mercredi 1 janvier 2020

Établir la base des relations en classe dans la première ligne droite

Quand débute une année scolaire, il est utile, en tant qu’enseignant, d’anticiper et de gérer les premières impressions des élèves. Nous posons le cadre. Nous installons notre rapport d’influence et de proximité.

Le challenge de l’enseignant est de se mettre dans les conditions d’assurer d’emblée un climat favorable à l’apprentissage pour toute l’année scolaire. En parallèle, il doit reconnaitre les élèves dans leur individualité et leur qualité d’apprenant.


(Photographie : Matt Curtis)



La rentrée, un moment essentiel pour l’établissement du cadre en gestion de classe 


Les relations qu’un enseignant entretient avec ses élèves évoluent tout au long de l’année scolaire, se nuancent et s’approfondissent au fur et à mesure que la connaissance réciproque se développe. Cependant, le cadre sous-jacent doit lui rester inamovible. 

Il existe par conséquent deux dimensions indépendantes :
  • Celui de relations où nous développons une proximité avec les élèves, qui soutient un climat de coopération.
  • Celui du cadre où nous définissions des règles, des procédures et des routines qui vont faciliter notre influence.
Ce seront les premiers temps de contact et d’échanges, qui vont installer les bases de la relation et du cadre. Ils vont amener les élèves à poser des attributions sur leur enseignant et émettre des suppositions sur ses attentes, son style, ses relations et son style de contrôle. Ces attributions tendent à former une ancre, un point de référence durable.

Investir une position authentique de l’enseignant demande d’être bien conscient des attentes et questions suscitées chez les élèves par les premières heures de cours de l’année scolaire. Les élèves vont passer beaucoup de temps avec nous durant une année scolaire. Les élèves vont nous écouter, suivre nos consignes, apprendre et passer un temps conséquent à nous observer, découvrir nos forces et nos faiblesses. Les élèves vont interagir avec nous et devoir fournir des efforts à la suite de nos injonctions.

Ils veulent dès lors vite se faire une première idée, anticiper la façon dont ils seront traités, en tirer des conclusions, déterminer quelle attitude adopter en retour et comprendre la marge de manœuvre dont ils vont disposer.

Il ne faut pas beaucoup de temps aux élèves pour savoir comment sont leurs enseignants. Ils ont déjà rencontré différents enseignants précédemment et ont développé leurs propres conceptions à ce sujet. Plus particulièrement, ils détectent rapidement si l’enseignant devant lequel ils se trouvent en classe peut faire en sorte que ça marche, diriger et gérer l’espace physique et social de la classe.

En début d’année scolaire, l’enseignant et les élèves vont s’enseigner les uns les autres et établir des normes. Enseignant et élèves apportent leurs propres agendas, leurs émotions, leurs attentes, leurs besoins personnels. L’enseignant est à travers l’institution qu’est l’école le garant de certaines valeurs, de certaines obligations et de certains droits. L’enseignant a par conséquent intérêt à prendre la main sur l’établissement du cadre. Il doit le concevoir, l’enseigner, en soutenir l’apprentissage par ses élèves et le maintenir. Tout cela doit être équilibré.

L’enseignant et les élèves, se jaugent, communiquent, interagissent, apprennent à se connaître, particulièrement dans les premiers temps où les routines seront installées. Celles-ci concernent les comportements relationnels quotidiens. Le comportement des élèves sera également appris dans le contexte de la classe. Lorsque le cadre et lâche, les élèves apprendront également des comportements avec plus de degrés de liberté.



Assumer pleinement le rôle de l’enseignant qui établit un cadre


Les relations que les élèves développent avec leurs enseignants sont bien plus formelles, formalisées que les relations individuelles qu’ils développent avec leurs parents, leurs proches ou leurs condisciples.

L’enseignant détient une position d’autorité. Il s’adresse à chacun des élèves au sein du groupe et comme élément de celui-ci. Il maintient une distance nécessaire. Adulte de référence dans le cadre scolaire, l’enseignant n’est ni un parent ni un ami, mais il est susceptible de les connaître et de les reconnaitre chacun dans leurs spécificités personnelles d’élèves.

