mardi 24 octobre 2023

Planification et qualité du contenu en enseignement explicite

L’enseignement explicite porte autant sur la conception des contenus que sur les stratégies déployées pour soutenir l’apprentissage des élèves en classe.

(Photographie : Jasper Muse)



L’importance du contenu et des méthodes dans l’enseignement explicite


Nous pouvons mettre en évidence deux éléments clés dans un enseignement explicite : 
  • Au niveau des contenus, des objectifs pédagogiques, des objectifs d’apprentissage et des critères de réussite sont développés  : 
    • Tout ce que les élèves sont censés apprendre est clarifié, explicite et précis. Rien n’est laissé vague ou ambigu. 
  • Au niveau des méthodes, des pratiques d’enseignement efficaces sont déployées : 
    • L’enseignant considère que son rôle premier est de soutenir la réussite scolaire de ses élèves selon des mesures standardisées de l’acquisition des connaissances et compétences scolaires.
Si nous distinguons l’enseignement explicite d’une pratique d’enseignement générique, des caractéristiques importantes se manifestent à travers une volonté d’efficacité et d’efficience :
  • Une structuration et une planification de l’enseignement des contenus et des compétences effectuées par l’enseignant préalablement à l’enseignement en classe.
  • Le guidage, l’étayage ou l’orientation donnés par l’enseignant durant la phase d’enseignement et progressivement retirés au fur et à mesure que les apprentissages s’installent.
  • Un leadership démocratique de l’enseignant qui conjugue des attentes élevées pour tous les élèves et un soutien aux apprentissages en fonction des besoins.
  • Un pilotage réactif et adaptatif de l’enseignement : 
    • L’enseignant est parfaitement clair avec ses élèves sur ce qu’il veut qu’ils soient capables de faire à la fin de la leçon. Il partage explicitement des objectifs d’apprentissage et des critères de réussite avec ses élèves. Il évalue chaque décision pédagogique par rapport à ceux-ci.
    • L’enseignant procède généralement par petites étapes, du simple au complexe. Il vérifie fréquemment la compréhension de ses élèves et assure un engagement et une participation active et fructueuse de leur part.



Les enjeux de la planification du contenu en enseignement explicite


La planification du contenu vise à aider les élèves à passer du statut de novice à celui d’expert dans un domaine spécifique ou par rapport à des informations spécifiques. À ce titre, l’enseignement explicite répond à des objectifs de maîtrise.

Nous devons partir d’une compréhension de la manière dont les connaissances sont structurées dans l’esprit d’un expert. À partir de là, nous concevons le cours selon une planification à rebours. 

Nous nous définissons un point d’arrivée qui nous permet de comprendre clairement ce vers quoi nous essayons d’orienter nos élèves. Nous définissons également un point de départ qui correspond aux connaissances préalables des élèves. Entre les deux nous planifions une progression des contenus.



La planification d’instructions conditionnelles « si, alors »


L’une des principales façons dont les connaissances sont structurées dans l’esprit des experts est sous la forme d’énoncés « si, alors ». Nous pouvons considérer ces « si, alors » comme des paires entre une situation donnée et une action adéquate entraînée ou une instruction conditionnelle.

Les experts sont capables de reconnaître des situations familières de résolution de problèmes, puis de sélectionner automatiquement une action efficace à entreprendre dans cette situation. 

Par exemple, un mathématicien peut voir un certain problème (si) et connaître une procédure qui l’aidera à progresser vers une action (alors).

L’enjeu est de concevoir notre enseignement à la manière d’énoncés « si, alors ».

Par exemple, si nous avons un triangle quelconque et qu’il nous faut calculer la longueur d’un côté ou celle d’un angle, alors nous mobilisons la loi des sinus et celle des cosinus. En fonction des données disponibles, nous utilisons une formule ou l’autre.

Par exemple, si nous avons une équation algébrique à résoudre, nous la simplifions pour observer si elle est du premier degré ou du second degré. En fonction de cette observation, nous mobilisons et appliquons les procédures adéquates.

La mise en évidence des relations « si, alors », oriente l’apprentissage pour le rendre directement plus fonctionnel. Ces relations doivent être connues et automatisées par les élèves pour faire sens. 

