samedi 31 août 2024

Améliorer l’apprentissage en associant métacognition et évaluation formative

Dans un cours de chimie générale ayant lieu au premier semestre, avec des étudiants de première et deuxième année, Casselman et Atwood (2017) ont mis en place une formation métacognitive dans le cadre de tests en ligne. Ils ont soutenu les compétences métacognitives des étudiants dans le cadre d’évaluations formatives.


(Photographie : Rosemary Prosser)



L’impact d’un soutien à la métacognition dans le cadre d’évaluation formative


Dans le cadre de la recherche de Casselman et Atwood (2017), des étudiants ont répondu à des questionnaires hebdomadaires et à de multiples tests d’entraînement afin d’évaluer régulièrement les progrès de leurs apprentissages.

Avant de passer ces évaluations, les étudiants ont prédit leur score. Ils ont ensuite reçu un retour d’information sur l’exactitude de leur prédiction après avoir passé l’évaluation. 

Ils ont également reçu des informations détaillées concernant leur maîtrise pour chaque contenu d’apprentissage lié à l’évaluation. Ils se sont servis de ces informations pour se créer un plan d’étude ultérieur. 

Dans le cadre de la constitution de ce plan d’étude, les étudiants ont indiqué leurs aptitudes générales par thème de matière et ont sélectionné les domaines sur lesquels ils allaient concentrer leur étude ultérieure. 

Cette création d’un plan d’étude les amenait à exercer des stratégies métacognitives, de l’ordre de la surveillance et du contrôle métacognitif.

Un groupe de contrôle a effectué les mêmes évaluations et a reçu les mêmes informations sur leur maîtrise par sujet. Cependant, les étudiants n’ont pas prédit leurs scores et il ne leur a pas été demandé de créer un plan d’étude. 

Les résultats ont indiqué des performances identiques à l’évaluation initiale pour les deux groupes. 

Le groupe suivant l’entraînement métacognitif a amélioré ses performances à chaque examen de mi-parcours et à l’examen final de chimie générale.

Après avoir pris en compte l’effet des différences entre les enseignants, l’entraînement métacognitif a amélioré la performance moyenne des étudiants à l’examen final d’environ 4 % par rapport à la section de contrôle. 

En outre, l’entraînement métacognitif a eu plus d’effet sur les étudiants du quartile inférieur en améliorant leur performance moyenne à l’examen final d’environ 10 % par rapport au groupe de contrôle. 



Le potentiel de la métacognition pour l’apprentissage


La métacognition est définie comme le fait de penser à propos de sa propre pensée et de sa cognition.  

La métacognition implique deux concepts généraux : 
  • La surveillance métacognitive, qui est l’évaluation du progrès continu ou de l’état actuel d’une activité cognitive particulière
  • Le contrôle métacognitif, qui est la régulation d’une activité cognitive en cours, comme l’arrêt de l’activité, la décision de la poursuivre ou de la modifier en cours de route.
Les élèves utilisent les deux aspects de la métacognition au cours du processus d’apprentissage :
  • Ils comparent leur niveau de compréhension actuel au niveau souhaité grâce à la surveillance métacognitive.
  • Ils peuvent ajuster leurs méthodes d’étude, en utilisant le contrôle métacognitif, afin d’atteindre leurs objectifs d’apprentissage. 
Les élèves ayant des niveaux élevés de capacité métacognitive sont plus susceptibles de reconnaître lorsque leurs connaissances ne sont pas productives ou ne peuvent être conciliées avec les réponses ou les idées présentées par d’autres.

La métacognition permet à ces élèves de réaliser en quoi leur compréhension des concepts est incomplète. Il en résulte que les étudiants très métacognitifs sont plus aptes et plus susceptibles d’affiner des idées naïves face à des résultats expérimentaux contradictoires. 

Il est donc essentiel pour un apprentissage efficace que les élèves surveillent eux-mêmes l’évolution de leur compréhension de nouveaux concepts. 



