(Photographie : Lavinia Wouters)
Les enjeux du modelage en réponse à un apprentissage profond
Lorsque nous enseignons, nous tenons compte de la qualité de novice de nos élèves et de la limitation de leurs ressources mentales (mémoire de travail, attention, connaissances préalables). Nous privilégions la clarté et la précision dans nos explications. Nous prenons le chemin le plus court vers l’apprentissage à travers le modelage et la pratique. Nous traquons et supprimons les ambiguïtés. Nous évitons les informations redondantes et tout ce qui pourrait diviser l’attention de nos élèves.
Nous guidons nos élèves dans la construction de schémas et l’acquisition de stratégies spécifiques pour les tâches complexes de manière à optimiser leurs apprentissages. Nous les accompagnons en leur présentant et modelant des tâches ou des problèmes complètement résolus. Nous leur faisons pratiquer ensuite des problèmes partiellement résolus ou des parties de tâches. Peu à peu, nous leur demandons de les résoudre et de les réaliser complètement.
Lorsque nous voyons une nouvelle matière, nous tâchons de garder et mettre en évidence les éléments invariants d’un concept, tout en variant les éléments du contexte sur lesquels nous voulons qu’ils prêtent attention. L’intention est d’aider les élèves à piloter leur attention vers la mise en évidence de la structure profonde d’une situation. Pour cela, nous sommes attentifs à la précision et à la justesse académiques du vocabulaire utilisé et à sa constance. Nous évitons de multiplier de manière hasardeuse les synonymes et les approximations de langage, car ils peuvent apporter de la confusion chez nos élèves. Le même vocabulaire et les mêmes expressions sont utilisés à l’oral et dans les supports écrits.
Un aspect particulièrement intéressant tient à la manière d’exprimer et de soutenir des attentes élevées en ce qui concerne la rigueur et la profondeur de réflexion des apprentissages. Dans la suite de l’article, les exemples seront pris dans la cadre du cours de mathématiques par simplicité, mais s’appliquent à une large panoplie d’autres contextes.
Considérons le problème suivant fourni à deux élèves et qui est en rapport avec le calcul d’aire d’un trapèze :
Explique comment obtenir la surface de ce trapèze !
Deux élèves qui présentent les mêmes caractéristiques de départ en matière de capacités, mais qui ont deux enseignants différents préparent la résolution de celui-ci par écrit. Un enseignant les appelle tour à tour pour qu’ils expliquent leurs démarches.
Le premier élève a travaillé le plus rapidement, mais n’a pas annoté son schéma. Il explique : « J’ai additionné 4 et 20, ce qui fait 24. Ensuite, je divise ce nombre par deux, j’obtiens 12. Je multiplie 12 par 8 ce qui me donne 96 centimètres carrés, la surface du trapèze. »
Le second élève a travaillé plus lentement et a légendé son schéma.
Il explique : « L’aire A d’un trapèze dont les bases sont b et B, et dont la hauteur est h se calcule par la formule A=(B+b)/(2 h). Pour obtenir l’aire du trapèze, j’utilise B et b, qui sont les deux côtés parallèles de 20 et 4 cm. J’utilise 8 cm pour la hauteur h, car ce côté est perpendiculaire à B et b. Les longueurs sont en centimètres, donc la surface sera en carrés de centimètres. Je calcule l’aire A = (20 +4)/(2 · 8) = 96 cm^ 2. L’aire du trapèze est de 96 cm^ 2. »
S’il s’agit de calculer l’aire du trapèze considéré, alors les deux réponses sont correctes. Le premier élève a été plus rapide. D’une certaine manière, on peut estimer qu’il a été plus performant dans la résolution. Les deux élèves ont automatisé le savoir-faire lié au calcul de l’aire du trapèze. La procédure est acquise dans le cadre de l’exercice.
Par contre, le premier élève ne démontre pas de connaissances déclaratives sur le calcul de l’aire du triangle. Il n’utilise pas de terminologie, pas de concepts, pas de priorités, pas de référence à des règles ou formules appropriées.
Cela ne veut pas dire que ces connaissances ne sont pas acquises chez le premier, mais elles ne sont pas démontrées dans son comportement. On peut supposer qu’elles ont été largement pratiquées chez le second et probablement de manière nettement moins systématique par l’enseignant du premier.