En mettant ces relations en évidence et en assurant à la fois leur compréhension et leur mémorisation, les élèves n’ont plus à se demander ce qu’ils doivent savoir, et comment ils doivent pouvoir le mobiliser.

La mobilisation de ce type d’associations s’inscrit parfaitement dans le cadre d’une révision quotidienne au début d’une leçon. Ce n’est que par des répétitions et des renforcements fréquents que les élèves peuvent atteindre l’automaticité.



L'usage de définitions prototypiques en lien avec les objectifs d’apprentissage


Une autre manière de planifier explicitement les contenus consiste à élaborer des définitions prototypiques, qui sont les plus parfaites et exactes possibles. 

Une définition prototypique est une déclaration simple sur ce que les élèves doivent savoir à la fin d’une leçon et qu’ils ne connaissaient pas précédemment. Par exemple, une définition prototypique de l’enseignement explicite serait le fait que ce que les élèves doivent apprendre et comment ils doivent l’apprendre est clair et compréhensible pour toutes les personnes impliquées.

Une définition prototypique est toujours associée à un objectif d’apprentissage qu’elle éclaire de manière certaine.

Par exemple : 
  • Exemple d’objectif d’apprentissage en sciences : J’identifie et je communique les sources d’erreurs expérimentales. 
  • Définition prototypique : L’erreur expérimentale est la différence entre une mesure et sa valeur réelle.
  • Exemple d’intention d’apprentissage en histoire : J’analyse et je présente les causes de la guerre froide.
  • Définition prototypique : La guerre froide est une période de compétition tendue (1947-1991) entre les États-Unis (USA) et l’Union soviétique (URSS) sans guerre directe entre les deux puissances.

Les définitions prototypiques sont des résumés clairs, en une seule phrase, de grandes idées d’une leçon, un moyen parfait de rendre le contenu ciblé explicite. Il y est entièrement révélé et exprimé sans ambiguïté. 

L’élaboration d’une, voire de plusieurs définitions prototypiques au début du processus de planification est un excellent moyen de se mettre sur la bonne voie pour un enseignement explicite.



Planification des structures de connaissances grâce aux organisateurs graphiques 


Lorsque nous singularisons les idées clés chez les experts, nous pouvons les considérer comme stockées sous forme de structures « si, alors ». Toutefois, elles n’existent pas de manière isolée. 

À un niveau plus large, ces structures « si, alors » sont elles-mêmes stockées dans des schémas ou des réseaux de connaissances. Nous aimerions également que nos élèves les intègrent de cette manière dans leur mémoire à long terme.

Les schémas peuvent être utilement considérés comme des collections intégrées de relations « si, alors » et de définitions prototypiques qui aboutissent à des réseaux d’informations cohérents.

C’est cette structure organisée qui guide l’expert vers une réponse appropriée à une situation donnée, excluant rapidement toutes les pistes non pertinentes.

Un organisateur graphique ou une carte conceptuelle vont rendre visibles sur le papier la complexité et la logique d’un schéma à la fois pour les enseignants et les élèves. Cette vision commune partagée peut aider à voir plus clairement la manière dont les connaissances sont structurées chez l’expert et la façon dont toutes les pièces s’assemblent.

Fournir un organisateur graphique ou une carte conceptuelle peut aider les élèves à voir les liens entre les définitions prototypiques et les objectifs d’apprentissage.

L’organisateur graphique ne doit pas nécessairement être présenté d’emblée dans son intégralité. Il peut être introduit progressivement en donnant aux élèves des occasions de l’appliquer. Une telle démarche peut diminuer la charge cognitive extrinsèque et aider les élèves à construire une structure de connaissances plus cohérente.



Planifier des exemples et des contre-exemples


Il ne suffit pas de dire aux élèves ce qu’ils doivent apprendre par le biais des objectifs d’apprentissage, des définitions prototypiques et d’organisateurs graphiques. Nous devons également le leur modeler et établir leur compréhension. 

