mercredi 18 avril 2018

Qu’appelle-t-on intérêt situationnel ou intérêt individuel (personnel) chez l’élève ?

Le niveau d’intérêt d’un élève pour une matière exerce une forte influence sur son apprentissage. Il influence son niveau d’attention, son engagement, les buts d’apprentissage qu’il se fixe et le résultat final qui sera atteint.


(photographie : Madison Dinelle)



Beaucoup d’enseignants font face à des élèves peu motivés sur le plan scolaire qui ne voient pas d’utilité quelconque des contenus qu’il leur est demandé d’apprendre pour leur vie actuelle et future. 

Les enseignants n’ont pas une compréhension claire sur la façon d’aider leurs élèves à développer leur intérêt. Souvent, les enseignants en arrivent à penser que les élèves ont de l’intérêt ou n’en ont pas pour leur matière, et que pratiquement, ils ne peuvent pas faire grand-chose.

Les enseignants peuvent ne pas avoir l’impression qu’il est possible d’apporter une contribution significative au développement de l’intérêt de leurs élèves pour les apprentissages scolaires. La réalité est plus complexe.  Il est utile de commencer par cerner ce que l'on entend pas intérêt.



Caractéristiques et définition de l’intérêt


L’intérêt que possède une personne pour un domaine particulier n’est pas un facteur statique, il se développe ou régresse au fil du temps en fonction des expériences rencontrées. En tant qu’enseignants, nous possédons une certaine marge de manœuvre pour stimuler, développer et entretenir l’intérêt des élèves pour notre matière.

L’intérêt peut être défini comme une relation plus ou moins durable entre une personne et un objet de son espace de vie.

L’intérêt en tant que composante de la motivation fait référence à l’état psychologique d’engagement ou à la prédisposition à se réengager dans des tâches correspondantes. L’intérêt se traduit par un état psychologique défini par quatre caractéristiques :
  1. La centration de l’attention
  2. La persistance de l’effort
  3. L’optimisation du fonctionnement cognitif
  4. Une charge émotionnelle positive


Composantes affectives, cognitives et biologiques


L’intérêt comprend des composantes affectives et cognitives en tant que systèmes séparés, mais en interaction :
  • Il existe deux composantes de l'intérêt :
    • La composante affective décrit les émotions positives qui accompagnent l’engagement.
    • La composante cognitive fait référence aux activités de perception et de représentation liées à l’engagement. 
  • L’intérêt possède des racines biologiques :
    • Il est lié à des composantes évolutives et génétiques, enracinées dans le cerveau émotionnel. 
  • L’intérêt des élèves favorise leur apprentissage en augmentant leur engagement :
    • La personne est engagée physiquement, cognitivement ou symboliquement avec l’objet de son intérêt.


L’intérêt comme une interaction


L’intérêt est le résultat d’une interaction entre une personne et un contenu particulier :
  • Le potentiel d’intérêt est situé dans la personne.
  • Cependant, le contenu et l’environnement définissent l’orientation de l’intérêt et contribuent à son développement.
Si une personne a un intérêt individuel émergent ou bien développé pour un contenu donné, cet intérêt peut s’étendre à des contenus voisins. Par exemple, un intérêt pour un domaine scientifique particulier peut se transformer en un intérêt pour d'autres domaines scientifiques ou pour les sciences en général.


Distinguer intérêt situationnel et intérêt individuel


Deux types d’intérêts ont été au centre de la recherche en éducation jusqu’à maintenant : l’intérêt situationnel et l’intérêt individuel (aussi appelé personnel). Parfois, les élèves sont naturellement intéressés par un sujet et nous parlons d’intérêt individuel. Parfois, il faut le stimuler et nous parlerons d’un intérêt situationnel.


a) Intérêt situationnel


L’intérêt situationnel fait référence à l’attention focalisée et à la réaction affective déclenchée sur le moment par des stimuli environnementaux, qui peuvent ou non durer dans le temps. Un intérêt situationnel est généralement fugace et fluctuant, de nature extrinsèque. L’intérêt situationnel implique une réaction affective provoquée par des stimuli environnementaux, une attention concentrée et la volonté d’apprendre.

