jeudi 11 février 2021

L’entrainement cognitif n’améliore pas l’intelligence

Un entrainement de la mémoire de travail, la pratique des échecs, d’un instrument de musique ou des jeux vidéo peut-il améliorer de façon générale les capacités cognitives d’un individu ? La réponse serait plutôt négative.

(Photographie : McNair Evans)


La capacité cognitive générale (g)


La capacité cognitive générale que nous pouvons également appeler g de Spearman ou plus simplement l’intelligence est une construction scientifique (statistique) bien établie en psychologie. 

L’intelligence est associée de manière positive à un grand nombre de retombées socialement pertinentes dans la vie de l’individu. L’intelligence est corrélée positivement aux résultats scolaires et professionnels, aux revenus et même à la santé ou à la longévité d’un individu. 

L’intelligence est dès lors une ressource fondamentale pour la société. C’est d’autant plus le cas lorsque les individus peuvent préserver, développer et entretenir leurs compétences tout au long de leur vie. 

Dès lors, il y aurait un enjeu réel et important à concevoir et à mettre en œuvre des programmes d’entrainement cognitif dont le but serait d’améliorer la capacité cognitive générale des individus à tout âge. Plus particulièrement, il serait intéressant de favoriser son développement chez les enfants et les adolescents, et de ralentir son déclin chez les personnes âgées. 




Hypothèse liée à l’entrainement cognitif


L’entrainement cognitif est un domaine florissant. De fait, de nombreuses pistes sont explorées et de nombreuses propositions sont avancées. Elles sont liées par exemple aux troubles de l’apprentissage ou à la pratique musicale, ou aux échecs. Certaines explorent le développement des jeux vidéo stimulant spécifiquement certaines capacités ou visent l’entrainement de la mémoire de travail ou de l’attention.

Le champ de l’entrainement cognitif est vaste :

  • L’entrainement à la mémoire de travail stimulerait l’intelligence fluide, car ces deux constructions cognitives ont une contrainte de capacité en commun.
  • Les jeux vidéo d’action pourraient améliorer l’inférence probabiliste, de même que les capacités visuelles et attentionnelles des joueurs.
  • Les échecs et la musique requièrent un large éventail de compétences cognitives telles que l’attention centrale, le raisonnement et la mémoire de travail. Par conséquent, la pratique de ces activités pourrait avoir une influence positive sur la capacité cognitive générale.


La recherche sur l’entrainement du cerveau avance divers arguments allant des propriétés de la neuroplasticité jusqu’à des hypothèses plus élaborées. Celles-ci portent par exemple sur les effets supposés de l’entrainement à la discrimination sensorielle sur le traitement de l’information.

De nombreuses formes d’entrainement cognitif reposent sur une hypothèse générale. Selon celle-ci, la capacité cognitive générale (g de Spearman ou intelligence) d’une personne pourrait être améliorée par la pratique de telles tâches cognitives ou de ces types d’activités intellectuellement exigeantes.



L’inadéquation de l’hypothèse de l’entrainement cognitif face au modèle de Cattel-Horn-Carroll


Il est utile de considérer ces hypothèses dans le cadre d’un modèle de l’intelligence actuel, le modèle de Cattel-Horn-Carroll. 

Pour une présentation du modèle de l’intelligence de Cattel-Horn-Carroll, nous renverrons vers l’article suivant : Quel modèle de l’intelligence pour l’éducation ?

Le modèle de Cattel-Horn-Carroll ne fait aucune prévision spécifique ou directe sur la possibilité d’améliorer la capacité cognitive générale par un entrainement. Néanmoins, il fournit un cadre théorique utile pour envisager les implications des affirmations sur les avantages présumés de l’entrainement cognitif. 

Si nous considérons l’hypothèse générale de l’entrainement cognitif comme valide, la participation à des activités d’entrainement cognitif est susceptible de mobiliser la strate I (g de Spearman). Cette dernière stimule une ou plusieurs compétences cognitives (strate II) ou même l’une ou l’autre capacité spécifique (strate III). 

Les compétences cognitives encouragées augmenteraient une ou plusieurs capacités spécifiques de la strate III qui, à leur tour, exerceraient une influence positive sur toutes les mesures des strates II et I. Il y aurait une capacité de distribution et de diffusion large des effets localisés à un ensemble plus large. Il s’agit de phénomènes que le modèle de Cattel-Horn-Carroll ne prévoit pas.




