(Photographie : Barbara Bosworth)
Avant d’entrer dans le vif du sujet et aborder cette notion de taux (« ratio » en anglais) de participation et de réflexion, nous commençons par examiner sa raison d’être. Il convient de saisir le cadre dans lequel il devient pertinent de le prendre en considération. Voici le compte-rendu d’un article d’Adam Boxer (2020) sur le sujet.
L'estimation du taux de participation et du taux de réflexion des élèves en classe comme paramètre de la qualité de l'enseignement
Mettons-nous dans la peau d’un observateur extérieur d’une classe. Celui-ci observe un enseignant à l’œuvre durant une heure de cours. Il ne connaît pas les élèves et n’a jamais donné ce cours ou pas depuis longtemps. Il est invité pour évaluer la qualité du cours et fournir une rétroaction au départ de ses observations.
L’observateur va dès lors plutôt s’attacher à des paramètres directement visibles et objectivables :
- Le climat de classe
- La clarté de l’enseignant
- L’alignement avec les caractéristiques pédagogiques souhaitées
- La forme ou la nature des interactions et de l’engagement des élèves
Il serait utile que les critères observés puissent assurer d’un lien plus tangible entre l’enseignement et l’apprentissage qui en découle. L’apprentissage a lieu lorsque les élèves sont engagés à travers un traitement cognitif qui les fait élaborer, pratiquer ou récupérer les connaissances visées, avec des attentes élevées communiquées par l’enseignant et un étayage de sa part.
La réflexion de l’observateur pourrait plutôt se porter sur quand et dans quelles conditions les pratiques enseignantes génèrent un apprentissage.
C’est dans ce cadre que le concept de taux (ratio) intervient. La prise en compte de ce taux peut favoriser une évaluation plus pertinente et un dialogue réflexif et plus constructif. De même, il peut guider à la prise d’actions concrètes et spécifiques dans une perspective d’amélioration des pratiques en classe de l’enseignant.
Dans cette perspective, nous pouvons partir du constat suivant. Pour garantir la réussite scolaire de tous leurs élèves, les enseignants efficaces dispensent un enseignement qui maximise leur taux de participation et de réflexion.
Comprendre l’importance du taux de participation et de réflexion des élèves en classe
Le taux (ratio en anglais) est un concept qui vise à évaluer la quantité et la qualité de la réflexion qui a lieu dans une classe.
Le taux s’évalue selon deux dimensions indépendantes :
- Horizontalement, nous considérons l’engagement ou taux de participation :
- Combien d’élèves participent et à quelle fréquence ?
- Verticalement, nous considérons le traitement cognitif ou taux de réflexion :
- Quand les élèves participent-ils ?
- À quelle fréquence ?
- Réfléchissent-ils en profondeur ?
Le taux est un concept précieux :
- Il peut orienter la discussion entre ou avec des enseignants vers des pratiques de classe spécifiques plus susceptibles de générer une amélioration.
- Il peut s’appliquer au niveau de chaque élève et à l’échelle de la classe.
L’axe horizontal est celui de l’engagement. Il part d’élèves peu engagés sur la gauche à des élèves très engagés sur droite. Il est avantageux de le maximiser en classe, par conséquent de se diriger vers la droite de cet axe.
L’axe vertical mesure la pertinence du traitement cognitif. Il devient plus élevé et plus pertinent au fur et à mesure que nous remontons sur l’axe. Au plus il est élevé, au plus les élèves réfléchissent et au plus c’est susceptible de générer un apprentissage.
La position la plus souhaitable est par conséquent la case en haut et à droite, celle représentée par le soleil. Pour l’atteindre, nous devons maximiser à la fois l’engagement des élèves et la pertinence de leur traitement cognitif grâce à des pratiques enseignantes appropriées.
Pratiques à éviter pour favoriser le taux de participation et de réflexion des élèves en classe
Certaines pratiques sont à proscrire dans un casdre d'enseignement explicite car elles ne suscitent que peu d’engagement productif ou peu de traitement cognitif génératif de la part de l'ensemble des élèves.
Les activités peu productives en matière d'apprentissate comprennent :
- L’enseignement magistral auprès d’un groupe d’élèves : l’enseignant parle seul et sans interactions avec ses élèves durant un temps prolongé.
- La diffusion d’une vidéo d'un bloc, sans instructions guidées préalables et sans questionnements épisodiques.
- La lecture de documents, sauf si les élèves les lisent dans un but précis prédéterminé et clair pour eux avec une production à la clé.
- Les tâches à charge cognitive trop élevée, car elles vont inhibent l’apprentissage ne laissant plus d’espace nécessaire à la charge essentielle.
- Les tâches à charge cognitive trop faible, car elles suscitent la distraction en laissant des ressource mentales inutilisées.