Il est important également de considérer la compétence manifestée par l’élève en dehors du cadre étroit de la tâche ponctuelle réussie. Dans les deux cas, cette compétence semble acquise dans une application standard du calcul de l’aire d’un trapèze.
Lorsque nous voyons une nouvelle matière, nous tâchons de garder et mettre en évidence les éléments invariants d’un concept, tout en variant les éléments du contexte sur lesquels nous voulons qu’ils prêtent attention. L’intention est d’aider les élèves à piloter leur attention vers la mise en évidence de la structure profonde d’une situation. Pour cela, nous sommes attentifs à la précision et à la justesse académiques du vocabulaire utilisé et à sa constance. Nous évitons de multiplier de manière hasardeuse les synonymes et les approximations de langage, car ils peuvent apporter de la confusion chez nos élèves. Le même vocabulaire et les mêmes expressions sont utilisés à l’oral et dans les supports écrits.
Un aspect particulièrement intéressant tient à la manière d’exprimer et de soutenir des attentes élevées en ce qui concerne la rigueur et la profondeur de réflexion des apprentissages. Dans la suite de l’article, les exemples seront pris dans la cadre du cours de mathématiques par simplicité, mais s’appliquent à une large panoplie d’autres contextes.
L'importance de ne pas prendre de raccourcis dans le modelage pour viser un apprentissage profond
Explique comment obtenir la surface de ce trapèze !
Deux élèves qui présentent les mêmes caractéristiques de départ en matière de capacités, mais qui ont deux enseignants différents préparent la résolution de celui-ci par écrit. Un enseignant les appelle tour à tour pour qu’ils expliquent leurs démarches.
Le premier élève a travaillé le plus rapidement, mais n’a pas annoté son schéma. Il explique : « J’ai additionné 4 et 20, ce qui fait 24. Ensuite, je divise ce nombre par deux, j’obtiens 12. Je multiplie 12 par 8 ce qui me donne 96 centimètres carrés, la surface du trapèze. »
Le second élève a travaillé plus lentement et a légendé son schéma.
Il explique : « L’aire A d’un trapèze dont les bases sont b et B, et dont la hauteur est h se calcule par la formule A=(B+b)/(2 h). Pour obtenir l’aire du trapèze, j’utilise B et b, qui sont les deux côtés parallèles de 20 et 4 cm. J’utilise 8 cm pour la hauteur h, car ce côté est perpendiculaire à B et b. Les longueurs sont en centimètres, donc la surface sera en carrés de centimètres. Je calcule l’aire A = (20 +4)/(2 · 8) = 96 cm^ 2. L’aire du trapèze est de 96 cm^ 2. »
S’il s’agit de calculer l’aire du trapèze considéré, alors les deux réponses sont correctes. Le premier élève a été plus rapide. D’une certaine manière, on peut estimer qu’il a été plus performant dans la résolution. Les deux élèves ont automatisé le savoir-faire lié au calcul de l’aire du trapèze. La procédure est acquise dans le cadre de l’exercice.
Par contre, le premier élève ne démontre pas de connaissances déclaratives sur le calcul de l’aire du triangle. Il n’utilise pas de terminologie, pas de concepts, pas de priorités, pas de référence à des règles ou formules appropriées.
Cela ne veut pas dire que ces connaissances ne sont pas acquises chez le premier, mais elles ne sont pas démontrées dans son comportement. On peut supposer qu’elles ont été largement pratiquées chez le second et probablement de manière nettement moins systématique par l’enseignant du premier.
Il est important également de considérer la compétence manifestée par l’élève en dehors du cadre étroit de la tâche ponctuelle réussie. Dans les deux cas, cette compétence semble acquise dans une application standard du calcul de l’aire d’un trapèze.
Mais ça peut devenir plus compliqué dans une tâche de discrimination, de transfert ou dans un problème où il faut réfléchir, identifier et analyser les énoncés. Dans ce cas la capacité à modéliser la situation par des lettres et à discuter des conditions d'application de formules devient un réel atout.
Ce qui distingue les deux élèves est l’usage d’une stratégie dans la structuration des réponses. Sans entrainement spécifique, le type de réponse de l’élève 1 sera la norme, car il verbalise simplement la procédure qu’il applique, décharnée de connaissances déclaratives. Il n’y a donc pas de valeur ajoutée.