Dans leurs premières impressions, les élèves doivent sentir que l’enseignant prend en charge son rôle, sa position, sa fonction et sa responsabilité. Ils doivent avoir des éléments pour se dire qu’il le fait bien, qu’il assure un contrôle subtil et raisonnable de la classe. Il pose un cadre clair et sans équivoque. Ils doivent pouvoir établir qu’il fait de la classe, un lieu positif et propice à l’apprentissage où chacun d’entre eux est accueilli.



Quatre manières de démontrer que nous posons un cadre coopératif


Dès le départ, l’enseignant montre une volonté de prendre son rôle au sérieux et de communiquer positivement et concrètement sur ces aspects :
  1. Accueillir les élèves avec le sourire, un contact visuel et un bonjour, lorsqu’ils entrent dans la classe. Dès le premier jour, l’enseignant montre déjà qu’il veut être là pour tout le monde.
  2. Utiliser fréquemment les prénoms des élèves dès le premier jour de cours, alors même que nous apprenons encore leurs noms, comme une façon d’accélérer cet apprentissage.
  3. Imposer d’emblée un plan de classe, pour s’aider à retenir les noms des élèves et désamorcer des associations naturelles, sources de distraction (se renseigner préalablement auprès de collègues qui les ont déjà eus est particulièrement utile).
  4. Être dans les starting-blocks et prêt à enchainer les activités avec dynamisme, maîtrise et sans temps mort.

Ces quatre aspects dressent le portrait d’un enseignant responsable, qui se soucie de ses élèves et place d’emblée un cadre très favorable et exigeant face à leurs apprentissages. Les élèves ressentent à la fois la valeur de l’influence et de la proximité de leur enseignant, ce qui facilite leur adhésion.



Prioriser l’enseignement explicite des routines en début d'année scolaire


Dans la foulée de l’accueil des élèves en classe, dès les premières heures, dans une démarche à poursuivre durant les premiers jours, nous gagnons à leur enseigner les routines et les procédures typiques à adopter quotidiennement. 

Ce sont par exemple :
  • Comment lever la main pour attirer l’attention de l’enseignant ?
  • Comment répondre à une question ?
  • Comment se comporter suivant les différents temps du cours ?
  • Que faire directement lorsque de l’entrer en classe ?
  • Etc.
Cette entreprise est cruciale étant donné que l’ordre créé durant les premiers jours de l’école prédit assez largement le degré d’engagement des élèves et le niveau de perturbation de la classe pour le reste de l’année scolaire.

Après leur avoir enseigné explicitement les routines, nous renforçons positivement le comportement approprié des élèves. Nous devons le reconnaitre, assurer une rétroaction formative spécifique et distribuer un renforcement positif en cas de progrès. C’est particulièrement important pour les élèves qui ont un potentiel de perturbation plus élevé. Cette rétroaction positive peut se faire également à l’échelle de la classe.

Cette rétroaction se doit d’être claire, honnête, motivée et précise, nous assurons que les élèves font les attributions que nous souhaitons. Nous pouvons par exemple de marquer le succès de leur comportement en disant :
  •  J’ai apprécié la façon dont chacun d’entre vous est resté attentif et s’est impliqué dans les tâches demandées aujourd’hui. Cela nous a permis de bien avancer. 
  • Merci d’avoir levé la main, d’avoir attendu d’être de recevoir la parole et d’écouter chacun d’entre vous aujourd’hui. C’est le genre de climat de classe qui permet à tout le monde de se sentir bien et d’apprendre.



Acclimater les élèves au cadre que nous voulons instaurer


Les premières activités de l’année scolaire doivent amener les élèves à rencontrer un sentiment de réussite en lien avec des efforts fournis et consentis. Cela leur permettra d’alimenter leur sentiment d’efficacité personnelle face au cours. Ils se sentiront en confiance et en sécurité. C’est d’autant plus important que l’élève a connu des difficultés où que le nouveau cours s’accompagne d’une hausse du niveau d’exigences.

Ce premier goût de succès leur permettra de fournir plus de ténacité lorsqu’éventuellement des difficultés apparaîtront ultérieurement. Ils auront plus l’envie de fournir des efforts. C’est l’occasion pour l’enseignant d’exprimer des attentes élevées en l’équilibrant par un soutien attentif à leurs difficultés.

