mardi 17 avril 2018

Quelle approche orientante pour les dernières années de l'enseignement secondaire belge ?

Nous pouvons réfléchir à nos rêves successifs d’orientation professionnelle, qui ont rythmé notre enfance et de notre adolescence. Nous pouvons réaliser combien nos parcours personnels propres sont faits de méandres, de demi-tours, de constantes parfois, de bifurcations souvent. Notre carrière professionnelle est rarement un long chemin tranquille et prévisible.


(photographie : Lee Chang Ming)


Comment, dans le contexte belge, aider les élève des deux dernières années du secondaire à poser un vrai choix d’orientation mûrement réfléchi alors que l’urgence se fait plus pressante ?

Nous devons aller au-delà des notions propres à l’approche orientante, aux problématiques liées à l’orientation par l’échec, au déficit d’auto-efficacité. De même, nous devons nous méfier des dangers de la passivité qui transforme l’élève en consommateur de modes. La question de la mise en projet de l’élève s'impose alors. Elle nécessite un équilibre entre la stimulation de la réflexivité de l’élève et un soutien dans l’accompagnement offert par les différents adultes impliqués.

À partir de cela, nous pouvons nous poser deux questions :

  1. Quel accompagnement proposer ? Comment cet accompagnement se rapproche et se distingue-t-il d’une autre matière d’enseignement  ?
  2. Que serait le concept de projet d’orientation d’un élève ? Quelles seraient ses caractéristiques ?



L’orientation comme matière d’enseignement ?


Sur ce premier sujet, l’article de Francis Danvers, « L’orientation (scolaire et professionnelle), matière d’enseignement ? » (1995) qui s’intéresse à l’histoire de l’orientation scolaire en France est pertinent.

Notamment, il cite des objectifs datant de 1988 issus des programmes et instructions des Collèges pour la conduite des activités d’orientation. Les différentes dimensions envisagées restent pertinentes, mais à nuancer :

1 — Fonder l’aide individuelle à l’orientation sur les connaissances générales de l’environnement économique, du monde du travail et des activités professionnelles.

Effectivement, il y a une dimension individuelle dans l’orientation scolaire. En même temps, bon nombre d’informations concernent tous les élèves, comme la structuration de l’enseignement, les différentes grandes filières et les types d’études qu’elles regroupent. Pour des raisons d’équité, nous devons informer tous les élèves sur les différentes possibilités d’orientation, avant de les laisser en approfondir certaines directions qui éveillent leur curiosité.

2 — Établir un programme d’activités spécifiques centré sur la préparation des choix d’orientation.

 

Il est utile d'établir un programme équilibré d’actions et d’activités. Celui-ci doit concerner autant de types d’acteurs que possible, qui sont liés au monde de l’éducation et au monde professionnel. Nous devons donner à l’élève la possibilité de faire des expériences (stages ou rencontres avec des professionnels). Il effectue des visites d’écoles, de salons de l’éducation ou d’entreprises. Nous lui donnons la possibilité de situer son individualité en fonction de ces expériences. Pour que l’élève puisse (se) poser des questions pertinentes et se projeter dans le futur, ces activités doivent présenter trois phases :

  1. La préparation : quelles sont mes attentes, quels sont mes questions, quelles sont les informations dont j’ai besoin ?
  2. Le déroulement de l’activité,  qui est une récolte des réponses, est une expérience en tant que telle. Son but est de favoriser les interactions pour confronter les préconceptions et une réalité concrète.
  3. La rétroaction : en quoi ai-je pu obtenir réponse à mes questions ? Est-ce que ces réponses correspondent à mes attentes ? En quoi cette activité m’a-t-elle permis d’avancer ? Quelle sera ma prochaine étape ?


3 — Favoriser la mise en relation du travail et des résultats scolaires avec l’orientation dans un processus d’aide individuelle.

 

La troisième dimension est fondamentale pour deux raisons :

  1. Les élèves n’ont que peu la capacité d’évaluer la pertinence de leurs choix en fonction de leurs propres résultats scolaires. L’équipe enseignante bénéficie d’un meilleur recul, même si elle n’est pas infaillible. Il semble que les conseils de classe soient le bon moment pour aborder la question du projet de l’élève en fonction de son parcours scolaire présent.
  2. Si le choix a par nature une réalité ponctuelle, nous faisons un choix à un moment donné, le processus qui y mène détermine sa validité et le construit. L’orientation efficace se doit d’être un processus continu avec des interactions qui confrontent des projections personnelles virtuelles à certaines réalités concrètes. Savoir ce que nous voulons, et pourquoi, c’est savoir également ce que nous ne voulons pas. C’est aussi jauger la prise de risque et les renoncements qu’implique un choix que nous voulons poser.


Chacune de ces dimensions nécessite un encadrement, un enseignement des possibilités, un encadrement des activités et de nécessaires rétroactions pour stimuler la réflexivité.

