vendredi 2 août 2019

Pratiques et stratégies efficaces de révision en classe en enseignement explicite

L’oubli est un facteur clé et inévitable de l’apprentissage. Il permet d’élaguer et d’affiner nos connaissances en fonction de leurs utilisations. Alors que l’oubli est un paramètre majeur des mécanismes d’apprentissage, la révision des connaissances qui est censée contribuer à le réguler quelque peu est régulièrement éclipsée. Souvent, elle est réduite à une portion congrue en fin de parcours d’enseignement.

(Photographie : Guillaume Tomasi)






Lorsque les révisions sont négligées dans la planification de l'enseignement


Bien souvent, la révision n’est pas tout simplement évacuée au profit d’un enseignement linéaire du programme, qui va toujours de l’avant. Une pratique commune est de lui consacrer quelques heures dans la dernière ligne droite, une ou deux semaines avant les examens ou quelques jours avant une évaluation sommative conséquente.

De telles démarches d’enseignement, qui ne sont pas rares sont en réalité contre-productives. Il suffit de prendre en compte divers concepts et principes en psychologie cognitive liés à l’apprentissage, comme la consolidation, la reconsolidation, la récupération, la courbe de l’oubli, les difficultés désirables ou la pratique distribuée.

Sans révisions distribuées et régulières, les élèves ne réactivent pas régulièrement les concepts clés. Dès lors, la mémoire de ces informations s’évanouit. Les élèves finissent par se souvenir de moins en moins de détails. Leurs connaissances finissent par ne plus pouvoir être récupérées ou avec beaucoup d’erreurs ou de manques.

De plus en plus de connexions et de liens entre les concepts vus leur échappent. Ils se retrouvent à ne plus savoir exactement comment mettre en œuvre une procédure pour laquelle ils étaient parfaitement performants par le passé. Ils ont de plus en plus de difficultés de se rappeler quoi que ce soit de précédemment appris sur certains concepts clés.

Si de nouveaux apprentissages sont installés, ils ne seront pas correctement intégrés à des connaissances préalables vacillantes et c’est toute la maitrise du cours qui se retrouve en danger. Récupérer cette situation demandera des investissements intenses face à des ressources en temps qui manqueront certainement. 

Les élèves se retrouvent avec des connaissances incomplètes, superficielles, comportant des erreurs et peu mobilisables. 

Si un bon apprentissage initial est fondamental, les démarches de consolidation qui doivent s’enchainer le sont tout autant. Des efforts, des stratégies et des pratiques efficaces sont nécessaires pour approfondir et rendre durables les apprentissages et favoriser la poursuite des enseignements. 

Nous devons l’admettre et en tenir compte : la consolidation des connaissances constitue une dimension incontournable. Selon la recherche (Rosenshine, 2012), 15 à 20 % du temps hebdomadaire est consacré aux révisions par les enseignants efficaces, alors qu’elles sont régulièrement négligées, faute de temps ou d’intérêt, par les enseignants moins efficaces.

Cette révision peut se faire par l’intermédiaire des devoirs, par un quiz journalier, par des évaluations formatives cumulatives ou par l’introduction d’une pratique distribuée et entremêlée en complément de la pratique autonome en enseignement explicite.



Caractéristiques des processus efficaces de révision


Réviser constitue une part importante de tout apprentissage. Il est important de réviser fréquemment ce qui a été enseigné et en fonction, si nécessaire, d’enseigner à nouveau ce qui n’a pas été maîtrisé ou a été oublié.

L’élément clé qui doit nous servir de moteur pour pense et planifier les révisions est la prise en compte des mécanismes de la mémoire. Celle-ci intervient dans le cadre d’une pratique distribuée jouant sur les registres de l’effet de test et de l’effet d’espacement.

L’impact de ces effets permet de consolider la mémoire à long terme. Elle améliore la structuration et l’intégration des schémas cognitifs tout en augmentant la fluidité de la mobilisation et l’automatisation des procédures.

