vendredi 18 juillet 2025

Modelage et mise en étapes de l’enseignement explicite du comportement

L’enseignement explicite du comportement apparait comme une approche fondamentale dans une gestion du comportement systémique à l’échelle d’une école tout en faisant ses preuves en classe également. 


(Photographie : aisling saoirse)




Le modelage est une des étapes de ce processus, hérité de l’analyse appliquée du comportement et proche de la notion de façonnement. Il est intéressant d’en explorer les spécificités, telles que présentées par Simonsen et Myers (2015).



Façonnement (shaping) du comportement


Lorsqu’un comportement est relativement simple à réaliser, le façonnement (shaping) est une stratégie d’enseignement idéale. Bien que cette notion de façonnement (shaping) soit à distinguer du modelage (modeling) en enseignement explicite, elle présente un parallélisme éclairant.

Dans le cadre du façonnement, nous identifions :
  1. Le comportement souhaité
  2. Un comportement que l’apprenant peut actuellement effectuer et qui est lié d’une certaine manière au comportement final souhaité
Ensuite, nous renforçons progressivement l’apprenant pour qu’il adopte des comportements qui ressemblent de plus en plus au comportement souhaité. Nous renforçons les approximations successives du comportement souhaité.

Le façonnement peut être utilisé pour : 
  • Améliorer l’écriture à la main des lettres individuelles par un enfant. 
    • Nous fournissons des félicitations spécifiques à mesure que la formation des lettres de l’élève devient de plus en plus lisible, c’est-à-dire qu’elle s’approche de la formation correcte des lettres. 
  • Augmenter la fréquence à laquelle un élève rend ses devoirs à temps :
    • Nous le récompensons pour avoir rendu un, puis deux, puis trois (et ainsi de suite) devoirs à temps, jusqu’à ce que l’élève rende tous ses devoirs à temps chaque semaine. 
  • Augmenter le temps que l’élève reste assis à sa place :
    • Nous récompensons un élève qui reste à sa place pendant des intervalles de plus en plus longs.
    • Par exemple, un élève qui est actuellement à sa place pendant 1 à 2 minutes peut être récompensé lorsqu’il reste à sa place pendant 3, puis 4, puis 5 minutes, puis 7 minutes, puis 10 minutes. 
  • Diminuer le temps de latence (c’est-à-dire le temps entre le stimulus discriminant et la réponse) :
    • Par exemple, nous voulons diminuer le temps entre le moment où l’enseignant donne l’instruction de commencer le travail et celui où les élèves commencent le travail en renforçant des intervalles de latence de plus en plus courts. 
  • Diminuer l’intensité sonore en classe lors de tâches coopératives :
    • Nous renforçons les élèves lorsque leur voix reste à des niveaux de décibels de plus en plus bas pendant une période donnée. 
Dans chaque cas, l’apprenant doit faire preuve d’aisance avec le niveau ou la forme de réponse précédente avant d’essayer de renforcer l’approximation suivante de la réponse souhaitée. 

Le façonnement peut être utilisé pour enseigner, augmenter ou diminuer une variété de comportements selon diverses dimensions. 



L’enchaînement (chaining) du comportement


Dans le cas d’un comportement complexe comprenant plusieurs étapes, l’enchaînement peut devenir est une meilleure approche d’enseignement que le façonnement (shaping).

Par exemple, il serait impossible de s’appuyer sur le façonnement (shaping) pour enseigner la division longue, une séquence de résolution de problèmes ou la façon de suivre une recette à un apprenant novice. 

Il convient plutôt d’effectuer une analyse de la tâche. Nous identifions les étapes ou les compétences requises pour exécuter le comportement complexe. Ensuite, nous enseignons à l’apprenant comment exécuter chaque étape de la tâche de manière séquentielle en utilisant l’enchaînement. En ce sens, l’enchaînement s’approche de la notion de modelage (modeling) en enseignement explicite.

Imaginons un enfant qui à la suite d’un trouble de l’attention avec hyperactivité n’a pas acquis ou appris ses tables de multiplication. À la suite d’un traitement avec accompagnement approprié, l’enfant retrouve une meilleure maîtrise de sa mémoire de travail. La question se pose de l’accompagnement pour soutenir l’apprentissage de l’élève.

L’enfant est loin du niveau de performance souhaité et a développé un très faible niveau d’efficacité personnelle.

Nous souhaitons peut-être envisager de façonner l’apprentissage de l’enfant, en renforçant les approximations successives de la performance de l’enfant.