L’inadéquation de l’hypothèse de l’entrainement cognitif face au cas des compétences spécifiques


Il est clairement établi que l’engagement dans des programmes d’entrainement cognitif améliore les performances sur la tâche concernée et sur des tâches similaires. 

Cependant, si nous considérons l’hypothèse générale, ces activités sont également censées stimuler la capacité cognitive générale ou, du moins, certaines de ses composantes fondamentales telles que l’intelligence fluide, la mémoire ou la vitesse de traitement.

Des recherches substantielles dans le cadre des sciences de l’éducation et de la psychologie de l’expertise offrent des conclusions convergentes. Elles ont établi que l’acquisition de compétences par un individu est largement basée sur des connaissances perceptuelles et conceptuelles spécifiques à un domaine. Les compétences cognitives acquises dans un domaine ne sont pas facilement transférables à un autre domaine. 

En raison de cette spécificité, la généralisation de ces connaissances à travers différents domaines, également appelée transfert lointain, se produit rarement.

En outre, plus la compétence est spécialisée, moins il y a de chevauchement entre les compétences, et plus le transfert est difficile.

Des compétences spécifiques à un domaine ne peuvent pas être transférées de manière générale. Il semble dès lors improbable qu’une activité spécifique, du type de celles monopolisées dans un entrainement cognitif puisse avoir un impact sur la capacité cognitive générale ou sur une compétence cognitive générale d’un domaine.

La faiblesse des hypothèses liées à un entrainement cognitif telles que celles liées à l’usage des programmes spécifiques, des jeux vidéo, des échecs ou de la pratique musicale a un dénominateur commun improbable. C’est l’idée que l’amélioration des mécanismes cognitifs généraux d’un domaine est un sous-produit de la formation spécifique à un domaine spécifique.



Le bilan des méta-analyses face à l’hypothèse de l’entrainement cognitif 


Complétant la mise en perspective dans le cadre du modèle de Cattel-Horn-Carroll et la difficulté du transfert de compétences spécifiques, des méta-analyses se sont intéressées aux différentes approches d’entrainement cognitif. Les résultats sont clairs, les hypothèses avancées dans le cadre des différentes approches d’entrainement cognitif ne disposent pas d’un solide soutien empirique.

Différentes méta-analyses ont été effectuées et leurs résultats sont très cohérents. Dans tous les domaines examinés, l’entrainement cognitif n’a qu’un effet minimal sur les compétences cognitives générales du domaine considéré.

Les programmes de formation cognitive, s’ils améliorent les compétences qui sont formées, n’améliorent pas la capacité cognitive générale ni aucune de ses composantes. 

Si l’usage de programmes d’entrainement cognitif ne génère pas de bénéfices appréciables. D’autres pratiques aux bénéfices plus plausibles pour améliorer les performances cognitives devraient être privilégiées.

Nous allons maintenant développer ces diverses conclusions dans différents domaines.

 


L’inadéquation de l’hypothèse de l’entrainement cognitif face à la plasticité neurale


La plasticité neurale a été proposée comme l’un des liens entre les programmes d’entrainement cognitif et une amélioration cognitive subséquente. La plasticité neurale représenterait le médiateur crucial de ce processus. Des régimes d’entrainement cognitif produisent des changements fonctionnels et anatomiques dans le système neuronal qui, à leur tour, expliquent les améliorations de la fonction cognitive.

La performance dans les tests d’intelligence est associée à des modèles neuronaux :

  • Fonctionnels : par exemple, l’activation de différentes zones du cerveau lors d’une tâche complexe
  • Anatomiques : par exemple, le volume de matière grise dans des zones particulières du cerveau. 

Le cerveau d’experts tels que les musiciens professionnels, les maîtres d’échecs et les joueurs de jeux vidéo assidus présente des schémas neuronaux fonctionnels et anatomiques spécifiques à leur domaine. 

Cependant, les preuves corrélationnelles et transversales ne nous disent rien sur la direction de la causalité. Il n’est pas possible d’établir dans quelle mesure ces schémas neuronaux sont le résultat d’un entrainement ou s’ils existaient auparavant.

Cependant, des changements fonctionnels et parfois structurels induits par l’entrainement ont été observés après des interventions basées sur la musique, l’entrainement à la mémoire de travail et l’entrainement aux jeux vidéo. En ce qui concerne les échecs, des modèles neuronaux structurels et fonctionnels particuliers ont été observés chez les experts.

Dans le cas des tâches liées à la mémoire de travail, les experts utilisent des régions cérébrales de leur mémoire à long terme qui ne sont généralement pas utilisées par les novices. En dehors de ces situations, l’apparition de corrélats neuronaux particuliers chez les experts et les participants soumis à des régimes d’entrainement cognitif est assez constante. 