Le point le plus précieux de cet article de Francis Danvers tient dans sa conclusion où il propose trois axes de réflexion qui restent hautement pertinents aujourd’hui :

1. « La question de l’orientation est au cœur des problèmes économiques, sociaux et politiques qui dépassent l’École. Ce qui implique pour nous, la clarté́ des rôles des différents partenaires appelés à̀ s’engager sur cette question ; »

 

La question de l’orientation est fondamentale, dépasse largement le contexte scolaire et concerne la société dans son ensemble. L’élève, individu et membre de cette société, doit être le premier bénéficiaire de démarches fondées sur une volonté d’équité et de chances égales, car l’épanouissement de chacun contribue au bon fonctionnement de la société.

2. « Au sein de l’École, il reste des obstacles réels à une orientation positive qui ne soit pas fondée sur l’échec. C’est pourquoi, nous considérons que les réformes de structures et de contenus, doivent pour réussir, être accompagnées d’une véritable mobilisation des enseignants dans la réussite de leurs élèves. À cette condition, l’orientation-projet fera sens. »

L’école, par sa position centrale pour l’élève, doit jouer un rôle de médiateur et viser à l’efficacité de ses démarches, s’engager et prendre des initiatives. Quoi qu’elle fasse, elle est un instrument qui contribue à l’orientation et ne peut jamais être neutre à son propos. Dans une société qui évolue où chaque individu est unique et en mouvement par rapport à ses aspirations et sa réalisation, l’approche orientante est une direction dans laquelle œuvrer, un processus permanent, un compas.

3. « Des mesures techniques doivent également améliorer les procédures d’orientation. L’idée de réserver un “temps scolaire pour l’orientation”, nous semble la plus prometteuse à la condition d’une “déscolarisation” maîtrisée de l’orientation… Que pourrait bien signifier avoir un zéro à son dossier “projet d’avenir” ? Un temps scolaire pour l’orientation pourrait être un temps choisi pour construire un projet de vie. Ce projet serait un itinéraire de carrière dont nous savons par avance qu’aucune des séquences n’est préalablement totalement fixée. À chaque étape, la nécessité d’un bilan s’imposera pour repartir de l’avant… »

 

Le métier premier de l’école c’est enseigner et éduquer. La fonction de certification des apprentissages en est inhérente. Il faut libérer du temps scolaire pour le dédier à l’orientation, de même que l’orientation est à prendre en considération dans les apprentissages eux-mêmes. Certaines informations propres à l’orientation doivent être connues de tous et bénéficieront d’un enseignement structuré. Cependant, l’école n’a pas à s’arroger un pouvoir d’évaluation certificative, quelle que soit la forme, sur des processus liés à l’orientation. L’orientation continue tout au long de la vie d’un individu qui prendre la forme d'un parcours fait de méandres, de hiatus parfois, d’erreurs, d’envies et de hasard. L’éducation au choix n’est pas à critériser. Elle n’est réussie que lorsque l’individu qui a pleinement réfléchi son choix le transforme par la suite en un accomplissement. L’évaluation d’un choix ne peut se faire qu’a posteriori. Aider à faire ce choix est une mission de l’école, informer, amorcer des réflexions l’est aussi, y mettre un poids, une valeur purement scolaire, quels qu’ils soient ne l’est pas.



Qu’est-ce qu’un projet d’orientation ?


La seconde question est de voir comment définir ce que nous entendons par « projet » d’orientation. Une piste intéressante est l’article de Richard A. Young et Ladislav Valach (2009). Selon eux, le concept de projet doit être pris en considération à l’intérieur de celui de carrière :

« Nous suggérons que le processus de carrière peut être considéré comme un système orienté vers un but. Dans celui-ci, l’action représente l’unité à court terme, le projet l’unité à moyen terme et la carrière l’unité à long terme de processus intentionnels dans des domaines variés… Ces processus sont interdépendants. De plus, ces processus ne sont pas supposés “être déjà là”, mais sont considérés comme étant construits au cours des actions. »

 

Toutes les activités en orientation au choix se concentrent sur l’aspect du projet de l’élève qui est à prendre en compte comme un processus à moyen terme. Il ne s’agit pas d’aider l’élève à aborder des choix de carrière, mais les aider à élaborer leur choix suivant sans hypothéquer d’autres choix ultérieurs.

Ce projet de l’élève peut être suscité par des activités proposées dans le cas de l’école orientante. Il est moins exigeant qu’un choix de métier ou de profession. Pour Young et Valach :

« … le projet est plus limité par les ressources nécessaires pour sa réalisation et donc plus susceptible de changement ».

