mercredi 25 juillet 2018

Les organisateurs graphiques, un outil pertinent d’intégration stratégique des connaissances

Dans leurs méta-analyses respectives, John Hattie leur donne un d = 0,41 en 2008 et Robert Marzano un d = 0,48 en 1998. Les organisateurs graphiques ne sont donc pas à négliger en matière d’efficacité éducative. Ils permettent une amélioration de l’apprentissage à long terme tout en en activant les liens avec les connaissances antérieures. Ils constituent pour l’enseignant un outil stratégique d’intégration des connaissances. 


(Photographie : Vincent Glielmi)



L’importance d’une intégration stratégique 


Les organisateurs graphiques répondent à un impératif d’intégration stratégique.

Pour que les nouvelles informations soient comprises et appliquées, elles doivent être soigneusement combinées, c’est-à-dire stratégiquement intégrées avec ce que l’apprenant connait déjà.

L’intégration des nouvelles informations avec les connaissances existantes augmente la probabilité que les nouvelles informations soient comprises à un niveau plus profond.

Mais cela doit être fait de manière stratégique et les connexions critiques doivent être claires afin que les nouvelles informations ne soient pas confondues avec ce que l’élève connait déjà.

Nous devons ordonner les séquences d’enseignement afin de permettre aux élèves d’apprendre les différents types de connaissances de façon successive et cumulative.



Une définition du concept d’organisateur graphique


Un organisateur graphique (graphic organizer) est également connu sous le nom de carte des connaissances (knowledge map), ou d’organisateur de connaissances (knowledge organizer), de carte conceptuelle ou de diagramme conceptuel, entre autres. 

Il existe également un continuum avec le concept de carte mentale. Cependant, la carte mentale est plutôt considérée comme une construction et un outil d’apprentissage par l’action pour les élèves qui sont des novices. L’organisateur graphique est une production experte de l’enseignant qui possède une valeur plus générale.

C’est David Ausubel, psychologue américain, qui au début des années 1960 a inventé l’expression « organisateur graphique ». Elle désigne les outils qui comblent « le fossé entre ce que les apprenants savent déjà et ce qu’ils doivent apprendre à un moment donné de leur parcours éducatif ».

D’après la définition qu’en font Stull et Mayer (2007), un organisateur graphique consiste en des arrangements spatiaux de mots (ou groupes de mots) destinés à représenter l’organisation conceptuelle d’un texte ou d’un exposé verbal. 

Il se compose de trois parties intégrées : 
  1. Les éléments de base d’un organisateur graphique qui sont des mots ou des groupes de mots, 
  2. Les relations entre les éléments qui sont indiquées par la disposition, les liens et la structuration spatiale des éléments sur une page.
  3. L’organisation conceptuelle générale d’un contenu de matière qui constitue le squelette de l'organisateur graphique. 
L’avantage de cette définition est qu’elle est suffisamment large et précise pour inclure tout ce qui propose une organisation spatiale des éléments en utilisant des espaces distincts :
  • Les cartes conceptuelles
  • Les cartes de connaissances
  • Les hiérarchies 
  • Les matrices 
  • Les organigrammes et réseaux
  • Les schémas
  • Les listes
Les organisateurs graphiques rassemblent et relient ce qui est familier (les connaissances préalables des élèves) et ce qui est nouveau ou inconnu et à apprendre. L’organisateur préalable a pour but d’aider les apprenants à retenir plus facilement les informations verbales tout en étant rédigé dans un niveau de langue élevé.

En classe, un organisateur graphique est utilisé par l’enseignant comme stratégie de présentation des relations entre les connaissances aux différents stades de l’enseignement. Il est mobilisé par la suite par les élèves dans le cadre de leur apprentissage autonome.

