samedi 7 novembre 2020

Pilotage des communautés d’apprentissage professionnelles et du travail collaboratif des enseignants

Que savons nous de l'efficacité collective des enseignants, du travail collaboratif et des communautés d'apprentissage professionnelles ?

(Photographie : The River)




L'importance du facteur d'efficacité collective des enseignants selon Hattie


Un concept mis en avant par John Hattie comme ayant une taille d’effet particulièrement importante (d=1.57) dans le cadre de son projet Visible Learning a été la notion d’efficacité collective des enseignants. Elle dérive de la notion d’auto-efficacité.

Selon l’évaluation de John Hattie et de son équipe, l’effet de l’efficacité collective des enseignants serait deux fois plus important que celui de la rétroaction (d=0.70). Il serait presque trois fois plus important que l’effet de la gestion de classe (d=0.62).

Une lecture superficielle et trop rapide de cette conclusion mènerait les écoles à investir massivement dans le travail collaboratif des enseignants ou dans leur participation à des communautés d’apprentissage professionnelles. Ces deux processus sur papier seraient naturellement intrinsèquement bénéfiques. 

Ce n’est pas le cas et il faut quelques précautions pour que ces approches puissent générer un impact sur l’apprentissage scolaire des élèves et l’apprentissage professionnel des enseignants. C’est l’objet de cet article.



L'efficacité collective des enseignants, un indicateur plus qu'un levier


Le problème de l’efficacité collective des enseignants n’est pas tant sa corrélation avec une amélioration de la réussite des élèves, mais savoir des deux facteurs lequel est à l’origine de l’autre 

Selon Dylan Wiliam (2020), l’efficacité collective des enseignants est un indicateur. Celui-ci est à la fois le témoin et la conséquence d’autres facteurs sous-jacents qui doivent être les réelles priorités et pistes d’amélioration. 

Même si nous pouvons avoir une influence en tant qu’enseignants, ce n’est pas parce que nous en avons la conviction que pour autant nos élèves vont naturellement progresser. Notre attention doit plutôt se porter sur notre maitrise de pratiques efficaces. Celle-ci peut se trouver au niveau de l’instruction, de l’évaluation formative, du cadre que nous posons en matière de gestion de classe ou de la relation que nous pouvons entretenir avec nos élèves.

D’une certaine manière, le sentiment d’efficacité porte sur la certitude de maitriser une forme de pratique qui a un impact et qui fait une différence chez nos élèves. Développer ce sentiment passe donc par l’acquisition d’habitudes et d’une maitrise liées à ces pratiques, c’est-à-dire par un apprentissage professionnel concret.

Il semble peu probable que l’efficacité collective des enseignants puisse être influencée directement sans jouer sur le contexte de l’école et l’apprentissage professionnel des enseignants.

Le problème de la taille d’effet considérable de l’efficacité collective des enseignants dans la cadre de l’approche Visible Learning pose problème. Cette approche développée par John Hattie ne permet pas de distinction aisée entre les facteurs manipulables et ceux qui ne sont que des corrélations. D’ailleurs comme l’explique Dylan Wiliam, le calcul de la taille d’effet de l’efficacité collective des enseignants pose un problème de validité au niveau de ses sources. 

Aucune des recherches utilisées par John Hattie et son équipe n’était une manipulation expérimentale. Tous ces travaux ne faisaient qu’examiner des corrélations. 

Ce qu’ils ont montré, c’est que dans les écoles où les élèves ont de bons résultats, nous pouvons trouver également des niveaux élevés d’efficacité collective des enseignants.

Cependant, il n’est pas du tout évident que ce soit l’amélioration de l’efficacité collective des enseignants qui est à l’origine de l’efficacité concrète au niveau des élèves. 

