Chaque jour d’école, de nombreux élèves en mathématiques s’engagent dans une suite d’exercices qui peuvent être résolus en mobilisant toujours la même stratégie, comme l’addition de fractions par la recherche d’un dénominateur commun.
Dans une approche alternative connue sous le nom de pratique entremêlée, les problèmes pratiques sont organisés de telle sorte que deux problèmes consécutifs ne peuvent pas être résolus par la même stratégie. Cette approche oblige les élèves à choisir une stratégie appropriée pour chaque problème sur la base de l’énoncé.
Travaux pratiques bloqués ou entremêlés
Un devoir ou un temps de pratique typique en mathématiques consiste en un groupe d’exercices et de problèmes consacrés à une compétence donnée ou à un concept ciblé.
Par exemple, une leçon sur la pente d’une droite sera généralement suivie d’une série d’une douzaine ou plus d’exercices applicatifs et de problèmes sur le sujet. Ce type de format est appelé pratique bloquée ou massée. Bien qu’une pratique bloquée puisse comprendre généralement une certaine variété, telle qu’une combinaison de problèmes de procédure et de problèmes demandant de justifier ou de mobiliser un concept, chacun est néanmoins lié à la même cible.
Une autre approche est connue sous le nom de pratique entremêlée. Les contenus du devoir ou de temps de pratiques sont organisés de manière à ce qu’aucun problème consécutif n’exige la même stratégie, cette dernière étant définie de manière vague comme une procédure, une formule ou un concept.
Par exemple, un problème de pente peut suivre un problème d’intersection. Dans un autre contexte, un problème de probabilité portant sur des événements indépendants peut suivre un problème portant sur des événements dépendants.
Bien que la pratique bloquée soit plus répandue que la pratique entremêlée, la plupart des élèves font l’expérience des deux. Par exemple, les élèves qui reçoivent habituellement des séries d’exercices de type pratique bloquée, voient souvent une série d’exercices en pratique entremêlée avant un examen cumulatif.
La pratique bloquée
La pratique bloquée semble beaucoup plus courante que la pratique entremêlée dans l’enseignement des mathématiques.
Dans de nombreux manuels de mathématiques, la majorité des problèmes sur lesquels les élèves s’exercent sont regroupés ensemble et à la suite l’un de l’autre.
Bon nombre de ces manuels proposent quelques pages qui présentent des exercices et problèmes sous forme de pratique entremêlée, mais ils sont réservés au temps de révision avant un examen qui reprend des contenus de divers chapitres. Souvent, même dans ce cas, les exercices sont regroupés par blocs se rapportant au même chapitre. Par exemple, la plupart des révisions comprennent plusieurs problèmes sur le premier chapitre, suivis de plusieurs autres sur le deuxième chapitre, et ainsi de suite.
Dedrick, Rohrer, & Stershic (2016) ont évalué des manuels de mathématiques pour des élèves de 12-13 ans. Ils ont monté qu’en moyenne, 78 % des problèmes pratiques étaient bloqués, 11 % étaient intercalés et 11 % étaient difficiles à classer.
En général, les exercices bloqués représentent 100 % des problèmes pratiques que l’on trouve dans de nombreux cahiers d’exercices à compléter et sur des feuilles d’exercices téléchargeables sur Internet. Ce type de support complète ou supplante de plus en plus les manuels traditionnels.
Une pratique bloquée d’exercices du même type peut être favorable au surapprentissage, ce qui pourrait être bénéfique pour l’apprentissage dans une première phase. Toutefois, avoir des séries du même type est défavorable à l’acquisition d’indices contextuels qui favorisent la discrimination et un apprentissage profond. Ils ne demandent pas à l’élève de déterminer quels concepts et procédures mobiliser, car un ensemble de problèmes similaires mobilisent toujours les mêmes éléments.
Il semble que la pratique bloquée soit populaire parce que les élèves, les enseignants et les auteurs de manuels sont convaincus que cette pratique est favorable à l’apprentissage. Cela représente également une solution de facilité dans la conception pédagogique.
