mardi 15 août 2017

Facteurs d'orientation en contexte scolaire

Face à un monde à l'avenir économique et environnemental de plus en plus incertain, l’orientation est une préoccupation grandissante dans le cadre scolaire. Que signifie s’orienter d’aujourd’hui ? Quels sont les facteurs d’orientation pour les élèves et qu’impliquent-ils ? Voici un essai de synthèse sur la question.  

(Photographie : Rinko Kawauchi)




Un changement de perspective dans l'orientation


Perspective historique


Historiquement, l’environnement économique était stable. Il se fondait sur des réseaux de dépendances hiérarchiques établies et généralisables.

Nous pouvions espérer obtenir et conserver un même travail jusqu’à la fin de notre vie active. La sécurité de l’emploi, sauf circonstances exceptionnelles, n’était pas illusoire.

Nous considérions qu’il existait des correspondances entre des caractéristiques de le personnalité et les aptitudes individuelles d'un individu et certains métiers ou professions. À la fois les caractéristiques personnelles et les emplois étaient considérés comme des faits stables. Nous pouvions assimiler les parcours professionnels comme une série d’étapes identifiables et souvent typiques.

S’orienter consistait à chercher à mettre en correspondance les aptitudes d’un individu avec des habiletés professionnelles définissant un métier ou une profession. Dans cette perspective, lorsqu’un élève était orienté, le processus faisait de lui un sujet passif. Ses aptitudes étaient évaluées au moyen d’épreuves psychotechniques sans s’intéresser vraiment autrement qu'anecdotiquement à son vécu personnel, à ses attentes et à ses préférences. L’aide à l’orientation est fondée sur une évaluation générale dont les conclusions découlent naturellement.



Perspective actuelle


La globalisation de l’économie et les progrès des technologies de l’information ont changé le rapport de force entre employeurs et salariés. Le modèle précédent, qui liait directement d’un côté, la personne avec ses aptitudes et ses caractéristiques, et de l’autre, le métier ou la profession, est remis en question.

De la formule « un élève est orienté », les incertitudes actuelles font qu’on passe symboliquement à la posture plus constructiviste d’« un élève s’oriente ». L’élève devient par la force des choses, acteur de son orientation :
  • Il reçoit de l’information sur les orientations possibles qui s'ouvrent à lui.
  • Des personnes extérieures peuvent interviennent ponctuellement pour soutenir, stimuler ou discuter de ses démarches
  • L'élève apprend à se connaître
  • Il pose des choix pour son avenir

La société demande de plus en plus de flexibilité dans le travail et dans l’emploi ce qui impliquent. La raison en est une importance croissance pour la compétitivité et les nouvelles formes d’organisation de l’économie et du travail.

Nous n’effectue plus que rarement le même métier toute notre vie. Le choix unique d’un seul métier pour la vie est plus un mythe qu’une réalité. L’emploi d’aujourd’hui se fait de plus en plus sur la base de situations mutuellement et temporairement bénéficiaires. Il se base sur des objectifs à court terme servant une stratégie à long terme et par des contrats aux obligations plus restreintes. Il répond à une logique économique plus globale faite de délocalisations, de rationalisation, de restructurations, d'automatisation, d'ubérisation, etc.



Implications pour la formation


Nous devons développer des habiletés et des compétences qui ne sont pas réduites à des savoirs et savoir-faire liés à l’idée désormais obsolète d’effectuer le même métier toute sa vie. Savoirs et savoir-faire sont importants, mais doivent s’inscrire dans une structure ouverte. Nos schémas cognitifs étant appelés à s’enrichir, à se développer et à s’adapter tout au long de notre carrière.

Apprendre toute sa vie est nécessaire pour répondre aux exigences de la flexibilité économique et maintenir notre employabilité.

Incertain, parfois discontinu et rarement linéaire, le parcours professionnel et d’apprentissage d'un individu se doit dès lors de devenir personnel et individualisé parce que c'est à cette échelle. qu'il se pilote.



Implications pour l’orientation


Le conseil en orientation se recentre sur l’individu. l’enjeu n’est plus d’effectuer un choix professionnel unique, mais de prendre en considération :
  • La construction d’un parcours professionnel et d’un plan de formation tous deux personnels. Il faut dès lors veiller à ce que soit développé un ensemble de compétences susceptibles d’être investies dans un travail. Elles doivent être propices à des d’adaptations, des évolutions et des modifications pour répondre à la flexibilité et à l’évolution du monde du travail.
  • L’identité de l’individu, son passé, ses attentes, ses priorités, car il devra y puiser des forces.
  • L’environnement socio-économique : qui provoque le changement et peut offrir des opportunités.

L’orientation prend également la forme d’un ensemble d’activités et de processus réflexifs qui vont permettre à l’individu de s’orienter de manière plus efficace.




Déterminants liés aux expériences dans le parcours d'orientation d'un élève


Ce changement de perspective sur l'orientation impose des impératifs au cheminement qu'un élève va suivre ou être amené à suivre pour se construire un parcours d'orientation.

