Il est intéressant d’examiner ce que la recherche permet de dire sur les avantages des processus formatifs pour l’éducation et sur les mécanismes qui les soutiennent. Deux résultats particulièrement intéressants de la fonction formative de l’évaluation sont ceux de l’amélioration de la réussite des élèves et de l’augmentation de leur auto-efficacité.
(Photographie : Tyler Coray)
Nous avons introduit précédemment le modèle de l’action formative (Kneyber et coll., 2022), nous en poursuivons ici l’exploration concrète.
Un cycle d’action formative permet de mieux piloter le processus éducatif
Le processus d’action formative (Kneyber et coll., 2022) intègre évaluation formative et rétroaction de manière cyclique.
Il amène l’enseignant à répondre à deux questions qui ont toute leur pertinence dans le cadre d’un processus éducatif réussi :
- Où les élèves se situent-ils actuellement par rapport aux objectifs d’apprentissage que nous voulons atteindre dans le cadre de notre cours ?
- Comment allons-nous réagir pour les aider à réduire et combler les écarts mis en évidence ?
En empruntent ce processus d’action formative, l’enseignant ne doit pas deviner ce qui se passe dans la tête de ses élèves, car il n’y a pas d’accès direct :
- Il va récolter des preuves de l’apprentissage de ses élèves en les rendant visibles avec leur aide.
- Il en obtient les informations qui lui sont nécessaires pour que les étapes suivantes soient mieux adaptées à la situation actuelle des élèves.
- De cette manière, les connaissances et l’expérience didactiques de l’enseignant peuvent être utilisées de manière plus efficace et plus opportune.
Si la parfaite maitrise de l’action formative est maximisée par l’expertise de l’enseignant, elle reste largement bénéficiaire pour un enseignant novice :
- Grâce à elle, un enseignant débutant peut acquérir plus rapidement de l’expérience et un aperçu des problèmes que les élèves rencontrent habituellement dans le processus d’apprentissage.
- Elle permet de résoudre la malédiction de la connaissance qui fait que les enseignants débutants surestiment souvent la maitrise et la compréhension de leurs élèves, de sorte que leurs leçons ne correspondent pas suffisamment à leur niveau réel.
Grâce à ces processus d’action formative, l’enseignement devient adaptatif ce qui contribue également à une différenciation réussie dans la leçon. Sur la base de ces informations, l’enseignant peut déterminer quels ajustements du processus et du contenu sont souhaitables pour quels élèves. Cela augmente également l’égalité des chances et les processus d’inclusion, car la différenciation n’est pas basée sur des résultats sommatifs antérieurs, mais sur les performances réalisées dans l’immédiat.
Le cycle de l’action formative contribue à la motivation des élèves de différentes manières
L’action formative donne plus de confiance à l’élève dans ses propres capacités
Le sentiment d’efficacité personnelle est un pilier important de la motivation des élèves.
Les élèves développent leur auto-efficacité en accumulant des expériences de réussite dans une matière ou dans un certain domaine.
Lorsqu’ils sont confrontés à une nouvelle tâche ou à un défi, les élèves se tournent vers leurs expériences passées pour évaluer si l’effort attendu sera payant. Bien que les résultats passés ne soient pas une garantie pour l’avenir, ils aident les élèves à se convaincre du bien-fondé de fournir les efforts nécessaires avec spontanéité ou sans.
L’action formative permet d’ajuster le bon niveau des tâches de pratique données aux élèves
C’est l’un des principes clés mis en avant par Barak Rosensine dans son modèle de l’enseignement explicite. Les élèves doivent pouvoir répondre avec succès à 80 % des tâches ou des questions en classe au terme de la pratique guidée. Un taux de réussite plus faible peut entraîner une chute du sentiment d’efficacité et une démotivation. Toutefois, un pourcentage de réussite très élevé est également démotivant, car les défis à relever ne sont alors pas assez stimulants.
En s’engageant dans des actions formatives, un enseignant peut mieux évaluer les difficultés des élèves. Il peut déterminer si l’enseignement, la structure de la leçon et les devoirs sont adaptés : ne sont-ils pas trop difficiles ou trop faciles ?
L’action formative permet aux élèves d’accéder à des exemples de réussite de quelqu’un d’autre ou d’eux-mêmes
Lorsque les cycles de l’action formative s’enchaînent, les améliorations ou les réussites peuvent être rendues visibles pour l’enseignant comme pour les élèves.