Les organisateurs graphiques facilitent l’accès à des connaissances antérieures en mémoire à long terme par la mémoire de travail. Ils soutiennent également l’intégration active des nouvelles informations enseignées. En utilisant des organisateurs graphiques, les connaissances antérieures sont activées et les apprenants peuvent ajouter de nouvelles informations à leur schéma et ainsi améliorer leur compréhension des contenus.



Caractéristiques et fonctions des organisateurs graphiques


Un organisateur graphique est un concept pédagogique développé par David Ausubel dans les années 60. Il contient, présente, structure et explicite l'organisation des informations clés pertinentes pour une matière. Il offre une synthèse pratique et accessible. Il est introduit dès le début d’un processus d’apprentissage. 

Un organisateur établir les lien entre des connaissances préalables que les élèves doivent posséder et les nouveaux contenus enseignés qu'ils doivent apprendre.

La stratégie conseillée consiste à remettre aux élèves un organisateur graphique au début de chaque unité de matière, pour les aider à se rappeler de ce qu’ils ont appris et apprennent au fur et à mesure. Alternativement, il peut être construit et complété au fur et à mesure de la progression dans la matière.

Au lieu de laisser les élèves laisser derrière eux le contenu d'unités de matière enseignées précédemment et en lien avec les nouveaux contenus, les enseignants les situent succinctement à l’aide d’un organisateur graphique. Auparavant, à l'aide d'une évaluation diagnostique et en procédant à des ajustements ils ont assuré que les élèves peuvent les réactiver.

Ce faisant, les élèves rencontrent et récupèrent continuellement les acquis afin de les consolider.

Les organisateurs graphiques sont des documents complexes. Ils exposent les détails fondamentaux d’une matière ou d’un sujet d’une manière structurée, logique et facilement accessible. Il s’agit d’outils utiles pour les enseignants et les élèves. Les enseignants gardent ainsi en permanence dans leur visée les connaissances qu’ils doivent faire apprendre à leurs élèves. Les organisateurs graphiques aident les élèves à organiser les connaissances essentielles et la structure de la matière à apprendre dans leur mémoire à long terme.

Les organisateurs graphiques se caractérisent par un niveau plus élevé d’abstraction et de généralité que les contenus qui sont présentés dans les notes de cours ou lors des activités d’enseignement en classe. 



Les organisateurs graphiques ont des principes de constructions vagues, ils ne répondent pas à des critères de structure précisément définis. Il en existe de multiples formes. Ils dépendent toujours de la nature du contenu à apprendre, de l’âge de l’élève et de son degré de familiarité préalable avec le sujet.

Les organisateurs graphiques incluent des modèles conceptuels tels que ceux présentés lors du modelage. Ceux-ci ont tout intérêt à tenir compte des principes du double codage.

Un exemple de modèle conceptuel intégrable dans un organisateur graphique est celui présentant les états de la matière :




Facteurs d’efficacité des organisateurs graphiques pour les élèves


Les organisateurs graphiques sont particulièrement bénéfiques pour les élèves ayant peu de connaissances préalables sur le sujet en cours d’enseignement. Les connaissances sont réactivées dans l’esprit de l’élève. En cas de besoin, nous activons ou complétons par un nouvel enseignement, leurs schémas cognitifs existants.

De cette manière, l’élève pourra plus facilement traiter et organiser toute nouvelle information à laquelle il sera confronté. 

De plus, par le biais d’allers et retours vers l’organisateur graphique, nous attirons l’attention des élèves sur ce qui est important dans la nouvelle matière. Ils peuvent par son biais bénéficier d’une représentation plus précise et plus cohérente des connaissances des experts. Les organisateurs graphiques concentrent l’attention des élèves sur les concepts intégrés plutôt que sur les éléments déconnectés ou isolés les uns des autres.

Les organisateurs graphiques facilitent l’apprentissage à condition que l’élève traite et comprenne l’information présentée dans ceux-ci. L’une des limites potentielles à l’utilisation d’organisateurs graphiques est qu’ils peuvent amener une complexité inutile. Cette complexité peut submerger l’élève ou apporter de la confusion par la quantité d’information contenue, mais aussi lorsqu’apparaissent des conflits avec des conceptions préalables erronées. 

