(Photographie : Kaitlyn Jo Smith)
La théorie transactionnelle du stress (Lazarus & Folkman, 1984)
Le stress psychologique est un phénomène complexe et de nombreux modèles théoriques tentent de l’expliquer.
L’un d’entre eux est la théorie transactionnelle du stress et de l’adaptation, développée par Richard Lazarus et Susan Folkman (1984). Elle présente deux caractéristiques centrales :
- L’évaluation cognitive :
- Les individus évaluent constamment les stimuli de leur environnement.
- Ces processus cognitifs permettent aux individus d’attribuer un sens à leur environnement.
- Ce processus d’évaluation génère des émotions.
- Lorsque les stimuli sont perçus comme menaçants, difficiles ou nuisibles (c’est-à-dire les facteurs de stress), ils entrainent une forme de détresse.
- L’adaptation :
- La détresse issue de l’évaluation cognitive déclenche des stratégies d’adaptation visant à gérer les émotions ou à tenter de faire face directement au facteur de stress lui-même.
- Les processus d’adaptation produisent un résultat (c’est-à-dire un changement dans la relation personne-environnement), qui est réévalué comme favorable, défavorable ou non résolu :
- La résolution favorable des facteurs de stress suscite des émotions positives.
- Les résolutions non résolues ou défavorables provoquent de la détresse, poussant l’individu à envisager d’autres options d’adaptation pour tenter de résoudre le facteur de stress.
La nature bidirectionnelle des transactions entre un individu et son environnement est propre à l’approche transactionnelle. Ce n’est ni l’individu ni l’environnement seul qui produit le stress, mais une transaction complexe entre les deux.
Le stress est défini comme l’exposition à des stimuli évalués comme nocifs, menaçants ou stimulants, qui dépassent la capacité d’adaptation de l’individu.
La personne concernée estime que le facteur de stress considéré, amoindrit, épuise ses ressources ou perturbe ses routines quotidiennes.
Les sources du stress pour les enseignants
Le stress des enseignants est défini en matière d’émotions négatives et désagréables, telles que la colère, la frustration, l’anxiété, la dépression et la nervosité que ressentent les enseignants en raison de certains aspects de leur vie professionnelle.
Certains enseignants sont positifs, engagés et motivés, satisfaits par leur travail. D’autres font face à des situations difficiles qui peuvent se traduire par du stress au travail, de l’épuisement professionnel, de la désillusion, du désenchantement ou de la frustration.
Par la nature même de leurs activités, les sources insidieuses de stress quotidien qui préoccupent le plus les enseignants sont véhiculées par leurs interactions quotidiennes en classe. Les enseignants sont à différents moments amenés à considérer, directement ou indirectement leurs élèves comme une source potentielle de stress.
Le phénomène peut apparaitre quand les enseignants font face à des situations problématiques en classe. Mais celles-ci peuvent aussi rebondir de façon plus épisodique face à des parents, aux conditions matérielles, à des collègues ou aux exigences de l’institution scolaire avec lesquels ils peuvent se retrouver en désaccord.
Nous pouvons mettre en évidence différentes catégories de facteurs de stress en lien avec les élèves :
- Les écarts de comportement
- L’apathie et le manque de motivation
- La charge de travail et les contraintes liées à l’enseignement
- Le faible rendement et les troubles d’apprentissage d’une partie des élèves
- L’absentéisme
Ces problèmes vont être ressentis plus fortement par les enseignants débutants. Les enseignants expérimentés ont eu le temps de développer une panoplie de stratégies, mais ils peuvent toutefois continuer à y être confrontés.
Processus lié à la perception du stress et aux stratégies d’adaptation
Une personne en situation de stress va évaluer à la fois :
- Les exigences posées par la situation
- Les ressources qui lui sont disponibles pour y répondre.
Cette évaluation des transactions entre la personne et son environnement intègre deux catégories de paramètres :
- Les facteurs de stress vécus par un individu lui sont propres : sa personnalité, ses valeurs, ses objectifs, ses compétences personnelles, sa situation, sons sentiment d'efficacité personnelle ou ses croyances.