Cependant, le problème principal est qu’avec la pratique bloquée, les élèves connaissent la stratégie pour chaque problème avant de le lire. La fluidité qui en résulte est illusoire. En effet, en contexte d’évaluation, il n’est pas toujours aisé de savoir quelle stratégie utiliser. La pratique bloquée est peu utile pour cette dimension alors que la pratique entremêlée l’est.
La pratique entremêlée
Il y a de bonnes raisons de penser que la pratique entremêlée améliore l’apprentissage.
Un devoir ou une feuille de pratique vont comprendre un mélange de différents types de problèmes ou d’exercices. Les élèves ne peuvent pas supposer en toute sécurité qu’un d’entre eux se rapporte à la même compétence ou au même concept que le précédent.
Le mélange donne donc aux élèves l’occasion de choisir une stratégie appropriée sur la base de l’énoncé lui-même, tout comme ils doivent le faire lors d’une évaluation sommative.
La pratique entremêlée exige des élèves qu’ils choisissent une stratégie et ne se contentent pas de l’exécuter. Or, le choix d’une stratégie appropriée est souvent difficile. Cette difficulté est due d’une part au nombre de stratégies parmi lesquelles les élèves doivent choisir, et d’autre part au fait que de nombreux énoncés ne présentent pas de caractéristiques indiquant clairement quelle stratégie est appropriée.
Par exemple, un problème descriptif qui est résolu par le théorème de Pythagore peut ne pas inclure des termes tels qu’hypoténuse ou triangle rectangle. Ce cas de figure rend difficile pour les élèves le fait de déduire qu’ils doivent utiliser le théorème de Pythagore. Plus largement, dans presque toutes les disciplines mathématiques, les élèves rencontrent fréquemment des problèmes superficiellement similaires qui requièrent des stratégies différentes, ce qui les oblige à faire des distinctions exigeantes.
Au-delà des avantages du mélange en soi, l’entremêlement des exercices et problèmes dans un cours ou un manuel incorpore intrinsèquement les stratégies d’apprentissage de l’espacement et de la récupération. Chacune d’elles est une stratégie d’apprentissage efficace et robuste.
Cas de l’espacement :
- Les problèmes pratiques d’un manuel ou d’un cours sont réorganisés pour augmenter le degré d’entremêlement. La programmation de chaque type particulier de problème est intrinsèquement répartie, ou espacée, tout au long du cours dans une plus large mesure.
- Lorsque la pratique de plusieurs compétences est entremêlée (ABCBACBCA) plutôt que bloquée (AAABBBCCC), la pratique de n’importe laquelle des compétences est nécessairement espacée (A... A... A) plutôt que massée (AAA). En bref, la pratique entremêlée garantit une pratique espacée.
Cas de la pratique de récupération :
- Lors de la pratique bloquée, la formule ou la procédure nécessaire pour résoudre un problème est souvent la même que celle nécessaire pour résoudre le problème précédent. Cette situation permet aux élèves de résoudre le problème sans avoir à extraire ces informations de leur mémoire. Les élèves n’ont pas besoin d’extraire cette information de leur mémoire, car ils peuvent l’obtenir en jetant simplement un coup d’œil à la solution du problème précédent, qui est probablement à portée de vue.
- Dans le cas d’une pratique entremêlée, la formule ou la procédure n’est pas facilement accessible. Les élèves peuvent donc essayer de récupérer l’information de mémoire avant de se donner la peine de trouver l’information ou de demander de l’aide. En effet, la possibilité de récupération est un artefact de la pratique entrelacée.
Un essai contrôle randomisé sur la pratique entremêlée en mathématiques
Rohrer et ses collaborateurs (2019) ont sélectionné 10 publications de recherche sur la pratique entremêlée en mathématiques. Dans l’ensemble, ces résultats précédents démontrent que la pratique entremêlée est une intervention d’apprentissage prometteuse.
Ils ont alors réalisé un essai contrôlé randomisé sur l’entremêlement en mathématiques dans 54 classes (d’élèves de 12-13 ans). Ils ont étudié la faisabilité de la pratique entremêlée auprès d’un échantillon large et diversifié d’élèves et d’enseignants.
L’étude avait deux objectifs :
- Évaluer l’efficacité de la pratique entremêlée dans des conditions naturalistes dans un grand nombre de classes dans plusieurs écoles par des enseignants sur une période de cinq mois.