Toutefois, les méta-analyses, comme nous y reviendrons, montrent que l’impact des programmes d’entrainement cognitif sur l’intelligence et les compétences cognitives est substantiellement nul. 

Cette situation suggère un découplage entre les changements neuronaux observés et les compétences cognitives générales du domaine. Il est probable que les changements neuronaux observés après les interventions de formation cognitive reflètent l’amélioration de la capacité à exécuter les tâches formées et, parfois, des tâches similaires. 

Par exemple, un entrainement prolongé aux échecs et à la musique peut entrainer des changements neuronaux localisés. Ceux-ci qui permettent d’effectuer des tâches spécifiques à un domaine, comme récupérer des connaissances dans la mémoire à long terme et les utiliser. En revanche, l’intelligence et les compétences cognitives générales d’un domaine sont probablement exprimées par des processus neuronaux plus holistiques. 



Cas des jeux vidéo


Depuis leur diffusion mondiale dans les années 80, les jeux vidéo représentent l’une des activités de loisirs les plus populaires auprès des jeunes et des adultes. En raison de leur pertinence sociétale, l’impact des jeux vidéo commerciaux sur le comportement humain est un sujet d’intérêt majeur en recherche. 

Comme d’autres activités de formation cognitive, le jeu vidéo est exigeant sur le plan cognitif : capacité spatiale, vitesse de traitement, traitement visuel et attentionnel, ou planification. Il semble donc raisonnable de proposer que la pratique de ces jeux améliore les fonctions cognitives.

De nombreuses expériences d’ampleur réduite ont montré que les joueurs de jeux vidéo surpassent les non-joueurs dans un large éventail de tests cognitifs. Cependant, ces premiers résultats positifs ont rarement été reproduits. De manière plus préoccupante, certaines grandes études n’ont pas réussi à reproduire ces résultats. 

La méta-analyse de Sala (et coll., 2018) montre que la corrélation entre les compétences en matière de jeux vidéo et les compétences cognitives est modérée par la façon dont les compétences en matière de jeux vidéo sont mesurées. Selon leurs propres enquêtes méta-analytiques, l’effet réel de l’entrainement aux jeux vidéo sur l’intelligence est proche de zéro, voire nul. 

De nombreuses études utilisent le nombre d’heures par semaine de pratique du jeu vidéo comme indicateur de la compétence en matière de jeu vidéo. Cependant, le nombre d’heures consacrées à une activité n’est pas nécessairement une bonne mesure de la qualité de cette activité. Cela s’applique également au jeu vidéo. La performance évaluée par les scores des jeux vidéo est une mesure plus fiable. 

Leur méta-analyse montre qu’aucune corrélation n’a été observée entre la fréquence de pratique des jeux vidéo et une quelconque compétence cognitive. Cependant, il existe une corrélation modérée entre la performance des jeux vidéo et certaines compétences cognitives, comme la capacité spatiale, dans des types particuliers de jeux vidéo.

Cependant, il n’y a pas de preuve d’une corrélation globale entre l’habileté au jeu vidéo et la capacité cognitive générale dans l’aptitude aux jeux vidéo.

Toutes les grandes méta-analyses sur le sujet s’accordent pour dire que les joueurs de jeux vidéo surpassent les non-joueurs dans de nombreuses tâches cognitives différentes. La méta-analyse de Sala (et coll., 2018) montre qu’une fois corrigées des biais de publication, les estimations deviennent relativement faibles en matière de différences. 



Cas de la musique


Les études transversales et corrélationnelles ont toujours montré une relation claire entre la pratique musicale et une capacité cognitive générale supérieure. Les musiciens surpassent souvent les non-musiciens dans les tâches cognitives liées à leur domaine d’expertise, par exemple, le rappel des notes et la discrimination des accords. Ils les surpassent aussi dans un large éventail de compétences cognitives générales telles que la mémoire, l’intelligence fluide et la vitesse de traitement. Il est donc naturel de postuler un lien de cause à effet possible entre le fait de s’engager dans la musique et une capacité cognitive générale supérieure.

Dans leur méta-analyse sur le sujet, Sala et Gobet (2017) n’ont mis en évidence qu’un faible effet global de l’enseignement de la musique sur les compétences cognitives et les résultats scolaires des enfants. Leurs analyses montrent que la variabilité observée dans les études primaires est principalement due au type de groupe de contrôle (actif ou passif). Lorsque le groupe formé à la musique est comparé à un groupe de contrôle actif, les effets sont proches de zéro ou nuls. Par conséquent, les avantages de la formation musicale ne vont pas au-delà d’un effet placebo.