- Les facteurs environnementaux dépendent de son cadre de travail : les moyens d’adaptation et les stratégies disponibles, les compétences professionnelles, les exigences de la situation, les caractéristiques organisationnelles ou les ressources extérieures disponibles.
De l’évaluation du facteur de stress va dépendre les stratégies d’adaptation (coping) que l’individu va adopter. Ces stratégies d’adaptation vont viser à gérer ou à modifier le problème qui en est à l’origine du stress ou à en réguler la réponse.
L’évaluation de la situation par une personne influe grandement sur les émotions, les stratégies d’adaptation, les efforts fournis, et par conséquent sur les résultats qui en découlent.
Plus précisément, l’individu, confronté à un événement stressant donné, s’engage dans deux processus consécutifs d’évaluation : l’évaluation primaire et l’évaluation secondaire.
Les évaluations primaire et secondaire sont des processus indépendants et séquentiels.
Les réactions d’une personne à une situation de stress sont influencées par un processus complexe et dynamique impliquant l’échange simultané entre l’évaluation primaire et secondaire.
L’évaluation primaire du stress
Le premier processus consiste en une évaluation primaire pour laquelle l’événement est jugé stressant ou agréable, en fonction de la situation et de l’individu.
La transaction peut être jugée :
- Bénigne et positive : elle exerce un effet positif sur le bien-être d’une personne, elle correspond à un défi accessible et acceptable pour lequel la personne dispose de suffisamment de ressources.
- Non pertinente et neutre : elle est sans influence sur le bien-être
- Stressante et négative : l’événement s’apparente à un préjudice, une perte, une menace, une contestation ou un défi, pour lequel les ressources ne semblent pas disponibles.
La dernière catégorie fait référence aux transactions qui ont le potentiel de causer du tort ou des dommages et qui provoquent des émotions négatives. Ce sont celles qui nous intéressent.
L’évaluation secondaire du stress
Les ressources correspondent notamment à l’auto-efficacité, au contrôle qu’une personne peut avoir sur ses actions et à ses expériences antérieures face à des événements similaires.
Il s’agit de déterminer les stratégies d’adaptation à adopter pour faire face au facteur stressant, pour le gérer, l’atténuer ou le résoudre. Le processus cognitif joue un rôle de médiateur entre les ressources, l’adaptation et les résultats.
Lorsqu’une situation est jugée stressante (évaluation primaire) et exige des efforts pour gérer ou résoudre l’événement (évaluation secondaire), des mesures d’adaptation sont donc prises.
Types de stratégies d’adaptation au stress (coping)
Selon la théorie transactionnelle du stress et de l’adaptation (coping) de Lazarus et Folkman, la notion de coping fait référence à l’ensemble des processus qu’un individu interpose entre lui et un événement éprouvant. Ceux-ci visent à maitriser ou diminuer l’impact du facteur stressant sur le bien-être physique et psychique.
L’adaptation peut être saine et productive, ou destructrice et malsaine. Elles peuvent également se jouer à un niveau individuel ou de manière sociale.
Les stratégies d’adaptation peuvent être :
- Axées sur la résolution de problèmes et donc cognitives
- Axées sur les comportements adoptés et liés aux émotions.
Stratégies d’adaptation axées sur les problèmes
Elles correspondent à des stratégies de concertation et de résolution de problèmes :
- Elles visent à gérer directement l’agent stressant.
- Elles visent l’atténuation du problème ou la recherche de solutions de rechange efficaces, dans une perspective à long terme.
- Elles sont plus souvent utilisées lorsque de telles conditions sont considérées comme susceptibles d’évoluer.
- Elles sont fonction du contexte dans lequel elles se manifestent.
Stratégies d’adaptation axées sur les émotions
Elles comportent des stratégies de réévaluation et de défense :
- Elles comprennent des attitudes telles que l’évitement, la minimisation, la distanciation, l’attention sélective et la comparaison positive.
- Elles visent à réguler les émotions qui découlent de la situation stressante.
- Elles ont plutôt des effets d’adaptation à court terme.
- Elles sont plus susceptibles d’être utilisées lorsque rien n’indique que l’on puisse modifier les conditions environnementales.
- Elles sont souvent influencées par des facteurs de personnalité.