- Évaluer la faisabilité de la mise en œuvre de la pratique entremêlée en classe lorsque les enseignants n’ont reçu aucune formation ou préparation particulière.
Ces classes ont effectué des feuilles d’exercices qui étaient soit principalement bloqués, soit principalement entremêlés.
Chacune des 54 classes a reçu périodiquement des feuilles d’exercices entremêlés ou bloqués sur une période de quatre mois avant de voir une feuille d’exercices de révision entremêlés et un test surprise un mois plus tard. De nombreux enseignants fournissent de telles révisions avant les tests à enjeux élevés. La révision a garanti que la condition de pratique bloquée était un contrefactuel réaliste. En outre, la feuille d’exercices de révision a permis de s’assurer que l’intervalle de temps entre le dernier problème pratique de chaque type (vu dans le devoir de révision) était le même pour les deux groupes.
Tous les élèves participants ont bénéficié d’une pratique entremêlée lors de la révision par leurs enseignants qui couvrait tous les sujets abordés dans l’examen final de l’expérience.
De même, les élèves des deux groupes ont très certainement bénéficié d’une pratique bloquée lorsque leurs enseignants ont présenté pour la première fois les compétences et les concepts abordés dans les devoirs. C’est, par exemple, le fait d’assurer le modelage d’un problème résolu suivi de la pratique d’au moins quelques problèmes pratiques.
L’expérience a en fait examiné l’efficacité d’une dose faible de pratique entremêlée par rapport à une dose élevée. Une dose plus élevée de pratique entremêlée a permis d’augmenter les résultats à un test retardé et non annoncé. L’ampleur de l’effet était importante et un effet positif a été constaté pour chacun des enseignants.
Le groupe entremêlé a obtenu de meilleurs résultats que le groupe bloqué, 61 % contre 38 %, d = 0,83. Les enseignants ont pu mettre en œuvre l’intervention sans formation et ont ensuite exprimé leur soutien à la pratique entremêlée. Ces résultats suggèrent que la pratique entremêlée des mathématiques est efficace et réalisable.
Implication pour l’entremêlement en mathématiques
La pratique des mathématiques entremêlées est efficace et robuste.
La pratique entremêlée des mathématiques peut être mise en œuvre de manière réalisable en classe. Les enseignants peuvent l’intégrer sans formation ni soutien. La plupart d’entre eux la trouveront efficace et facile à utiliser. Elle semble appropriée pour les élèves de niveau faible comme pour ceux de niveau élevé.
Rohrer et ses collaborateurs (2019) avancent quatre mises en garde pour sa mise en œuvre :
- La pratique entremêlée prend probablement plus de temps. Cela signifie que les élèves ont besoin de plus de temps pour terminer un problème pratique particulier lorsqu’il fait partie d’une feuille de travail entremêlée plutôt que d’un devoir bloqué.
- L’avantage de la pratique entremêlée des mathématiques pour les tests pourrait être moindre lorsque les délais de passation des tests sont courts.
- La pratique entremêlée peut être moins efficace ou trop difficile si les élèves ne reçoivent pas d’abord au moins une petite quantité de pratique bloquée lorsqu’ils rencontrent une nouvelle compétence ou un nouveau concept. Les données de la recherche ne suggèrent pas que les étudiants devraient éviter complètement la pratique bloquée. Un surapprentissage initial est utile.
- La pratique entremêlée ne peut être efficace que si les élèves reçoivent un retour d’information correctif. Une rétroaction informative et opportune pourrait être un ingrédient nécessaire à la pratique entremêlée.
Mis à jour le 11/06/2025
Bibliographie
Rohrer, D., Dedrick, R. F., Hartwig, M. K., & Cheung, C.-N. (2019, May 16). A Randomized Controlled Trial of Interleaved Mathematics Practice. Journal of Educational Psychology. Advance online publication. http://dx.doi.org/10.1037/edu0000367
Rohrer, D., Dedrick, R. F., & Stershic, S. (2015). Interleaved practice improves mathematics learning. Journal of Educational Psychology, 107, 900-908.
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