Dans le cadre de l’enseignement explicite, nous devons prévoir un temps suffisant pour de la révision qui soit à la fois :
  • Distribuée : 
    • Nous voulons activer l’effet de test conjointement à l’effet d’espacement. De cette manière, nous pouvons pour générer des difficultés désirables. 
    • Dès lors, les révisions doivent être bien étalées dans le temps pour favoriser la rétention à long terme.
  • Variée : 
    • Nous devons activer l’effet d’entremêlement et à travers affiner les schémas cognitifs et améliorer les capacités de discrimination des élèves. 
    • Nous enseignons le thème A, puis nous enseigne le thème B. Nous revoyons ensuite les thèmes A et B ensemble s’ils sont reliés. Les élèves apprennent à discriminer à la lecture des énoncés les éléments des thèmes A ou B à mettre en œuvre.
    • Nous devons cibler dans des tâches formatives des connaissances nouvelles, mélangées à des connaissances plus anciennes, en tenant compte des intervalles favorisant l’effet d’espacement (une semaine à un mois) (voir article).
  • Cumulative : 
    • Nous devons favoriser la réalisation de tâches complexes et le développement de l’esprit critique des élèves. 
    • Les révisions permettent de bien organiser en réseau les nouveaux savoirs. Elles rendent possible une mobilisation fluide et pertinente des connaissances. 
    • Les connaissances deviennent plus disponibles par la suite, ce qui est particulièrement utile lorsque nous avons besoin de leur faire appel. 

La révision ne doit pas être conçue comme une façon de préparer au test dans une dernière ligne droite avant une évaluation certificative ou un examen final. Le processus de révision à une visée à long terme dans le cadre des apprentissages, du moins pour les connaissances fondamentales. La révision se conçoit dès lors de manière régulière : quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle.

Elle doit être organisée et planifiée. Il s’agit d’espacer de manière réduite (quelques jours à une semaine) puis peu à peu élargie (un mois à quelques mois) les nouveaux savoirs consolidés afin de les maintenir en mémoire (voir article).



Stratégies générales efficaces liées à la révision


  1. Privilégier la qualité à la quantité. Cela signifie qu’il faut présenter, dans une démarche d’enseignement, les concepts essentiels plus de deux fois. Sinon, il n’y a aucune chance qu’ils soient retenus, si c’est le cas, dans un sens, alors autant ne pas les voir du tout. 
  2. Poser beaucoup de questions, par le biais de la vérification de la compréhension, à la fois sur les notions nouvellement enseignées et sur celles de leçons antérieures qui sont un lien avec celles-ci. 
  3. Proposer régulièrement un quiz d’entrée en début de cours sur la matière en cours, mais qui explore également des notions plus anciennes en lien avec les actuelles. En utilisant des démarches d’évaluation formative, nous favorisons le fait que les élèves évitent d’étudier en dernière minute, mais répartissent leur temps de travail à domicile. De cette manière, ils révisent les concepts les plus importants à plusieurs reprises. Dans cette optique, il convient de toujours avertir ce sur quoi portera une évaluation formative, comme ça ils peuvent étudier, se préparer et s’évaluer indépendamment.
  4. Planifier les évaluations des semaines et des mois après l’introduction des concepts.
  5. Instrumentaliser le devoir à domicile notamment dans le cadre de la rétroaction à la classe entière et responsabiliser les élèves en leur demandant de s’impliquer dans la correction. Les devoirs, par exemple, devraient être vérifiés en classe dès le lendemain de leur réception par l’enseignant. Les enseignants doivent en profiter pour passer en revue les erreurs communes. Plus spécifiquement, ils s’intéressent aux erreurs qui concernent des concepts et des procédures qui doivent devenir automatiques.
  6. Former des groupes de deux à quatre élèves pour réviser au départ d’une série de questions récapitulatives. Le fait de demander aux élèves de réviser ensemble et de se corriger favorise l’élaboration.
  7. Favoriser chez les élèves l’usage de stratégies efficaces dans leurs démarches de travail à domicile. Celles-ci doivent s’inspirer des pratiques efficaces telles que mises en évidence par la science de l’apprentissage. Nous devons faire comprendre et acquérir aux élèves les différents concepts et stratégies liés à un apprentissage autonome efficace.
  8. Demander aux élèves d’indiquer les points sur lesquels ils ont eu des difficultés ou ont fait des erreurs qu’ils ne comprennent pas. Les inciter à préparer des questions à poser à l’enseignant lorsqu’ils revoient chez eux.
  9. Distribuer des supports d’auto-évaluation : questionnaires des années précédentes, autotests, questions et exercices supplémentaires, supports pour flashcards, etc.
  10. Favoriser les questions qui demandent de l’élaboration : un plus fort rappel de connaissances et une plus forte profondeur de traitement sont bien plus favorables à l’apprentissage. Des questions de reconnaissance ou de simple identification d’informations le sont moins. Les élèves doivent explorer leur compréhension.
Un dénominateur commun à ces différentes stratégies est qu’elles doivent veiller à optimiser deux paramètres :
  1. Le temps : les révisions doivent être présentes à chaque cours, mais ne doivent pas dépasser 15 à 20 % du temps alloué. Les meilleures approches sont donc celles qui minimisent le temps en classe. D’où l’intérêt d’encadrer et de piloter le temps de travail à domicile des élèves dans le cadre de leurs devoirs et de leur préparation à des évaluations formatives.
  2. La charge de travail de l’enseignant : la règle générale est que les révisions doivent toujours nécessiter plus de temps et d’engagement pour les élèves que pour l’enseignant. Nous renverrons notamment vers l’approche de la rétroaction à la classe entière et aux différentes techniques de vérification de la compréhension ou de l’évaluation formative.



