mardi 23 juillet 2024

Progresser en tant que nouvel enseignant vers un enseignement adaptatif

Au-delà de quelques nuances, le concept d’enseignement adaptatif s’inscrit dans la logique de l’enseignement efficace, explicite ou direct. Les bases devraient être un élément essentiel de la formation initiale des enseignants. Le relais devrait alors être pris par une formation continuée plus poussée alliant pratique délibérée et coaching pédagogique.

(Photographie : Kihae Kim)



La notion d’enseignement adaptatif


L’enseignement adaptatif (adaptative teaching) et l’enseignement réactif (responsive teaching) sont des conceptions similaires, et des déclinaisons d’un enseignement efficace informé par des données probantes. Ils associent les apports de l’enseignement explicite associés à ceux de l’évaluation formative et de la science de l’apprentissage. Ils s’intéressent aux décisions prises en classe par les enseignants pour maximiser les progrès des élèves.

L’enseignement adaptatif se fonde sur une planification réfléchie appliquée en classe. Au sein de celle-ci, l’enseignant mobilise son expertise dans sa discipline et dans l’apprentissage de celle-ci, de même que sa connaissance de ses élèves. Il adapte son enseignement, en réagissant de manière opportune à ce qu’il voit, entend et recueille comme retour d’information en classe.

Son objectif est de maintenir simultanément le plus grand nombre d’élèves à un niveau de difficulté ou de défi désirables pour leurs apprentissages. Parallèlement, il veut s’assurer d’éviter une surcharge cognitive. Il entend optimiser l’apprentissage de ses élèves. 

Le concept d’enseignement adaptatif ou réactif entend répondre aux limites et aux faiblesses associées à la mise en œuvre rigide d’une pédagogie, et de limiter l’usage d’approches différenciées en classe selon le niveau des élèves.

Malgré de bonnes intentions sur le papier, la différenciation tend sur le terrain à conduire les enseignants à passer des heures à créer des ressources différentes pour des catégories d’élèves différents. Travaillant ainsi, ils préjugent des capacités des élèves et de leurs niveaux de connaissances atteignables. Cela amène à des situations ou certains élèves reçoivent un programme différent et appauvri si on le compare à celui de la plupart des élèves. Le principe d’attentes élevées pour tous les élèves, au cœur d’une pédagogie inclusive, n’est alors plus vérifié.

Une évaluation formative peut se vouloir sur le papier comme un concept pédagogique sain, liée à la vérification de la compréhension et de l’apprentissage des élèves. Sur le terrain, enfermée dans des obligations structurelles imposées aux enseignants, elle peut se traduire en une question de suivi des données et de notation sans fin du travail des élèves. Elle risque d’être un moyen pour rendre les enseignants responsables des progrès de leurs élèves, alors qu’elle est censée renforcer une responsabilisation des élèves.

L’enseignement adaptatif est une tentative de s’éloigner de ce type d’impasses.



Les enjeux d’un enseignement adaptatif


L’enseignement adaptatif implique de bien connaître les élèves et la matière. Il implique de bien prendre en compte les difficultés les plus répandues sur les contenus enseignés, les besoins d’apprentissage particuliers des élèves et leur situation particulière. L’enjeu est de passer de l’espoir d’obtenir des informations utiles au fil du temps sur leur progression à la recherche proactive de ces réponses en temps réel.

L’enseignement adaptatif implique également de concevoir des ressources de soutien pour l’unité enseignée globalement plutôt qu’au fur et à mesure pour chaque leçon et de les avoir à portée de main pour les utiliser. Elles seront mobilisées au moment opportun, si l’enseignant estime que ses élèves en ont besoin. Adapter l’enseignement de manière réactive, notamment en apportant un soutien ciblé aux élèves qui éprouvent des difficultés, est susceptible d’accroître leur réussite.

Si une difficulté semble répandue et se répète chez plusieurs élèves, il est plus utile d’intervenir à l’échelle de la classe pour la résoudre pour tous. 

Une autre démarche typique d’un enseignement adaptatif est la boucle de rétroaction :
  • Nous prévoyons délibérément que les élèves soient amenés à mettre en pratique ce que nous leur avons enseigné. 
  • Nous évaluons leurs réponses durant cette pratique délibérée en classe.
  • Nous leur donnons un retour d’information immédiat sur leur pratique délibérée.
  • Nous adaptions notre enseignement en fonction des lacunes ou des besoins, à court terme ou à moyen terme.
Dans un enseignement adaptatif, l’enseignant est le vecteur de la boucle de rétroaction. Il donne des exemples, amène les élèves à récupérer, réactive les connaissances préalables et élabore autour des contenus d’apprentissage. Il vérifie leur compréhension et leurs apprentissages. Il les engage dans un travail génératif. Il les encourage et leur offre des explications supplémentaires si nécessaire pour répondre aux difficultés qu’il diagnostique. 



Observer des collègues plus expérimentés en tant qu’enseignant novice


Que nous soyons enseignants novices ou que nous voulions développer une expertise liée à certaines stratégies, l’observation en classe de collègues experts dans les domaines concernés est précieuse pour progresser. 

Aller observer des enseignants experts en action aide à mettre en œuvre des routines et des stratégies pédagogiques. Voir en situation un enseignant efficace permet de mieux concevoir et mettre en place soi-même par une stratégie d’enseignement ou une routine donnée liée à certaines transitions. 

Au niveau des stratégies d’enseignement, celles concernant la vérification de la compréhension ou la gestion des échanges en classe sont précieuses. 