- Les questions de vérification de la compréhension posées en classe par l’enseignant où il désigne préalablement l’élève qui va y répondre où lorsqu’il désigne l’élève trop rapidement. Dans les deux cas, les autres élèves ne sont pas incités à fournir un traitement cognitif et vont se dispenser de penser.
- Le fait d'envoyer successivement un élève après l'autre résoudre un exercice au tableau durant de longues minutes, tandis que les autres élèves observent et prennent note tout en se sentant dispensés de devoir réfléchir.
Pratiques à privilégier pour favoriser le taux de participation et de réflexion des élèves en classe
Nous devons favoriser des pratiques qui correspondent au double objectif de participation et de réflexion approfondie des élèves. De manière générale, un enseignement explicite ou de découverte guidée répond favorablement à ce double objectif.
De façon spécifique, nous pouvons augmenter le ratio grâce aux approches suivantes :
- Choix et sélection des activités d’apprentissage en adéquation avec les intentions d’apprentissage.
- Augmentation du nombre de productions réalisées par les élèves, en étant stratégiques sur le moment et la manière.
- Utilisations multiples de différentes techniques de vérification de la compréhension à l’échelle de la classe.
- Définition, enseignement et maintien de procédures et de routines de classe qui visent l’efficacité et le maintien d’un rythme rapide et sans temps mort. Grâce à elles les élèves savent comment il est attendu qu’ils se comportent à chaque moment, ce qui permet de fluidifier et rendre plus dynamique le cours et rendre ainsi plus facile leur engagement.
- D’un côté, une charge cognitive trop élevée ne laisse plus de place pour les apprentissages.
- De l’autre, une charge cognitive trop faible est source de distraction.
Stimuler et responsabiliser les élèves face à leur engagement en classe par le questionnement de l’enseignant
Une manière d’augmenter le ratio est de témoigner concrètement d’attentes élevées. L’enseignant soutient, mais rend chaque élève responsable de son engagement.
Imaginons la situation où en tant qu’enseignants, nous posons une question à un élève. Malheureusement et contre toute attente, il ne connaît pas la réponse. Pourtant l’élément est basique, courant et relativement fondamental pour la matière et l’élève devrait être capable à ce stade de donner la réponse.
L’enseignant lui donne alors un indice pour faciliter sa réponse ou lui laisse un temps supplémentaire de recherche, en posant une autre question à un autre élève avant de revenir vers lui.
La démarche de responsabilisation va démarrer ici :
Cela favorise la mise en place d’une culture de l’engagement. Les élèves comprennent et intègrent peu à peu, qu’il est important dans ce cours de donner de l’attention à la fois au discours de l’enseignant et aux réponses des autres élèves. Si cette norme est implantée, le taux augmente sur les deux registres de l’engagement et du traitement cognitif.
Pour favoriser l’attention que les élèves vont accorder aux réponses de leurs condisciples, des approches complémentaires peuvent également être installées :
La mise en place d’une pratique indépendante est également un moyen sûr de garantir la participation de tous. Les élèves ont besoin de ces périodes prolongées de calme et de travail individuel pour consolider de nouvelles informations. Pour l’enseignant, lorsqu’elles sont bien gérées, elles sont une excellente occasion pour obtenir un taux plus élevé d’engagement et de traitement cognitif.
L’autre axe important du taux est de s’assurer que les élèves soient bien engagés dans un traitement cognitif exigeant. Pour cela, il faut veiller à ce qu’il y ait assez de variation dans les tâches et exercices demandés.
Lorsque plusieurs exercices d’affilée demandent exactement la même technique, les élèves vont rapidement cesser de réfléchir et passer en mode de pilotage automatique qui leur permet de travailler plus vite avec un coût cognitif réduit. Le souci est que s’ils travaillent moins fort, l’apprentissage sera à ce moment-là également nettement plus faible.
En variant les exercices, l’enseignant peut introduire un taux de difficulté plus élevé qui va maintenir l’élève alerte cognitivement. Les élèves n’ont plus d’autre choix que de lire, analyser et décoder les énoncés et réfléchir à des stratégies de réponse appropriées.
Dans ce cas, ils avanceront plus lentement, feront moins d’exercices, mais devront effectuer un traitement cognitif plus approfondi qui se traduira par un apprentissage plus conséquent et plus profond.
Donner une série d’exercices similaires peut augmenter le taux de participation des élèves, mais cela n’augmente pas la profondeur de leur traitement de l’information donc le bénéfice en matière d’apprentissage resterait faible. Il existe de nombreuses façons d’augmenter le défi d’une tâche, il s’agit de les exploiter pour maximiser l’apprentissage des élèves.
Adam Boxer, Ratio, 2020, https://achemicalorthodoxy.wordpress.com/2020/02/09/ratio/
La démarche de responsabilisation va démarrer ici :
- Considérons qu’il donne finalement la bonne réponse. En dehors du fait de ne pas lui avoir laissé la possibilité d’esquiver, nous allons renforcer positivement sa contribution. Néanmoins, il est important que l’enseignant lui communique qu’à ce stade il est ennuyeux, problématique et décevant qu’il ne connaisse pas la réponse.