Un élève peut commencer à faire le lien entre l’effort fourni, par exemple l’action de suivi de la rétroaction [l’étape 4] et le résultat de l’action de suivi [étape 5]. Cela a également un effet positif sur sa motivation pour l’action formative.
Grâce à l’utilisation fréquente du modelage d’exemples de réussite au cours de la rétroaction [étape 3], les élèves voient les progrès et les réalisations des autres. Si quelqu’un d’autre réussit ou s’améliore, pourquoi ne le ferais-je pas ? Ces observations contribuent également à développer leur confiance dans leurs propres capacités.
L’action formative engage les élèves dans des activités d’apprentissage utiles, significatives et motivantes
Pour de nombreux élèves, il est motivant que les objectifs d’apprentissage et les critères de réussite du cours soient clairs. Ils permettent aux élèves de savoir clairement pourquoi ils font ce qu’ils font en classe, ce qui les aide à comprendre l’importance des activités.
Cela permet aux élèves d’optimiser leur engagement en classe en matière de compréhension et d’apprentissage. Cela permet de soulager la pression sur le travail à domicile qui ne doit plus servir à chercher à compenser ce qui n’a pas été compris ou assimilé en classe.
Il existe plusieurs façons de clarifier les objectifs d’apprentissage pour les élèves, et celles-ci ne se limitent pas à les montrer dans une présentation PowerPoint.
L’action formative contribue à cette clarification et donc à la motivation des élèves de diverses manières, que ce soit en montrant des exemples de résultats attendus ou en contrôlant le niveau de compréhension visé.
L’action formative favorise le développement chez l’élève d’une motivation extrinsèque plus autodéterminée
Une pratique formative régulière permet de renforcer progressivement une motivation extrinsèque plus autodéterminée.
Les élèves peuvent comprendre qu’ils seront régulièrement confrontés à des éléments de cours tels que des quiz ou d’autres formes de récupération et d’évaluation formative, et que cela devient une routine. Dès lors, ils se prépareront mieux pour le cours.
Les tests réguliers les mettent également davantage à l’épreuve et révèlent des lacunes en matière de connaissances. Sans cette rétroaction, ils auraient pu négliger ces difficultés, d’autant plus que les élèves ont tendance à surestimer leurs connaissances réelles. Cette vision stimulée de l’extérieur peut également renforcer la motivation à résoudre les lacunes mises en évidence.
L’action formative développe un climat d’apprentissage dans lequel les élèves peuvent poser leurs propres choix en matière d’actions, ce qui a un effet motivant
Il existe de nombreuses formes d’action formative dirigées par l’enseignant. Cependant, un processus d’action formative peut également inviter les élèves à prendre leurs propres décisions en connaissance de cause concernant la prochaine étape du processus d’apprentissage.
Il est bénéfique pour la motivation des élèves qu’ils se sentent qu’ils peuvent influencer leur apprentissage, même si ce n’est qu’en introduisant des petits changements.
Donner plus de choix et d’autonomie aux élèves comporte bien sûr le risque qu’ils fassent de mauvais choix. Cependant, en concevant correctement un processus d’action formative, l’enseignant peut éviter que cela n’entraîne une spirale négative : moins d’apprentissages, moins d’expériences réussies et moins de motivation. Il déploie des formes de soutien appropriées, notamment en s’assurant préalablement que les élèves ont développé de bonnes habitudes en matière d’autorégulation et connaissent les stratégies adéquates en apprentissage autonome.
Le cycle de l’action formative conduit à une meilleure et plus profonde compréhension du sujet
Toutes nos connaissances et compétences utiles sont stockées dans notre mémoire à long terme et intégrées au sein de schémas.
Nos schémas permettent une compréhension cohérente entre toutes les différentes connaissances et compétences d’un domaine. Un schéma peut se développer en intégrant de nouvelles informations cohérentes et reliées entre elles.
Être expert dans un domaine signifie que nous avons construit des schémas importants et complexes qui nous permettent une compréhension en profondeur.
Construire et développer un schéma donné nécessite de faire des liens entre des connaissances préalables qu’il contient et des connaissances nouvelles en lien avec celles-ci. Cela passe par un processus de réflexion, d’élaboration, de traitement génératif, puis de récupération et de reconsolidation.
Le processus est complexe et s’étend sur un temps long.
Par exemple, en activant par une pratique de récupération les connaissances antérieures au début d’un cours, un enseignant active les schémas pertinents chez ses élèves et augmente la probabilité que les nouvelles connaissances s’y rattachent.