Une étude de Mosing (et coll., 2016) a montré que les jumeaux formés à la musique ont le même QI que leurs jumeaux correspondants non formés. 

Dans le même ordre d’idées, une autre étude de Swaminathan et coll. (2017) a montré que, si l’intelligence des musiciens est en corrélation avec l’aptitude musicale, elle n’est pas en corrélation avec la quantité de formation musicale. 

Ces conclusions constituent une preuve substantielle que la musique n’améliore pas l’intelligence ni aucune autre compétence cognitive générale. Au contraire, ce que les méta-analyses établissent est que les personnes intelligentes sont plus susceptibles de s’engager et de réussir dans le domaine de la musique. 




Cas des échecs 


Les études sur les échecs avec une conception corrélationnelle ou transversale fournissent des preuves solides d’une relation positive entre le jeu d’échecs et les compétences cognitives. Les maîtres d’échecs montrent systématiquement un avantage sur les novices dans les tâches de rappel et de détection avec du matériel spécifique au domaine. En outre, comme dans le cas de la musique, les échecs permettent de prédire une capacité cognitive générale supérieure. 

La méta-analyse de Burgoyune et coll. (2016) a montré que la compétence aux échecs est en corrélation positive avec un large éventail de mesures des compétences cognitives. Les joueurs intelligents jouent mieux aux échecs. 

La méta-analyse de Sala et coll. (2017) montré que les joueurs d’échecs présentent des compétences cognitives globalement supérieures à celles des non-joueurs d’échecs. 

Jouer aux échecs n’offre aucun potentiel de transfert d’avantages dans d’autres domaines. Il n’y a pas de données probantes pour étayer cette affirmation. 

Selon Sala (et coll., 2017), apprendre à jouer aux échecs peut parfois avoir un effet positif sur l’apprentissage des élèves, mais cela se limite à l’arithmétique dans l’enseignement primaire et secondaire. En outre, cet effet positif n’est que de courte durée, rien ne permet de penser que les bénéfices soient plus durables et permanents. De plus, la qualité générale de la conception des études primaires dans le domaine est médiocre. Seules quatre études ont comparé les échecs avec des activités alternatives. Elles n’ont pas établi d’effets significatifs de traitement. Il n’est pas possible d’exclure la possibilité que les effets observés soient dus à un effet placebo. 



Entrainement de la mémoire de travail


La capacité de la mémoire de travail représente la quantité d’informations qu’elle peut traiter à un moment donné. Elle est corrélée avec des mesures de l’intelligence fluide et générale, du contrôle cognitif et des capacités en mathématiques et en lecture.

La mémoire de travail joue un rôle fondamental dans l’apprentissage. Pour cette raison, il a été affirmé que l’augmentation de la capacité de la mémoire de travail par l’entrainement peut favoriser plusieurs compétences cognitives générales et, par conséquent, la capacité cognitive générale. 

L’étude méta-analytique la plus influente et la plus complète dans ce domaine, celle de Melby-Lervåg et coll. (2016) est sceptique quant aux prétendus avantages de l’entrainement de la mémoire de travail. Alors qu’elle semble améliorer les performances des tâches de mémoire, aucun effet appréciable n’est observé dans les mesures de l’intelligence verbale et non verbale. 

Le manque de bénéfice généralisé est particulièrement évident lorsque les groupes traités sont comparés à des groupes de contrôle actifs afin d’éliminer les effets placebo potentiels. 

Ce schéma de résultats a été reproduit dans deux autres méta-analyses examinant les effets de l’entrainement de la mémoire de travail. L’une portait sur des adultes en bonne santé (Soveri, A. et al. [2017]). L’autre portait sur des enfants et jeunes adolescents au développement normal (Sala et Gobet, 2017). Ces différentes méta-analyses ont notamment mis en évidence des effets quasi nuls non seulement sur les tests d’intelligence, mais aussi sur les mesures du contrôle cognitif et des compétences scolaires. 




Entrainement cérébral 


Le terme entrainement cérébral regroupe des jeux informatiques spécifiquement conçus pour améliorer les compétences cognitives. Les programmes d’entrainement cérébral comprennent généralement une série d’activités visant à renforcer plusieurs compétences cognitives de base telles que la vitesse de traitement, la gestion du temps et le raisonnement. 