- Considérons qu’il ne donne finalement pas la bonne réponse ou que celle-ci soit incomplète. Plutôt que ce soit l’enseignant qui donne la bonne réponse complète, l’enseignant avertit l’élève qu’il va poser la même question à un autre élève. Il reviendra ensuite vers lui un peu plus tard avec exactement la même question. Pour ce faire, l’enseignant note éventuellement le nom de l’élève et la question à reposer un peu plus tard durant le cours.
Cela favorise la mise en place d’une culture de l’engagement. Les élèves comprennent et intègrent peu à peu, qu’il est important dans ce cours de donner de l’attention à la fois au discours de l’enseignant et aux réponses des autres élèves. Si cette norme est implantée, le taux augmente sur les deux registres de l’engagement et du traitement cognitif.
Pour favoriser l’attention que les élèves vont accorder aux réponses de leurs condisciples, des approches complémentaires peuvent également être installées :
- Un élève vient de répondre correctement à une question. L’enseignant interroge alors immédiatement un autre élève en lui demandant de reformuler ce que le premier élève vient de dire. De cette manière, les élèves apprennent qu’il est important d’être attentifs aux réponses de leurs condisciples.
- La même démarche gagne à être utilisée lors d’explications données par l’enseignant. Après avoir expliqué quelque chose et sans effet d’annonce, l’enseignant demande à un élève de reformuler ce qu’il vient d’expliquer à l’instant. Cela permet de construire, à long terme, une culture de l’engagement et de la réflexion en classe face aux explications de l’enseignant.
- À la suite d’une question posée par l’enseignant, un élève donne une longue réponse, imprécise, hésitante ou bancale. Autre cas de figure, un élève pose à l’enseignant une question afin d’obtenir des explications supplémentaires.
- Dans les deux cas de figure, il y a un risque que le reste de la classe cesse d’écouter ce que répond ou demande l’élève, préférant plutôt attendre la réponse de l’enseignant.
- L’enseignant n’a rien à gagner à prendre la responsabilité de toute la charge cognitive à ce moment-là. Il est plus intéressant pour lui d’en transmettre la responsabilité sur les autres élèves.
- Dans ce cas, à titre préventif, l’enseignant peut exprimer clairement qu’il souhaite que tout le monde écoute attentivement ce que l’élève dit. Il leur demande également de lever immédiatement la main s’ils repèrent un élément de réponse complémentaire qu’ils pourraient donner, que ce soit une réponse plus précise, plus rigoureuse ou plus exacte.
- Lorsque la réponse est obtenue finalement grâce à l’implication d’autres élèves, l’enseignant se retourne alors vers l’élève d’origine en lui demandant de redonner l’explication maintenant de manière complète et exacte.
La mise en place d’une pratique indépendante est également un moyen sûr de garantir la participation de tous. Les élèves ont besoin de ces périodes prolongées de calme et de travail individuel pour consolider de nouvelles informations. Pour l’enseignant, lorsqu’elles sont bien gérées, elles sont une excellente occasion pour obtenir un taux plus élevé d’engagement et de traitement cognitif.
Veiller à augmenter le taux de réflexion par la variété des questions et des tâches scolaires
L’autre axe important du taux est de s’assurer que les élèves soient bien engagés dans un traitement cognitif exigeant. Pour cela, il faut veiller à ce qu’il y ait assez de variation dans les tâches et exercices demandés.
Lorsque plusieurs exercices d’affilée demandent exactement la même technique, les élèves vont rapidement cesser de réfléchir et passer en mode de pilotage automatique qui leur permet de travailler plus vite avec un coût cognitif réduit. Le souci est que s’ils travaillent moins fort, l’apprentissage sera à ce moment-là également nettement plus faible.
En variant les exercices, l’enseignant peut introduire un taux de difficulté plus élevé qui va maintenir l’élève alerte cognitivement. Les élèves n’ont plus d’autre choix que de lire, analyser et décoder les énoncés et réfléchir à des stratégies de réponse appropriées.
Dans ce cas, ils avanceront plus lentement, feront moins d’exercices, mais devront effectuer un traitement cognitif plus approfondi qui se traduira par un apprentissage plus conséquent et plus profond.
Donner une série d’exercices similaires peut augmenter le taux de participation des élèves, mais cela n’augmente pas la profondeur de leur traitement de l’information donc le bénéfice en matière d’apprentissage resterait faible. Il existe de nombreuses façons d’augmenter le défi d’une tâche, il s’agit de les exploiter pour maximiser l’apprentissage des élèves.
Mise à jour le 20/07/2024
Bibliographie
Adam Boxer, Ratio, 2020, https://achemicalorthodoxy.wordpress.com/2020/02/09/ratio/
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