Qu’est-ce que la recherche peut nous dire sur la conception pédagogique dans le cadre de l’enseignement des mathématiques ?
Un compte-rendu de l’analyse de Siobhan Merlo (2024) qui explore notamment cette question.
(Photographie : zadeemae)
L’importance de la conception pédagogique en mathématiques
De nombreuses recherches ont été réalisées sur la manière de présenter des contenus pour maximiser le transfert d’informations dans la mémoire à long terme tout en minimisant les conséquences négatives des limites de la mémoire de travail (Kissane et coll., 2008).
Lorsque le matériel contient des éléments qui ne contribuent pas directement à l’objectif pédagogique et qui accaparent les ressources mentales, on parlera à leur sujet de charge cognitive extrinsèque. Lorsqu’ils contribuent directement à l’objectif d’apprentissage, on parlera de charge cognitive intrinsèque (Sweller et coll., 2019).
Un exemple classique est l’inclusion dans les manuels de mathématiques, par exemple d’images de crèmes glacées et de chiots, qui n’ont rien à voir avec les objectifs d’apprentissage. En tant que telle, la charge extrinsèque, du point de vue de la science des mathématiques, devrait être minimisée (de Jong, 2010).
Des problèmes résolus avec des conseils qui s’estompent
Les problèmes résolus avec l’effacement progressif des indications fournissent un modèle pour la résolution du problème par le biais d’une série progressive d’étapes.
Les problèmes résolus permettent d’éviter de demander à l’apprenant de générer de nombreuses stratégies possibles et de trouver la bonne démarche par essais et erreurs, ce qui crée une charge cognitive superflue.
En réduisant la charge sur la mémoire de travail, l’apprentissage de nouvelles compétences est à la fois accéléré et plus précis. Une fois que l’élève a franchi la phase d’acquisition, il est prêt à passer à la phase de fluidité, en s’exerçant sur des problèmes classiques jusqu’à ce que la compétence devienne automatique.
La plupart des manuels de mathématiques contiennent quelques activités de recherche, puis un petit nombre d’exemples résolus simples introductifs et finalement de grandes quantités de problèmes mathématiques conventionnels de complexité croissante. Ce n’est pas la manière la plus efficace de présenter l’information pour optimiser l’apprentissage pendant la phase d’acquisition.
De la même manière que l’approche du transfert progressif des responsabilités, un problème résolu avec des conseils qui s’estompent est une forme d’enseignement guidé. Il a été régulièrement démontré qu’elle accélère l’apprentissage (Atkinson et coll., 2003 ; Sweller & Cooper, 1985).
Dans l’exemple ci-dessus, le problème résolu est progressivement remplacé par un problème conventionnel au fur et à mesure que l’apprenant acquiert la compétence.
Une approche susceptible d’optimiser l’acquisition des schémas dans les premiers stades de l’acquisition des compétences est la suivante :
- Nous commençons par fournir un retour d’information immédiat à la suite d’exemples partiellement complétés et de problèmes conventionnels.
- Ensuite, nous incluons un ensemble d’au moins dix questions présentant des problèmes conventionnels.
Il a été démontré que la présentation du problème résolu travaillé avant le problème conventionnel était avantageuse. Par rapport à l’utilisation d’une approche axée sur l’échec productif dans laquelle le problème conventionnel est présenté en premier, elle produit de meilleurs résultats d’apprentissage avec moins d’effort mental (Coppens et coll., 2019).
Il est également important de considérer l’impact émotionnel négatif lorsqu’un apprenant est confronté à un problème conventionnel pour lequel il ne dispose que d’un schéma rudimentaire (Fisher & Frey, 2021).
L’amorçage avec le problème résolu réduit la charge cognitive supplémentaire induite par le problème conventionnel. Lorsque l’on propose directement un problème conventionnel nouveau à résoudre, l’apprenant doit générer un certain nombre de stratégies possibles et trouver la plus appropriée par essai-erreur, comme indiqué précédemment (Coppens et coll., 2019).
Réduire la charge cognitive grâce à la conception pédagogique
La présentation du matériel dans des types de formats spécifiques peut réduire la charge de la mémoire de travail et rationaliser l’apprentissage. Quatre formats clés ont été identifiés par la recherche.
Le format spatialement contigu
Le fractionnement de l’attention se produit lorsque le contenu est présenté en plusieurs parties alors qu’il pourrait être présenté de manière spatialement contiguë (Ginns, 2006) ou intégrée (Tarmizi & Sweller, 1988).
L’apprenant est alors contraint de consacrer des ressources cognitives à l’intégration d’éléments d’information connexes, alors qu’il aurait pu les consacrer à la compréhension du concept.
Par exemple, la piste numérique de droite est un format spatial contigu permettant d’apprendre à relier des quantités à des chiffres. La représentation de gauche demande un effort d’association des deux représentations non pertinent pour l’apprentissage.
En présentant les quantités et les chiffres ensemble, l’apprenant n’a pas besoin de dépenser des ressources cognitives supplémentaires pour intégrer deux représentations distinctes, à savoir les blocs, d’une part, et la ligne numérique, d’autre part.
Une fois que ces connaissances sont consolidées et que les apprenants ont établi une « ligne mentale des nombres », il peut alors être approprié d’utiliser des lignes de nombres au lieu d’une piste numérique.
Le format intégré
Les formats intégrés permettent également d’éviter le fractionnement de l’attention (Tarmizi & Sweller, 1988). Comme on peut le voir dans l’équation d’une droite, l’utilisation d’annotations avec l’équation est probablement plus efficace qu’une explication écrite suivie de la formule.
