apprentissage efficaces pour les enseignants. Nous parlons d’une forme de responsabilisation positive des enseignants. 

L’idée centrale est la création de structures qui, tout en rendant les enseignants responsables du développement de leur pratique, leur fournissent également le soutien nécessaire pour y parvenir. 

La création de cette responsabilité de soutien peut se faire de plusieurs manières. L’une d’entre elles consisterait à affecter un coach à chaque enseignant, mais cela coûterait cher et il n’est pas certain du tout qu’il y ait suffisamment de coachs disponibles.

Les exigences d’une extensibilité de principe tendent à trouver un équilibre entre le coaching pédagogique et l’idée de créer des communautés d’apprentissage professionnelles incluant les enseignants. 

Le processus de planification de l’action peut être considéré à la fois comme une mesure de responsabilisation et comme un soutien aux enseignants pour changer leur pratique. 

Le fait de prendre un engagement par écrit de ce que les enseignants vont essayer dans leur classe est important et symbolique. L’idée de coucher leurs plans sur papier est utile, tant pour concrétiser leurs plans que pour s’engager envers leurs pairs. 



Structuration et organisation d’un développement professionnel portant sur les pratiques des enseignants


Siobhán Leahy et Dylan Wiliam (2012) détaillent les conditions d’organisation d’un développement professionnel liée à l’implantation des démarches d’évaluation formative à l’échelle d’un établissement scolaire. Leurs conclusions sont issues de leur propre expérience de mise en œuvre. 


Rythme et durée des sessions


Dans un premier temps, leur programme consistait en ce qu’un formateur rencontre toutes les deux ou trois semaines des groupes de quatre à six professeurs de mathématiques du secondaire. Le but était de discuter des changements qu’ils tentaient d’apporter à leur pratique.

À la suite de ce travail, il est apparu qu’un cycle de deux semaines ne laissait pas suffisamment de temps aux enseignants concernés. Ils ne parvenaient pas à planifier et à mettre en œuvre des changements dans leur pratique dans les temps pour pouvoir en rendre compte lors de la réunion suivante. 

En revanche, les mises en œuvre qui impliquaient des réunions à intervalles de six semaines ou plus semblaient perdre de leur élan. 

Cela les a conduits à l’adoption d’un cycle mensuel de réunions qui a persisté dans le temps. Aucun élément ne suggère que des intervalles d’environ quatre semaines de cours entre les réunions ne sont pas un optimum, du moins en ce qui concerne les changements de pratique liés à l’évaluation formative. 

En ce qui concerne la durée des rencontres, il est apparu qu’un temps de réunion mensuel de 75 minutes devrait être un minimum absolu. 


Taille des groupes


Il leur est également apparu qu’il y avait un nombre minimum de participants nécessaire pour qu’une réunion soit efficace. Il était d’environ huit enseignants. Les réunions avec moins de huit participants nécessitaient souvent une contribution importante du responsable ou de l’animateur du groupe. C’était d’autant plus le cas lorsque des absences occasionnelles pour cause de maladie ou d’autres facteurs réduisaient encore la taille du groupe.

Bien qu’un soutien aussi intensif de la part de l’animateur puisse offrir un environnement d’apprentissage efficace aux participants, un tel modèle a peu de chances d’être modulable et efficace dans la durée. 

En tant que limite haute, il leur est apparu que lorsque le groupe est bien au-delà de douze personnes, il n’y a pas assez de temps pour entendre les réactions de chaque membre du groupe.

Étant donné qu’un jour donné, un ou deux enseignants sont susceptibles d’être absents pour diverses raisons, il est recommandé de constituer des groupes de dix à douze personnes. Nous nous assurons qu’ils comptent toujours au moins huit participants.



Engagement et composition


De nombreux enseignants participant aux communautés d’apprentissage estiment que le fait de savoir qu’ils seraient tenus responsables de rendre compte à leurs collègues de ce qu’ils avaient mis en place les motive. Cela les influence positivement à s’engager plus et plus naturellement.

