Communiquer avec les parents, gérer les plaisanteries d’élèves qui risquent de déraper en classe et agir en évitant et en désamorçant la confrontation.
(Photographie : Olaf Meyer)
Faire un bon usage de la communication avec les parents
Les nouveaux enseignants ressentent souvent de l’appréhension à rentrer en contact avec les parents d’élèves lors de leurs premières réunions de parents.
Pourtant, lorsque cette communication est bien maîtrisée, les parents peuvent se révéler être de précieux alliés pour impliquer les élèves dans leur éducation.
Souvent, les parents sont stigmatisés pour leur manque de soutien ou leur désintérêt, ou pour leur caractère trop exigeant ou vindicatif. Cette apathie ou cette frustration des parents peut venir du fait qu’ils ne se sentent pas considérés comme partenaire des enseignants. Ils ne sont souvent contactés que pour les interactions négatives de leurs enfants à l’école.
Il existe des moyens pour un enseignant de s’engager auprès des parents pour souligner les progrès et réussites, comme les systèmes de rétroactions liés aux résultats d’évaluations qui passent par une interface électronique.
Prendre l’habitude de ce mode de communication peut prendre du temps, mais une fois que le système est mis en place, les bénéfices dépassent l’investissement demandé. Les parents sont souvent très occupés et un message rapide court et ciblé est souvent ce qui permet d’avoir le meilleur impact. Le fait que les parents se fassent l’écho auprès de leurs enfants des progrès qu’ils réalisent est gagnant pour tous les intervenants. Une telle forme de renforcement positif peut être une grande source de motivation pour les élèves, tout en permettant aux parents de se sentir plus impliqués et mieux informés.
Gérer les plaisanteries en école
La difficulté avec les plaisanteries dans un cadre scolaire est que la limite n’est jamais totalement claire avec la moquerie. Il est complexe de placer le curseur en ce qui concerne certaines formes de violence verbale ou de harcèlement.
Il pourrait être tentant de les interdire, mais de l’autre côté, nous trouvons également l’humour sur un continuum tel qu’il est difficile de placer une limite claire. L’humour peut être un facilitateur dans la relation et il est dans la nature humaine.
De plus en posant un interdit, l’attention est plus attirée sur celui-ci et un jeu contreproductif peut se mettre en scène sur les limites et sur l’implicite. La subjectivité des plaisanteries fait qu’il n’est pas aisé de s’y adresser directement.
Il convient plutôt de se pencher sur les raisons qui sous-tendent ce type de communication et travailler sur les limites à ne pas franchir et sur les garde-fous dans le cadre scolaire. Il y a un enjeu d’éducation. La plaisanterie, lorsqu’elle reste dans le domaine du bon esprit et de l’humour, peut être amusante et mutuellement divertissante.
Dès lors, l’accent doit être mis sur l’explication de la différence entre l’humour, les taquineries, les moqueries et le harcèlement caractérisé. De nombreux élèves qui se livrent à des brimades ne rendent pas compte qu’ils dépassent une limite. Il est complexe de demander à des élèves d’arrêter d’avoir certains comportements de taquinerie ou de moquerie, dont ils ignorent la nature et n’interprètent pas comme hors limites.
Sanctionner ne suffit pas, il faut également mobiliser des démarches éducatives. Il s’agit parfois d’un changement d’éthique ou de culture en école qu’il fait investiguer.
Nous devons pouvoir enseigner la frontière ténue entre rire de soi-même et reconnaître quand l’humour contrarie ou blesse des pairs, et va à l’encontre de nos valeurs partagées.
Les taquineries ou les plaisanteries ne sont de l’humour que si les différentes personnes incriminées le trouvent drôle. Dans le cas contraire, elles sont des brimades.
Il importe également que les élèves comprennent que chacun a une tolérance différente aux plaisanteries et qu’il importe d’être attentif aux signes de malaise chez des camarades de classe. Dans le même sens, il est utile d’installer comme routine la possibilité pour chacun de signaler lorsqu’une plaisanterie va trop loin. L’idée est de pouvoir de dire « ça suffit, je ne trouve pas ça drôle », et que l’appel à cette phrase pose une limite que tout le monde doit respecter.
Un cas particulier est quand ce sont des enseignants qui sont à l’origine de ces plaisanteries portant sur d’autres enseignants. Il importe que la direction adopte une position ferme face aux plaisanteries entre enseignants qui blessent, embarrassent ou renforcent des stéréotypes négatifs.
Lorsque de telles plaintes sont déposées auprès de l’équipe de direction, elles risquent d’être minimisées ou étouffées. Au contraire, la direction devrait y faire face. Lorsqu’un professionnel ridiculise ou sabote ouvertement et publiquement un collègue, il convient d’avoir une discussion pour rappeler les attentes professionnelles. Ce n’est qu’en créant un climat d’ouverture et d’accessibilité que le personnel se sentira à l’aise pour parler de ce qu’il ressent face à des plaisanteries inappropriées. Si nous ne nous attaquons pas au problème, de telles attitudes risquent de se normaliser et de se voir adoptées par les élèves eux-mêmes.