La réponse de l’élève 2 témoigne de l’acquisition d’une stratégie à la fois cognitive et métacognitive qui l’amène à justifier et expliciter ses connaissances procédurales à l’aide de connaissances déclaratives. Cette démarche lui permet de développer et d’enrichir ses apprentissages de ces mêmes connaissances déclaratives et de créer les liens entre elles et l’automatisme procédural.
Il y a tout lieu de penser que de telles démarches mènent à un apprentissage plus profond et flexible, et à des schémas cognitifs plus sophistiqués, riches et utiles.
Enseigner explicitement de telles stratégies et les faire pratiquer par les élèves correspond à un enseignement rigoureux et à l’expression d’attentes élevées par l’enseignant. Il s’agit également d’une mise en avant de compétences de transfert.
Il y a deux dimensions de travail dans la mise en place du modelage de stratégies métacognitives.
Il importe de bien concevoir la nature des questions posées aux élèves pour favoriser et soutenir l’usage des stratégies métacognitives qui vont conduire à un apprentissage en profondeur.
L’objet ne devient plus pour l’élève de trouver coûte que coûte la réponse, la solution à un exercice. Il s’agit de présenter, de justifier et de contextualiser, étape par étape, les démarches qui l’approchent de la réponse et finissent par l’établir.
En fin de compte, les 96 m^ 2 ne sont pas l’objectif final, mais un simple indicateur, la conclusion naturelle de l’atteinte de l’objectif. Ce qui importe pour l’apprentissage et son évaluation, c’est l’observation du comportement et de la réflexion manifestés par l’élève qui précèdent son obtention.
Il importe alors d’accompagner et d’enseigner explicitement aux élèves les stratégies qui aboutissent naturellement à la construction de tels formats de réponses. Il s’agit dès lors pour l’enseignant de les appliquer lui-même. Il les utilise systématiquement en classe et dans les différentes tâches effectuées par les élèves, que ce soit de pratique, de devoir ou d’évaluation formative.
Dès le modelage, dans les notes de cours et dans le type d’exercices réalisés et les solutionnaires, il s’agira spécifiquement de viser à accroître une forme d’exposé général avec langage académique. Celui-ci sera propice à un apprentissage profond et à un transfert ultérieur.
Il s’agit de mettre en avant comment une idée, un concept, une procédure s’appliquent et s’adaptent à différents cas, ou comment une stratégie peut être déployée dans des situations nouvelles.
Les explications doivent principalement mettre en scène des étapes avec leurs objectifs et significations propres, et des raisonnements généraux. Il s’agit d’éviter de mettre en évidence d’emblée des valeurs numériques ou des informations spécifiques propres au contexte particulier de la tâche. Il s’agit de ne pas donner d’emblée un ensemble arbitraire de valeurs numériques qui n’ont de sens que dans l’exercice, le problème ou la tâche actuelle.
Les valeurs numériques ne sont jamais utilisées seules, mais remplacées par des lettres et le terme technique propre et général qui leur correspond. Des informations contextuelles peuvent être identifiées en fonction de leur nature et liées aux notions théoriques correspondantes plutôt que prises indépendamment.
Si un schéma existe, il est annoté dans ce sens. Une représentation graphique faisant le lien avec les concepts théoriques est précieuse si elle peut être mobilisée.
Beaucoup d’explications que nous donnons aux élèves se concentrent trop sur l’exemple spécifique et sur ses valeurs numériques ou sur le contexte particulier. Il est plus intéressant pour l’apprentissage de systématiquement prendre de la hauteur et mettre en évidence la structure générale sous-jacente.
Cela représente une contrainte à surmonter, l’expertise de l’enseignant associée à la malédiction de la connaissance fait que la démarche peut sembler triviale. Elle tend à ralentir le processus et semble inutile pour l’élève. C’est tout le contraire. Ne pas la mettre systématiquement en pratique revient à favoriser chez l’élève le développement d’illusions de connaissance.
Cela impose un formalisme, une explicitation systématique des formules, des règles, des principes et des concepts invoqués.
Exemple de situation à modifier :
Calcule le volume du cylindre suivant !
« Je fais le carré de 4 multiplié par 3,14. J’obtiens. Je multiplie 50,24 par 8. Le volume est de 401,92 cm^ 3. »
Exemples de situation modifiée :
Comment calcule-t-on le volume d’un cylindre ? Annote le schéma, explicite ta démarche et utilise les données du schéma comme exemple numérique !