L’amélioration de ces mécanismes cognitifs est censée accroître l’intelligence et de ce fait, les performances scolaires et professionnelles. Cependant, à ce jour, il n’y a pas de données probantes pour soutenir l’idée que les programmes d’entrainement cérébral améliorent l’intelligence. Les résultats des recherches plaident plutôt en faveur de l’hypothèse nulle selon laquelle les programmes d’entrainement cérébral n’exercent pas d’effets appréciables sur la cognition. 



Autres programmes d’entrainement cognitif 


D’autres régimes d’entrainement cognitif ont été récemment examinés. L’entrainement à la flexibilité cognitive a été exploré, de même que l’entrainement à la commutation de tâches, l’entrainement spatial, l’apprentissage du raisonnement relationnel, la méditation (pleine conscience) ou l’entrainement cognitif multimodal. Conformément aux conclusions présentées ci-dessus, aucun de ces types d’entrainement ne semble exercer d’effets appréciables sur la fonction cognitive globale. 



Rejeter l’hypothèse des bienfaits de l’entrainement cognitif sur la capacité cognitive générale


Giovanni Sala et Fernand Gobet (2019) concluent sur une note sceptique face aux prétendus avantages cognitifs des programmes de formation cognitive. Ils les étendent à d’autres considérations plus générales que nous allons reprendre ici. 

Premièrement, il apparait que l’éducation en elle-même n’a qu’un faible impact sur l’intelligence. L’éducation exerce des effets plus importants sur les tests évaluant les compétences enseignées à l’école plutôt que sur les tests de QI. En outre, les légères améliorations de QI observées, associées à des années supplémentaires de scolarité, semblent se limiter à des sous-tests spécifiques ou être influencées par l’acquisition d’autres compétences telles que la lecture et les mathématiques. 

Des années d’activités scolaires exigeantes sur le plan cognitif n’améliorent que marginalement l’intelligence ou ses composantes essentielles (par exemple, la capacité de la mémoire de travail et la vitesse de traitement). Il est dès lors hautement improbable que quelques heures d’entrainement cognitif puissent y arriver.

Deuxièmement, l’intelligence est un facteur essentiellement héréditaire. La conséquence est que, contrairement aux compétences spécifiques à un domaine, elle est difficilement malléable face aux facteurs environnementaux tels que l’éducation et la formation. 

Troisièmement, les recherches sur la psychologie de l’expertise ont montré de manière constante que le transfert lointain est rare. L’acquisition de compétences est basée sur des informations conceptuelles et perceptives spécifiques à un domaine. La formation spécifique à un domaine ne favorise pas l’intelligence. En d’autres termes, les avantages d’une formation particulière ne vont pas au-delà des tâches formées et, au mieux, des tâches similaires. 

En conclusion, améliorer l’intelligence par un entrainement cérébral, quel qu’il soit, est scientifiquement peu plausible. 

Selon Giovanni Sala et Fernand Gobet (2019), l’impossibilité d’entrainer l’intelligence doit être considérée comme une particule élémentaire dans le modèle standard de la cognition humaine. De même, l’absence de bénéfices cognitifs généralisés devrait être considérée comme un test décisif fondamental pour les théories des sciences cognitives.

Les théories de la performance doivent être préférées aux théories soutenant l’hypothèse selon laquelle la formation peut affecter les compétences cognitives générales d’un domaine.

Les théories qui mettent l’accent sur la difficulté du transfert lointain doivent être préférées aux théories qui sont plus optimistes sur le transfert lointain. Une implication pratique importante est que l’enseignement scolaire et la formation professionnelle devraient se concentrer sur des matières spécifiques à un domaine et éviter la formation cognitive générale à un domaine. 

Il nous faut humblement reconnaître que les avantages associés à la formation se limitent aux tâches formées et, parfois, à des tâches similaires. 


Mis à jour le 03/07/2023

Bibliographie


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Sala, G. et coll. (2018) Video game training does not enhance cognitive ability: a comprehensive meta-analytic investigation. Psychol. Bull. 144, 111–139 

Burgoyne, A.P. et al. (2016) The relationship between cognitive ability and chess skill: a comprehensive meta-analysis. Intelligence 59, 72–83 

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Soveri, A. et al. (2017) Working memory training revisited: a 64. multi-level meta-analysis of n-back training studies. Psychol. Bull. Rev. 24, 1077–1096 

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Mosing, M.A. et al. (2016) Investigating cognitive transfer within the framework of music practice: genetic pleiotropy rather than causality. Dev. Sci. 19, 504–512 

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