Un mot d'ordre central est que pour parvenir à nous orienter, nous devons apprendre à bien nous connaître. La connaissance de soi se construit à l’occasion de toutes les expériences et de toutes les prises de conscience que les personnes font dans les divers environnements qu’elles fréquentent :


S'enrichir de multiples contextes


D’un contexte à l’autre, les représentations sociales changent :
  • Nous devons prendre conscience de l'existence de stéréotypes, par exemple sur les rôles des femmes et des hommes.
  • Ce que signifie réussir sa vie peut de même être très variable
  • Les modèles ne sont pas les mêmes, les activités valorisées, encouragées, découragées ou interdites ne sont pas les mêmes
  • Les interdits, ce qui est promu ou rejeté, tout cela peut différer. 
La participation de l’individu à tel ou tel contexte est pour une grande part liée à son sexe et à son origine culturelle ou socio-économique, et non à un choix personnel :  
  • Cependant, une vie sociale et culturelle riche et diversifiée fournit des atouts, nous avons dès lors intérêt à la développer. 
  • La sélection et l'accès participatif à certains contextes compte : 
    • Certains contextes qui permettent de construire des compétences et des relations sociales pour s’orienter peuvent avoir une plus grande utilité que d’autres. 
    • En général, les personnes les mieux dotées dans les différents types de capital interagissent dans un plus grand nombre de contextes.
Les différents contextes auxquels sont confrontés les individus peuvent être plus ou moins dissonants ou consonants entre eux. Plus ils sont dissonants, plus la personne doit s’engager dans des va-et-vient d’un contexte à un autre. Cela oblige une grande flexibilité dans les manières d’être, d’agir, d’interagir et de se rapporter à soi-même.



Déterminants de l’orientation d’un élève


Liés au contexte scolaire :


  • Ses résultats et son parcours scolaire d'élève.
  • En Fédération Wallonie-Bruxelles, les conseils de classe d’orientation en fin de 2e et de 4e année du secondaire valident ou apportent une critique circonstanciée au projet de choix d’options remis par l’élève pour la 3e et 5e secondaire. Le but est à la fois d’éviter d’envoyer l’élève vers des difficultés certaines et de vérifier l’adéquation entre les choix et le projet de l’élève.
  • La mise en place de projets et d’activités liées à l’orientation au sein de l’école.




Liés à l’information :


  • La connaissance des possibilités de formations et métiers.
  • L’offre scolaire locale et l’accès à une offre plus large, qui nécessite l’usage de transports en commun comme le train ou imposent un internat.
  • La fluctuation des choix peut dépendre de facteurs comme les effets de mode, l’information véhiculée par les médias et l’actualité économique et sociale.




Liés à l’élève :


  • Les capacités d’auto-évaluation des élèves et leurs propres démarches, recherches, visite et rencontres liées à leur orientation ;
  • La difficulté à faire des choix et à formuler des souhaits d’autant que ceux-ci risquent de fermer des portes pour leur avenir.
  • Le manque d’attention en classe des élèves et la faiblesse des investissements en travail scolaire à domicile. Ces facteurs diminuent leurs moyens pour mobiliser et acquérir les compétences diverses liées aux apprentissages et hypothèque certains choix d’option.
  • Le manque de confiance en soi et d’estime de soi de l’élève.
  • Le poids de l’origine socioculturelle et du contexte socio-économique.
  • La connaissance par l’élève de lui-même, de qui il est, de ce qu’il aime et ce qu’il n’apprécie pas.




Les dimensions stratégiques et réflexives de l'orientation


S’orienter devient avant tout une conduite stratégique. Les parcours professionnels se construisent et progressent quand les individus font des choix qui leur correspondent et correspondent également aux opportunités socio-économiques. 

C’est le « comment faire ? » et non plus seulement du « quoi faire ? ». Si la vie professionnelle dépend d’un parcours passé, le futur restera toujours incertain. 

Nous devons prendre en compte un processus individuel, influencé par l’extérieur, mais construit au fur et à mesure par l’individu lui-même au travers de ses actions et décisions.

Il y a une co-évolution nécessaire et permanente entre les individus, l’économie et de la société. Aptitudes et intérêts, qui évoluent eux-mêmes tout au long de la vie, ne suffisent plus nécessairement pour fonder une carrière dans une seule profession.

La réflexivité est nécessaire, par rapport à soi, mais aussi par rapport à notre environnement, préventivement ou proactivement. Il est ainsi important d’être réceptif aux rétroactions et d’avoir de l’intuition à propos d’évolutions possibles.

Nous devons prendre en compte la question de l’équilibre et de l’adéquation au fil du temps entre d’un côté la vie professionnelle et le travail, et de l’autre, la vie personnelle (famille, amis, passion, loisirs). Les choix liés à l’orientation et à la vie professionnelle ne sont que des éléments d’un ensemble beaucoup plus vaste d’interrogations relatives à la manière de vivre sa vie. Certaines dimensions ont plus ou moins de l’importance pour un individu donné et peuvent être prioritaires par rapport à d’autres.






(mise à jour le 15 mai 2019)






Bibliographie


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