L’importance de la mise en œuvre de révisions quotidiennes par des quiz


Le développement d’une expertise vaste et large nécessite théoriquement des milliers d’heures de pratique réparties sur des années. L’examen quotidien en est une composante.

Les enseignants les plus efficaces dans les études d’observation de l’enseignement en contexte de classe ont compris l’importance de la pratique quotidienne de révision. Ils commencent leur cours par un examen interactif de cinq à huit minutes du matériel déjà couvert, où les élèves sont fortement mis à contribution.

Il peut s’agir de revoir le vocabulaire, les formules, les procédures, les événements, les règles ou les concepts déjà appris. Ils permettent à leurs élèves de réactiver des connaissances acquises récemment. Les élèves ne se rappellent pas nécessairement facilement des apprentissages récents et trop faiblement encodés. C’est un bon investissement que d’anticiper cette difficulté en la résolvant d’emblée, plutôt que de ne pas le faire et affronter des difficultés plus importantes par la suite.

L’examen quotidien est un élément important de l’enseignement explicite. Il peut se faire par la pratique de quiz. Le principe est de toujours commencer une leçon par un bref examen des apprentissages antérieurs. Nous devons nous assurer que nos élèves aient une bonne compréhension des compétences et des concepts préalables qui seront nécessaires pour le cours qui va suivre. Si tel n’est pas le cas, les élèves devront faire un effort particulier pour s’en souvenir des connaissances antérieures tout en apprenant des nouvelles, ce qui rendra plus difficile et moins efficace cette dernière opération. Réactiver les connaissances précédentes c’est permettre de les activer en mémoire de travail et préparer les élèves à aborder les nouvelles connaissances dans des conditions optimales.

Des révisions quotidiennes permettent de :
  • Favoriser l’automatisation des procédures
  • Renforcer un accès fluide aux connaissances
  • Tisser des liens entre les notions apprises, récentes et antérieures, ce qui facilite la compréhension des nouvelles
  • Faciliter l’intégration des nouvelles connaissances aux schémas cognitifs et l’organisation de ceux-ci, ce qui contribue à un apprentissage en profondeur. 

Ces différents facteurs contribuent à améliorer la capacité des élèves à aborder et réaliser des tâches plus complexes, de même qu’à aborder de nouvelles matières.

La révision des apprentissages antérieurs permet d’aider les élèves à se rappeler des mots, des concepts et des procédures sans effort et automatiquement. Ces capacités sont fondamentales, car elles évitent d’aller puiser des ressources dans la mémoire de travail, celles-ci restant alors disponibles pour de nouveaux traitements.

La résolution de problèmes mathématiques est ainsi également améliorée lorsque les compétences de base (addition, multiplication, etc.) sont surapprises et deviennent automatiques. C’est vrai également pour toutes les procédures de base de n’importe quelle matière. Si elles ne sont pas automatisées, elles constituent un obstacle sérieux pour la réalisation d’exercices et de problèmes plus complexes.

Un dernier facteur clé qui vaut autant que tous les autres est mis en évidence par Efrat Furst avec le concept de reconsolidation. La reconsolidation est le principe selon lequel des éléments de mémoire, dans le cas de la révision journalière, récemment consolidés, redeviennent malléables. Ils peuvent réorganiser l’information en mémoire, ce qui permet à l’esprit de constituer une version plus aboutie de sa compréhension.

Parfois, il y a certains concepts ou certaines procédures sur lesquelles nous butons. Cependant si nous laissons passer un peu de temps, quelques heures ou une journée, et que nous y revenons, tout est susceptible d’aller beaucoup mieux. Souvent, une réorganisation durant le sommeil est passée par là. C’est la même chose pour les élèves. Nous devons prendre en compte ce phénomène.

Il est donc entièrement normal qu’un élève ne comprenne pas tout à fait et fasse preuve de confusion lors d’une première confrontation avec un concept ou une procédure. Des révisions journalières donnent autant d’occasions de profiter de la reconsolidation et d’arriver à une pleine compréhension. Une fois cette étape franchie, les élèves sont plus à même de continuer à construire leurs apprentissages.