Cette responsabilité face à leurs pairs les a poussés à donner la priorité aux démarches de fond liées à la modification de leurs pratiques en classe. Elles ont pris le dessus sur toutes les urgences quotidiennes de la vie d’un enseignant. 

Il leur est apparu que les enseignants appréciaient grandement de se réunir au sein de groupes réunissant plusieurs matières. Cela leur permettait d’être confrontés à des idées venant d’enseignants d’autres matières ou d’élèves d’âges différents. 

Le risque lié à cette situation est que régulièrement, un enseignant pourra utiliser les suggestions d’autres membres du groupe en affirmant que cette idée ne fonctionnerait pas pour sa propre matière ou pour l’âge de ces élèves. 

Nous devons établir un juste milieu pour à la fois diminuer cette tentation sans pour autant ne pas prendre que des enseignants qui enseignent la même matière à des élèves du même âge. 

Les enseignants ont besoin de rencontrer un certain soutien disciplinaire. Chaque enseignant d’un groupe doit avoir au moins un correspondant enseignant à des élèves du même âge ou de la même matière. Toutefois, la possibilité de conversations approfondies sur les matières est susceptible d’être limitée lorsque le groupe est composé d’individus ayant des spécialités différentes.

Un modèle adopté par certaines écoles, qui semble bien fonctionner, consiste à commencer par des modèles mixtes ou hybrides. Puis, après un an ou deux, nous nous orientons vers des groupes plus spécialisés, ce qui permet d’approfondir la conversation. 


Structuration des sessions de développement professionnel


Dans le cadre d’un développement professionnel portant sur l’évaluation formative, il y a un avantage réel à adopter une structure standard pour les réunions mensuelles. 

Le danger que nous rencontrons quand nous varions les approches est celui de privilégier la nouveauté et l’effet de surprise pour garder l’intérêt. Dans ce cas, la structure de l’apprentissage prime sur le contenu de l’apprentissage. Beaucoup de temps sera consacré à l’apprentissage de la structure de l’apprentissage, plutôt qu’à l’apprentissage lui-même.

Il est mieux de mettre la structure en arrière-plan à l’aide d’une organisation prédéfinie de sorte que l’apprentissage lui-même puisse être mis au premier plan. Le principe est d’organiser chaque réunion autour des mêmes activités, qui se déroulent dans le même ordre à chaque réunion mensuelle, de manière à maximiser l’apprentissage.

Ainsi, les enseignants qui participent savent clairement les rôles qu’ils doivent jouer, à la fois en matière de compte-rendu de leurs propres expériences et de soutien aux autres. 


1) Introduction (5 minutes) 


L’ordre du jour de la réunion est distribué et les intentions d’apprentissage pour la réunion sont présentées. 


2) Activité de départ (5 minutes) 


La prise d’engagement des participants consiste en une activité destinée à les aider à se concentrer sur leur propre apprentissage.


3) Rétroaction (25 minutes) 


Chaque enseignant présente un bref rapport sur ce qu’il s’est engagé à essayer lors de la section plan d’action personnelle, lors de la réunion mensuelle précédente. Le reste du groupe écoute avec attention et bienveillance. Il offre ensuite son soutien, de même que des conseils pour aider l’enseignant à progresser face à son plan personnel. 


4) Nouvel apprentissage sur l’évaluation formative (20 minutes) 


L’enjeu est d’un élément neuf lors de chaque réunion de développement professionnel. Nous fournissons un flux constant de nouvelles idées. Chaque réunion comprend une activité qui introduit de nouvelles idées liées à l’évaluation formative. Il peut s’agir d’une tâche, d’une vidéo à regarder et à discuter, ou d’un retour sur une lecture. Les enseignants peuvent également discuter d’un chapitre de livre ou d’un article pertinent pour l’évaluation formative qu’ils ont lu au cours du mois écoulé. 


5) Plan d’action personnel (15 minutes) 


L’avant-dernière activité de chaque session implique que chacun des participants planifie en détail ce qu’il prévoit d’accomplir avant la prochaine réunion. Il peut s’agir d’essayer de nouvelles idées ou simplement de consolider des techniques déjà expérimentées. 