 

Dans ce sens, l’approche orientante tout au long de la scolarité suscite le passage de l’élève d’un projet à l’autre. Chaque phase correspondant à une étape de son développement intellectuel et personnel, ouvrant la porte à de nouvelles réflexions et directions :

« La projection ouvre des horizons pour des actions et contributions futures. Elle donne corps aux idées guidant l’orientation personnelle ».

 

L’éducation au choix devient un cheminement qui incite à la projection de soi dans un futur proche ou éloigné tout au long de la scolarité. Se donner le droit d’avoir un projet c’est exercer son imaginaire, sortir de soi et s’affirmer.

« Il (le projet) est plus susceptible de changer lors d’interactions de conseil (counselling) que la carrière. »

 

Proposer régulièrement des activités en lien à l’orientation, en parler avec les élèves, c’est augmenter et stimuler leur imagination, c’est leur donner des chances de progresser dans leurs réflexions.

« … le projet, dans un certain sens, est un construit en compétition avec celui de carrière ».

 

Il n’est pas pertinent de faire réfléchir les élèves sur un seul métier et sur une seule carrière, mais plutôt sur des familles de métiers ou des compétences, en mettant en évidence leurs spécificités et leurs points communs. Il faut éviter que les élèves ne se retrouvent dans une vision trop définitive ou stéréotypée qui pourrait les aveugler et diminuer leur recul. Ceci est d’autant plus vrai que bon nombre d’entre eux n’auront pas de carrière linéaire. Ils vivront l’une ou l’autre bifurcation importante, et que même dans une filière donnée le parcours professionnel peut prendre des incarnations successives très différentes.

Young et Valach reviennent également sur une distinction entre projets d’orientation et projets professionnels :

« .. les premiers demandent une redéfinition continuelle et sont donc plus dynamiques ».

 

Avoir un projet d’orientation est beaucoup plus ouvert qu’un projet professionnel, car il n’y a pas forcément de lien direct entre les deux. Beaucoup de formations mènent à des professions différentes et des orientations différentes peuvent elles-mêmes mener à des professions similaires. L’orientation précède la profession et celle-ci sera une construction dépendant de l’environnement, des opportunités. Elle résultera pour une bonne part des compétences construites par l’orientation. Viser une profession avec un élève c’est déjà aller trop loin et c’est réducteur. La formation que suivra l’élève dans son parcours d’études le transformera pour une part et fera avancer ses conceptions et envies.

Il est donc sain et tout à fait logique qu’un élève se projette dans différentes orientations tout le long de sa scolarité. Dès lors, il n’est pas spécialement inquiétant que certaines de ces projections soient contradictoires ou mal informées. Il est inhérent au processus dynamique lié au passage par des phases de déséquilibre. L’école a très certainement un rôle à jouer en facilitant l’apport d’informations pertinentes et en envoyant du feedback argumenté à l’élève.

Un autre point crucial qu’ils relèvent est que

« les carrières de beaucoup d’adultes — par exemple celle de devenir un analyste de systèmes — ne peuvent sans doute pas susciter d’intérêt chez des adolescents. Ceci signifie que pour ces derniers, les buts à long terme ne peuvent pas être clairs et que le lien avec leur vie actuelle peut aussi être opaque. »

 

Certaines professions ne se prêtent pas en effet à des projections aisées. De même, certaines matières peuvent susciter une attraction relativement abstraite même si sincère, alors que les perspectives professionnelles qu’elles offrent sont pour une bonne part complètement floues. Un élève peut être attiré par les mathématiques sans vouloir devenir enseignant en mathématiques et sans pour autant vouloir se projeter dans une profession.

Par rapport à cet état de fait il vaut mieux

« aider les adolescents à se focaliser sur ce qui est le plus présent, tangible et réel pour eux »

 

Young et Valach renvoient vers la conception alternative du projet de Larson (2000). Celle-ci se base sur trois caractéristiques :

  1. La motivation intrinsèque, c’est-à-dire le désir de s’engager dans l’activité
  2. L’engagement concerté dans l’environnement, c’est-à-dire l’attention à un champ d’action, et, enfin,
  3. Un arc temporel, c’est-à-dire un engagement dans le temps au cours duquel les revers, les réévaluations et les ajustements font partie de l’expérience. 

Pour s’investir dans un projet, un élève doit donc avoir une motivation propre à travailler et étudier les matières concernées pour elles-mêmes. Il doit pouvoir s’intégrer au cadre, aux exigences et aux contraintes qui accompagnent ce choix. Ceci fait écho à l’habituelle séparation en Belgique entre haute école et université, au choix entre les différentes filières possibles pour une matière et entre les différents établissements proposant le cursus. Troisièmement, son engagement doit pouvoir s’accompagner de résilience face aux possibles difficultés rencontrées sur le chemin. Il fait face à l’affinement des dimensions de ce même projet de départ. Il est appelé à se préciser et dévier en partie de sa trajectoire nouvelle, de nouveaux intérêts précis devant succéder aux premiers.

