mardi 2 juin 2020

Stratégies de compréhension à la lecture en classe : le monitoring et la visualisation

Régulièrement, nous sommes amenés à demander à nos élèves de lire attentivement des documents en classe. Il s’agit pour eux de les comprendre et d’en traiter le contenu par la suite.

Voici deux stratégies qui visent à augmenter leur compréhension à la lecture et à favoriser leur autorégulation face à ces démarches : le monitoring et la visualisation.


(Photographie : Gianluca Morini)


Le monitoring


Dans le cadre du monitoring, l’objectif est d’inciter les élèves à s’engager dans une lecture active tandis qu’ils exercent une vigilance métacognitive face aux difficultés rencontrées.

Les élèves apprennent à distinguer et identifier les parties du texte qu’ils comprennent et celles pour lesquelles des obstacles sont rencontrés.

Ils agissent ensuite spécifiquement sur les obstacles identifiés pour les résoudre en collaboration avec d’autres élèves.

Les élèves apprennent par ce biais à accorder plus d’importance à la génération d’une compréhension d’ensemble d’un document. Ils apprennent à ne pas laisser des passages entièrement incompris et à interagir avec d’autres pour les éclairer.



Démarches métacognitives


L’enjeu est de rendre plus naturelles aux élèves différentes stratégies et réflexions d’ordre métacognitif.

En effet pour exprimer et mettre en action des attentes élevées en tant qu’enseignant, nous allons exposer les élèves à des documents qui présentent un défi et un certain niveau de difficulté pour eux.

Ceux-ci leur restent essentiellement accessibles à partir du moment où ils s’engagent sérieusement dans leur traitement et y consacrent le niveau d’attention nécessaire.

En fonction du profil et de l’âge des élèves, un enseignant peut souhaiter qu’ils développent l’habitude de se poser certaines des questions suivantes :
  • Est-ce que ce que j’ai lu a du sens pour moi ?
  • Qu’ai-je compris ?
    • Est-ce que je peux reformuler ce qui est décrit ?
    • Est-ce que je peux m’en faire une image mentale ? 
  • Si je n’ai pas compris ?
    • Est-ce que je dois relire plus lentement les passages qui me posent problème ?
    • Est-ce que je dois consulter le dictionnaire pour des termes que je ne reconnais pas ou que je ne pense pas comprendre ? 
    • Est-ce que je peux trouver d’autres ressources pour m’aider à comprendre ? 
    • À qui puis-je demander de l’aide à quelqu’un pour m’expliquer les passages incompris ?



Procédure


Voici un exemple de procédure de monitoring. La procédure n’est pas statique et peut être adaptée en fonction du contexte et des besoins :

1) Dans un premier temps, tous les élèves reçoivent les mêmes textes à lire attentivement et individuellement.

Lors de leur lecture, ils placent dans la marge de chaque paragraphe, section ou phrase, le cas échéant :
  • Un crochet s’ils estiment comprendre.
  • Un point d’interrogation ou une croix s’ils ne comprennent pas. 
  • Ils soulignent les mots qu’ils ne comprennent pas.

2) Dans un second temps, les élèves reprennent le texte par groupes (de deux, trois ou quatre élèves).

Les élèves reprennent les textes ensemble et discutent des difficultés qu’ils ont chacun rencontrées. Ils s’expliquent et se soutiennent réciproquement, un élève qui a compris un passage l’explique à celui qui n’a pas compris. Les mots complexes sont recherchés au dictionnaire si nécessaire.

Au fur et à mesure, les points d’interrogation et les croix deviennent des crochets, les élèves saisissent peu à peu le sens qui leur échappait avec le soutien de leurs condisciples.

3) Une fois que ce processus est réalisé, il y a plusieurs possibilités :
  • La procédure peut s’arrêter là.
  • Les élèves peuvent recevoir des questions sur les textes traités, auxquelles ils sont amenés à répondre individuellement ou en groupes coopératifs. 
  • Les élèves peuvent être engagés dans une stratégie de visualisation.



Enjeux 


L’enjeu d’une stratégie comme le monitoring est quadruple :

1) Au niveau du comportement et de la coopération


Le fait que les élèves doivent marquer le texte et échanger ensuite dessus les incite à s’engager plus.

Grâce aux échanges ultérieurs, nous profitons des effets d’interdépendance positive et d’interaction promotionnelle

Il devient moins probable qu’un élève se mette en retrait s’il rencontre des difficultés.




2) Au niveau de la différenciation


La démarche favorise le traitement de l’information en profondeur pour les élèves qui rencontrent le plus de difficultés.

Ils vont bénéficier des explications et du tutorat de leurs pairs.