Différentes pistes pour l’intégration de révisions hebdomadaires et mensuelles


Les révisions hebdomadaires et mensuelles renforcent les liens entre les informations stockées en mémoire qui deviennent alors plus connectées et durables.

Les élèves ont besoin d’être impliqués dans une pratique distribuée dans le temps, et suffisamment intensive, afin de développer des connaissances bien connectées et automatiques.

Nous pouvons par exemple intégrer dans la planification une séance de révision tous les quinze jours, ou entre deux chapitres, au lieu de continuer à enseigner de nouveaux contenus.

Cette approche présente trois avantages pour les élèves :
  1. Récupérer régulièrement les informations qu’ils ont rencontrées, ce qui renforce leur mémoire.
  2. Aborder les idées fausses, les incompréhensions ou les erreurs qui peuvent émerger à nouveau dans l’esprit des élèves ou qui n’ont pas été traitées.
  3. Établir des liens entre différents sujets de manière très explicite, ce qui peut être extrêmement utile pour améliorer la compréhension et la profondeur des apprentissages.

Ce qu’il est important de saisir est que ces révisions ne consistent pas à enseigner à nouveau les contenus, mais plutôt amener les élèves à récupérer leurs connaissances, à élaborer et à appliquer leurs compétences. De même, cela permet de développer de bonnes habitudes d’apprentissage avec une répartition au fil du temps. Les élèves réalisent par ce biais que l’apprentissage s’améliore à chaque récupération des contenus de la matière. 

Nous pouvons également organiser des quiz réguliers à faible enjeu qui peuvent aider à rappeler les connaissances de base, mais aussi des questions d’application rapide ou proposer une question plus complexe.

Les devoirs sont également une manière d’intégrer des révisions régulières en introduisant des tâches, des questions ou des exercices sur des matières antérieurement apprises.

Les élèves bénéficient d’une compréhension approfondie et globale, et d’une pratique répétée afin de développer des réseaux d’idées (schémas) bien reliés entre eux dans leur mémoire à long terme. Cela leur permet d’apprendre mieux de nouvelles connaissances par la suite.

En effet, au plus nous en savons sur un sujet, au plus facile il est d’apprendre de nouvelles connaissances. Plus nous répétons et examinons des connaissances, au plus leur ancrage en mémoire se renforce. Les connaissances stockées dans la mémoire à long terme, qui est organisée en schémas cognitifs, n’occupent qu’une petite quantité d’espace dans notre mémoire de travail limitée.

Cet espace disponible peut être utilisé pour réfléchir sur de nouvelles connaissances et pour résoudre des problèmes plus facilement et plus rapidement.

Ainsi l’investissement en temps que demande la révision va permettre au fur et à mesure d’avancer plus rapidement sur la nouvelle matière tout en assurant un apprentissage durable.

Le développement de schémas cognitifs bien reliés entre eux favorise le phénomène de tronçonnage (chunking) ou regroupement (voir article sur la mémoire à court terme). Il favorise aussi le phénomène d’unitisation (voir article sur la pratique autonome).

Les deux phénomènes permettent une libération de l’espace dans la mémoire de travail et sont l’une des caractéristiques d’un expert dans un domaine.

Post-scriptum : Pour une réflexion sur cette planification hebdomadaire et mensuelle, voir la première partie de cet article.




Mise à jour le 07/09/2023

Bibliographie


Gauthier, C., L’Enseignement Explicite. Fondements et pratiques. Symposium Efficacité de l’enseignement. Fondements et Pratiques. HEP Bejune, Suisse (2013)

Clermont Gauthier, Steve Bissonnette & Marie Bocquillon, L’enseignement explicite : une approche pédagogique efficace pour favoriser l’apprentissage des contenus et des comportements en classe et dans l’école, Apprendre et enseigner aujourd’hui, vol 8, n° 2, printemps 2019

Rosenshine, Barak, Principles of Instruction: Research-Based Strategies That All Teachers Should Know, American Educator, v36 n1 p12-19, 39 (2012)

Gauthier, C., Bissonnette, S., & Richard, M. (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages. Bruxelles : De Boeck.

Tom Sherrington, Rosenshine’s principles in action, John Catt, 2019

Pritesh Raichura,  Planning curriculum for linear GCSEs, 2016, https://bunsenblue.wordpress.com/2016/02/22/planning-curriculum-for-linear-gcses/

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