(photographie : Chu ℒan Maria)
L’échec sous pression lié au mouvement
Spécificité du mouvement
Les exemples de contre-performances en sport dans des moments décisifs ne sont pas exceptionnels. Il arrive que des sportifs confirmés et généralement performants ratent un geste qu’ils maîtrisent pourtant parfaitement. Ce phénomène se manifeste plus particulièrement dans une situation où l’enjeu est très élevé. Il illustre une autre forme d’échec sous pression que celle déjà croisée (voir article).
Cependant, il y a une différence avec l’échec sous pression dans le domaine cognitif. Dans le cadre d’un enchaînement précis de mouvements, la réduction de l’attention disponible ou le basculement vers un mode de traitement rapide ne sont pas en cause. La problématique serait plutôt inversée.
Au lieu d’impacter des mouvements ou des tâches complexes et exigeantes qui demandent de l’attention et du raisonnement, l’échec sous pression touche des habiletés normalement complètement automatisées et qui pourraient être mobilisées en toute fluidité.
Ce type d’échec sous pression touche spécifiquement la mémoire procédurale. Il est dès lors susceptible d’être courant dans le domaine du mouvement. La cause est imputable à un afflux massif de l’attention dans le guidage cognitif :
Le stress provoque une désautomatisation du mouvement ce qui correspond à un retour à la case débutant. Les connaissances déclaratives interfèrent avec l’exercice de l’habileté et l’inhibent en partie.
La recherche a montré que c’est le fait de se mettre à réfléchir au mouvement en situation de stress qui provoque l’échec sous pression. Il y a un argument fort en faveur de l’hypothèse du réinvestissement. C’est l’absence de chute de performance sous pression chez des individus qui, pendant la pratique d’une tâche motrice, n’ont pas eu la possibilité de réfléchir au mouvement. Dès lors, ils n’ont pas pu développer et utiliser des connaissances verbales.
L’idée est que le contrôle attentionnel des différentes étapes du mouvement pendant son exécution et l’utilisation de connaissances verbales nuisent à la réalisation d’un comportement guidé par des processus rapides et automatiques.
La performance des sportifs peut diminuer s’ils réfléchissent trop à leurs gestes pendant l’exécution du mouvement considéré. Lorsque les connaissances déclaratives prédominent, la performance est susceptible de chuter en condition de stress.
Cependant, il y a une différence avec l’échec sous pression dans le domaine cognitif. Dans le cadre d’un enchaînement précis de mouvements, la réduction de l’attention disponible ou le basculement vers un mode de traitement rapide ne sont pas en cause. La problématique serait plutôt inversée.
Au lieu d’impacter des mouvements ou des tâches complexes et exigeantes qui demandent de l’attention et du raisonnement, l’échec sous pression touche des habiletés normalement complètement automatisées et qui pourraient être mobilisées en toute fluidité.
Mécanisme en action
Ce type d’échec sous pression touche spécifiquement la mémoire procédurale. Il est dès lors susceptible d’être courant dans le domaine du mouvement. La cause est imputable à un afflux massif de l’attention dans le guidage cognitif :
- En situation stressante, l’individu réinvestit des connaissances déclaratives dans le guidage cognitif de l’habileté motrice.
- Ce réinvestissement provoque un basculement d’un mode automatique (basé sur des connaissances procédurales) à un mode davantage contrôlé (basé sur des connaissances déclaratives).
- Il s’agit d’une forme de désautomatisation du geste qui se produit lorsque l’individu choisit de guider le mouvement avec de l’attention et des connaissances déclaratives.
Le stress provoque une désautomatisation du mouvement ce qui correspond à un retour à la case débutant. Les connaissances déclaratives interfèrent avec l’exercice de l’habileté et l’inhibent en partie.
La recherche a montré que c’est le fait de se mettre à réfléchir au mouvement en situation de stress qui provoque l’échec sous pression. Il y a un argument fort en faveur de l’hypothèse du réinvestissement. C’est l’absence de chute de performance sous pression chez des individus qui, pendant la pratique d’une tâche motrice, n’ont pas eu la possibilité de réfléchir au mouvement. Dès lors, ils n’ont pas pu développer et utiliser des connaissances verbales.