De plus comme le souligne Dylan Wiliam, la taille d’effet d =1,6, qui est avancée par Hattie pour l’efficacité collective des enseignants, pose un réel problème de cohérence. John Hattie lui-même écrit qu’une année d’apprentissage correspond à 0,4 écart-type en moyenne. Si nous prenons au sérieux la taille d’effet de 1,6 écart-type, cela signifie qu’avec une efficacité collective élevée des enseignants en un an, les élèves vont faire cinq ans de progrès. Cela n’est tout simplement pas crédible, c’est détaché de la réalité. Il n’y a tout simplement pas de fondement.

Ainsi, la meilleure chose à faire est que les directions d’écoles considèrent l’efficacité collective des enseignants comme un indice de l’évolution d’autres interventions.



Comprendre les enjeux du travail collaboratif en matière d'efficacité


La collaboration des enseignants peut être efficace, mais elle n’est pas en soi automatiquement un facteur favorable. L’élément à prendre en compte est l’objectif que le travail collaboratif veut remplir. 

Dans la recherche sur l’apprentissage, il existe une distinction parfois floue et imprécise entre l’apprentissage coopératif et l’apprentissage collaboratif.

En général :

  • L’apprentissage collaboratif est utilisé pour décrire l’apprentissage que les individus réalisent lorsqu’ils définissent leurs objectifs communs. 
  • L’apprentissage coopératif est décrit comme un processus par lequel l’enseignant fixe les objectifs et les élèves travaillent en coopération pour chacun les atteindre. 

Dans les deux cas, l’objectif est l’apprentissage des membres individuels. 

Dans le monde de l’entreprise par exemple, la raison pour laquelle la collaboration est valorisée est qu’elle contribue à l’établissement d’une meilleure solution. L’idée est qu’un groupe de personnes peut être capable de trouver une meilleure idée que celle que chacun d’entre eux pourrait trouver individuellement.

Ainsi, le travail collaboratif peut être utilisé pour deux perspectives distinctes : 

  • Aboutir à un apprentissage professionnel
  • Générer un résultat intéressant.

Il est important d’être clair sur l’objectif. Dans certains cas de figure, l’apprentissage coopératif peut être un désastre en matière de rendement. C’est d’autant plus le cas, quand une seule personne va fournir au sein du groupe le travail utile pour le projet :

  • Le fait de s’accorder sur les objectifs du processus et convenir de l’investissement est profitable. Est-ce que le résultat obtenu vaut l’investissement en ressources ? Est-ce que l’apprentissage généré pour tous est signifiant et important ? 
  • En matière d’investissement en temps, lorsque c’est l’apprentissage professionnel qui est visé, l’apprentissage collaboratif ou coopératif implique une augmentation massive du temps qui est consacré par le personnel. 

Dans les deux cas, la question est de savoir si l’investissement en vaudra la peine. 

Dylan William relate une forme de travail collaboratif mobilisable dont il a pu dans ses propres recherches démontrer la valeur ajoutée. Il s’agit de l’élaboration de bonnes questions pour une évaluation formative. Dans les expérimentations menées, ils ont montré que :

  • Lorsque deux enseignants travaillent ensemble sur un thème enseigné, les questions qu’ils créent sont meilleures que celles élaborées par deux enseignants qui travaillent de manière séparée. 
  • Par contre, il n’y a pas de preuve que laisser quatre enseignants travailler sur le même sujet va donner un rendement meilleur. 
  • Par conséquent, s’il y a quatre enseignants, il serait peut-être préférable qu’ils travaillent en binôme et qu’ils posent les questions séparément. Nous obtiendrions alors deux fois plus de questions pertinentes.

L’usage du temps dans le cadre du travail collaboratif doit tenir compte du coût d’opportunité. 

Une grande partie de ce qui passe pour de la collaboration ou de la coopération entre enseignants dans la cadre du travail collaboratif ou des communautés d’apprentissage professionnelles risque d’être incroyablement inefficace. 

Pas plus que dans le travail collaboratif, il n’y a rien de naturellement intrinsèquement positif ou efficace aux communautés d’apprentissage professionnelles. 

La raison principale est que souvent, cela ne permet pas d’obtenir plus que ce qui pourrait être obtenu par des personnes travaillant seules ou en binômes. 