C’est également un bon moment pour les participants de planifier toute observation par les pairs qu’ils prévoient d’entreprendre. Ils peuvent inviter d’autres enseignants à venir les observer dans leur classe. Si les participants quittent la réunion sans avoir fixé une date et une heure précises pour s’observer mutuellement, l’observation par les pairs a beaucoup moins de chances d’avoir lieu. 


6) Résumé de l’apprentissage (5 minutes) 


Au cours des cinq dernières minutes de la réunion, le groupe examine s’il a atteint les objectifs d’apprentissage qu’il s’était fixés au début de la réunion. Si ce n’est pas le cas, le groupe évalue la marche à suivre pour ajuster la situation. 

Ces réunions apportent à la fois soutien et responsabilité. Ces réunions sont utiles pour les enseignants, car elles leur permettent d’obtenir des conseils sur la manière d’avancer lorsqu’ils sont bloqués. Elles créent également une forte mesure de responsabilité pour les enseignants afin de mettre en œuvre leur plan d’action.



Assurer le suivi des principes jusqu’aux produits dans un développement professionnel portant sur les pratiques des enseignants


L’un des principaux facteurs motivant les cinq principes identifiés ci-dessus est que chaque enseignant est un professionnel. En tant que tel, il élabore des plans pour son propre développement professionnel et il bénéficie du soutien de collègues eux-mêmes professionnels et partageant les mêmes idées pour mener à bien ces plans. 

La mise en œuvre de l’évaluation formative au sein d’un établissement, bénéfice de la création de communautés d’apprentissage professionnelles. Des matières qui se prêtent typiquement bien à ces démarches sont les mathématiques, les sciences et les langues modernes étrangères. Ces communautés peuvent prévoir des moments d’échange régulier dédiés au travail collaboratif sur ces sujets. Il apparait que les enseignants apprécient de parler de leur pratique d’une manière structurée dans de tels contextes. 

Lorsque les pratiques d’évaluation formative sont intégrées dans les activités quotidiennes des enseignants en classe, il est possible d’augmenter de manière importante les résultats des élèves. 

Les données actuellement disponibles suggèrent qu’il n’y a pas d’autre approche qui peut avoir un impact équivalent pour le même investissement. 

De plus, il existe des données probantes qui suggèrent la manière dont les enseignants peuvent être aidés à développer leur utilisation de l’évaluation formative au sein d’un établissement scolaire. 


Mise à jour le 19/07/2023


Bibliographie


Dylan Wiliam, Embedding Formative Assessment, 2015, Learning Sciences International

Leahy, Siobhán & Wiliam, Dylan. (2012). From teachers to schools: Scaling up professional development for formative assessment. 10.4135/9781446250808.n4.

Hattie, J. (2009). Visible learning: A synthesis of over 800 meta-analyses relating to achievement. New York, NY:

Black, P. J., & Wiliam, D. (2009). Developing the theory of formative assessment. Educational Assessment, Evaluation and Accountability, 21(1), 5–31.

Wiliam, D., & Thompson, M. (2007). Integrating assessment with instruction: what will it take to make it work? In C. A. Dwyer (Ed.), The future of assessment: shaping teaching and learning (pp. 53–82). Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum Associates.

Yeh, S. S. (2006). Raising student achievement through rapid assessment and test reform. New York, NY: Teachers College Press.

Black, P., Harrison, C., Lee, C., Marshall, B., & Wiliam, D. (2003). Assessment for learning: putting it into practice. Buckingham, UK: Open University Press.

Dylan Wiliam, What formative assessment is and isn’t, 2020, https://youtu.be/nfAutEWaqOE

Wiliam, D; Thompson, M; (2008) Integrating Assessment with Learning: What Will It Take to Make It Work? In: Dwyer, CA, (ed.) The Future of Assessment: Shaping Teaching and Learning. (pp. 53–82). Routledge: New York, NY, USA. 

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