La collaboration avec les pairs qui va suivre évite de se reposer systématiquement sur l’aide de l’enseignant. Les élèves vont rechercher la compréhension ensemble et mettre en commun leurs interprétations.

L’enseignant devient plus disponible pour les élèves qui en ont réellement besoin.



3) Au niveau métacognitif


Cette stratégie enseigne aux élèves qu’ils doivent agir pour les parties d’un texte qu’ils ne comprennent pas d’emblée. Ils doivent les identifier spécifiquement puis les traiter de manière isolée dans une démarche active. Les élèves apprennent à identifier dans ce qu’ils lisent ce qu’ils ne comprennent pas. C’est le premier pas vers l’autonomie.

Les élèves acquièrent des habitudes en matière de stratégies de compréhension qu’ils sont susceptibles de mobiliser spontanément par la suite.

La stratégie de monitoring favorise le développement de la métacognition et de l’autorégulation.


4) Au niveau formatif


La stratégie permet d’activer chaque élève comme ressource pour l’apprentissage des autres élèves.

De même, chaque élève apprend à être détenteur de son propre apprentissage : il détermine ses lacunes et apprend à les combler



Avantages et limites

 
Si l’enseignant demande aux élèves de comprendre le texte qu’il leur soumet avant de poser des questions sur celui-ci, il les place dans le cadre de l’effet de non-spécification du but (goal-free effect). Ce dernier a été mis en évidence par la théorie de la charge cognitive.




N’ayant pas accès aux consignes sur les textes avant la lecture approfondie, ils ne vont pas activer de stratégie moyen-fin à la recherche d’une réponse éventuelle. Cette stratégie vise à cibler les parties qui semblent pertinentes d’un texte et ignorer les autres. Le danger est de ne pas développer une compréhension globale des textes.

Un autre intérêt de cette stratégie est sa simplicité d’utilisation et son applicabilité à tout type de texte.

Une limite à l’utilisation de cette approche est lorsque plus de 10 % des mots d’un texte ne sont pas compris par les élèves. Il y a alors le risque que la difficulté devienne trop importante. L’enseignant doit donc sélectionner prudemment les textes proposés aux élèves. Ceux-ci ne sont ni trop complexes et ni trop simples.



La visualisation


Dans le cadre de la visualisation, les élèves créent une image mentale (sous forme de carte conceptuelle ou de schéma) à partir d’un texte lu/vu/entendu.

La visualisation révèle la structure sous-jacente du texte, son organisation ou les étapes des procédures qu’il décrit.




Démarches (méta) cognitives


L’enjeu est que l’élève prenne l’habitude de développer des démarches cognitives et métacognitives telles que :
  • Quelles sont les images mentales que m’évoque ce texte ? 
  • Est-ce que la visualisation permet de mieux mettre en évidence certaines relations entre les éléments du texte ?



Procédure


Les élèves peuvent commencer leur visualisation de manière autonome puis partager en groupe leurs croquis et discuter des raisons de leur interprétation.

L’enseignant peut attirer l’attention des élèves sur les points clés tandis qu’ils travaillent.




Dangers et enjeux 


L’idée est de faciliter l’apprentissage en appliquant les principes du double codage :




Cette activité oblige les élèves à s’intéresser de près au texte, puisque chaque élément de leur dessin doit provenir du texte. Cette activité permet de réfléchir de manière approfondie et critique :
  • Quels éléments ont été extraits du texte ?
  • Quels liens implicites ont-ils rendus explicites ?
  • Ont-ils fait des suppositions ? 
  • Quelle structure sous-jacente a-t-elle été mise en évidence ? 

L’utilisation de la visualisation n’est pas sans danger, principalement à cause de son impact sur la mémorisation.

L’enseignant doit être attentif aux préconceptions erronées et aux erreurs d’interprétation qui risquent de se retrouver mémorisées.

C’est pour cette raison que pour des apprentissages cruciaux, il est plus prudent et efficace que l’enseignant fournisse lui-même un organisateur graphique ou qu’il le construise avec ses élèves.




La visualisation est intéressante sur des tâches d’application dans le cadre d’une évaluation formative, pour renforcer l’apprentissage déjà réalisé ou encore en cours..


Mis à jour le 03/09/2022

Bibliographie


Pritesh Raichura, Comprehension Strategies in the Classroom, 2016, https://bunsenblue.wordpress.com/2016/02/18/comprehension-strategies-in-the-classroom/

Education Endowment Foundation, 2018, https://educationendowmentfoundation.org.uk/evidence-summaries/teaching-learning-toolkit/reading-comprehension-strategies/

Teaching comprehension strategies, NSW Department of Education and Training, 2010

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