Nous devons définir des étapes intermédiaires. Plutôt que d’essayer de faire apprendre toutes les tables d’un coup, nous allons fractionner. Après chaque étape, nous renforçons et célébrons les progrès. Cette manière de faire permet d’atteindre l’objectif final de manière sereine, progressive et plus agréable pour l’enfant.



Le principe de l’analyse des tâches 


Dans le cadre de l’analyse des tâches, l’objectif est de décomposer une compétence complexe en étapes composantes nécessaires à l’exécution de cette compétence. 

Il n’est pas toujours facile d’écrire une analyse de tâche et de la suivre. L’objectif est de décomposer une compétence en un nombre adéquat d’étapes. L’analyse des tâches correspond au processus de séquencement et de segmentation en enseignement explicite.

Le nombre d’étapes ne doit pas être trop grand afin que chaque étape ne soit ni trop petite, ni trop grande. L’apprenant ne doit pas devoir déduire des informations qui ne sont pas incluses dans chaque étape ou gérer trop de nouvelles informations à la fois. 

Pour déterminer les étapes pertinentes d’une séquence, il est généralement nécessaire :
  1. D’exécuter la compétence nous-mêmes et de noter chaque comportement que nous adoptons pour accomplir la tâche.
  2. D’observer un modèle d’expert d’exécution de la compétence. 
La compétence peut être complexe, ou comprendre toute une gamme de variations de réponses. Dès lors, il peut être utile d’observer plusieurs modèles d’expert afin d’identifier les compétences essentielles nécessaires à l’exécution de la tâche complexe. Nous supprimons les étapes qui peuvent refléter des préférences ou des idiosyncrasies personnelles et qui ne sont pas nécessaires à l’exécution de la tâche.

Nous devons évaluer l’analyse des tâches la plus pertinente possible en fonction des connaissances préalables des élèves et de l’objectif d’apprentissage à atteindre. Les composantes individualisées doivent également faciliter l’établissement de diagnostic sur les difficultés des élèves. De cette manière, lorsqu’un apprenant éprouve des difficultés, nous voulons nous concentrer uniquement sur les étapes critiques.

En plus d’identifier la séquence critique des étapes, nous devons identifier les compétences et les connaissances préalables dont l’apprenant aura besoin pour accomplir la tâche.

Pour toutes les compétences préalables qui ne sont pas encore maîtrisées, nous devons soit :
  • Enseigner ces compétences avant de commencer à enseigner la tâche avec l’enchaînement.
  • Décomposer ces compétences plus avant dans l’analyse de la tâche.
Une fois que nous avons identifié les étapes de la tâche, les compétences préalables et les connaissances nécessaires, nous sommes prêts à enseigner la tâche à l’élève à l’aide de l’enchaînement. 



Types d’enchaînement 


L’enchaînement consiste à enseigner une séquence d’étapes à partir du résultat de l’analyse des tâches.

Nous devons enseigner et renforcer systématiquement les composantes d’un comportement complexe jusqu’à ce que l’apprenant soit capable d’exécuter l’ensemble.

Il existe trois façons d’appliquer l’enchaînement :
  • Nous commençons par enseigner la première compétence (ou étape) qui suit le stimulus discriminant dans l’analyse de la tâche. 
    • Nous renforçons l’apprenant lorsque l’étape initiale est réalisée avec fluidité, puis nous ajoutons la deuxième étape. 
    • Ensuite, nous ne renforçons l’apprenant que lorsqu’il exécute couramment la première étape suivie de la deuxième étape. 
    • Nous répétons ce processus en ajoutant chaque étape jusqu’à ce que l’apprenant exécute toute la chaîne avec fluidité pour obtenir un renforcement. 
    • Par exemple, nous enseignons à un apprenant à faire ses lacets (chaîne de réponse complexe) lorsque ses chaussures sont détachées (stimulus discriminatoire naturel)
  • Le même processus peut être appliqué en sens inverse :
    • Nous commençons par la dernière étape de la séquence en construisant la chaîne de l’arrière vers l’avant en utilisant l’enchaînement à l’envers.
    • L’enchaînement à rebours peut être approprié lorsque :
      • Les compétences à la fin de la chaîne sont plus faciles.
      • Le lien avec le renforçateur naturel est si net que nous pensons que l’apprenant bénéficiera de la construction de la chaîne à rebours.
      • En mathématiques, la résolution de problèmes utilise généralement cette optique par la stratégie du problème à compléter dans le cadre de la théorie de la charge cognitive.
  • Dans d’autres cas, il n’est pas logique que les apprenants pratiquent l’une ou l’autre des compétences de manière isolée ou hors du contexte de la chaîne de réponse entière. 
    • L’exercice de la compétence peut former un tout qu’il n’est pas pertinent de décomposer. C’est par exemple le fait de traverser la rue sur des passages pour piétons.
    • Dans ces situations, nous utiliserons la présentation totale de la tâche. Elle exige de l’apprenant qu’il exécute la chaîne complète chaque fois que la tâche est présentée. Il reçoit différents niveaux d’incitation pour chaque composante de la chaîne, jusqu’à ce que toutes les incitations s’estompent et que la chaîne soit exécutée de façon indépendante en réponse à un stimulus discriminant. 

