samedi 16 janvier 2021

Mobiliser les objectifs d'apprentissage sous forme de questions et de défis pour activer l’effet prétest

Un facteur clé en enseignement explicite est d’introduire les objectifs d'apprentissage avant leur modelage. 

Il est également conseillé de les introduire sous forme de défis pour les élèves, ni trop simples, ni trop complexes de manière à nourrir leur motivation et stimuler leur engagement à les résoudre.

Un facteur supplémentaire peut rentrer en jeu dans leur énoncé. C’est l’effet prétest qui incite à introduire les objectifs sous forme de questions.

(Photographie : Katherine Wolkoff)



L’effet prétest


Le fait de tester de manière formative nos élèves sur des contenus précédemment enseignés et compris promeut l’établissement d’un apprentissage durable et profond en mémoire à long terme. C’est ce qu’on appelle l’effet de test qui alimente l’intérêt de s’investir dans de la pratique de récupération (quiz, vérification de la compréhension, devoirs, évaluation formative, pratique autonome, apprentissage autonome…). 

À côté de cela, organiser un quiz court en entrée de cours sur la matière précédemment vue va également favoriser l’apprentissage de nouveaux contenus par la suite, ce qui augmente le rendement du cours qui suit. C’est ce que nous appelons l’effet de potentialisation du test.

Un troisième effet a été documenté et mis en évidence par Lindsey E. Richland et ses collègues (2009), c’est l’effet prétest qui nous intéresse dans le présent article. 

L’effet prétest consiste à inviter des élèves à réfléchir à certaines questions sur un sujet nouveau pour eux, avant de poursuivre avec l’enseignement correspondant. 

Les élèves n’ont, à ce moment-là, pas les connaissances nécessaires pour répondre adéquatement à ces questions. Néanmoins, de cette mise en questionnement est issu l’effet prétest qui sera susceptible d’améliorer l’apprentissage ultérieur des contenus concernés.




L’impact de l’effet prétest sur la mémorisation


Dans l’étude menée par Lindsey E. Richland et ses collègues (2009), les questions proposées exigeaient des participants qu’ils fournissent des explications déclaratives. 

Il était peu probable qu’ils puissent répondre sur la base de leurs connaissances préalables. De fait, les réponses fournies étaient erronées. Les participants étudiaient ensuite un document explicatif sur le même sujet avant d’être testés.

La première expérience a eu pour but de mettre en évidence qu’un prétest améliore la mémorisation ultérieure, malgré des réponses insatisfaisantes lors d’un prétest.

Les participants ont été affectés au hasard à deux conditions :

  • Une étude prolongée
  • Une condition prétest suivie d’une étude des mêmes contenus. 

Les participants ont été soit testés (2 minutes) avant l’apprentissage (8 minutes), soit on leur a donné du temps supplémentaire pour étudier (2 + 8 minutes). 

Tous les participants ont ensuite été immédiatement soumis à un test. 

Il est apparu que le prétest améliorait l’apprentissage d’un contenu éducatif malgré le fait que les réponses étaient incorrectes. 

L’échec au prétest a augmenté la mémorisation du contenu étudié par rapport à une étude prolongée sans prétest.

De ce constat, deux interprétations différentes sont possibles : 

  1. Le prétest attire l’attention des apprenants sur les points clés ce qui facilite l’étude ultérieure. 
  2. Tenter de trouver une réponse apporte un avantage supplémentaire, au-delà de l’impact de la direction de l’attention. 



L’impact des questions prétest sur la direction de l’attention


L’interprétation la plus immédiate et évidente de l’effet prétest repose sur l’impact les comportements d’apprentissage intentionnels des élèves. 

Des recherches antérieures vont dans le même sens. Rothkopf et Bisbicos (1967) ont constaté que le fait de poser à des participants des questions dont les réponses étaient des nombres conduisait à une meilleure rétention de toutes les informations numériques dans un texte traité par la suite. Les participants devenaient plus attentifs sur le type d’informations qu’il était important d’apprendre. 

De la même manière, des recherches ont montré que des individus sont plus attentifs à la lecture d’un texte lorsque les questions complémentaires sont entremêlées à celui-ci (Reynolds & Anderson, 1982).

Dans cette perspective, l’usage d’un prétest semble non seulement activer les connaissances préalables des élèves, mais aussi attirer leur attention sur le contenu qui sera présenté en classe dans la foulée. 

