jeudi 17 août 2017

Tenants et aboutissants de l'approche orientante

Après un état des lieux général de l’orientation et de ses spécificités (voir article), voici les tenants et aboutissants de l’approche orientante dans le contexte de l’enseignement secondaire belge francophone :

(photographie : Roger Mensink)

Pour plus d’information sur l’approche orientante, nous renvoyons sur le site de http://www.approcheorientante.be



Intégrer la logique de l’approche orientante


L’orientation trouve son origine pour l’élève dans un processus de découverte et d’exploration de sa propre identité et par la mise à jour progressive de ses affinités et aptitudes. Cette démarche est personnelle et continue, itérative. Elle est rarement en ligne et son cheminement peut passer par des méandres, des bifurcations ou d’éventuels rebroussements.

Les activités, interactions, expériences et relations, que les individus se construisent dans leurs différents contextes de vie, jouent un rôle déterminant. Il est porteur de donner la possibilité à tous les jeunes de s’engager dans différentes activités où ils pourront se tester et se poser des questions.

En tant qu’enseignants accompagnant nos élèves dans ces démarches, nous devons adopter des stratégies itératives, revenir, approfondir, vérifier, nous servir de pistes et d’outils et nombreux et diversifiés, pour être efficace sur le long terme. Nous devons les aider à se centrer sur les processus et croiser les multiples réalités subjectives, plutôt que de s’appuyer sur des normes, une approche abstraite et des vérités toutes faites. L’approche orientante propose une orientation qui s’intègre pleinement au fur et à mesure du cheminement scolaire, à chaque occasion propice. L’élève est susceptible de ressentir une plus forte motivation si les situations d’apprentissage font directement échos, stimulent et enrichissent ses questionnements sur ses futurs choix de formation.

Pour une orientation réussie, le choix d’une filière doit être intrinsèquement lié au développement d’un projet personnel. Il ne doit pas être uniquement la conséquence de facteurs extérieurs comme les résultats scolaires, l’influence des pairs ou des parents, l’échec ou le redoublement. Nous devons viser à réduire l’orientation basée uniquement sur des critères non pertinents comme un échec dans tel ou tel cours général qui mène à une relégation sans qu’il y ait un projet entamé avec l’élève. L’orientation doit toujours être positive, être mue par des envies de maitrise plutôt que d’évitement.

L’approche orientante propose d’aider l’élève à anticiper son orientation afin de rester maitre de son parcours de vie. En effet, une orientation imposée, non réfléchie ou subie a toutes les chances d’être dommageable en matière de motivation et de réussite scolaire. L’idée est que l’élève apprenne à connaître les métiers, mais aussi à autoévaluer ses capacités et sa motivation à s’investir dans tel ou tel domaine. Enseignants et parents suscitent une réflexion chez l’élève qui l’amène à se poser les bonnes questions pour une meilleure connaissance de lui-même. Devenant mieux capable d’identifier ce qu’il aime, ce qui le passionne, ce qui l’attire à travers les différentes propositions qu’il croise, l’élève devient mieux outillé pour poser un choix d’orientation scolaire cohérent.

Poser un choix d’orientation nécessite de faire le lien et la synthèse de trois types de connaissances :
    1. La connaissance de soi, de ses capacités, de ses intérêts
    2. La connaissance des filières 
    3. La connaissance du milieu professionnel auquel ouvre le type de formation sélectionné.

Le postulat est qu’il n’y a pas chez le jeune dès le départ nécessairement un déjà-là, de préférence pour l’avenir professionnel préinscrites. Il n’y a pas quelque chose qu’il faut faire émerger, que des questionnaires d’évaluation pourraient à coup sûr faire émerger. L’orientation est quelque chose à construire tout au long de la vie. L’adolescent comprend peu à peu qu’il doit associer ses préférences et ses intérêts en matière d’orientation à ses performances.

L’orientation doit être intégrée au projet éducatif d’une école et non être constituée d’actions isolées en marge du fonctionnement habituel. Elle doit concerner tous les intervenants de l’environnement éducatif. L’approche orientante doit devenir une des préoccupations premières d’un établissement scolaire.

L’école a elle-même a gagné de cet apport de sens général. Le fait qu’à travers les cours, les élèves soient nourris, accompagnés et questionnés dans leurs démarches liées à leurs projets personnels fait qu’ils peuvent accorder davantage de valeur à l’école. Cela permet d’améliorer le climat scolaire, leur motivation générale et leurs apprentissages.



Que travailler chez les élèves ?


Nous pouvons :
  • Développer les capacités, les compétences, les intérêts des élèves, pour leur permettre de prendre leurs propres décisions plutôt que de subir le cours des choses.
  • Travailler avec les élèves individuellement sur les représentations des professions qui les intéressent, pour les clarifier. Chaque parcours est unique.
  • Développer l’ouverture à la réflexivité sur ses pratiques, ses stratégies et ses objectifs d’accomplissement.
  • Aider les élèves à mieux se connaître, à être davantage motivés sur le plan scolaire, à établir des liens entre leur vécu à l’école et leurs projets de carrière.
  • Renforcer l’estime de soi, l’auto-efficacité, mettre en projet, faire prendre conscience que le chemin est déjà entamé et se poursuit, qu’il l’amènera à terme à exercer un travail, une profession, une carrière.
  • Développer des projets professionnels et les enrichir d’informations, de rencontres, d’expériences.
  • Mobiliser l’élève et le rendre acteur, ne pas tout faire avec lui, mais l’équiper pour le rendre capable de réaliser un certain nombre de démarches. Par exemple préparer une visite à un salon sur les professions ou sur les études supérieures et leur demander d’en faire une rétroaction par la suite.