Le concept de communauté de pratique


Dans le concept des communautés d’apprentissage professionnelles, le terme « communauté » est issu des travaux de Jean Lave et Etienne Wenger sur les communautés de pratique et l’apprentissage situé. Ces concepts seront ici transposés dans le contexte des enseignants.

La communauté de pratique est un groupe d’enseignants qui travaillent ensemble et qui sont en fait conduits à implanter et adapter et développer des solutions locales aux problèmes rencontrés dans leurs pratiques professionnelles. Après un certain temps et au fur et à mesure que ces personnes partagent leurs connaissances, leurs expériences et leurs expertises, elles apprennent ensemble. Cet apprentissage collectif informel produit des pratiques professionnelles qui reflètent à la fois l’évolution de la résolution des problèmes et les relations interpersonnelles qui se développent.

La communauté aide l’apprenant, ici l’enseignant, à créer, interpréter, réfléchir et former des significations. Elle offre des possibilités de partager des expériences et aussi d’interagir.

Ces communautés de pratiques détournent la dimension monotone et routinière du travail en développant une atmosphère agréable faite de rituels, d’habitudes, d’histoires partagées.

La participation à la communauté de pratique est basée sur le volontariat ou plutôt sur la spontanéité. Les procédures de fonctionnement interne sont établies collectivement et en dehors des cadres établis par l’organisation hiérarchique où les membres réalisent leurs activités.

Leurs échanges informels pour résoudre des problèmes concrets de leur réalité professionnelle, permettent à chaque membre d’expliciter sa pratique, de l’améliorer et même de la transformer.

La communauté de pratique est le moyen de :

  • Maintenir, enrichir et faire évoluer le savoir-faire commun nécessaire à l’exercice efficace de la profession
  • Pérenniser les pratiques jugées souhaitables (notamment à l’aide de documents de référence partagés)
  • Intégrer de nouveaux enseignants.

Ces échanges également peuvent contribuer à l’amélioration, à l’innovation, à l’anticipation et à la réflexion prospective dans le domaine d’intervention concerné.

La communauté de pratique n’a pas d’emblée une durée prescrite d’avance ni de projet unique qui canalise son énergie. Elle a une évolution lente et une grande capacité d’accueil de nouveaux membres. Dès que le problème est résolu, la communauté de pratique peut se disperser et ses membres ne restent liés que par leur amitié et leur respect mutuel. Dans la mesure où les enseignants conservent les mêmes cours, ces communautés de pratique peuvent perdurer, les enseignants gardent le contact entre pairs et partagent leur expertise.

Le concept de pratique est associé à des actions inscrites dans un contexte historique, cultural et social qui donne une structure et une signification à ce qui est accompli. Une pratique est toujours sociale.

Ce concept de pratique inclut à la fois le champ :

  • De l’explicite : vocabulaire, connaissances, outils, documents, procédures ou règle
  • Du tacite : relations implicites, conventions, hypothèses, représentations sur le monde. 




Dimensions fondamentales d’une communauté de pratique


Ces dimensions fondamentales contribuent à la cohérence d’une communauté :