L’idée est que le contrôle attentionnel des différentes étapes du mouvement pendant son exécution et l’utilisation de connaissances verbales nuisent à la réalisation d’un comportement guidé par des processus rapides et automatiques.
La performance des sportifs peut diminuer s’ils réfléchissent trop à leurs gestes pendant l’exécution du mouvement considéré. Lorsque les connaissances déclaratives prédominent, la performance est susceptible de chuter en condition de stress.
Un élément important à prendre en compte est que lorsque les connaissances déclaratives ne sont pas disponibles ou n’existent pas, il n’y a pas de réinvestissement possible. Cela produit, en condition stressante, une relative préservation de la performance experte.
Assez paradoxalement, une façon d’arriver à ce résultat est de ne pas aller trop dans les détails des explications verbales lorsqu’un individu est formé par des explications déclaratives à l’apprentissage d’un mouvement. Il faut être économe et se consacrer à l’essentiel pour aboutir à l’automatisation.
L’un de ces moyens consiste à préférer l’usage de consignes qui reposent sur des analogies et des images. François Maquestiaux (2017) en rapporte un exemple pour l’enseignement du lancer franc au basket-ball. Il s’agirait d’essayer de faire comme si les apprenants devaient déposer un biscuit dans une corbeille placée sur une étagère au-dessus de leur tête. Cette approche serait plus efficace que de distribuer des consignes verbales détaillées sur la façon de faire.
En pratique sportive, une instruction trop détaillée et exhaustive des mouvements est susceptible d’être plus sensible à une forme d’échec sous pression que ne le serait une forme d’instruction qui se concentre uniquement sur les aspects critiques.
L’idée du modelage est de rendre visibles les mécanismes du mouvement dans le sens de leurs conséquences, dans la visée des buts du mouvement, pas à se disperser dans des explications annexes.
Spécificités du modelage des mouvements et lien avec celui des connaissances
En enseignement explicite, lorsqu’il s’agit de procédures ou de processus, le modelage ne devrait porter que sur les aspects critiques du processus de résolution de problèmes et d’exécution des tâches. Nous passons du simple vers le complexe, en automatisant chaque étape tout en intégrant les connaissances et en développant la flexibilité dans une perspective de transfert.
Dans le cadre de la pratique sportive ou des mouvements en général, le modelage va devoir répondre à certaines spécificités différentes. Les enjeux sont au niveau de la performance, de la fluidité et de la précision et des automatismes.
Une spécificité du modelage des mouvements est qu’il s’agit d’empêcher ou de limiter le développement de connaissances déclaratives pendant la réalisation d’un geste. Le but est d’immuniser l’apprentissage contre les effets du stress.
Assez paradoxalement, une façon d’arriver à ce résultat est de ne pas aller trop dans les détails des explications verbales lorsqu’un individu est formé par des explications déclaratives à l’apprentissage d’un mouvement. Il faut être économe et se consacrer à l’essentiel pour aboutir à l’automatisation.
L’un de ces moyens consiste à préférer l’usage de consignes qui reposent sur des analogies et des images. François Maquestiaux (2017) en rapporte un exemple pour l’enseignement du lancer franc au basket-ball. Il s’agirait d’essayer de faire comme si les apprenants devaient déposer un biscuit dans une corbeille placée sur une étagère au-dessus de leur tête. Cette approche serait plus efficace que de distribuer des consignes verbales détaillées sur la façon de faire.
En pratique sportive, une instruction trop détaillée et exhaustive des mouvements est susceptible d’être plus sensible à une forme d’échec sous pression que ne le serait une forme d’instruction qui se concentre uniquement sur les aspects critiques.
L’idée du modelage est de rendre visibles les mécanismes du mouvement dans le sens de leurs conséquences, dans la visée des buts du mouvement, pas à se disperser dans des explications annexes.