Liens entre effet Dunning-Kruger et surveillance métacognitive


Dunning et Kruger (1999) ont mis au point une étude dans laquelle les participants prédisaient leurs capacités lors de diverses évaluations psychologiques. 

Une fois l’évaluation terminée, les chercheurs ont comparé les capacités perçues par les participants à leurs capacités réelles : 
  • Les personnes qui ont obtenu de bons résultats aux évaluations ont également prédit avec précision leurs capacités.
  • Les personnes ayant obtenu de mauvais résultats avaient également une faible conscience métacognitive de leurs capacités.
L’effet Dunning-Kruger a été démontré à plusieurs reprises dans le cadre de l’enseignement de la chimie.

Dans une étude de Pazicni et ses collaborateurs (2014), des étudiants ont prédit leur résultat à chaque examen du cours, en comparant leur percentile à celui des autres étudiants de la classe. Il s’est avéré que par rapport aux autres étudiants du cours :
  • Les étudiants les plus performants sous-estimaient quelque peu leur percentile.
  • Le quart des étudiants les moins performants surestimaient considérablement leurs résultats.
Dans une étude de Hawker et ses collaborateurs (2016), des étudiants ont estimé leurs notes d’examen après avoir passé chaque examen de chimie générale au cours du semestre. L’étude a montré que les étudiants les moins performants surestimaient leurs résultats. Elle a également démontré que cette surestimation restait stable après le premier examen, quel que soit le nombre d’examens passés au cours du semestre.

Il semble exister pour l’enseignement de la chimie du moins, une corrélation entre la surveillance métacognitive des étudiants et leurs performances dans le cours. 

L’une des raisons pour lesquelles les étudiants peuvent avoir de mauvais résultats ou mal s’évaluer est qu’ils ne savent pas ce qu’ils ne savent pas.

Selon Rickey et Stacy (2000), si l’objectif d’une meilleure compréhension de la chimie par les étudiants doit être atteint, les professeurs de chimie devraient inclure dans leurs cours un enseignement sur l’utilisation de stratégies de réflexion pertinentes.

Le soutien à la pratique des compétences métacognitives dans les matières enseignées, en plus de l’enseignement général des compétences métacognitives, est une approche utile. 

Elle peut aider les étudiants à apprendre à utiliser leur connaissance du contenu de manière plus appropriée et plus souple. 



Une autoévaluation métacognitive ponctuelle productive ou contreproductive


Dans une étude, Knaus et ses collaborateurs (2009), les étudiants ont passé un test d’entraînement avant de passer un examen final de chimie générale, en indiquant l’effort mental relatif requis pour chaque question : 
  • Le groupe test était constitué des étudiants qui avaient passé le test d’entraînement, 
  • Le groupe témoin était constitué des étudiants qui n’avaient pas passé le test d’entraînement. 
De manière surprenante, les résultats généraux indiquent que ceux qui ont passé le test d’entraînement ont généralement moins bien réussi que ceux qui n’ont pas passé. 

Toutefois, les chercheurs ont constaté que les étudiants qui avaient obtenu de mauvais résultats aux examens précédents et qui avaient également passé le test d’entraînement avaient amélioré leur score à l’examen final. Leurs résultats étaient meilleurs que ceux des étudiants du groupe de contrôle de niveau équivalent. 

Les chercheurs ont attribué cette amélioration de l’examen final à une amélioration de la surveillance métacognitive chez les étudiants peu performants qui ont passé le test d’entraînement.

Ce double effet indique un effet mitigé du test d’entraînement sur l’amélioration des résultats des étudiants à l’examen final. Il est susceptible de réduire l’investissement de l’apprenant comme elle peut l’augmenter.

Le soutien à la surveillance métacognitive ponctuel parait surtout utile pour les élèves en déficit à ce niveau.