- Elles peuvent être utiles lors d’une détresse émotionnelle intense, lorsque le risque de contagion est faible et lorsque les ressources existantes sont insuffisantes pour appuyer les stratégies d’adaptation axées sur les problèmes.
Les effets des stratégies d’adaptation au stress liées à la gestion du comportement
Face aux comportements perturbateurs récurrents d’élèves ou de classes, des enseignants sont amenés à adopter des stratégies d’adaptation au stress pour faire face à la problématique de leurs expériences et aux émotions générées.
Bien que nous nous attendons à ce que certaines stratégies d’adaptation se traduisent par un résultat particulier, il ne faut pas confondre le coping avec son résultat ou ses effets. Le résultat obtenu doit lui-même être évalué.
Les stratégies d’adaptation produisent un résultat (c’est-à-dire un changement dans la relation personne-environnement), qui est à son tour évalué. Le résultat peut être perçu comme favorable, défavorable ou non résolu à la fois au niveau du problème adressé et des émotions ressenties. Les perceptions peuvent elles-mêmes diverger sur ces deux aspects.
Par exemple, les interventions d’un enseignant face à des perturbations en classe peuvent être axées sur la résolution des problèmes de communication avec ses élèves. Cependant, elles ne donnent pas nécessairement lieu à une solution. Les problèmes de comportement peuvent se poursuivre ou la charge émotionnelle ressentie peut ne pas s’améliorer. Un autre aspect est l’impact sur la santé.
Les stratégies d’adaptation produisent un résultat (c’est-à-dire un changement dans la relation personne-environnement), qui est à son tour évalué. Le résultat peut être perçu comme favorable, défavorable ou non résolu à la fois au niveau du problème adressé et des émotions ressenties. Les perceptions peuvent elles-mêmes diverger sur ces deux aspects.
Par exemple, les interventions d’un enseignant face à des perturbations en classe peuvent être axées sur la résolution des problèmes de communication avec ses élèves. Cependant, elles ne donnent pas nécessairement lieu à une solution. Les problèmes de comportement peuvent se poursuivre ou la charge émotionnelle ressentie peut ne pas s’améliorer. Un autre aspect est l’impact sur la santé.
Dès lors, nous pouvons distinguer trois composantes aux résultats des stratégies d’adaptation, avec chaque fois une composante immédiate et à long terme :
- Le fonctionnement au travail et dans les interactions sociales (fonctionnement social)
- La satisfaction du vécu (le moral)
- La santé somatique.
- Des changements dans la classe, à l’école ou dans le travail (fonctionnement social)
- Une mauvaise humeur ou un mal-être (moral)
- Une hausse de la tension artérielle (santé somatique).
- Le départ de la profession (fonctionnement social),
- Le sentiment d’épuisement (moral)
- La maladie chronique (santé somatique).
La résolution favorable des facteurs de stress peut générer des émotions positives, du bien-être et de la satisfaction. Les résolutions non résolues ou défavorables peuvent susciter de la détresse ou un ras-le-bol, ce qui incite la personne à envisager d’autres options d’adaptation pour tenter de résoudre le facteur de stress.
La réévaluation cognitive
La notion de réévaluation cognitive
La réévaluation cognitive est l’une des stratégies de régulation des émotions les plus efficaces (Webb et coll., 2012).
Elle est centrée sur les antécédents et consiste à changer la façon de percevoir la situation afin de modifier sa signification émotionnelle et de prévenir ainsi des émotions indésirables.
La réévaluation cognitive désigne le processus cognitif par lequel l’évaluation d’une situation permet d’en atténuer ou d’en accroître le caractère émotionnel. La réévaluation cognitive consiste à changer la signification d’événements liés à des émotions de manière à modifier l’expérience émotionnelle (Gross & John, 2003).
Il s’agit clairement d’une stratégie centrée sur les antécédents de la réponse émotionnelle. Elle apparaît et intervient avant que les tendances de réponses aient été générées. En ciblant les éléments des émotions qui interviennent tôt dans le processus de génération des émotions, la réévaluation cognitive peut se révéler particulièrement efficace (Gross & Thompson, 2007).