On retrouve certains aspects dans le modelage de l’enseignement explicite des contenus. Il y est important de se concentrer sur les éléments essentiels et d’être économe en instructions précises en évitant la redondance ou les informations inutiles. Certains éléments clés des apprentissages doivent eux-mêmes pouvoir être pleinement automatisés par les élèves pour soulager la mémoire de travail. Cependant, la dimension déclarative reste importante dans une perspective de transfert. Nous voulons que les élèves comprennent parfaitement ce qu’ils font et pourquoi ils le font pour pouvoir procéder à des adaptations en fonction des circonstances. La diversité de l’utilisation de certaines connaissances dans le monde réel l’impose. Les élèves ne peuvent pas se contenter d’appliquer des recettes ou de mobiliser des boites noires dont le fonctionnement leur serait opaque.
Le modelage de mouvement a intérêt à mettre l’accent sur la procédure plutôt que d’être déclaratif en décrivant le mouvement. En le combinant rapidement à la pratique guidée, nous pouvons faciliter l’établissement de la mémoire procédurale et accélérer l’automatisation.
L’idée est d’imbriquer finement modelage et pratique guidée, afin d’aboutir à une méthode d’apprentissage où l’individu ne fait que peu d’erreurs.
L’idée est que ce sont avant tout les erreurs qui demandent l’introduction d’une verbalisation et de connaissances déclaratives. Dans ces conditions, nous augmentons très progressivement la difficulté. Cela limite les erreurs et dès lors évite de devoir introduire des connaissances verbales pour les prévenir.
L’apprentissage dans la condition avec erreurs peu fréquentes, où la difficulté augmente progressivement, sollicite davantage le développement et l’utilisation de connaissances procédurales. Les participants commettent globalement peu d’erreurs et apprennent sans se poser beaucoup de questions sur la manière dont ils réalisent leurs gestes.
À l’opposé, un apprentissage dans la condition où les erreurs sont fréquentes, où la difficulté présente d’emblée élevée diminue progressivement, sollicite davantage les connaissances déclaratives. Il mobilise des traitements coûteux en attention puisque les apprenants commettent globalement beaucoup d’erreurs. Ils sont amenés à analyser leurs erreurs afin de ne pas les reproduire, à chercher activement des solutions à la tâche difficile en testant des hypothèses sur la façon de faire. Tout cela les rend plus susceptibles de commettre des échecs sous pression ultérieurs.
La recherche a démontré que l’entremêlement peut aider les apprenants à améliorer leurs habiletés. C’est d’ailleurs dans le cadre de recherches dans le domaine sportif que cette approche efficace a été mise en avant avant d’être transposée dans la pratique musicale et l’enseignement.
Par exemple, une pratique entremêlée peut être utilisée pour aider à enseigner aux élèves comment lancer une balle (dans divers sports, comme le basket-ball, le tennis, le baseball ou le badminton). Il s’agira de les encourager à pratiquer des lancers de différentes distances et de différentes directions dans la même séance, plutôt que de lancer la balle du même endroit chaque fois.
Autre exemple dans le cadre du tennis, plutôt que de ne pratiquer que le revers durant une séance d’entrainement, l’entremêler avec des coups droits et des volées permet d’obtenir de meilleurs résultats.
Comment expliquer que l’entremêlement fonctionne aussi bien dans le cadre sportif ?
Ces deux autres approches peuvent également améliorer la performance en atténuant l’effet du stress.
Les effets du stress sur le mouvement sont donc apparents lorsque l’individu se met à réfléchir à la façon de faire, alors qu’il ne le faisait pas auparavant. Dans ce cas de figure, la métacognition entraine paradoxalement des conséquences délétères. Elle entraine le basculement d’un mode de traitement automatique vers un mode de traitement non automatique.
Une approche efficace pour éviter cette erreur est de parvenir à faire le vide mentalement, ne penser à rien, hormis au but du mouvement.
La difficulté est que la stratégie consistant à ne pas réinvestir lors d’une situation difficile ou d’un événement ne va pas de soi et va à l’encontre de l’intuition.
Un autre manière d’empêcher de réfléchir au mouvement, en cas de situation stressante, consiste à détourner l’attention vers une tâche cognitive de comptage, par exemple. C’est-à-dire détourner l’attention vers quelque chose qui ne pourra pas interférer avec les automatismes à mobiliser.
Le fait d’empêcher de penser pendant la pratique, en détournant l’attention vers une tâche cognitive insignifiante comme le comptage, semble bien immuniser le mouvement des effets du stress, mais pas dans tous les cas.