Le volume d’un cylindre de hauteur h et dont le rayon de sa base est r, est égal à l’aire de sa base (un disque) multipliée par sa hauteur.
L’aire de la base se calcule selon la formule : A = π · r^ 2
La formule du volume d’un cylindre en fonction de son rayon et sa hauteur est égale à : V = A · h
Le rayon du cylindre fait 4 cm et sa hauteur fait 8 cm.
A = π · 4^2 = 16 π cm^2
V = 16 π cm^2 · 8 cm = 128 π cm^3
Le volume du cylindre est = 128 π cm^3
La seconde résolution est bien plus longue, mais se concentre davantage sur la stratégie générale du calcul du volume et génère ainsi un meilleur apprentissage.
Traditionnellement, le modelage en enseignement explicite recommande l’usage du « je » lors des explications orales pour favoriser une appropriation des démarches de réflexion intérieures, le haut-parleur sur la pensée.
Ce principe reste d’actualité. Cependant en ce qui concerne la transcription écrite, le « je » gagne à disparaitre au profit du pronom neutre, le « il », le « on » ou le « nous ». Il s’agit de faire en sorte que l’explication soit aussi générale que possible, en se concentrant sur un formalisme académique et une abstraction précise.
Cette approche a pour objectif de mettre en place les conditions pour apprendre une stratégie ou un processus en tant que stratégie générale, plutôt que comme une réponse unique à une question unique. Cela amène à réaliser que les exercices et problèmes qu’ils doivent résoudre sont des zooms sur un ensemble de connaissances interactives.
Cela leur permet de pratiquer couramment et ainsi d’apprendre à utiliser le vocabulaire académique à bon escient.
Cette démarche permet, à moyen terme, de clarifier leur pensée et de réduire le risque qu’ils confondent les idées et les concepts. Cela permet à l’enseignant de diagnostiquer des idées floues dans la pensée ou la compréhension des élèves.
Il s’agit d’enseigner aux élèves ce qu’ils doivent savoir pour pouvoir répondre au type de questions concerné et systématiquement les interroger dans ce sens oralement et par écrit. Nous devons être précis sur ce que nous attendons.
Nous sommes parfois tentés de donner des explications et des étapes simplifiées pour gagner du temps. Cela diminue les compétences des élèves dans le cadre de problèmes ou de tâches complexes.
Il s’agit dès lors de n’accepter que des explications complètes. C’est le meilleur moyen pour que les élèves développent une compréhension fine et subtile, en saisissant le rôle, le sens et la spécificité de chaque étape. Tout ce qui est implicite doit être explicité.
Les élèves peuvent arriver à répondre en bredouillant des nombres et en les combinant. Lorsqu’ils ne peuvent pas nous répondre de manière précise et générale sur la forme d’une stratégie ou d’une approche, alors ils n’ont pas compris et pas appris.
L’exiger et voir les élèves incapables de le réaliser est un retour d’information crucial pour l’enseignant. Les élèves saisissent alors que le niveau d’exigence est élevé et en même temps ils prennent plus conscience de l’existence de stratégies et de formes générales de résolution.
Arriver à de tels résultats demande une prise en main par l’enseignant. Celle-ci doit changer avant que les élèves puissent changer. Il s’agit ainsi d’un processus par étapes soutenu par une vérification de la compréhension et de la pratique. La stratégie gagne à être modelée et entrainée dans un premier temps en l’absence de valeurs chiffrées.
Au-delà de stimuler l'attention et l'engagement des élèves, la vérification de la compréhension a également comme enjeu de vérifier la qualité de leur réflexion des élèves autour des connaissances déclaratives lors de l’acquisition des stratégies. Il s'agit de ne pas se contente de vérifier la maîtrise des procédures car nous voulons soutenir l'aquisition de connaissances flexibles et transférables.
Cette démarche permet de traquer tout ce qui est flou et imprécis dans la réflexion des élèves. Pour cela, il faut poser des questions de justification et de sens sur les étapes d'une résolution, sur les éléments d'un processus ou sur les liens entre différents concepts.