Nous allons réinterpréter le sens ou la pertinence personnelle d’une situation qui suscite une émotion afin de modifier sa signification émotionnelle potentielle avant que l’émotion ne soit pleinement développée (Gross et Thompson, 2007). La réévaluation cognitive est plus efficace si elle a lieu avant une réaction émotionnelle complète.
Nos pensées influencent nos émotions. Nos émotions influencent nos actions. Réévaluer en modifiant nos pensées, nous agissons sur nos émotions et nous pouvons avoir une influence sur notre comportement.
La réévaluation cognitive est peu coûteuse cognitivement parce qu’elle ne requiert pas un
monitorage de soi continuel. Par conséquent, une fois que la situation est réinterprétée de façon non émotionnelle, la régulation est terminée, laissant les ressources cognitives et attentionnelles intactes (Richards & Gross, 1999).
Par exemple, nous pouvons considérer un mauvais résultat d’examen comme le reflet des progrès en cours de développement. Nous en réinterprétons le sens. L’idée est par là de transformer une situation générant de l’anxiété comme un échec en une opportunité d’apprentissage ou de progrès.
La réévaluation cognitive peut nous permettre de faire face à des défis que nous aurions tendance à éviter autrement. Si la réévaluation cognitive peut s’apprendre, il s’agit également d’une capacité dispositionnelle.
Deux tactiques courantes de réévaluation cognitive
Les tactiques de réévaluation cognitive les plus courantes sont la réinterprétation et la distanciation.
La réinterprétation consiste à interpréter un autre résultat ou une autre signification pour une situation en cherchant à prendre en compte les aspects positifs ou les leçons tirées de l’événement. Dans la revue de Webb et de ses collègues (2012), la réinterprétation des émotions a été interprétée comme une forme de réévaluation, qui, avec la distanciation, figurait parmi les stratégies les plus efficaces. Les personnes qui déclarent utiliser fréquemment la réinterprétation présentent une meilleure santé psychologique. De même, les participants en laboratoire à qui l’on a demandé d’utiliser la réinterprétation lors d’une expérience négative font état de moins d’émotions négatives et d’un niveau d’excitation autonome plus faible (John et Gross, 2004).
La distanciation, ou « prise de perspective » consiste à interpréter une perspective qui accroît la distance psychologique (par exemple, évaluer la situation comme si elle était arrivée à quelqu’un d’autre) (Powers et LaBar, 2019). Les méta-analyses de l’efficacité de diverses stratégies de régulation des émotions identifient la réévaluation cognitive, en particulier la distanciation, comme l’une des plus efficaces (Augustine et Hemenover, 2009 ; Webb et coll., 2012).
La nature cyclique du processus de réévaluation cognitive
Les résultats des efforts d’adaptation, accompagnés de nouvelles informations provenant de l’environnement, donnent lieu à un processus de réévaluation cognitive.
La situation est réévaluée pour déterminer si les efforts d’adaptation ont été fructueux ou si la nature de la situation est passée de stressante à non pertinente ou positive.
Si un effet positif peut se produire à la suite d’une adaptation réussie, une adaptation infructueuse peut déclencher de nouvelles stratégies d’adaptation. De même, un échec continu accentue les effets négatifs et les troubles physiologiques.
Le processus du stress est un cycle continu de transactions entre l’individu et l’environnement, il peut être perçu comme une perturbation de l’équilibre qui nécessite l’adoption de stratégies d’adaptation pour résoudre ce déséquilibre.
Efficacité des stratégies d’adaptation en fonction de leur type
Des effets moins constants, quoique généralement positifs, sont par contre associés aux stratégies d’adaptation axées sur les problèmes. Elles sont corrélées à des niveaux inférieurs d’épuisement émotionnel.
Toutefois, il ne faut pas faire l’erreur généraliser de façon simpliste et considérer les stratégies d’adaptation axées sur les émotions comme systématiquement inadaptées.
La théorie transactionnelle du stress et de l’adaptation ne suggère que ni l’une ni l’autre des stratégies d’adaptation n’est efficace ou inefficace en soi. L’efficacité d’une stratégie d’adaptation donnée dépend plutôt de sa corrélation avec les évaluations et les conditions propres à la situation. Les éléments essentiels qui déterminent l’efficacité des types de stratégies d’adaptation tiennent à leur adéquation avec le contexte de la situation stressante.