Par conséquent, les premières tâches et activités soumises aux élèves doivent être accessibles et simples d’exécution. Elles ne sont pas simplifiées, mais accompagnées de l’étayage nécessaire. C’est d’autant plus important durant cette phase de début d’année, que les élèves doivent également se concentrer sur l’apprentissage des routines et prendre leurs repères dans un nouvel environnement.

Ainsi, durant les premiers jours de classe, l’enseignant privilégiera un enseignement plus frontal que coopératif. Il limitera les travaux en petits groupes ou autonomes. En évitant ces situations plus complexes, l’enseignant s’assure de prévenir tous les comportements ou les événements qui pourraient survenir. Lorsque les routines correspondant à un enseignement frontal seront assimilées, il pourra diversifier ses approches et donner un peu plus de lest.



Mettre l’accent sur le non verbal


Il est également important de prendre conscience de l’importance de notre communication non verbale et de nous centrer sur chacune de ses composantes. Le langage corporel a un poids certain dans l’expression et la constitution d’une première impression. Les enseignants à haut niveau d’influence l’expriment à travers le ton posé de leur voix, les expressions de leur visage et leurs gestes, comme l’utilisation des mains et de la posture face à la classe.

Un style d’enseignement dynamique et régulièrement interactif capture et maintient l’attention et l’engagement des élèves. Il donne force et contribue à montrer que l’enseignant s’assure avec maîtrise et influence que la classe est un environnement sécuritaire où chacun a sa place et où il fait bon apprendre.

Le langage corporel permet de transmettre des informations implicites sur les émotions, sur la proximité de l’enseignant, sur la prise en compte des élèves en tant qu’individus uniques. Les sourires, le contact visuel, promener le regard dans la classe régulièrement sur chaque élève et une posture ouverte et accueillante du corps sont importants. Ces actions témoignent de l’acceptation, de l’ouverture, de l’attention et de la chaleur de l’enseignant.



Favoriser les stratégies de contact visuel en classe


Le contact visuel avec les élèves démontre l’attention et l’intérêt que nous leur portons et notre capacité à prendre en compte chaque individualité. Il n’est pas possible de maintenir beaucoup de contacts visuels avec chaque élève pendant toute la durée des activités en classe. Cependant, il faut veiller à les distribuer de la manière la plus homogène possible.

Il est fondamental de balayer la classe fréquemment pour surveiller les activités des élèves. Cela suppose de circuler et de ne pas conserver en permanence une position frontale. Cette dernière permettrait à certains élèves de passer inaperçus et de se sentir invisibles et libres d’action. L’enseignant doit communiquer sa connaissance des élèves et à travers ce processus, son intérêt pour eux.

Le fait de chercher les regards incite les élèves à rester attentifs. Nous ne devons pas uniquement balayer la classe aléatoirement, mais croiser leurs regards régulièrement et aller les chercher si besoin est. Si l’enseignant ne capture pas régulièrement leur regard, il ne reconnait pas et ne renforce pas l’attention des élèves, qui ont alors plus de tentation de décrocher et de se focaliser sur une autre préoccupation. Cela implique notamment de bien regarder un élève avec lequel nous interagissons, éviter tout regard fuyant même si nous continuons à surveiller les autres élèves.

Cela implique également de rétablir le contact visuel avec un élève qui serait occupé à faire autre chose. Dans ce cas, il faut privilégier l’effet de proximité plutôt que de procéder à une interpellation directe. À travers la distribution de ses regards dans la classe, une démarche non verbale, l’enseignant dispose d’un levier pour conserver et maintenir l’attention de ses élèves.

Toutefois, si dans le cadre d’interaction ou de balayages du regard au cours d’un cours ou d’une conversation individuelle, le contact visuel aide à établir un lien, celui-ci doit rester épisodique et de courte durée. Il ne s’agit pas de fixer un élève de manière prolongée, car cela peut distraire la classe et mettre les élèves mal à l’aise. De plus, dans certaines cultures, un contact visuel prolongé est considéré comme agressif ou impoli.