Il faut proscrire les questions où l’élève n’a qu’à supposer ou deviner la réponse, car elle est induite ou celles qui se rapportent à un simple pile ou face. Elles n’aident pas à réfléchir et sont susceptibles de mener à de faux positifs. L’élève n’a pas compris la question, mais le contexte du cours et le non verbal de l’enseignant l’aident à viser juste. Plutôt qu'un jeu de question/réponse, c'est toute la dimension du « pourquoi », « comment le sais-tu » ou « comment procéder » et leurs équivalents qui doit être au centre du questionnement.
Si un élève ne peut pas répondre à de telles questions de suivi, il y a peu d’espoir qu’il transfèrera par la suite ce qu’il apprend vers une question similaire. Il y a encore moins d’espoir qu’il le transfère vers un problème superficiellement nouveau ou au sein d'une tâche complexe.
Mais pour que l’élève puisse y répondre et s'y entraine, ces questions doivent être conçues par l'enseignant et mobiliser également au cœur du modelage et dans la pratique qui va suivre.
Une fois que les élèves s’attendent à ce qu’on leur pose de telles questions et à ce qu’ils soient capables d’y répondre, ils deviennent plus attentifs à cette dimension de l’explication. Ils peuvent s'y investir spontanément et proactivement. Ils peuvent même poser ce type de question anticipativement à l’enseignant pour clarifier leur compréhension.
Ben Gordon, Explanation and modeling & Increasing rigour in the maths classroom, 2020, https://teachinnovatereflectblog.wordpress.com/2020/03/22/ecpd-recommendations-for-maths-teachers-while-working-from-home/
Dani Quinn, What are you thinking?, 2020, https://missquinnmaths.wordpress.com/2020/02/13/what-are-you-thinking/
L'importance du modelage des stratégies cognitives et métacognitives pour un apprentissage profond
Ce qui distingue les deux élèves est l’usage d’une stratégie dans la structuration des réponses. Sans entrainement spécifique, le type de réponse de l’élève 1 sera la norme, car il verbalise simplement la procédure qu’il applique, décharnée de connaissances déclaratives. Il n’y a donc pas de valeur ajoutée.
La réponse de l’élève 2 témoigne de l’acquisition d’une stratégie à la fois cognitive et métacognitive qui l’amène à justifier et expliciter ses connaissances procédurales à l’aide de connaissances déclaratives. Cette démarche lui permet de développer et d’enrichir ses apprentissages de ces mêmes connaissances déclaratives et de créer les liens entre elles et l’automatisme procédural.
Il y a tout lieu de penser que de telles démarches mènent à un apprentissage plus profond et flexible, et à des schémas cognitifs plus sophistiqués, riches et utiles.
Enseigner explicitement de telles stratégies et les faire pratiquer par les élèves correspond à un enseignement rigoureux et à l’expression d’attentes élevées par l’enseignant. Il s’agit également d’une mise en avant de compétences de transfert.
Deux dimensions essentielles dans le modelage des stratégies métacognitives et cognitives
Il y a deux dimensions de travail dans la mise en place du modelage de stratégies métacognitives.
Accent sur les questions
Il importe de bien concevoir la nature des questions posées aux élèves pour favoriser et soutenir l’usage des stratégies métacognitives qui vont conduire à un apprentissage en profondeur.
L’objet ne devient plus pour l’élève de trouver coûte que coûte la réponse, la solution à un exercice. Il s’agit de présenter, de justifier et de contextualiser, étape par étape, les démarches qui l’approchent de la réponse et finissent par l’établir.
En fin de compte, les 96 m^ 2 ne sont pas l’objectif final, mais un simple indicateur, la conclusion naturelle de l’atteinte de l’objectif. Ce qui importe pour l’apprentissage et son évaluation, c’est l’observation du comportement et de la réflexion manifestés par l’élève qui précèdent son obtention.
Accent sur les stratégies
Il importe alors d’accompagner et d’enseigner explicitement aux élèves les stratégies qui aboutissent naturellement à la construction de tels formats de réponses. Il s’agit dès lors pour l’enseignant de les appliquer lui-même. Il les utilise systématiquement en classe et dans les différentes tâches effectuées par les élèves, que ce soit de pratique, de devoir ou d’évaluation formative.
Dès le modelage, dans les notes de cours et dans le type d’exercices réalisés et les solutionnaires, il s’agira spécifiquement de viser à accroître une forme d’exposé général avec langage académique. Celui-ci sera propice à un apprentissage profond et à un transfert ultérieur.