Exemple : Lorsqu’une personne qui prend un magazine dans une salle d’attente se fixe sur un article dont elle ne sait pas grand-chose, c’est la situation qui a déclenché son intérêt. Il n’y a rien d’autre à faire et c’est une occasion de passer le temps, sa curiosité est stimulée.


b) Intérêt individuel


L’intérêt individuel est également appelé intérêt personnel. Il est de nature intrinsèque et fait référence à la prédisposition relativement durable et stable d’une personne à se réengager avec le temps ainsi qu’à l’état psychologique immédiat lorsque cette prédisposition a été activée. 

Exemple : Un enfant qui joue de la guitare sera intéressé par le piano, ou une personne ayant une formation en mathématiques peut s’intéresser à des questions informatiques ou économiques, car elles permettent une meilleure poursuite des questions mathématiques.

Entre ces deux extrêmes se constituent des intérêts mixtes, tels que l’intérêt situationnel stabilisé correspondant à l’intérêt que pourrait manifester un élève une année pour une discipline en fonction du programme étudié ou de l’enseignant.



Impact sur les performances et sur l’auto-efficacité



L’intérêt situationnel est créé par la situation et les conditions dans lesquelles a lieu un apprentissage. Il ne préexiste pas pour un élève. 

L’intérêt individuel ou personnel préexiste pour le domaine en question indépendamment de la tâche d’apprentissage. Il est amené par l’élève lui-même.


Performance et nature de l’intérêt


Il a été démontré que l’intérêt situationnel a une influence positive sur les performances cognitives, il concentre l’attention. Il facilite l’intégration des nouvelles informations avec les connaissances antérieures et améliore les niveaux d’apprentissage. La difficulté est liée à sa fragilité, car il peut s’émousser assez rapidement.

En fonction de ses intérêts personnels, un élève va être plus ou moins intéressé par un cours et à l’intérieur de ceux-ci par le sujet abordé. Cela va avoir un impact sur le niveau d’attention qu’il va accorder à celui-ci.

Cet intérêt individuel a un impact positif sur l’attention, la mémorisation, la persévérance, l’effort et les niveaux d’apprentissage. Il est plus durable et généralement plus accentué que l’intérêt situationnel.

Pour l’enseignant, il s’agit donc :
  • De tirer parti de l’intérêt personnel préexistant des élèves pour certains sujets
  • De présenter un contenu pédagogique suffisamment stimulant, éveillant la curiosité ou présentant un certain défi, pour activer l’intérêt situationnel des élèves.


Sentiment d’efficacité personnelle et nature de l’intérêt


Des élèves qui n’ont développé qu’un intérêt situationnel et n’avaient pas d’intérêt personnel pour un domaine d’apprentissage peuvent rapidement développer l’impression de devoir fournir beaucoup d’efforts pour peu de résultats. Ce sentiment peut apparaitre même s’ils n’ont travaillé que peu de temps. En effet, ils ont parallèlement un sentiment d’efficacité personnelle plus faible dans le domaine considéré.

Les élèves possédant un intérêt personnel émergent pour le domaine ont aussi l’impression qu’ils consacrent beaucoup d’efforts. Ils passeront plus de temps à travailler en comptant moins leurs efforts. Ils possèdent un meilleur sentiment d’efficacité personnelle dans le domaine et adoptent plus facilement des défis en rapport.

Les élèves possédant un intérêt personnel affirmé dans le domaine ont généralement également un bon sentiment d’efficacité personnelle correspondant. Ils auront tendance à fournir des efforts sans compter tout en ressentant naturellement une satisfaction. 

Par exemple, un élève va beaucoup plus facilement et naturellement s’investir dans un cours de biologie s’il a l’intention d’étudier la médecine par la suite, car son intérêt est personnel. Ses efforts vont moins lui coûter en matière de volonté par rapport à un autre élève de mêmes capacités, mais n’ayant développé qu’un intérêt situationnel fragile.



     Mis à jour le 23/10/2021



    Bibliographie


    Hidi, S. & Renninger, K. A. (2006). The Four-Phase Model of Interest Development. Educational Psychologist, 41(2), 111–127.

    Laurent Cosnefroy, Le sentiment de compétence, un déterminant essentiel de l’intérêt pour les disciplines scolaires, L’orientation scolaire et professionnelle, 36/3 | 2007

    Rotgans, Jerome & Schmidt, Henk. (2017). The Role of Interest in Learning: Knowledge Acquisition at the Intersection of Situational and Individual Interest. 10.1007/978-3-319-55509-6_4.

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