Au niveau des routines en gestion de classe, les transitions sont souvent cruciales. Elles peuvent concerner entre autres : 
  • La montée en classe à partir des rangs
  • La gestion des téléphones portables en entrée de cours
  • L’accueil des élèves en classe
  • La transition entre deux activités
  • La manière de clôturer le cours sans temps de flottement.
Idéalement avant même de commencer à enseigner, et dans les premiers jours et les premières semaines, un nouvel enseignant devrait pouvoir se familiariser avec les systèmes et les habitudes —, les us et coutumes — de son école. 

Observer des collègues est précieux, avant de commencer en tant que novice, à donner ses propres cours, lorsque l’on veut mettre en place des routines spécifiques, ou lorsque l’on pratique délibérément une nouvelle stratégie. Cela permet d’obtenir des informations précieuses. Cela permet de comprendre la manière dont les enseignants appliquent les stratégies avec fluidité, ou plus particulièrement en début d’année scolaire, de comprendre comment ils mettent en place des routines avec de nouvelles classes. 

Cela permet également de voir comment des enseignants confirmés utilisent les différentes stratégies pédagogiques dans le cadre de la culture de l’école. Rien ne remplace le fait de voir les enseignants efficaces en action dans un contexte proche du nôtre. 

Pour un nouvel enseignant, une grande partie de ce temps d’observation sera probablement consacrée aux collègues directs de la matière qu’il enseigne. Lors de ces observations, il lui sera utile de réfléchir et de prendre des notes sur la façon dont ces derniers procèdent pour les tâches suivantes :
  • Débuter leur cours.
  • Assurer le modelage d’un nouveau contenu.
  • Piloter la pratique guidée à l’échelle de la classe avant de les engager dans une pratique autonome.
  • Rappeler les attentes dans leur classe et enseigner explicitement les comportements attendus.
  • Vérifier la compréhension de tous les élèves
  • Donner un retour d’information — écrit ou oral.
  • Distribuer du renforcement positif aux élèves de manière ciblée.
  • Clôturer le cours.
Lors d’une observation, il est toujours utile de prendre du temps ensuite, pour parler à l’enseignant. C’est l’occasion de lui poser des questions, et discuter avec lui, au sujet de l’approche et les stratégies qu’il a utilisées dans son cours.

Dans ces observations, l’enseignant n’est pas le seul point d’attention. Les élèves sont eux-mêmes importants. Il est utile de voir comment les élèves interagissent avec leurs enseignants et leurs camarades pendant les cours.



L’intérêt d’un mentor pour un enseignant novice


Un nouvel enseignant se voit souvent proposer l’encadrement d’un mentor scolaire ou d’une équipe de référents auprès de qui il bénéficiera de soutiens et de contacts réguliers.

Similairement, dans le cadre du développement professionnel, le coaching pédagogique est avancé (Kraft & Blazar, 2018) comme étant une approche particulièrement efficace.  

L’idée derrière le mentorat est d’offrir un processus structuré et soutenu visant à soutenir les apprenants professionnels lors de la transition de carrière vers l’enseignement. 

Le mentorat est d’autant plus efficace qu’il repose sur des relations personnelles positives. Le mentor est susceptible d’aider sur différents aspects de l’enseignement, de la gestion de classe et sur les démarches administratives propres à l’école. 

Bénéficier du soutien de mentors et de collègues expérimentés peut faire une énorme différence en début de carrière.

Les caractéristiques attendues dans le profil d’un mentor envers un enseignant novice sont les suivantes :
  • Être abordable et accessible
  • Écouter attentivement
  • Fournir des exemples concrets pour soutenir le développement professionnel
  • Créer des opportunités pour vous permettre de développer et d’apprendre de nouvelles stratégies pédagogiques
  • Être passionné, positif et professionnel
  • Agir comme un modèle
  • Encourager à prendre des décisions.
  • Encourager à essayer de nouvelles stratégies.
Une bonne relation avec un mentor repose sur les caractéristiques suivantes :
  • L’honnêteté : 
    • Une relation se développe une relation professionnelle au fur et à mesure avec le mentor. 
    • Il est attendu que l’enseignant novice soit ouvert et honnête sur les aspects de sa formation et de l’école qui lui posent problème. 
    • Le mentor offre un soutien, mais s’il ne connaît pas les difficultés, il ne pourra pas vous aider.
  • L’organisation : 
    • Le mentor ou l’équipe de référents peut avoir un ordre du jour qu’il souhaite aborder lors des réunions, de même, divers moments de rencontre gagnent à être planifiés durant l’année. 
    • Il est utile d’essayer de planifier et de réfléchir aux points clés qui seront discutés lors de la réunion.
  • L’ouverture et la réflexion : 
    • Le nouvel enseignant doit accepter qu’il arrive qu’un cours qu’il pensait avoir bien préparé ne se déroule pas tout à fait comme il l’aurait souhaité dans une classe donnée. En effet, même les enseignants expérimentés restent confrontés à l’imprévu. 
    • L’important est de pouvoir prendre du recul, reconnaître des faiblesses probables et réfléchir à ce qui pourrait être fait différemment par la suite.

Mis à jour le 08/08/2024

Bibliographie


Michael Chiles and David Goodwin, Year One Lighting the Path on Your First Year in Teaching, 2022, John Catt

Kraft MA, Blazar D, Hogan D. The Effect of Teacher Coaching on Instruction and Achievement: A Meta-Analysis of the Causal Evidence. Review of Educational Research 2018; 88 (4):547–588.

0 comments:

Enregistrer un commentaire