Néanmoins, dépendre uniquement de stratégies d’adaptation axées sur les émotions, par exemple celles d’évitement, sur de longues périodes n’est pas considéré comme bénéfique. Elles encouragent les individus à se déconnecter du problème, ce qui empêche d’autres tentatives d’adaptation et contribue de façon minime à s’attaquer directement au facteur de stress.
Les stratégies d’adaptation axées sur les émotions ont des effets positifs à court terme (anxiété réduite), mais négatifs à long terme. Le recours continu à ces stratégies est mal adapté.
Les stratégies d’adaptation axées sur le problème sont susceptibles d’avoir des effets plus persistants sur les résultats positifs (par exemple sur le bien-être).
Cependant, il n’est pas aisé de tracer une limite claire entre les deux formes de stratégies. Celles-ci se recouvrent et complètent en fonction de leurs composantes. Il y a un chevauchement conceptuel.
Favoriser des stratégies d’adaptation préventives et proactives face au stress, basées sur une recherche de sens
Il est possible d’avoir une existence simultanée d’émotions positives et négatives dans le processus du stress. Les stratégies d’adaptation qui se révèlent infructueuses et la détresse qui en résulte peuvent déclencher une adaptation axée sur le sens. En particulier lorsque les facteurs de stress sont perçus comme étant essentiellement aversifs et incontrôlables.
L’adaptation axée sur le sens implique de s’inspirer des valeurs, de ses croyances et de ses objectifs pour réordonner les priorités et donner un sens positif aux événements ordinaires. Cette adaptation axée sur le sens suscite à son tour des émotions positives, qui rétablissent les ressources qui influencent les évaluations cognitives, soutiennent les efforts d’adaptation au fil du temps et soulagent la détresse.
De même, des démarches d’adaptation anticipée peuvent générer un effet bénéfique face à un stress à venir. Par exemple, la préparation d’un examen qui aura lieu au cours des prochaines semaines diminue l’intensité du stress à venir. L’accent est donc mis sur la gestion des risques connus et l’utilisation des ressources pour réduire l’agent stressant ou maximiser les avantages prévus.
L’adaptation préventive est utilisée pour faire face à d’éventuels facteurs de stress futurs possibles, que leur occurrence soit incertaine ou certaine. Elle reflète les efforts visant à accumuler des ressources pour aider à réduire la gravité de l’agent stressant potentiel. Elle s’apparente à la gestion des risques au sens large de la préparation des ressources « juste au cas où ».
De manière similaire, il existe des stratégies d’adaptation proactives qui placent les individus de manière volontaire en situation de stress. Elles mettent l’accent sur l’accumulation de ressources pour améliorer le potentiel personnel et les possibilités de croissance personnelle. Un exemple d’adaptation proactive consiste à participer activement à des démarches de développement professionnel. Cela s’apparente donc à une gestion des objectifs.
Mobiliser des stratégies d’adaptation actives dans la gestion de classe
Une fois l’événement stressant évalué, qui peut être un comportement perturbateur d’élève, les enseignants peuvent tout adopter des stratégies d’adaptation actives ou passives :
- Les stratégies d’adaptation actives peuvent prendre la forme de stratégies cognitives, comportementales ou émotionnelles, elles tendent vers la résolution du problème.
- Les stratégies d’adaptation passives comme la résignation, les vœux pieux et l’évitement se caractérisent par un manque d’engagement direct envers le facteur de stress qui est globalement laissé en l’état.
Les enseignants plus expérimentés vont accorder plus d’importance que les enseignants débutants, à l’efficacité de stratégies actives d’adaptation, qui visent le changement de comportement et le contrôle émotionnel.
Les résultats classiques de Doyle (1986), comme référé par Admiraal (2000) rencontrent un large consensus dans la recherche sur le domaine. Ils font écho à certains principes phares du soutien au comportement positif. Nous pouvons avancer les constatations suivantes :
- L’engagement des élèves dans les tâches demandées est :
- Plus élevé dans les activités guidées et structurées par l’enseignant, rythmées par celui-ci
- Plus faible lors d’activités :
- Où les élèves progressent à leur propre rythme
- Où ce sont les élèves eux-mêmes qui mènent le développement du cours.