  • Un engagement mutuel de la part de tous ses membres
    • Il est basé sur la complémentarité des compétences, et sur la capacité de chaque membre de mettre en lien ses connaissances avec celles des autres. 
    • Les membres d’une communauté sont amenés à s’aider mutuellement. La compétence qui consiste à savoir aider et se faire aider est en réalité plus importante que le fait d’être capable de répondre soi-même à toutes les questions que nous nous posons. 
    • Les relations de cette structure sociale sont fondées sur la réciprocité, la confiance et l’ouverture.
  • Une entreprise commune
    • Il est nécessaire de créer une entreprise commune au sein d’une communauté qui sera le sujet d’attention. 
    • Une entreprise commune ne se limite pas à accomplir un objectif ou un projet préalablement établi. Elle recouvre davantage les actions collectives dans ce qu’elles ont d’immédiat comme la négociation, la révision, la confrontation des positions pour avancer dans la constitution d’un produit commun.
    • L’entreprise commune évoluera en fonction des enjeux nouveaux qui se présentent et des problèmes ou sujets nouveaux qui surgissent.
  • Un répertoire partagé
    • Il s’agit de l’élaboration des ressources qui constituent la base pour l’action, la communication, la résolution de problèmes, la performance et la responsabilité. 
    • La création de ces ressources prend la forme des outils, des routines, des procédures, des gestes, des symboles, des concepts, etc. Avec les valeurs et des règles de fonctionnement que la communauté se propose de respecter, ce processus de création renforce le sentiment d’appartenance des membres. Il facilite la constitution de l’identité de la communauté, génère des connaissances nouvelles et coordonne l’activité.
  • Un apprentissage
    • La pratique commune est un processus d’apprentissage. L’apprentissage est le moteur de la pratique et la pratique en représente l’histoire. 
    • Les communautés de pratique se forment, se développent, évoluent et se dispersent selon le moment, la logique, la dynamique sociale et le rythme de leur apprentissage. 
    • Un apprentissage significatif influence les trois dimensions de la pratique mentionnées ci-dessus. Il s’agit de notre capacité d’engagement, de la compréhension des raisons de notre engagement et du sens de l’activité commune. 

Une communauté de pratique est définie fondamentalement comme un lieu d’échanges d’idées et d’actions et de compréhension des points de vue d’autrui. Elle permet la mise en commun des stratégies d’enseignement. Les enseignants sont amenés à expliciter leurs pratiques quotidiennes et à apprendre de leurs collègues.

La communauté professionnelle des enseignants correspond à :

  • Une mise en commun de ressources et d’expériences rendues explicites, ce qui correspond à un processus individualisé d’apprentissage réflexif.
  • Un support à la mise en œuvre partagée de pratiques nouvelles, cela correspond à un processus partagé d’apprentissage réflexif



.

Limites aux communautés de pratique


La source principale de risque lié à la communauté de pratique est un fonctionnement hermétique, en circuit fermé :

  1. Rejet des critiques et des idées externes non conformes à celles en vigueur au sein du groupe
  2. Développement d’un sentiment de supériorité vis-à-vis de ceux qui à l’extérieur de la communauté travaillent sur les mêmes thèmes et problèmes.
  3. Sentiment de supériorité intellectuelle envers ceux qui n’ont aucune connaissance sur le centre d’intérêt concerné.
  4. Inexistence ou pauvreté des objectifs ou réalisations, la communauté existe seulement pour la convivialité.
  5. Intervention du système hiérarchique extérieur à la communauté dans le contrôle et le suivi des activités et du fonctionnement.
  6. Manque de motivation et d’implication des membres
  7. Absence de coordination (activités, planning…), d’évaluation des progrès et des améliorations, et absence d’animation (échanges, diffusion d’informations, relances concernant des engagements individuels…)
  8. Faiblesse du partage et la pauvreté des idées débattues 




L’apprentissage situé dans le cadre des communautés de pratique


Les apprentissages situés s’inscrivent dans des environnements pédagogiques qui tiennent compte des préoccupations des apprenants, dans ce cas les enseignants, et de la logique de leurs questionnements. 

Ce type d’apprentissage permet à un individu d’apprendre par la socialisation, la visualisation et l’imitation.

L’apprentissage situé commence lorsque les individus essaient de résoudre des problèmes ensemble.

Les apprenants qui gravitent autour de communautés ayant des intérêts communs ont tendance à bénéficier des connaissances de ceux qui sont plus informés qu’eux. Ces expériences sociales offrent aux gens des expériences authentiques.

Les connaissances construites et les compétences développées dans un tel contexte sont très signifiantes et il ne s’agit pas d’apprentissages abstraits, mais d’apprentissages dans l’action ou à partir de l’action.

L’apprentissage communautaire diffère de l’apprentissage scolaire, car le premier se fait en contexte, autour d’échanges ouverts sur des problèmes communs concrets. 

L’apprentissage communautaire est lié aux buts à court et à long terme des enseignants, à leurs raisons d’agir et à leurs sentiments associés.