Un risque dans l’approche que peuvent proposer les écoles est d’aborder l’éducation au choix sous forme d’un travail sur le projet de l’élève. Cette approche peut adopter la démarche d’une pédagogie de projet. L’élève serait mis en recherche et développerait des compétences liées à l’orientation. Un exemple en est le travail de fin d’études. Il est régulièrement associé à un projet d’école. Il est parfois associé au développement de compétences spécifiques comme celle de la réalisation d’un travail écrit qui prépare aux standards universitaires dans la structure et l’usage de la bibliographie notamment. Une telle démarche est un projet en elle-même qui n’a finalement que peu de rapport avec le projet de l’orientation de l’élève.

Un élève travaillant sur un TFE (travail de fin d’études) pourrait développer ce projet le long d’un an ou deux. Qu’en serait-il de ses doutes, des hésitations, des rebroussements et des bifurcations à angle droit que demande l’élaboration d’un projet cohérent et personnel d’orientation ?

Une forme de déconnexion entre TFE et réel projet personnel est probable. Travaillant sur un TFE d’orientation, un élève peut réaliser à la suite d’autres influences et expériences qu’il ne lui correspond plus. Que faire à ce moment-là ? Repartir de zéro ou persévérer, mais avec quelle motivation ? Un TFE d’orientation veut expliciter et préciser des directions au-delà du choix d’étude à moyen terme. Cependant, bon nombre de données et d’indicateurs vont être transformés par la formation elle-même.

Il agit dès lors comme un leurre. Il est une forme rassurante et tangible pour l’école elle-même qui l’organise. Il pourrait permettre à l’élève de fuir le besoin de désordre, de doutes, d’essais et d’erreurs pourtant nécessaire. Au contraire, les élèves lors de leurs dernières années de secondaire doivent pour confronter leurs rêves et la réalité, leurs projets et leur connaissance de soi.

Est-ce que l’idée du TFE orientant elle-même n’est-elle pas bâtie sur un leurre. Apprendre à s’orienter, apprendre à choisir, à prendre une décision complexe, sont-elles ces compétences générales  ? Ce type de compétences est inexistant. Comment avoir de l’expertise dans un domaine où nous ne maîtrisons que quelques paramètres ? Choisir est et restera un risque, seuls la prise d’information, l’interaction, le feedback et la réflexion personnelle que nous mènerons pourront atténuer celui-ci.

Est-ce que le temps consacré par les élèves à la rédaction d’un TFE orientant ne pourrait pas être plus utile ? Il pourrait être consacré à des visites, à des rencontres, à des stages ou à des informations sur la structure et la diversité de l’enseignement supérieur. Il pourrait mener à l’organisation de discussions en petits groupes et un feedback régulier sur l’avancement du processus sous forme d’accompagnement individualisé, en d’autres termes à de l’approche orientante.



Quelques pistes de mise en oeuvre


  1. S’assurer que les élèves reçoivent toutes les informations nécessaires et pertinentes sur l’orientation.
  2. Sensibiliser l’équipe enseignante à la question, maintenir un lien avec le PMS, créer un groupe de travail sur la question, responsabiliser les titulaires (arriver à un système proche du système français) 
  3. Proposer la création d’un groupe de travail de réfléchir aux besoins de formation appropriée (sources, références, documents), développer des outils de suivi légers et efficaces, dessiner un parcours avec des objectifs par demi-année et définir des indicateurs.
  4. Organiser des activités en lien avec l’orientation tout le long du parcours scolaire : les préparer avec les élèves et les évaluer pour la suite avec eux.
  5. Valoriser toutes les activités disciplinaires et mettre en évidence leur dimension orientante.
  6. Profiter des conseils de classe et de sa capacité de diagnostic, quatre fois par an, pour sonder les projets d’orientation et les démarches suivies par les élèves.
  7. Fournir un feedback et développer des échanges individualisés entre le titulaire et les élèves au sujet de l’orientation.
  8. Effectuer un suivi de toute l’organisation, évaluer son efficacité et redéfinir des priorités chaque année.
  9. Créer dans la bibliothèque de l’école ou en ligne une section consacrée à l’orientation et regroupant toutes informations utiles. Définir une fonction de veille pour ces sections, communiquer les informations régulièrement et se maintenir à jour.



Mise à jour le 19/10/21


Bibliographie

Danvers, F., L’orientation (scolaire et professionnelle), matière d’enseignement ?, Spirale, 14 (1995)

Richard A. Young et Ladislas Valach, « La notion de projet en psychologie de l’orientation », L’orientation scolaire et professionnelle 35/4 (2006)

Larson, R. W. (2000). Toward a positive psychology of youth development. American Psychologist, 55, 17-183. DOI : 10.1037/0003-066X.55.1.170

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