Types d’interventions


Informer et apprendre à s’informer sur les activités professionnelles, le travail et l’emploi dans le but :
    • D’aider à trouver les correspondances entre une profession, les activités majeures auxquelles elle correspond et les exigences de celle-ci. 
    • D’évaluer les perspectives d’emploi dans un secteur donné.
    • De faire le lien entre études et professions. Quelles sont les exigences pour exercer ce type d’emploi ? Comment s’y préparer ?
    • D’apprendre aux élèves à trouver et à sélectionner par eux-mêmes des informations exactes et pertinentes sur les professions et formations.
    • D’inciter à se poser des questions sur soi-même en fonction des informations récoltées et de leur traitement.

Proposer des interventions de guidance et de conseil qui visent à aider à développer la réflexivité sur la question de l’orientation et à faire le bilan de leur parcours et de leurs éventuelles difficultés. Il existe différentes expériences de portfolio à ce sujet.

Mettre en place des projets orientants qui mobilisent différentes disciplines.

Faire appel à des conférenciers invités en classe et leur demander de faire écho de leur propre parcours et des questionnements par lesquels ils sont passés.

Permettre aux élèves d’effectuer des observations, des stages d’observation dans des milieux de travail et en faire le bilan par la suite.

Solliciter la participation des parents, eux-mêmes professionnels, dans des soirées d’orientation.

Organiser des visites d’écoles, d’universités, d’entreprises ou de salons.




Trois démarches de sensibilisation à l'éducation au choix


L’approche orientante entend lier éducation, apprentissages et orientation à travers trois démarches qui sensibilisent les élèves à l’éducation au choix :

1. Infuser 
  • Cela consiste à travailler les contenus disciplinaires avec les références au monde professionnel et à la connaissance de soi. 
  • L’enseignant saisit toutes les occasions données par le programme de la classe pour mettre l’élève en appétit, en recherche et en analyse au regard des métiers et des environnements socio-économiques. 
  • Cela peut se traduire aussi par des approches qui favorisent le développement de l’identité et du projet de l’élève.

2. Coopérer : 
  • L’enjeu est d’intégrer dans l’approche orientante tous les acteurs et partenaires impliqués dans l’environnement éducatif. Ils partagent les mêmes valeurs et travaillent dans le même sens.
  • Nous devons éviter que l’orientation d’un jeune repose sur une décision ponctuelle, sur une personne en particulier ou sur une fonction/profession particulière.
  • Nous rendons possibles des moments de rencontre, de formation et de coopération entre les différents acteurs de l’approche orientante. Notamment, dans le contexte belge francophone, il faut la présence des représentants du centre PMS dont l’orientation est une des missions et qui aide le jeune à se poser des questions sur son orientation.
  • Nous utilisons Ies ressources offertes par les milieux professionnels et les services et activités liés à l’orientation de divers organismes et établissements d’enseignement.
  • Les parents ont un rôle déterminant à jouer dans le processus d’orientation de leur enfant. Par leurs attentes, leurs intérêts et leur conception de filières et des métiers, ils influencent directement leurs enfants. Ils ont aussi un rôle décisif dans les choix d’orientation de leur enfant et un rôle de soutien. De même, l’adolescent a besoin de parler à ses parents de ce qu’il vit, de ses projets. Les parents aideront d’autant plus le jeune dans ses démarches et sa découverte de lui-même qu’ils sont eux-mêmes sensibilisés à cette mission éducative. 


3. Mobiliser : 
  • Le but est de susciter et d’entretenir la motivation de l’élève dans sa propre démarche d’orientation. 
  • Nous tâchons de l’intéresser et de l’amener à se renseigner, à réfléchir puis à s’engager dans une ou plusieurs voies. Tout au long du processus, il doit garder un droit à l’erreur et la possibilité de se donner une nouvelle direction. 
  • Nous rendons possibles des situations qui permettent aux élèves d’identifier clairement ce qui les motive ou ne les motive pas, ce qui correspond à leurs attentes et à leurs capacités. Ces situations doivent leur permettre de répondre à des questions qu’ils se posent et d’ouvrir vers de nouvelles réflexions. En même temps, il faut éviter tout déterminisme et toutes décisions d’orientation hâtives qui couperaient court à un processus d’orientation. Celui-ci demande toujours à être approfondi et remis en perspective au fil du temps face à de nouvelles rencontres et découvertes possibles.





mis à jour le 17 juin 2021

Bibliographie


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Demeuse, M, « L’Approche Orientante mise en perspective », Actes du Colloque sur l’Approche Orientante, AJB (2016)

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