Mais l’effet prétest se limite-t-il vraiment à une action sur l’attention ?

Dans l’expérience 2 ou 3, toutes les phrases testées étaient en italique ou en gras. C’est-à-dire que les éléments de contenu importants sur lesquels portaient les questions du prétest étaient mis en évidence dans le texte à étudier par la suite. En attirant typographiquement l’attention des participants sur les aspects des passages qui seraient testés, l’attention était orientée vers le contenu spécifique qui devait être appris.

L’enjeu était d’annuler l’effet sur l’attention et d’égaliser celle-ci vers les concepts clés du texte. Cette démarche est susceptible de révéler un effet prétest plus large. 

Dans les deux expériences, les données ont révélé des avantages pour la situation prétest par rapport à l’octroi de temps supplémentaire pour l’étude du même contenu.

Ces résultats montrent que l’effet prétest se manifeste au-delà d’une simple orientation de leur attention ultérieure.

Il apparait que le prétest crée ainsi des opportunités d’apprentissage plus riches que l’étude prolongée des mêmes éléments, même lorsque les informations clés sont en évidence dans les supports. 



Liens entre l’effet prétest et l’oubli


Lindsey E. Richland et ses collègues (2009) se sont alors demandé si cet effet était durable ou uniquement temporaire.

Lors de l’expérience 4, les éléments importants ont été mis en gras dans le texte, comme lors de l’expérience 3, mais le test suivant l’étude a été effectué après un délai d’une semaine.

L’expérience 4 a démontré que le prétest peut affecter positivement l’apprentissage de contenus éducatifs même après un délai d’une semaine, prolongeant ainsi les résultats des expériences 1 à 3. 

Une fois de plus, les résultats suggèrent que le prétest offre un avantage unique et durable, au-delà du fait qu’il permet d’attirer l’attention des apprenants sur des contenus qui pourraient être testés ultérieurement. 

Un autre fait intéressant est que l’ampleur des effets de l’expérience 4 était comparable à celle des effets de l’expérience 3. Cette constatation suggère que, contrairement à l’effet de test, l’effet prétest ne semble pas ralentir le taux d’oubli, le mécanisme semble donc différent. 



Liens entre l’effet prétest et un niveau d’un traitement approfondi


Lors d’une cinquième expérience, Lindsey E. Richland et ses collègues (2009) ont cherché à déterminer si l’effet prétest était lié :

  • Soit à la connaissance des questions prétest.
  • Soit au fait que les participants ont essayé d’y répondre avant de découvrir et d’étudier les contenus. 

L’effet prétest peut-il être attribué à la tentative infructueuse de répondre ou à la simple prise en considération des questions qui le constituent ? 

En dehors de l’orientation de l’attention, deux hypothèses peuvent être posées :

(a) Les questions prétest peuvent fournir un cadre organisationnel et structurel qui influence la mémorisation en guidant l’apprentissage futur

(b) Le fait d’essayer de répondre aux questions du prétest peut induire un traitement approfondi plus efficace que la simple lecture du contenu durant le même temps en guidant les interactions à venir et le comportement. 

Si la première hypothèse l’emporte, alors, la simple lecture des questions avant d’étudier peut-être aussi efficace que la tentative d’y répondre. Peut-être l’est-elle même plus si le fait de répondre incorrectement aux questions entraîne la rétention de ces mauvaises réponses. Dans ce cas, les questions prétest gagneraient à être des simples énoncés déclaratifs. La connaissance du contenu des questions fournirait un avantage mnémonique direct.

Si la deuxième hypothèse l’emporte, les questions du prétest favoriseraient un niveau de traitement ultérieur plus profond que la simple lecture. Cela permettrait de mieux organiser les informations de la phrase dans l’esprit des participants et de les rendre récupérables lors d’un test ultérieur. La réflexion au sujet de la réponse pourrait indirectement améliorer l’apprentissage.

Des recherches antérieures (Pressley et coll. [1990]) avaient déjà montré que les avantages du prétest étaient plus importants que les avantages de la simple visualisation des questions avant l’apprentissage. 