En résumé, pour enseigner une compétence complexe, il est essentiel :
  1. De décomposer cette compétence en ses composantes en effectuant une analyse des tâches pour identifier les composantes
  2. D’identifier et d’enseigner les compétences préalables
  3. D’enseigner les composantes de la compétence complexe en utilisant l’enchaînement. Les étapes sont construites de l’avant vers l’arrière (enchaînement avant), de l’arrière vers l’avant (enchaînement arrière), ou exécutées en totalité chaque fois (présentation de la tâche totale). 
L’enchaînement peut être utilisé pour enseigner : 
  • Des tâches scolaires complexes : par exemple, la division écrite
  • Des compétences fonctionnelles : par exemple, attacher les lacets d’une chaussure ou cuisiner à partir d’une recette
  • Des comportements sociaux à plusieurs étapes : par exemple, résoudre des problèmes, passer un entretien d’embauche, passer un appel téléphonique, engager une conversation appropriée, demander de l’aide. 



Une vue d’ensemble du processus d’enchaînement


Lorsque nous voulons enseigner un comportement complexe, les étapes suivantes sont nécessaires dans un processus d’enchaînement :
  1. Effectuer une analyse de la tâche
  2. Déterminant les supports d’apprentissage nécessaires et les compétences préalables
  3. Choisir une approche de l’enchaînement
  4. Ajouter des incitations pour chaque étape de la chaîne
  5. Renforcer les élèves qui ont terminé chaque étape de la chaîne, le cas échéant.



L’enchaînement dans la réalisation des devoirs


Partons de la situation où nous travaillons avec des élèves pour qu’ils remettent régulièrement leurs devoirs complétés dans les temps. 

Nous savons également que pour effectuer une analyse de la tâche, nous devons observer des apprenants experts (c.-à-d. des élèves qui remettent leurs devoirs avec succès).

Nous devons concevoir la remise des devoirs comme composée d’une série d’étapes : 
  • Noter les références et échéances des devoirs donnés dans un agenda.
  • Apporter à la maison tout le matériel nécessaire
  • Effectuer la tâche à la maison
  • Ramener le travail terminé et le matériel à l’école
  • Remettre le travail à l’endroit approprié au moment opportun
En identifiant ces étapes nécessaires, nous avons déjà commencé notre analyse de la tâche.

Notre prochaine étape consiste à déterminer si nous devons utiliser l’enchaînement avant ou arrière ou la présentation de la tâche totale comme approche d’enchaînement. Après réflexion, il parait évident que nous aimerions vraiment que les élèves complètent la séquence entière chaque fois. 

Par conséquent, nous enseignons explicitement chaque composante. Ensuite, nous ajoutons systématiquement des messages-guides pour chaque étape dans une optique d’étayage. Nous définissons également un plan pour supprimer les messages-guides d’une étape à l’autre. 

Nous décidons également de mettre en œuvre un plan de renforcement pour la remise des devoirs. Dans un premier temps, nous renforçons les élèves qui inscrivent correctement leurs devoirs dans leur agenda. Ensuite, nous effectuons des contrôles ponctuels lorsque les élèves quittent l’école et nous renforçons les élèves qui ont consigné correctement leurs devoirs et qui ont mis le matériel dans leur sac. 

Nous continuons à renforcer les élèves pour chaque étape accomplie jusqu’à ce qu’ils accomplissent la chaîne complète pour obtenir un renforcement.

Nous diminuons ensuite progressivement le renforcement ajouté de sorte que le renforcement naturel (notes, apprentissage, attention positive de l’enseignant) maintienne la soumission des devoirs. 



Bibliographie


Brandi Simonsen & Diane Myers, Classwide positive behavior interventions and supports, Guilford, 2015

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