Dès lors, il s’agit de guider les élèves dans une exploration progressive d’un organisateur graphique.




Les organisateurs graphiques intègrent de nouvelles idées avec des concepts similaires, ce qui augmente les capacités de discrimination entre les idées nouvelles et les idées existantes qui sont essentiellement différentes, mais parfois confusément similaires.

Un cas de figure est par exemple en mathématiques lorsque nous introduisons la fonction du second degré en réactivant une connaissance préalable qu’est la fonction du premier degré. L’attention de l’élève est directement portée sur les critères de discrimination entre les deux types de fonctions, ce qui évite des confusions potentielles.

La même démarche peut être mise en œuvre en physique lorsque nous passons d’un mouvement rectiligne uniforme à un mouvement rectiligne uniformément accéléré.


Les organisateurs graphiques présentent également à de nouvelles connaissances dont les élèves auront besoin pour comprendre l’information à venir. Ils visent à rendre le matériel non familier plus plausible pour l’élève en lui fournissant des points d’ancrage et des repères. En ce sens, grâce à des allers et retours qui amènent l’élève à élaborer autour de ses connaissances, ils soutiennent le développement des schémas cognitifs dans leur mémoire à long terme.



Facteurs d’efficacité des organisateurs graphiques pour les enseignants


Les organisateurs graphiques partagés avec les élèves permettent d’avoir une vue d’ensemble et de ne pas perdre de vue l’essentiel. Ils permettent à l’enseignant de revenir sur certains points de matière antérieurs très facilement en les projetant.

Les organisateurs graphiques sont une source d’inspiration fiable pour préparer un devoir pertinent, planifier des réactivations de concepts, générer des flashcards ou concevoir une évaluation formative.

Ils facilitent les pratiques de récupération nécessaires pour que les élèves maîtrisent toutes leurs connaissances et les intègrent dans leur mémoire à long terme.

Spécifier la connaissance exacte n’est qu’un point de départ. L’expliquer, la vérifier, l’interroger, la combiner, la tester et la réviser sur des périodes allant de quelques semaines à plusieurs mois est essentiel pour que les élèves s’en souviennent à long terme.

Cet outil structurant permet de fournir l’étayage conceptuel nécessaire pour favoriser l’assimilation et la mémorisation des informations plus détaillées qui seront introduites dans le cours de l’enseignement. 

Les organisateurs graphiques favorisent un travail en équipe. Chaque enseignant d’une matière à un même niveau sait exactement ce qui est à enseigner en s’y référant. Ils peuvent être transmis également aux enseignants des années ultérieures, ce qui facilite la prise en compte des connaissances préalables.

























Apprendre le contenu d’un organisateur graphique


Une critique courante à l’égard de l’étude des organisateurs graphiques est que la mémorisation d’informations aisément accessibles n’a plus le même sens ou le degré d’utilité aujourd’hui qu’elle pouvait avoir auparavant. 

Si les connaissances sont aisément disponibles en ligne, il pourrait être inutile pour les élèves de les mémoriser. Dans cette perspective, les enseignants devraient plutôt se centrer sur les compétences du XXIe siècle. Il vaudrait mieux faire pratiquer davantage par les élèves ces compétences et passer moins de temps sur ces connaissances. Les enjeux seraient au niveau du traitement des informations, des soft skills, de l’évaluation de compétences de haut niveau, et non au niveau de la mémorisation de connaissances.

Par soft skills, nous entendons des compétences telles que la communication, le travail d’équipe, la flexibilité, la résolution de problèmes, la créativité, l’esprit critique ou encore les compétences interpersonnelles.