En ce sens, il s’oppose à un développement professionnel dont les caractéristiques seraient les suivantes :

  1. Le problème est formulé par des personnes extérieures
  2. Le problème n’a que peu d’intérêt intrinsèque pour l’enseignant
  3. Les données nécessaires à sa résolution sont disponibles depuis le début
  4. Le problème est détaché de l’expérience propre des enseignants
  5. Le problème est bien défini, il admet déjà une solution et il y a une procédure de résolution correcte.

La problématique posée est d’analyser en même temps que l’apprentissage, le contexte dans lequel il se situe. La connaissance est indissociable du contexte social et culturel de l’école dans lequel elle est construite et utilisée.

Trois principes sous-tendent cette théorie de l’apprentissage situé :

  1. La connaissance constitue un outil qui dépend essentiellement de l’action et qui est contextualisé dans la culture de l’école. 
  2. La participation permet l’acquisition de savoirs. 
    • Toute connaissance n’étant utile que relativement à un domaine d’action, l’enseignant n’acquerra des connaissances qu’en s’impliquant dans son domaine d’action qui est socialement et culturellement structuré.
    • La participation permet les échanges d’idées, la résolution de problèmes et l’engagement des enseignants. Cela se passe dans un cadre social qui comprend la réflexion, l’interprétation et la négociation entre les participants de la communauté.
  3. Le contexte culturel définit le milieu d’utilisation de la connaissance. Les connaissances apprises devront faire l’objet par l’enseignant, d’une contextualisation au sein d’un domaine d’action. Le contexte fournit un cadre pour l’utilisation du produit ou du résultat au bon moment, au bon endroit et dans la bonne situation dans l’environnement social, psychologique et matériel. Le contexte crée une plate-forme permettant d’examiner les expériences d’apprentissage.

L’apprentissage situé se caractérise par les neuf éléments suivants :

  1. Apprentissage en contexte authentique
  2. Activités authentiques
  3. Accès aux compétences des experts et à une modélisation des processus
  4. Rôles et perspectives multiples
  5. Construction collaborative des connaissances
  6. Réflexion favorisant l’abstraction
  7. Explicitation des connaissances tacites
  8. Support prenant la forme de coaching, étayage (scaffolding) et estompage (fading)
  9. Intégration de l’évaluation de l’apprentissage aux activités d’apprentissage.

Un bon environnement d’apprentissage est un environnement qui permet à l’enseignant d’entrer dans une communauté d’experts qui le guident et le conseillent. 

La vision du formateur ou de l’expert comme simple dispensateur de savoir est écartée. D’autre part, l’acquisition d’une compétence doit s’effectuer dans la situation où celle-ci sera utilisée. 

Ainsi les compétences acquises par les enseignants dans une situation d’apprentissage englobent non seulement les savoirs et savoir-faire acquis, mais aussi les démarches de production et de mobilisation de ces savoirs. Ceux-ci sont en interaction avec les aspects matériels et socioculturels de la situation. Il faut que l’apprentissage s’inscrive dans un contexte, le sien, pour que l’enseignant puisse lui donner un sens.

Dans ce sens, une communauté d’apprentissage est un groupe de personnes qui se rassemblent pour acquérir des connaissances. Ce fonctionnement permet un support non seulement intellectuel, mais également moral et interprétatif. À la suite de la réalisation d’une activité en commun, d’un objectif, la communauté d’apprentissage se sépare. 




Faiblesses de l’apprentissage situé dans les communautés d’apprentissage professionnelles


1) L’enseignant a besoin de modèles théoriques


Dans l’apprentissage contextuel, aucune importance spécifique n’est accordée à la rétention du contenu et plus spécifiquement aux aspects théoriques et abstraits sur lesquels reposent et se justifient les pratiques. 

L’apprentissage contextuel met plutôt l’accent sur la réflexion et la pensée critique, dont les résultats sont utilisés pour résoudre les problèmes rencontrés dans la vie quotidienne. L’apprentissage contextuel est donc davantage axé sur les applications ce qui peut favoriser dans certaines situations les biais cognitifs et la perduration de croyances ou de conceptions erronées.