Lors de la cinquième expérience, une troisième condition était ajoutée, durant laquelle les participants devaient, avant de lire le passage, mémoriser les questions du test sans essayer d’y répondre. Le fait d’essayer de mémoriser les questions induit un niveau de traitement relativement profond, les participants se concentrant sur l’intégration de la structure sémantique des phrases du test. 

Les résultats de l’expérience 5 ont prolongé les conclusions des expériences précédentes démontrant l’avantage de tenter de retrouver une réponse à une question, même lorsque la tentative est infructueuse. 

Tenter de répondre à une question prétest est plus efficace que de lire la même question et d’essayer de la mémoriser sans essayer de retrouver la réponse. 

Ces résultats suggèrent que les avantages du prétest vont au-delà de l’orientation de l’attention et de l’aide à l’organisation des connaissances. Ils incluent des avantages au niveau d’un traitement approfondi.



Liens entre l’effet prétest et l’autorégulation


L’effet prétest montre qu’il y a un avantage à répondre et à réfléchir à des questions même quand le résultat de la démarche est infructueux. Ces avantages sont même susceptibles de perdurer au-delà d’une semaine. 

Lindsey E. Richland et ses collègues (2009) ont montré que si les questions de prétest peuvent orienter l’attention des participants sur les informations importantes, cette attention ne peut pas expliquer l’étendue de l’effet du prétest. De plus, l’effet prétest peut dépasser les avantages liés au soutien à l’organisation des structures de connaissances. Il existe également un effet au niveau de la profondeur du traitement. 

Autre résultat important, ces questions de prétest ne nécessitent pas de temps supplémentaire et n’ont pas affecté les éléments non testés. La conclusion principale est que l’utilisation de questions de prétest peut améliorer en soi l’apprentissage futur.

Lindsey E. Richland et ses collègues (2009) avancent deux raisons qui d’un point de vue cognitif peuvent expliquer l’effet prétest :

(a) Le renforcement des voies de recherche entre la question et la bonne réponse : une tentative de recherche ratée peut avoir pour fonction d’affaiblir ou de supprimer les erreurs, plutôt que de les renforcer.

(b) La recherche d’une réponse peut encourager un traitement approfondi de la question d’une manière que la simple lecture de la question ne permet pas. 

Une autre dimension intéressante est le lien entre l’effet prétest et l’autorégulation. Les réponses erronées correspondent à des échecs constructifs dans le cadre de l’effet prétest dans la mesure où ils améliorent l’apprentissage futur correspondant. Ce processus semble favoriser les processus d’autorégulation, de sorte que les élèves prennent conscience de ce qu’ils ne savent pas actuellement. De cette manière, l’usage de prétests peut atténuer une partie de la pression, et de l’anxiété qui accompagne l’évaluation de manière générale et favoriser une pratique délibérée. 



Mobiliser l’effet prétest dans un contexte de rétroaction et d’évaluation formative


La principale implication de l’effet prétest est que le fait de confronter un élève à une question à laquelle il ne peut pas actuellement répondre a le potentiel d’améliorer son apprentissage futur. 

L’utilisation de questions de prétest en tant qu’événements d’apprentissage dans des contextes éducatifs pourrait avoir des avantages durables pour l’acquisition de contenus par les élèves. 

De cette manière, l’effet prétest vient compléter l’effet de test et l’effet de potentialisation du test. Si ces derniers se centrent sur des contenus déjà enseignés, l’effet prétest se centre lui sur des contenus à enseigner et devient particulièrement signifiant durant les premières phases d’un apprentissage.

Une façon de préparer les élèves à l’acquisition future de connaissances est de leur demander de répondre ou de réfléchir à des questions avant d’étudier et avant que nous ne leur enseignions ces mêmes éléments.

Les questions du prétest attirent de manière appropriée l’attention sur le contenu clé, activent les connaissances préalables, participent à l’organisation des connaissances futures et pavent le chemin du traitement cognitif approfondi qui sera nécessaire. 

Une condition nécessaire à l’expression de l’effet du prétest est que les élèves aient la possibilité d’apprendre les informations sur lesquelles ils ont été testés précédemment que ce soit par un enseignement ou un travail personnel. 

Il doit donc exister un alignement étroit entre le prétest et les possibilités d’apprentissage ultérieures. L’enjeu est une conceptualisation des prétests en tant qu’événements d’apprentissage de manière à améliorer l’apprentissage ultérieur. De même, l’effet prétest montre qu’il est non seulement crucial, mais également avantageux que les élèves aient la possibilité de réétudier les contenus pour lesquels ils ont échoué lors d’une évaluation formative.