Rendre l’autoévaluation et la surveillance métacognitive fréquentes et productives


Différents résultats suggèrent la pertinence de l’intégration d’exercices métacognitifs distribués dans le contenu des cours. Ils montrent également le rôle fondamental de la capacité de contrôle dans les résultats des cours basés sur la performance et l’auto-efficacité. Un entraînement métacognitif régulier peut améliorer les résultats des étudiants aux tests. 

Koriat et ses collaborateurs (2002) ont fait passer plusieurs fois un test à des personnes, en leur demandant de prédire leur résultat à chaque tentative d’évaluation. Les auteurs ont constaté que les participants surestimaient généralement leurs capacités lors de la première tentative d’évaluation. Toutefois, leur capacité à prédire leurs résultats s’améliorait considérablement à chaque tentative ultérieure.

Lichtenstein et Fischhoff (1980) ont demandé à des personnes de prédire leurs capacités pour chaque question d’une évaluation, en leur fournissant ensuite un retour d’information sur l’exactitude de leurs prédictions pour chaque question. Les chercheurs ont constaté que les participants amélioraient considérablement leur capacité de prédiction lors des évaluations suivantes, après avoir reçu un retour d’information sur la précision de leur prédiction.

Nietfeld et ses collaborateurs (2006) ont comparé une classe expérimentale (N = 45) et une classe témoin (N = 39). La condition portait sur les effets de la réalisation d’exercices et de la rétroaction sur les performances aux tests au cours d’un cours de premier cycle de 16 semaines. Les analyses de cheminement ont révélé une influence significative de l’intervention sur les performances en classe et l’auto-efficacité. 

Dans cette étude, une section d’étudiants de premier cycle en psychologie de l’éducation a été régulièrement formée à la surveillance et au contrôle métacognitifs. 

Chaque semaine, ils ont évalué leur compréhension du contenu de la semaine précédente dans le cadre de feuilles de travail hebdomadaires. 

Les étudiants identifiaient les concepts difficiles et déterminaient ce qu’ils feraient pour améliorer leur compréhension. 

Enfin, ils ont répondu à un certain nombre de questions sous forme de quiz, en évaluant leurs capacités pour chacune de ces questions. Ils ont ensuite reçu un retour d’information sur l’exactitude de leur prédiction de capacité. 

Le groupe de contrôle pour le cours a reçu le même contenu, mais n’a pas bénéficié de l’entraînement métacognitif hebdomadaire. 

Lors des examens des deux classes, les étudiants ont évalué la confiance qu’ils avaient dans leurs réponses à chaque question. Les résultats du premier test n’ont pas montré de différence significative entre les deux sections en termes de score ou de capacité de suivi. 

Cependant, au fur et à mesure que le semestre se poursuivait, les étudiants de la section expérimentale ont amélioré de manière significative leur capacité à prédire avec précision leur capacité à répondre aux questions de l’examen. Plus important encore, la section test a montré une augmentation des notes d’examen, par rapport à la section témoin, à chacun des examens suivant le premier semestre, grâce à l’entraînement métacognitif régulier.



Des implications pour l’association entre métacognition et évaluation formative


Si les résultats mis en évidence par Casselman et Atwood (2017) sont essentiellement issus de recherches sur les apprentissages lors d’un cours de chimie, ils peuvent probablement être transférés du moins en partie vers d’autres contenus et disciplines.

Premièrement, une donnée instructive est que le quartile inférieur des étudiants a tendance à surestimer de façon spectaculaire leurs résultats lors de l’évaluation. En outre, cette surestimation reste stable dans le temps. C’est une illustration de l’effet Dunning-Kruger.

Cependant, avec un entraînement métacognitif régulier, la surveillance métacognitive peut s’améliorer. Cette progression entraîne une amélioration des prédictions des scores d’évaluation. Cet effet a été le plus prononcé pour les étudiants appartenant au quartile inférieur. Ces étudiants passent progressivement d’une surestimation de leurs scores lors du premier test, en moyenne, à une prédiction presque parfaite de leur score lors du dernier test.