Rester soi-même en gardant une touche personnelle


Avec certaines classes et certains profils d’élèves, il peut être utile d’ajouter une touche personnelle, qui peut être de l’ordre de l’humour, de l’anecdote, de notre vie personnelle ou de nos préférences. De cette manière, les élèves peuvent définir notre identité, nos goûts, nos spécificités, nos dépréciations, nos attentes. Cela peut les aider à se rendre compte que l’enseignant a une vie, une expérience, une personnalité, une sensibilité, des intérêts et des occupations en dehors du simple fait de leur donner cours.

Prendre les devants permet d’éviter que les élèves ne remplissent cet espace vide par ce que bon leur semble, car ce n’est pas toujours à notre avantage. Alors, autant anticiper et occuper le terrain préventivement ! Un tel partage aide les élèves à faire le lien entre leur vie et la nôtre. Certains éléments qui peuvent se rapporter à des doutes ou à des difficultés particulières qu’ils peuvent rencontrer dans les tâches d’apprentissage sont les bienvenues.



S’appuyer sur le cadre face à des questions plus personnelles d’élèves


Nous devons également d’anticiper le mode opératoire que nous allons suivre quand l’un ou l’autre élève va se hasarder à nous poser des questions plus personnelles, éventuellement inappropriées. Celles-ci sont susceptibles de nous mettre mal à l’aise et de nous déstabiliser. Cet effet peut être très perceptible pour les élèves et certains peuvent y voir une faille à exploiter.

Nous devons être prêts à fixer des limites, garder notre aplomb, dire et expliquer aux élèves que la question qu’ils viennent de poser est trop personnelle et hors cadre en classe. Encore enfants ou adolescents, les élèves n’ont pas encore acquis toutes leurs aptitudes sociales pour évoluer dans le monde adulte. Il fait partie de notre responsabilité en tant qu’éducateur de les aider à apprendre ce qui est acceptable de manière générale, et quelles sont les limites à ne pas franchir. Nous devons faire de cette tentative incursion dans notre vie privée, une opportunité d’apprentissage pour nos élèves.



Relever le challenge de l’établissement du silence comme norme en classe


Lors de la phase d’établissement du comportement avec une nouvelle classe, dès le début, tout ce que nous tolérons ou consentons sera considéré comme de fait autorisé, normal et acceptable. Tout ce que nous contesterons sera considéré comme inacceptable, inapproprié et à éviter.

Un paramètre classique, central et emblématique est le niveau de bruit toléré en classe et les situations où certains élèves commencent à parler systématiquement en dehors des tâches :
  1. Si nous ne défions pas ces élèves qui bavardent pendant que d’autres nous répondent ou nous posent des questions, nous leur envoyons comme message que ce comportement est acceptable et normal. Il sera trop tard et très difficile de s’en préoccuper par la suite et de le contrer. Nous devons par conséquent être intransigeants là-dessus dès la première occurrence et ne pas l’accepter.
  2. Il en va de même pour le niveau de bruit, de chuchotements et de bavardages en classe. Si après avoir demandé le silence, nous acceptons l’installation même progressive d’un brouhaha général, notre message vers les élèves est que le silence que nous considérons comme normal est l’équivalent à ce brouhaha général. Si nous voulons le silence, nous devons l’exiger, l’enseigner, insister, l’obtenir et le renforcer. 

Le corolaire est que si nous ne sommes pas satisfaits du comportement de nos élèves lors d’un cours, nous devons leur en parler explicitement. Sinon, le message envoyé est que ce comportement est passable pour nous. Rapidement, il risque de devenir la norme.



Mis à jour le 23/03/2024

Bibliographie


Edmund T. Emmer, Carolyn M. Evertson, Classroom Management for middle and high school teachers, pp-18-20, Pearson, 2017

Bissonnette, Steve, Gauthier, Clermont, Castonguay, Mireille, L’enseignement explicite des comportements, Pour une gestion efficace des comportements en classe et dans l’école, Chenelière Éducation, Montréal, 2016

Bill Rogers, Classroom Behaviour, 2015, Sage

Tom Sherrington, Behaviour Management: A Bill Rogers Top 10, 2013, https://teacherhead.com/2013/01/06/behaviour-management-a-bill-rogers-top-10/

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