L’effet prétest peut se traduire en des applications concrètes au sein d’une démarche d’enseignement explicite. Il peut être mobilisé pour : 

  1. Évaluer les connaissances préalables des élèves avant d’entamer une nouvelle matière par l’intermédiaire d’un questionnaire afin de stimuler la compréhension des nouveaux contenus et la création de liens signifiants. Ce processus va permettre aux élèves de combler plus efficacement les écarts existants tout en fournissant un diagnostic à l’enseignant.
  2. Présenter et introduire les objectifs d'apprentissage sous forme de défis ou de questions sur lesquelles les élèves réfléchissent avant que les contenus ne soient enseignés. De cette façon, nous pouvons attirer et obtenir l’attention des élèves en début de cours vers les nouveaux contenus et mieux les préparer à y accéder.
  3. Cela correspond également à l’introduction de questions en introduction de supports de cours ou à l’intérieur de celui-ci. L’intégration de ces questions dans un contenu pédagogique, spécifiquement juste avant que l’élève n’ait à le traiter peut rendre l’enseignement et l’apprentissage plus efficaces.
  4. L’introduction d’organisateurs graphiques assez tôt dans le processus d’enseignement confrontant l’élève à une vision complète et structurée des contenus à venir. Même s’il ne comprend pas tout à ce moment, il a une vision de l’organisation des contenus et du type de traitement qui sera attendu de sa part.
  5. L’observation d’expériences présentées dans un cours de sciences ou de documents dans une autre matière dont la modélisation de contenus ne suivra que dans un second temps. L’élève mis en questionnement guidé sera par la suite plus réceptif au modelage de l’enseignant.
  6. Le fait de former les élèves à la pratique de l’autoquestionnement en tant que stratégie cognitive améliore leur pensée critique et leur capacité à construire des connaissances à partir de l’enseignement à venir (King, 1994). 

Ainsi dans le cadre de l’effet prétest, l’objectif n’est pas tant que les élèves répondent à la question donnée, car ils n’y arriveront globalement pas. L’enjeu est qu’ils initient des processus pour lesquels ils tireront des bénéfices ultérieurs en matière d’apprentissage.

L’effet prétest permet d’intégrer à peu de frais un peu plus d’activation cognitive des élèves durant la phase d’enseignement. Il contribue à une prise en considération de l’évaluation formative comme d’un élément essentiel participant pleinement au processus d’apprentissage et non comme une simple mesure des apprentissages effectués.

Souvent, les élèves et les enseignants considèrent que l’épreuve du test permet seulement d’estimer dans quelle mesure les informations sont apprises. La recherche a plutôt révélé que c’est un événement participant très directeur au processus d’apprentissage. Il est dès lors intéressant de l’intégrer durant toutes les phases de l’apprentissage en tant que stratégie d’acquisition de connaissances.

L’effet prétest montre que les avantages des tests peuvent s’étendre aux questions auxquelles nous ne répondons pas correctement. L’échec aux questions ne doit pas être assimilé à celui d’un apprentissage futur, mais à un plus grand potentiel de réussite si les efforts ultérieurs sont fournis.


Mis à jour le 28/05/2023


Bibliographie


Richland L.E., Kornell N, Kao LS. The pretesting effect: do unsuccessful retrieval attempts enhance learning? J Exp Psychol Appl. 2009 Sep;15(3):243-57. doi: 10.1037/a0016496. PMID: 19751074.

King, A. (1994). Guiding knowledge construction in the classroom: Effects of teaching children how to question and how to explain. American Educational Research Journal, 31, 338–368.

Rothkopf, E. Z., & Bisbicos, E. E. (1967). Selective facilitative effects of interspersed questions on learning from written materials. Journal of Educational Psychology, 58, 56–61. 

Reynolds, R. E., & Anderson, R. C. (1982). Influence of questions on the allocation of attention during reading. Journal of Educational Psychology, 74, 623–632. 

Pressley, M., Tanenbaum, R., McDaniel, M. A., & Wood, E. (1990). What happens when university students try to answer prequestions that accompany textbook material? Contemporary Educational Psychology, 15, 27–35. 

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