Grâce à un entraînement métacognitif régulier, l’effet Dunning-Kruger peut être surmonté en moyenne pour le quartile des étudiants les moins performants.

Les étudiants les moins performants sont les plus enclins à faire preuve d’une confiance excessive dans leurs résultats aux examens. Cette surestimation des capacités peut perpétuer leurs mauvaises performances au fil du temps. 

Deuxièmement, un entraînement régulier à la métacognition peut leur permettre de surmonter cet excès de confiance et se traduire par une amélioration significative des performances. L’étude de Nietfeld (2006) et ses collaborateurs montre que les étudiants recevant un entraînement métacognitif hebdomadaire améliorent significativement leurs performances, ce qui n’est pas le cas avec un entraînement moins fréquent. Une condition à l’amélioration semble être la fréquence du soutien.

Troisièmement, un autre élément important est la précision du retour d’information qui alimente la surveillance métacognitive des étudiants.
 
Pour faciliter le retour d’informations sur, les questions de chaque évaluation pourraient indiquer le sujet et le domaine général évalués par la question spécifique ou l’objectif d’apprentissage correspondant. Lorsqu’ils examinent les résultats de leur évaluation, les élèves peuvent utiliser ces références sur chaque question pour évaluer leurs capacités.

Dans le cadre d’une tâche ultérieure, les élèves pourraient ensuite indiquer ou sélectionner leurs compétences à retravailler en fonction. Ils pourraient sélectionner les sujets sur lesquels concentrer leur étude. 

Dans les questions portant sur un test d’entraînement ou toute autre épreuve à portée formative, les étudiants doivent pouvoir faire facilement le lien entre la question et le contenu de matière correspondant. De cette manière, ils peuvent mieux cibler les contenus sur lesquels porter leurs efforts. 


Mis à jour le 31/08/2024

Bibliographie


Casselman, Brock L. and Charles H. Atwood. “Improving General Chemistry Course Performance through Online Homework-Based Metacognitive Training.” Journal of Chemical Education 94 (2017): 1811-1821.

Kruger, J.; Dunning, D. Unskilled and Unaware of It: How Difficulties in Recognizing One’s Own Incompetence Lead to Inflated Self-Assessments. Journal of Personality and Social Psychology 1999, 77, 1121−1134.

Pazicni, S.; Bauer, C. F. Characterizing Illusions of Competence in Introductory Chemistry Students. Chem. Educ. Res. Pract. 2014, 15, 24−34.

Hawker, M. J.; Dysleski, L.; Rickey, D. Investigative General Chemistry Students’ Metacognitive Monitoring of their Exam Performance by Measuring Postdiction Accuracies over Time. J. Chem. Educ. 2016, 93, 832−840.

Rickey, D.; Stacy, A. M. The Role of Metacognition in Learning Chemistry. J. Chem. Educ. 2000, 77 (7), 915−920. 

Knaus, K. J.; Murphy, K. L.; Holme, T. A. Designing Chemistry Practice Exams for Enhanced Benefits: An Instrument for Comparing Performance and Mental Efforts Measures. J. Chem. Educ. 2009, 86, 827−832.

Koriat, A.; Sheffer, L.; Ma’ayan, H. Comparing Objective and Subjective Learning Curves: Judgments of Learning Exhibit Increased Underconfidence with Practice. Journal of Experimental Psychology 2002, 131, 147−162.

Lichtenstein, S.; Fischhoff, B. Training for Calibration. Organizational Behavior and Human Performance 1980, 26, 149−171.

Nietfeld, J. L.; Cao, L.; Osborne, J. W. The Effect of Distributed  Monitoring Exercises and Feedback on Performance, Monitoring Accuracy, and Self-Efficacy. Metacognition Learning 2006, 1, 159−179.

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