dimanche 14 juin 2020

Mettre en œuvre un développement professionnel au bénéfice des enseignants et de leurs élèves

Dans un récent article, Mario Richard (2020) se fait l’écho du déploiement réussi de l’approche RàI en lecture dans la Commission scolaire de la Rivière-du-Nord de Saint-Jérôme (Québec).

La démarche suivie a été en adéquation avec les cinq principes d’efficacité du développement professionnel que nous avons précédemment explorés :

(Photographie : Hedy Bach)


 Voir articles :


C’est également l’occasion pour Mario Richard de pousser plus loin la réflexion sur le sujet de l’amélioration de la formation continue des enseignants, dont en voici une synthèse personnelle.



Enjeux et défis pour les écoles dans l'adoption du modèle de la réponse à l’intervention


Le modèle de la réponse à l’intervention est un mode de distribution des ressources visant à optimiser la mise en place de pratiques efficaces. Largement utilisé aux États-Unis, il prend peu à peu de l’ampleur au-delà des frontières.

Les écoles qui veulent implanter cette approche font face à d’importants défis :
  1. Adopter des pratiques enseignantes dont l’efficacité réelle a été démontrée par la recherche. Il s’agit de mettre en œuvre des pratiques éducatives efficaces pour l’ensemble des élèves afin de développer les compétences attendues dans les programmes. C’est le premier niveau, dit universel de la réponse à l’intervention.
  2. Mener un dépistage universel régulièrement pour identifier les élèves susceptibles de rencontrer des difficultés d’apprentissage ou comportementales (suivant le domaine d’application de l’approche RàI) et ceux qui présentent déjà de telles difficultés.
  3. Adapter les modalités d’intervention pédagogique pour chaque élève concerné en les rassemblant autant que possible en petits groupes. C’est le deuxième niveau de la réponse à l’intervention. L’enjeu est de mettre en œuvre des pratiques plus intensives auprès des petits groupes d’élèves présentant des problèmes similaires et n’ayant pas répondu positivement aux pratiques universelles.
  4. Effectuer un monitoring et mesurer les progrès des élèves pour vérifier l’impact de l’intensification des interventions pédagogiques. S’il y a besoin mettre en place des ressources au niveau individuel, c’est le troisième niveau de la réponse à l’intervention.
  5. Appuyer les décisions relatives aux élèves sur des données plutôt que sur des impressions subjectives. 



Le changement de culture qui accompagne la mise en œuvre de la réponse à l’intervention en école


L’adoption du modèle de la réponse à l’intervention entraîne nécessairement un changement de culture qui se traduit par une évolution substantielle :
  • Dans les pratiques relatives à l’enseignement ou à la gestion du comportement.
  • Dans le recueil des données pour documenter l’impact des pratiques mises en œuvre. 
  • Dans l’évaluation continue et le suivi des interventions auprès des élèves
  • Dans la gestion des ressources scolaires et dans le leadership pédagogique. 

La mise en œuvre, même progressive et même partielle de telles démarches d’amélioration de l’organisation scolaire va invariablement amener les enseignants à exercer et à développer de nouvelles compétences.

L’acquisition de ces nouvelles compétences va nécessiter le fait que nous nous attaquons à la question du développement professionnel. Celui-ci est appelé à jouer un rôle important et crucial dans la mise en œuvre du changement. Il devient bien plus qu’une simple variable d’ajustement ou d’une contrainte administrative qu’il est parfois.

Dans le cadre d’une politique d’amélioration à l’échelle d’un établissement, le développement professionnel cesse de se traduire par des trajectoires exclusivement individuelles des enseignants. Il concerne dès lors la majorité des intervenants scolaires et les regroupe en rapport avec leurs fonctions et avec leurs objectifs communs, dans le cadre de communautés d’apprentissage professionnelles. Il conjugue pratique délibérée et travail collaboratif pour soutenir le développement de nouvelles compétences avec un apport d’expertise, d’accompagnement et de coaching pédagogique extérieur.



Exigences liées au développement professionnel dans le cadre de l’amélioration des pratiques d’enseignement


Le développement professionnel regroupe un ensemble d’activités, au centre duquel se retrouve la formation continue.

La formation continue permet aux enseignants de perfectionner leurs pratiques pédagogiques en vue d’améliorer l’apprentissage des élèves. Dans la cadre d’une amélioration des pratiques d’enseignement, le développement professionnel est un vecteur d’optimisation sur lequel les systèmes d’éducation doivent pouvoir compter.

La formation continue se distingue par là des activités de développement personnel dont l’objectif est plutôt d’améliorer le bien-être de l’enseignant, sa connaissance de lui-même, ses talents et potentiels, ou ses aspirations.

Le développement professionnel devient dès lors lui-même une variable qu’il s’agit également d’optimiser.

Malheureusement, dans la manière dont elle est généralement conçue actuellement, la formation continuée offerte aux enseignants n’amène que rarement de manière certaine à changements significatifs dans les interventions pédagogiques en classe. C’est encore moins le cas à l’échelle d’un établissement.

Elle est en effet généralement morcelée, ponctuelle, décontextualisée. Elle ne repose pas sur une analyse objective des besoins, ne prévoit pas de mesure d’accompagnement ni de soutien au transfert en classe, de suivi ou d’évaluation de son impact.