Le format simplifié
La réduction de la vitesse et de la précision dans la résolution de problèmes mathématiques peut être due à l’effet de redondance. Celui-ci se produit lorsque la même information est présentée sous plusieurs formes différentes, alors qu’une seule suffirait (Sweller et coll., 2019).
Par exemple, contrairement à une idée reçue, la présentation de plusieurs stratégies différentes pour aborder un problème mathématique, en particulier dans les premiers stades de l’acquisition des connaissances, est souvent contreproductive. Elle est susceptible de créer une charge supplémentaire dans la mémoire de travail. Cette démarche est susceptible d’inhiber l’apprentissage.
Il s’agira de respecter dans la logique de la hiérarchie d’apprentissage :
- Nous introduisons la démarche de résolution par phases de manière simplifiée.
- L’élève pratique jusqu’à développer sa compréhension et sa précision.
- Ensuite, il développe sa fluidité pour atteindre la maîtrise de la stratégie.
- C’est seulement ensuite que nous introduisons de nouveaux éléments et plus de complexité dans le développement de la généralisation.
Travailler de cette manière est susceptible de faciliter l’apprentissage dans une plus large mesure.
Après la phase de généralisation, une discussion en classe sur les différentes stratégies de résolution de problèmes, par exemple sous la forme de « discussions sur les nombres », serait possible.
L’exemple ci-dessus illustre la redondance dans un problème de multiplication. Dans ce cas, une explication verbale de l’enseignant, accompagnée des étapes du problème et de la représentation en bloc en base 10, serait suffisante, rendant l’explication écrite inutile et susceptible d’entraîner une charge cognitive supplémentaire.
Le signalement
Le signalement peut passer par l’utilisation de polices et de couleurs différentes pour mettre en évidence des modèles ou des codes sous-jacents. C’est un moyen efficace d’attirer l’attention de l’apprenant sur des éléments ou des structures clés du problème, de réduire la charge cognitive et d’accélérer l’apprentissage (Beege et coll., 2021).
Dans la figure ci-dessous, l’utilisation d’un code couleur aide l’apprenant à établir des liens entre les formules trigonométriques et le schéma.
En ce qui concerne l’effet de modalité, illustré par le signalement, la recherche a révélé que la capacité de la mémoire de travail peut être efficacement doublée. Pour cela, nous capitalisons sur les modalités verbales/auditives et visuelles/spatiales lors de la présentation de l’information (Baddeley, 1992 ; Mousavi et coll., 1995).
Les problèmes résolus avec l’effacement des indications fournissent un « modèle » pour la résolution du problème par une série d’étapes. C’est une alternative au fait de demander à l’apprenant de générer de nombreuses stratégies possibles et de trouver la bonne par essais et erreurs, ce qui crée une charge cognitive superflue.
En réduisant la charge sur la mémoire de travail, l’apprentissage de nouvelles compétences de cette manière est à la fois accéléré et plus précis. Plus particulièrement, une fois que l’élève a franchi la phase d’acquisition, il est prêt à passer à la phase de fluidité, en s’exerçant sur des problèmes classiques jusqu’à ce que la compétence devienne automatique.
Bibliographie
Siobhan Merlo, The Science of Maths and How to Apply It, 2024, Analysis Paper 71, The Centre for Independent Studies
Kissane, M., Kalyuga, S., Chandler, P., & Sweller, J. (2008). The consequences of fading instructional guidance on delayed performance: The case of financial services training. Educational Psychology, 28, 809–822.
Sweller, J., van Merrienboer J. & Paas, F. (2019) Cognitive Architecture and Instructional Design: 20 Years Later. Educational Psychology Review 31:261–292 https://doi.org/10.1007/s10648-019-09465-5
De Jong, T. (2010). Cognitive load theory, educational research, and instructional design: Some food for thought. Instructional science, 38(2), 105-134.
Atkinson, R. K., Renkl, A., & Merrill, M. M. (2003). Transitioning from studying examples to solving problems: Effects of self-explanation prompts and fading worked-out steps. Journal of educational psychology, 95(4), 774.
Sweller, J., & Cooper, G. A. (1985). The use of worked examples as a substitute for problem solving in learning algebra. Cognition and instruction, 2(1), 59-89.
Coppens, L. C., Hoogerheide, V., Snippe, E. M., Flunger, B., & van Gog, T. (2019). Effects of problem–example and example–problem pairs on gifted and nongifted primary school students’ learning. Instructional Science, 47, 279-297.
Fisher, D., & Frey, N. (2021). Better learning through structured teaching: A framework for the gradual release of responsibility. ASCD.
Tarmizi, R. A., & Sweller, J. (1988). Guidance during mathematical problem solving. Journal of educational psychology, 80(4), 424.
Ginns, P. (2006). Integrating information : A meta-analysis of the spatial contiguity and temporal contiguity effects. Learning and instruction, 16(6), 511-525.
Beege, M., Nebel, S., Schneider, S., & Rey, G. D. (2021). The effect of signaling in dependence on the extraneous cognitive load in learning environments. Cognitive Processing, 22(2), 209-225.
Baddeley, A. (1992). Working memory. Science, 255 (5044), 556-559.
Mousavi, S., Low, R., & Sweller, J. (1995). Reducing cognitive load by mixing auditory and visual presentation modes. Journal of Educational Psychology, 87, 319–334.
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