Cependant, devoir rechercher des connaissances chaque fois que nous en avons besoin est un obstacle, cela rend également la discrimination difficile, de même que cela diminue les capacités de sélection des informations pertinentes par la mémoire de travail. La charge cognitive augmente également plus rapidement, diminuant la capacité d’un traitement profond et d’un apprentissage.

Nous pouvons savoir comment conduire une voiture, mais ne pas en être capable parce que nous n’avons pas les compétences nécessaires et que nous allons mettre la vie des autres conducteurs en danger. Une connaissance basique du code de la route est fondamentale pour conduire. Connaitre le code de la route est une condition préalable et non suffisante pour être conducteur.

Un élève peut connaitre les règles d’accord du participe passé, mais ne pas appliquer cette connaissance. Cependant, un élève qui ne connait pas la règle n’a aucune chance de pouvoir manifester cette compétence en écrivant. Une compétence se fonde toujours sur une connaissance.

Certes, nous pouvons avoir des connaissances et non des compétences, mais nous ne pouvons pas avoir des compétences sans connaissances. La connaissance est la base sur laquelle les compétences sont construites, entrainées et développées.



Organisateur graphique et enseignement explicite


Pour faciliter la pratique guidée et la pratique autonome en enseignement explicite, l’enseignant peut distribuer aux élèves, un organisateur graphique qui joue le rôle d’aide-mémoire, de synthèse des procédures utilisées lors du modelage.

Cet aide-mémoire constitue une modalité d’étayage, de soutien à l’apprentissage. Les élèves peuvent le suivre à la lettre au départ, car cela facilite pour eux la mobilisation, l’utilisation et l’application des savoirs et savoir-faire. Ils s’en détacheront progressivement par la suite. Le dispositif contribuera à transférer en mémoire à long terme ce qui a été appris.

Pour introduire de nouveaux concepts, il est pertinent de choisir des représentations et des explications qui aident les élèves à se rapprocher de la compréhension d’un nouveau concept dans toute sa complexité. Il faut donc que celles-ci se complètent pour mettre en lumière les différentes facettes d’un concept de façon non réductrice.

La mémoire de travail tend à sélectionner les informations en fonction de celles déjà contenues en mémoire à long terme. C’est une des raisons pour lesquelles, dans la plupart des cas, il est préférable de présenter d’abord aux élèves dans la classe quelque chose de concret à apprendre. Par la suite, nous pouvons introduire ou aboutir à de nouvelles idées plus abstraites et générales, ou au développement de celles qui existent déjà dans la mémoire à long terme des élèves.

L’esprit des élèves a besoin de temps pour traiter de nouvelles informations. Il a besoin d’opportunités pour aborder les concepts de différentes façons. En tant qu’enseignants, nous introduisons une idée avec des représentations concrètes, puis nous orientons et accompagnons nos élèves vers une abstraction croissante.


mis à jour 17/01/22

Bibliographie



Graphic organizer, https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Graphic_organizer&oldid=1179594505 (last visited Feb. 5, 2024).

Jon Brunskill & Mark Enser, Are “knowledge organisers” now essential tools in the classroom?, 2017, https://www.tes.com/news/are-knowledge-organisers-now-essential-tools-classroom

Gauthier, C., Bissonnette, S., & Richard, M. (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages. Bruxelles : De Boeck.

Harry Fletcher-Wood, Cognitive science and formative assessment in practice, Routledge, 2018

Pedro De Bruyckere, The ingredients for great teaching, Sage, 2018

John Hattie, Visible Learning, Routledge, 2008

Stull, Andrew & Mayer, Richard. (2007). Learning by Doing Versus Learning by Viewing: Three Experimental Comparisons of Learner-Generated Versus Author-Provided Graphic Organizers. Journal of Educational Psychology. 99. 808–820. 10.1037/0022–0663.99.4.808

Marzano, Robert J.. “A Theory-Based Meta-Analysis of Research on Instruction.” (1998).


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