François Maquestiaux, Psychologie de l’attention, DeBoeck, p 207—231, 2017
Clermont Gauthier, Steve Bissonnette & Mario Richard. (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. DeBoeck.
Pratique guidée de la pratique sportive
L’idée est d’imbriquer finement modelage et pratique guidée, afin d’aboutir à une méthode d’apprentissage où l’individu ne fait que peu d’erreurs.
L’idée est que ce sont avant tout les erreurs qui demandent l’introduction d’une verbalisation et de connaissances déclaratives. Dans ces conditions, nous augmentons très progressivement la difficulté. Cela limite les erreurs et dès lors évite de devoir introduire des connaissances verbales pour les prévenir.
L’apprentissage dans la condition avec erreurs peu fréquentes, où la difficulté augmente progressivement, sollicite davantage le développement et l’utilisation de connaissances procédurales. Les participants commettent globalement peu d’erreurs et apprennent sans se poser beaucoup de questions sur la manière dont ils réalisent leurs gestes.
À l’opposé, un apprentissage dans la condition où les erreurs sont fréquentes, où la difficulté présente d’emblée élevée diminue progressivement, sollicite davantage les connaissances déclaratives. Il mobilise des traitements coûteux en attention puisque les apprenants commettent globalement beaucoup d’erreurs. Ils sont amenés à analyser leurs erreurs afin de ne pas les reproduire, à chercher activement des solutions à la tâche difficile en testant des hypothèses sur la façon de faire. Tout cela les rend plus susceptibles de commettre des échecs sous pression ultérieurs.
Pratique autonome de la pratique sportive
Par exemple, une pratique entremêlée peut être utilisée pour aider à enseigner aux élèves comment lancer une balle (dans divers sports, comme le basket-ball, le tennis, le baseball ou le badminton). Il s’agira de les encourager à pratiquer des lancers de différentes distances et de différentes directions dans la même séance, plutôt que de lancer la balle du même endroit chaque fois.
Autre exemple dans le cadre du tennis, plutôt que de ne pratiquer que le revers durant une séance d’entrainement, l’entremêler avec des coups droits et des volées permet d’obtenir de meilleurs résultats.
Comment expliquer que l’entremêlement fonctionne aussi bien dans le cadre sportif ?
- La pratique entremêlée permet de se rapprocher des conditions réelles d’une épreuve sportive, d’un match.
- La pratique entremêlée exige de la part de celui qui la pratique un plus grand engagement et plus d’attention, deux facteurs très favorables à l’apprentissage.
- La pratique entremêlée facilite la fluidité et la réactivité dans la pratique d’un mouvement et dans le passage d’un mouvement à l’autre.
Faire le vide ou détourner l’attention pour évacuer le stress
Les effets du stress sur le mouvement sont donc apparents lorsque l’individu se met à réfléchir à la façon de faire, alors qu’il ne le faisait pas auparavant. Dans ce cas de figure, la métacognition entraine paradoxalement des conséquences délétères. Elle entraine le basculement d’un mode de traitement automatique vers un mode de traitement non automatique.
Une approche efficace pour éviter cette erreur est de parvenir à faire le vide mentalement, ne penser à rien, hormis au but du mouvement.
La difficulté est que la stratégie consistant à ne pas réinvestir lors d’une situation difficile ou d’un événement ne va pas de soi et va à l’encontre de l’intuition.
Un autre manière d’empêcher de réfléchir au mouvement, en cas de situation stressante, consiste à détourner l’attention vers une tâche cognitive de comptage, par exemple. C’est-à-dire détourner l’attention vers quelque chose qui ne pourra pas interférer avec les automatismes à mobiliser.
Le fait d’empêcher de penser pendant la pratique, en détournant l’attention vers une tâche cognitive insignifiante comme le comptage, semble bien immuniser le mouvement des effets du stress, mais pas dans tous les cas.
Mise à jour le 22/08/2023
Bibliographie
François Maquestiaux, Psychologie de l’attention, DeBoeck, p 207—231, 2017
Clermont Gauthier, Steve Bissonnette & Mario Richard. (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. DeBoeck.
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