Il s’agit de mettre en avant comment une idée, un concept, une procédure s’appliquent et s’adaptent à différents cas, ou comment une stratégie peut être déployée dans des situations nouvelles.
1. Mettre en avant le raisonnement logique dans les explications
Les explications doivent principalement mettre en scène des étapes avec leurs objectifs et significations propres, et des raisonnements généraux. Il s’agit d’éviter de mettre en évidence d’emblée des valeurs numériques ou des informations spécifiques propres au contexte particulier de la tâche. Il s’agit de ne pas donner d’emblée un ensemble arbitraire de valeurs numériques qui n’ont de sens que dans l’exercice, le problème ou la tâche actuelle.
Les valeurs numériques ne sont jamais utilisées seules, mais remplacées par des lettres et le terme technique propre et général qui leur correspond. Des informations contextuelles peuvent être identifiées en fonction de leur nature et liées aux notions théoriques correspondantes plutôt que prises indépendamment.
Si un schéma existe, il est annoté dans ce sens. Une représentation graphique faisant le lien avec les concepts théoriques est précieuse si elle peut être mobilisée.
Beaucoup d’explications que nous donnons aux élèves se concentrent trop sur l’exemple spécifique et sur ses valeurs numériques ou sur le contexte particulier. Il est plus intéressant pour l’apprentissage de systématiquement prendre de la hauteur et mettre en évidence la structure générale sous-jacente.
Cela représente une contrainte à surmonter, l’expertise de l’enseignant associée à la malédiction de la connaissance fait que la démarche peut sembler triviale. Elle tend à ralentir le processus et semble inutile pour l’élève. C’est tout le contraire. Ne pas la mettre systématiquement en pratique revient à favoriser chez l’élève le développement d’illusions de connaissance.
Cela impose un formalisme, une explicitation systématique des formules, des règles, des principes et des concepts invoqués.
Exemple de situation à modifier :
Calcule le volume du cylindre suivant !
« Je fais le carré de 4 multiplié par 3,14. J’obtiens. Je multiplie 50,24 par 8. Le volume est de 401,92 cm^ 3. »
Exemples de situation modifiée :
Comment calcule-t-on le volume d’un cylindre ? Annote le schéma, explicite ta démarche et utilise les données du schéma comme exemple numérique !
Le volume d’un cylindre de hauteur h et dont le rayon de sa base est r, est égal à l’aire de sa base (un disque) multipliée par sa hauteur.
L’aire de la base se calcule selon la formule : A = π · r^ 2
La formule du volume d’un cylindre en fonction de son rayon et sa hauteur est égale à : V = A · h
Le rayon du cylindre fait 4 cm et sa hauteur fait 8 cm.
A = π · 4^2 = 16 π cm^2
V = 16 π cm^2 · 8 cm = 128 π cm^3
Le volume du cylindre est = 128 π cm^3
La seconde résolution est bien plus longue, mais se concentre davantage sur la stratégie générale du calcul du volume et génère ainsi un meilleur apprentissage.
2. Passer à la troisième personne à l'écrit pour la transcription écrite du modelage
Traditionnellement, le modelage en enseignement explicite recommande l’usage du « je » lors des explications orales pour favoriser une appropriation des démarches de réflexion intérieures, le haut-parleur sur la pensée.
Ce principe reste d’actualité. Cependant en ce qui concerne la transcription écrite, le « je » gagne à disparaitre au profit du pronom neutre, le « il », le « on » ou le « nous ». Il s’agit de faire en sorte que l’explication soit aussi générale que possible, en se concentrant sur un formalisme académique et une abstraction précise.
Cette approche a pour objectif de mettre en place les conditions pour apprendre une stratégie ou un processus en tant que stratégie générale, plutôt que comme une réponse unique à une question unique. Cela amène à réaliser que les exercices et problèmes qu’ils doivent résoudre sont des zooms sur un ensemble de connaissances interactives.
3. Utilisation d’une terminologie technique précise pour soutenir un apprentissage en profondeur
Cela leur permet de pratiquer couramment et ainsi d’apprendre à utiliser le vocabulaire académique à bon escient.