Gérer les échanges avec les élèves faisant usage de plaisanteries
Lorsqu’il s’agit de discuter du sujet des plaisanteries avec des élèves qui tendent à aller trop loin dans ce domaine, différentes pistes sont explorables :
Un premier pas est de s’entendre sur le vocabulaire et sur les faits :
- Il est utile de commencer par laisser les élèves donner le ton de la discussion et utiliser le langage qu’ils souhaitent. Il s’agit de leur laisser expliquer ce qu’ils pensent être des plaisanteries totalement inoffensives.
- Par la suite, nous leur expliquons comment ces plaisanteries qu’ils pensent anodines s’approchent également dangereusement de moqueries ou de brimades, et sont en déphasages avec les valeurs de l’école.
- Les élèves peuvent alors commencer à se décentrer de leur point de vue subjectif et commencent à réaliser que le terme plaisanteries peut recouvrir des interactions qui dépassent largement le cadre de l’humour anodin.
Un deuxième pas est de les faire se concentrer sur l’impact et les conséquences de ce qu’ils disent et sur la manière dont ils le disent et sur les raisons pour lesquelles ils le font. Cela permet de mettre en évidence un décalage entre des intentions anodines et un résultat sans ambiguïté.
Un troisième pas est de demander aux jeunes de définir un comportement de substitution. Nous leur demandons quel type d’interaction basée sur l’humour pourrait-il adopter qui n’aurait pas d’impact négatif, mais pourrait remplir la même intention de convivialité avec bienveillance. L’expérience peut être difficile et sortir les jeunes de leur zone de confort, mais elle permet de remplir un vide et de leur offrir une alternative potentiellement acceptable par tous.
De manière générale, différentes stratégies peuvent être utilisées pour aider les élèves à faire la différence entre des brimades et des plaisanteries anodines :
- Utiliser des exemples concrets tirés des médias pour éviter que les échanges restent trop abstraits.
- Ne pas adopter un ton condescendant ou censuré, mais se dire que les élèves comprendront mieux le sujet que nous. Ils ont principalement besoin qu’on les aide à prendre du recul pour décortiquer des exemples ou une situation donnée. Ils ont besoin du soutien d’un enseignant qui les guide pour le faire.
- Adopter une approche patiente et à long terme, car nous visons à installer de nouvelles habitudes qui en remplacement d’anciennes et le processus peut prendre du temps. Il demande une rétroaction formative et du renforcement positif.
Agir en évitant et en désamorçant la confrontation
Les élèves sont toujours plus sécurisés lorsqu’un enseignant garde son sang-froid en toutes circonstances, même lorsque des comportements difficiles se manifestent.
Un premier élément qui accompagne est le sang-froid. C’est de pouvoir laisser pour les élèves concernés, dans les interventions disciplinaires, un temps de réflexion, une temporisation pour laisser les émotions retomber et avoir la possibilité de faire marche arrière sans perdre la face. C’est ne pas se laisser envahir par les émotions et rester ferme et factuel.
Un deuxième élément est de se montrer à la fois confiant et assertif dans l’intervention. Lorsqu’il s’agit de rappeler le comportement attendu à l’élève dans la première phase du continuum, il est utile d’accompagner ou de faire précéder cette demande d’un « merci ». Le « merci » prend la place d’une demande, d’un « s’il te plait/s’il vous plait ». Le « merci » laisse attendre poliment que l’élève s’exécute, tandis que « s’il vous plaît », suggère que nous faisons une demande, ce qui peut avoir moins de poids.
Un troisième élément est d’être attentif à son langage corporel et à sa posture. Il peut être tentant, si le physique et la voix le permettent de les utiliser pour impressionner. Le problème est que ce genre de démarche peut fonctionner à court terme, mais finit par renforcer le comportement perturbateur et la tension que nous avons voulu combattre en premier lieu. Ce genre de démarche, jouant sur la présence physique et en élevant la voix, ne devrait être mobilisé que pour les situations où les élèves sont en danger (bagarres, course dans les couloirs ou les escaliers, etc.).
Jouer sur la menace ne fonctionne tout simplement pas à moyen et long terme et risque surtout de déforcer par la suite. Garder son calme et être garant des normes permet non seulement de réduire son niveau de stress, mais aussi d’avoir une position morale plus élevée.
Paradoxalement lorsqu’il élève hausse le ton, plutôt que de faire de même, une meilleure démarche est de dire posément quelque chose comme : « Je n’élève pas la voix contre toi, pourquoi l’élèves-tu ? ». Cette démarche est beaucoup plus efficace pour que l’élève se calme et prenne conscience de son ton. Par opposition, cela donnera encore plus de poids lorsque les conditions font qu’une intervention directe amène à devoir s’imposer.
Se fâcher sur des élèves est à la foi inefficace et nuisible aux relations à long terme et à la posture d’adulte garant du cadre. En tant que professionnel, il est de notre devoir, même si nous sommes énervés, d’essayer de donner l’exemple de la politesse, de la dignité et du respect.
Bibliographie
Haili Hughes, Mentoring in schools, Crown House, 2021
Matt Pinkett, Mark Roberts, Boys Don’t Try?, Routledge, 2019

0 comments:
Enregistrer un commentaire