- L’engagement des élèves dépend principalement de la façon dont les enseignants organisent les activités en classe, plutôt que de la façon dont ils gèrent les mauvais comportements des élèves.
Privilégier les stratégies d’adaptation basées sur la résolution de problèmes en gestion de classe
Dans la perspective de la théorie de Lazarus et Folkman, nous pouvons nous interroger sur l’impact des stratégies d’adaptation, selon qu’elles sont axées sur la résolution des problèmes ou sur les émotions.
Le modèle du soutien au comportement positif tend à accentuer la prévention et à agir de manière progressive, en ce qui concerne les réactions face aux comportements perturbateurs. Toutes ces stratégies d’adaptation sont essentiellement axées sur la résolution de problèmes.
Un enseignant expérimenté va miser sur la prévention et l’anticipation, sur la proximité et la réactivation des routines, en indiquant le comportement approprié, ou encore sur la circulation en classe ou l’ignorance planifiée dans certains cas. En général, les techniques efficaces sont peu intrusives, mais prescriptives. L’enseignant ne va opter pour des stratégies de confrontation que lorsque les précédentes sont inefficaces, ou si l’urgence de la situation l’impose.
Dans ce cas, le comportement adopté par l’enseignant sera conçu pour réduire ou éliminer les sources externes de stress perçues. Cela se traduit par la modification du comportement ou le retrait d’un élève de la classe, accompagné de réprimande, sanction ou d’une discussion ultérieure avec l’élève.
De manière assez logique, les stratégies d’adaptation axées sur les émotions sont peu mises en avant. Elles n’affectent pas directement la source du stress, mais servent plutôt à en gérer ses conséquences immédiates, pour l’enseignant ou pour la classe. Si elles peuvent avoir des utilités ponctuelles, elles sont aussi moins souvent utilisées ou mises en avant, car elles peuvent régulièrement être contre-productives.
Éviter les stratégies d’adaptation basées sur les émotions en gestion de classe
Ce sont des situations entrainant des stratégies basées sur des émotions. Il s’agit par exemple de situation où l’enseignant choisit d’ignorer le problème, de fuir la confrontation ou à l’opposé de se mettre en colère :
- Des enseignants peuvent être non intrusifs et peu prescriptifs. Ils attendent plutôt que d’intervenir immédiatement, ou expriment simplement leur mécontentement à l’égard du comportement répréhensible. Ils n’indiquent pas le comportement approprié et ne parviennent souvent pas à le modifier.
- D’autres enseignants comptent sur des interventions bruyantes et menaçantes. Ces manifestations de colère ont été signalées comme ayant moins de succès dans le traitement à long terme des comportements répréhensibles des élèves et dans l’acquisition d’une conformité de comportement.
L’intrusion et la confrontation comme recours éventuels en gestion de classe
Les résultats de Admiraal (et coll., 2000) suggèrent que des enseignants débutants ou inefficaces gagnent malgré tout à faire preuve d’intrusion afin de faire stopper certains comportements répréhensibles d’élèves et de les faire travailler.
Certains enseignants, confrontés à des problèmes de discipline, ne sont pas en mesure de modifier de manière non intrusive et prescriptive les comportements perturbateurs des élèves.
À défaut de maitriser les techniques plus efficaces, ils ont intérêt à être intrusifs pour y mettre fin. La raison est qu’une inaction de l’enseignant est particulièrement inefficace pour ce qui est de modifier le mauvais comportement des élèves.
À défaut de compétences acquises en matière de gestion préventive et prescriptive qui permettent des effets positifs à long terme, l’usage de moyens intrusifs axés sur les émotions qui visent la confrontation peut se justifier à court terme. En effet, leur absence n’apportera pas de solution, meilleure.
Le danger est que des enseignants puissent en faire un mode d’action principal pour gérer les problèmes en classe, en raison des effets positifs immédiats de leurs actions. Il s’agit donc d’inciter ces enseignants à se former adéquatement à la gestion de classe. Il faut également les persuader de ne pas se limiter à de telles stratégies de confrontation, car à long terme, elles peuvent avoir des effets négatifs, à la fois sur les élèves et sur leur bien-être.
Mise à jour le 30/12/2023
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