Cette démarche permet, à moyen terme, de clarifier leur pensée et de réduire le risque qu’ils confondent les idées et les concepts. Cela permet à l’enseignant de diagnostiquer des idées floues dans la pensée ou la compréhension des élèves.
Il s’agit d’enseigner aux élèves ce qu’ils doivent savoir pour pouvoir répondre au type de questions concerné et systématiquement les interroger dans ce sens oralement et par écrit. Nous devons être précis sur ce que nous attendons.
4. Rendre explicite l’implicite pour un apprentissage en profondeur
Nous sommes parfois tentés de donner des explications et des étapes simplifiées pour gagner du temps. Cela diminue les compétences des élèves dans le cadre de problèmes ou de tâches complexes.
Il s’agit dès lors de n’accepter que des explications complètes. C’est le meilleur moyen pour que les élèves développent une compréhension fine et subtile, en saisissant le rôle, le sens et la spécificité de chaque étape. Tout ce qui est implicite doit être explicité.
Les élèves peuvent arriver à répondre en bredouillant des nombres et en les combinant. Lorsqu’ils ne peuvent pas nous répondre de manière précise et générale sur la forme d’une stratégie ou d’une approche, alors ils n’ont pas compris et pas appris.
L’exiger et voir les élèves incapables de le réaliser est un retour d’information crucial pour l’enseignant. Les élèves saisissent alors que le niveau d’exigence est élevé et en même temps ils prennent plus conscience de l’existence de stratégies et de formes générales de résolution.
Arriver à de tels résultats demande une prise en main par l’enseignant. Celle-ci doit changer avant que les élèves puissent changer. Il s’agit ainsi d’un processus par étapes soutenu par une vérification de la compréhension et de la pratique. La stratégie gagne à être modelée et entrainée dans un premier temps en l’absence de valeurs chiffrées.
5. Concevoir la vérification de la compréhension pour soutenir la profondeur des apprentissages
Au-delà de stimuler l'attention et l'engagement des élèves, la vérification de la compréhension a également comme enjeu de vérifier la qualité de leur réflexion des élèves autour des connaissances déclaratives lors de l’acquisition des stratégies. Il s'agit de ne pas se contente de vérifier la maîtrise des procédures car nous voulons soutenir l'aquisition de connaissances flexibles et transférables.
Cette démarche permet de traquer tout ce qui est flou et imprécis dans la réflexion des élèves. Pour cela, il faut poser des questions de justification et de sens sur les étapes d'une résolution, sur les éléments d'un processus ou sur les liens entre différents concepts.
Il faut proscrire les questions où l’élève n’a qu’à supposer ou deviner la réponse, car elle est induite ou celles qui se rapportent à un simple pile ou face. Elles n’aident pas à réfléchir et sont susceptibles de mener à de faux positifs. L’élève n’a pas compris la question, mais le contexte du cours et le non verbal de l’enseignant l’aident à viser juste. Plutôt qu'un jeu de question/réponse, c'est toute la dimension du « pourquoi », « comment le sais-tu » ou « comment procéder » et leurs équivalents qui doit être au centre du questionnement.
Si un élève ne peut pas répondre à de telles questions de suivi, il y a peu d’espoir qu’il transfèrera par la suite ce qu’il apprend vers une question similaire. Il y a encore moins d’espoir qu’il le transfère vers un problème superficiellement nouveau ou au sein d'une tâche complexe.
Mais pour que l’élève puisse y répondre et s'y entraine, ces questions doivent être conçues par l'enseignant et mobiliser également au cœur du modelage et dans la pratique qui va suivre.
Une fois que les élèves s’attendent à ce qu’on leur pose de telles questions et à ce qu’ils soient capables d’y répondre, ils deviennent plus attentifs à cette dimension de l’explication. Ils peuvent s'y investir spontanément et proactivement. Ils peuvent même poser ce type de question anticipativement à l’enseignant pour clarifier leur compréhension.
Mise à jour le 18/09/2022
Bibliographie
Ben Gordon, Explanation and modeling & Increasing rigour in the maths classroom, 2020, https://teachinnovatereflectblog.wordpress.com/2020/03/22/ecpd-recommendations-for-maths-teachers-while-working-from-home/
Dani Quinn, What are you thinking?, 2020, https://missquinnmaths.wordpress.com/2020/02/13/what-are-you-thinking/
Encore un excellent article. Merci.
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