La pratique de récupération va permettre de mieux organiser ce qui est stocké dans les schémas. Les connaissances et les compétences deviennent plus accessibles et plus durables. Plus les schémas sont solides, moins les élèves confondront le nouveau et l’ancien contenu.
Une partie du processus d’action formative passe par le fait que les élèves récupèrent régulièrement leurs connaissances en mémoire à long terme et élaborent des explications à partir d’elles. Cela contribue déjà à une meilleure compréhension et une meilleure rétention de la matière.
Le cycle de l’action formative favorise les compétences d’autorégulation des élèves
L’autorégulation n’est une compétence générique que dans une dimension étroite de quelques compétentes particulières. Essentiellement, elle possède des dimensions spécifiques à chaque domaine considéré.
Par conséquent, nous ne pouvons pas dire que nous avons une capacité générale d’autorégulation. L’autorégulation est toujours fortement liée à un domaine spécifique, car elle est liée aux connaissances, compétences et expériences de ce domaine particulier.
En contribuant à une compréhension à la fois meilleure et plus approfondie, l’action formative jette les bases nécessaires à une meilleure autorégulation des élèves dans le domaine considéré.
Selon Allal (2010), l’autorégulation consiste en quatre processus interdépendants :
- La fixation d’objectifs,
- Le suivi de la progression vers ces objectifs
- L’interprétation du retour d’information fourni par le suivi
- L’ajustement des actions orientées vers les objectifs.
- Un cinquième processus possible est la redéfinition de l’objectif
L’autorégulation exige d’être capable de prendre toutes ces mesures soi-même, ou de savoir ce qui est nécessaire pour les prendre.
Malheureusement, les élèves ne sont manifestement pas assez experts pour franchir ces étapes par eux-mêmes.
À ce titre, l’action formative peut être considérée comme d’une forme de corégulation. Les élèves sont en mesure d’adapter leur processus d’apprentissage, mais uniquement sous la forme d’une corégulation [qui fonctionne alors comme un soutien approprié].
Nous pouvons favoriser le développement des compétences d’autorégulation connexes chez les élèves, comme le contrôle métacognitif dans lequel les élèves établissent le lien entre les stratégies d’apprentissage ou d’étude utilisées et les résultats obtenus.
Pour cela nous :
- Définissons clairement les objectifs
- Nous contrôlons l’apprentissage des élèves par le biais de stratégies de vérification de la compréhension et d’évaluation formative.
- Nous les aidons à interpréter le retour d’information obtenu.
- Nous les encourageons à prendre des mesures logiques et à s’investir dans des démarches appropriées
- Nous encourageons l’usage de processus réguliers d’auto-évaluation.
Le cycle de l’action formative garantit un alignement constructif ou curriculaire
Un alignement curriculaire ou constructif permet une meilleure qualité de l’éducation. Les objectifs, les tests, les démarches d’apprentissage autonome et les activités d’enseignement sont en phase les uns avec les autres.
Cet alignement est avant tout une question de conception à rebours :
- Nous commençons par le point final. Que voulons-nous qu’ils soient capables de faire de manière indépendante à la fin du cours/de cette année/de ce chapitre/de ce module ?
- Nous réfléchissons à la manière d’évaluer si ces objectifs ont été atteints.
- Puis nous réfléchissons aux activités d’apprentissage.
Une conception pédagogique solide peut émerger. Elle permet de clarifier la fonction du retour d’information au sein d’un module, d’un programme ou d’un cours.
Toutefois, une bonne conception n’est pas suffisante pour un alignement constructif. Il se peut simplement que les activités choisies ne contribuent pas suffisamment aux objectifs.
L’action formative devient donc un effort actif pour aligner continuellement les activités avec les objectifs, et forme ainsi le pont entre là où les élèves sont et là où ils devraient être.
En outre, l’action formative peut montrer aux élèves comment ils vont être évalués et quels sont les objectifs réels, ce qui contribuera également à un alignement constructif.
Mis à jour le 18/03/2024
Bibliographie
René Kneyber, Dominique Sluijsmans, Valentina Devid, Blanca Wilde López, Formatief handelen, van instrument naar ontwerp, Phronese, 2022
Allal, L. (2010). Assessment and the Regulation of Learning. In: Penelope Peterson, Eva Baker & Barry McGaw [red.], International Encyclopedia of Education, volume 3 [pp. 348–352]. Oxford: Elsevier.
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