En tant qu’enseignant, il est difficile de faire l’impasse sur des modèles théoriques pour la conception pédagogique, pour gérer une classe ou encore pour favoriser l’apprentissage d’un l’élève. 



2) L’enseignant n’est pas un apprenti


À côté des concepts de communauté de pratique et d’apprentissage situé, Jean Lave et Etienne Wenger en ont proposé un troisième tout aussi essentiel. Il s’agit de la participation périphérique légitime. Il décrit le fait qu’un apprenti entre dans une communauté par sa périphérie. Il se voit progressivement intégré au sein de cette communauté au fur et à mesure de l’évolution de ses apprentissages. 

Pour Jean Lave et Etienne Wenger, il s’agit donc ici d’un double processus d’apprentissage des pratiques et savoirs de la communauté et d’acquisition de la culture et des valeurs qui l’accompagnent.

Le fonctionnement d’une communauté de pratique et de l’apprentissage situé ne sous-entend pas automatiquement que cela entraine naturellement une amélioration. De ce fait, ces concepts s’ils sont idéaux dans le cadre de l’intégration de nouveaux enseignants dans une équipe déjà constituée, sont néanmoins incomplets lorsque l’enjeu est de faire progresser toute une équipe.



3) Une communauté n’est pas nécessairement bonne 


Dans les travaux de Jean Lave et Etienne Wenger, rien ne définit ce qui ferait d’une communauté une bonne communauté. Ces principes pourraient très bien s’appliquer à une organisation criminelle ou à des écoles peu efficaces. 



4) Une communauté ne fait pas nécessairement les meilleurs choix.


Les communautés d’apprentissage professionnelles vont mener parfois à des prises de décision face à des incertitudes pour lesquelles la conclusion n’est pas toujours claire. La nature sociale va faire que ces décisions tiendront compte d’une sorte de considération mutuelle. 

Dans une communauté, des participants sont amenés à poser un regard critique sur les pratiques d’autres participants et à laisser ces autres participants faire de même sur les leurs. 

Il y a des limites au processus. Ces échanges peuvent mener à un apprentissage professionnel. Cependant, le problème est qu’une communauté d’apprentissage professionnelle pourrait apprendre à améliorer son intégration des styles d’apprentissage dans ses pratiques d’enseignement. Il existe une porte ouverte à l’expansion contreproductive de malentendus pédagogiques et d’approches inefficaces.

En cela, la communauté de pratique générerait un apprentissage situé avec efficacité, mais celui-ci se ferait au détriment des élèves, car il s’agit d’une approche inefficace.

Ainsi une communauté d’apprentissage professionnelle peut fonctionner à merveille, mais sur des sujets qui ne présenteront aucun avantage pour les élèves et parfois des désavantages, une régression plus qu’une amélioration.



5) La pensée de groupe 


Un groupe est susceptible de prendre des décisions stupides. Cela correspond à ce qu’on appelle le complexe d’Abilene. Un groupe peut accepter quelque chose qu’aucun de ses membres n’aurait accepté seul.




Piloter des communautés d'apprentissage professionnelles et le travail collaboratif


Pour être efficaces, les communautés d’apprentissage professionnelles et le travail collaboratif sur lequel elles reposent ont besoin d’un pilotage pour exprimer pleinement leur dimension positive.

Il est nécessaire que les processus qui les occupent soient liés à un objectif clairement identifié et que les conséquences de leurs actions soient évaluées. 

Il s’agit de déterminer les réponses à deux questions :

  1. Quels sont les aspects sur lesquels il est opportun que les enseignants s’améliorent collectivement ? 
  2. Quelle est la meilleure façon d’atteindre cet objectif en fonction des ressources disponibles ? Comment avoir un impact ?

Répondre à ces deux questions est plus sûr que de tout miser d’emblée sur le travail collaboratif et les communautés d’apprentissage professionnelles.