Concevoir la formation continue dans la logique d’un apprentissage professionnel 


Enjeux de la transformation


L’idée clé est que le développement professionnel doit répondre explicitement à des objectifs professionnels et organisationnels des intervenants scolaires.

Les objectifs doivent être préalablement identifiés. À la suite d’un processus de formation, ils doivent être évalués afin de mesurer leurs effets. Le développement professionnel doit être un processus d’apprentissage professionnel. Il est un instrument d’amélioration des interventions pédagogiques mises en œuvre auprès des élèves.

Il parait dès lors essentiel de favoriser le recours aux meilleures pratiques pédagogiques en classe, fondées sur des données probantes, mais ce n’est pas suffisant en tant que tel.

Il s’agit également de mettre en place les moyens pour que cette formation améliore réellement la qualité de l’enseignement, de façon à influencer positivement l’apprentissage des élèves.



Conditions essentielles à un développement professionnel


Pour remplir les objectifs pédagogiques identifiés, le développement professionnel doit respecter deux conditions essentielles :
  1. S’ancrer dans des interventions pédagogiques basées sur des données probantes, qui correspondent au contexte local.
  2. Tenir compte des principes permettant l’implantation d’un changement durable des pratiques enseignantes en classe.

Il s’agit de prendre en compte les finalités, la réalité du terrain et les moyens disponibles.

Nous pouvons prendre en considération le développement professionnel comme Guskey (2019) le définit :
C’est un processus et des activités auxquels prennent part les intervenants scolaires avec l’intention de perfectionner leurs savoirs, habiletés et attitudes au niveau professionnel, afin de pouvoir, à leur tour, favoriser l’apprentissage des élèves.



Du perfectionnement des enseignants à l’apprentissage professionnel 


Il faut dépasser le stade du perfectionnement aléatoire des enseignants pour instaurer un véritable processus d’apprentissage professionnel délibéré.

Un apprentissage professionnel correspondrait aux caractéristiques suivantes :
  • Un processus incrémental, non linéaire et itératif.
  • Sous forme de cycles récursifs :
    • D’investigation, de formation et d’exploration à l’extérieur de la classe 
    • D’expérimentation et de pratique délibérée dans la classe.
  • Qui se traduit en une évolution concrète des pratiques de l’enseignant et la démonstration d’un effet mesurable en classe.

Pour favoriser la réussite scolaire, les enseignants doivent être engagés dans un processus d’apprentissage professionnel continu et systématique d’adaptation de leurs interventions, modulé par la progression des résultats de leurs élèves.



Développement d’une expertise collaborative à l’échelle d’une école


Un processus d’apprentissage professionnel est fondamentalement inscrit à l’échelle d’une école. Il repose sur le développement d’une expertise collaborative au sein de l’école. L’ensemble de l’équipe éducative doit travailler de concert afin de maximiser l’effet enseignant. C’est l’une des clés du succès des systèmes scolaires les plus performants.

Dans ces systèmes scolaires, les pratiques des enseignants et les croyances qui les sous-tendent sont rigoureusement scrutées, ajustées, consolidées et validées à la lumière des résultats des élèves, par des équipes collaboratives. Celles-ci se nourrissent de l’expertise émergeant de l’interaction entre leurs membres.

Ce type de fonctionnement demande de vérifier la progression des élèves, non pas subjectivement, mais par l’intermédiaire de données recueillies dans chacune des classes.

Les équipes collaboratives mettent en place des cycles d’investigation dont l’objectif consiste à harmoniser la qualité de l’enseignement dans l’ensemble de l’école. Les enseignants sont amenés à justifier systématiquement ce qu’ils avancent concernant leurs élèves en appuyant leur jugement sur les données recueillies en classe sous différentes formes.

Les échanges entre collègues permettent, collectivement, de déterminer les meilleures interventions à privilégier pour s’assurer que chaque élève progresse adéquatement dans ses apprentissages.

Toutefois, les enseignants doivent pouvoir gérer adéquatement les données, et non être à leur merci. Ils doivent se familiariser avec les procédures de collecte de ces données, l’interprétation des résultats et leur utilisation dans le guidage des interventions subséquentes.

Ces communautés d’apprentissage professionnelles doivent être alimentées par des ressources extérieures lorsque cela est nécessaire, sous la forme d’une expertise dans les domaines investigués. Il faut éviter de réinventer la roue. De même, des collaborations entre établissements sont favorables sur des projets définis, dans l’optique d’une mutualisation des ressources et de l’expertise locale. 

L’accès à une expertise extérieure validée dans les domaines explorés permet d’assurer la formation nécessaire au développement et la mise à jour de ces compétences enseignantes essentielles dans une démarche d’apprentissage itérative.

Lorsqu’elle répond aux exigences d’un apprentissage professionnel, la formation continue est la clé du développement professionnel sur les plans individuel et collectif.

La formation continue est à la fois un moyen de se former et un lieu de rencontre entre des enseignants, qui veulent non seulement apprendre, mais aussi échanger, discuter et partager leur expérience pour un enrichissement mutuel.


Mise à jour le 09/09/2022

Bibliographie


Mario Richard, Le rôle du développement professionnel dans la mise en œuvre du modèle de la réponse à l’intervention, Enfance en difficulté, Vol. 7, mai 2020, p. 51–78

Guskey, T. R., & Yoon, K. S. (2009). What Works in Professional Development? Phi Delta Kappan, 90 (7), 495–500. https://doi.org/10.1177/003172170909000709

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