Les communautés d’apprentissage professionnelles et le travail collaboratif constituent un processus dont la finalité peut être de changer et d’améliorer les habitudes et les pratiques des enseignants dans un domaine particulier. 

Si dix personnes collaborent lors d’une journée pour aboutir à une solution. Le coût de la solution est dix fois plus élevé que si une seule personne l’avait établie.  

Si dix personnes collaborent. Si cela se traduit par un apprentissage professionnel qui directement change la donne en classe, par exemple une introduction plus systématique de démarches d’évaluation formative, alors l’investissement est porteur.

Si à la suite d’un changement de programme, des enseignants constatent qu’ils ont un déficit de connaissances dans un domaine particulier, alors le travail collaboratif n’est pas la priorité, mais arrivera dans un second temps. Pour commencer, les enseignants ont besoin d’une formation plus théorique. 

Dans tous les cas cependant, les enseignants doivent prendre conscience de leur impact. Ils doivent comprendre comment leurs investissements peuvent avoir un effet bénéfique sur l’apprentissage de leurs élèves. Collaborer peut permettre aux enseignants de clarifier l’impact, de préciser leurs attentes, de s’échanger de la rétroaction et de s’épauler.

Il ne s’agit jamais de dire aux enseignants comment enseigner, mais de reconnaitre leur expertise professionnelle. Il s’agit également de reconnaitre la possibilité et le caractère souhaitable d’une formation continuée et d’un travail collaboratif qui vise à aboutir à un apprentissage professionnel qui permet aux enseignants d’améliorer leur impact. 

Le point central de l’efficacité collective des enseignants est de réfléchir ensemble au sein d’un établissement à ce qui peut être amélioré. Il faut également garder à l’œil l’éclairage fourni par les données probantes.

Renforcer l’efficacité collective des enseignants dans toute l’école, consiste à les convaincre à travers un apprentissage professionnel et un travail collaboratif, dans lesquels ils s’investissent, de l’impact qu’ils peuvent avoir sur leurs élèves. 

Atteindre ce niveau demande de poser un cadre et d’établir une culture qui favorise le développement de l’expertise des enseignants et un partage des pratiques. 

Comme le dit John Hattie, les écoles sont des lieux très isolants pour l’apprentissage professionnel. Beaucoup d’enseignants ont des pratiques très efficaces en classes qu’ils ne partagent pas avec leurs collègues ou commettent des erreurs que leurs collègues pourraient aider à rectifier aisément.

Idéalement, il serait naturel pour un enseignant d’aller observer un collègue ou d’être observé par celui-ci et de partager une rétroaction constructive par la suite. C’est au niveau du leadership que se joue la différence, c’est grâce à son impact que peut s’installer une culture où tout le monde contribue.

Trois compétences sont en jeu à ce niveau pour les enseignants :

  1. Chaque enseignant contribue de manière constructive et positive à une discussion de groupe.
  2. Chaque enseignant a la confiance nécessaire pour partager sa pensée et ses observations dans une discussion de groupe.
  3. Chaque enseignant pense que le groupe peut contribuer à affiner et à faire progresser sa pensée.


Mise à jour le 05/03/2023


Bibliographie


John Hattie & Dylan Wiliam interviews, 2020, https://evidencebased.education/teacher-collaboration-episode-two/

John Hattie, Visible Learning, Routledge, 2008

Situated learning, https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Situated_learning&oldid=981755318 (last visited Oct. 23, 2020).

Apprentissage situé, http://edutechwiki.unige.ch/fmediawiki/index.php?title=Apprentissage_situ%C3%A9&oldid=107072 (accédé le 23 octobre 2020)

Communauté d’apprentissage http://edutechwiki.unige.ch/fmediawiki/index.php?title=Communaut%C3%A9_d%27apprentissage&oldid=5337 (accédé le 23 octobre 2020)

Communauté de pratique, http://edutechwiki.unige.ch/fmediawiki/index.php?title=Communaut%C3%A9_de_pratique&oldid=108188 (accédé le 23 octobre 2020)

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