Cela met en évidence l’importance capitale du modelage d’un concept ou une procédure par des exemples et des contre-exemples. La mise en œuvre réussie d’un exemple ou d’un non-exemple dépend essentiellement d’une bonne préparation. Trop souvent, un enseignant invente un exemple sur le champ ou se fie à des manuels qui fournissent souvent des exemples incomplets, insuffisamment explicites ou mal choisis. 

Nous devons planifier nos exemples et contre-exemples et les questions à la clé, que les élèves aborderont dans la pratique guidée puis autonome. Ils doivent recouvrir pleinement le panorama de la matière à voir. Nous devons avoir une idée claire de la manière dont ces exemples seront utilisés en classe, des moments et des points sur lesquels nous vérifierons la compréhension et les conceptions erronées que les élèves sont susceptibles d’avoir. 



Planifier les révisions


L’une des parties les plus souvent négligées et parfois uniquement abordées in extremis dans la perspective d’une évaluation sommative est la planification du moment où il faut revenir sur un élément de connaissance ou une compétence donnée. 

La psychologie a établi depuis longtemps les mécanismes de l’oubli et comment une récupération espacée permet de les contrecarrer. Nous ne devrions donc pas être surpris de constater que si les élèves n’ont pas l’occasion de revoir le contenu, ils risquent fort de l’oublier.

Par conséquent, il est essentiel d’intégrer régulièrement et stratégiquement dans notre planification une certaine forme de révision. Dans une progressivité qui tient compte du fonctionnement de l’oubli, elle peut se faire à des rythmes quotidiens, puis hebdomadaires et mensuels. L’enjeu est de fournir aux élèves des occasions de qualité de retrouver et de se rappeler le contenu et les compétences clés. 

Les révisions peuvent être aussi simples qu’une question de la dernière leçon, une question de la semaine dernière et une question du mois dernier, ou peuvent être plus complexes, en utilisant une interface numérique.

L’intégration stratégique et fréquente de révisions est un facteur d’efficacité important. Les révisions quotidiennes sous forme de quiz sont des révisions soigneusement planifiées et rapides de contenus antérieurs dans le but explicite d’aider les élèves à acquérir automatiquement les compétences de base. 

Pour identifier le contenu à inclure dans nos révisions quotidiennes, il nous suffit de nous demander : « Que serait-il bon que mes élèves sachent automatiquement et par cœur pour réussir dans cette matière ? »



Une routine de gestion de l’attention


Une fois que nous avons explicitement planifié le contenu d’un enseignement explicite, nous pouvons commencer à réfléchir sur la manière dont nous allons gérer explicitement la participation des élèves. Un point essentiel est le développement d’une routine de gestion de l’attention.

Nombre d’enseignants se retrouvent souvent dans une situation où ils doivent régulièrement réclamer l’attention de leurs élèves pour délivrer des consignes ou des explications. C’est contre-productif.

Ces temps d’attente s’additionnent au fil de l’année scolaire. Leurs élèves peuvent mettre un petit temps à remarquer cette demande et à s’exécuter. Certaines élèves peuvent même sembler ne pas du tout s’en soucier.

Les enseignants peuvent ajuster leurs approches au fil du temps par excès et erreur : 
  • Ils peuvent instaurer un compte à rebours (cinq, quatre, trois, deux, un).
  • Ils peuvent garder leurs élèves quelques minutes à la fin du cours pour rattraper le temps perdu (ce qui n’est pas toujours aisé et revient à sanctionner l’ensemble de la classe pour le comportement de certains).
  • Ils peuvent agir avec une « narration positive » : « Je peux voir que la plupart d’entre vous sont prêts. Thomas est prêt à écouter également. J’en attends deux maintenant. Encore un… Et on y est. »
Le problème de ces techniques est qu’elles allongent le temps de transition et le normalisent et qu’elles nécessitent une intervention active de l’enseignement chaque fois.

L’idée est plutôt d’installer une routine qui implique un indice simple pour attirer l’attention de nos élèves dans un laps de temps très court, quelque chose comme cinq secondes. C’est l’idée d’un repère attentionnel. Il s’agit d’un processus, souvent d’appel et de réponse, auquel nous entraînons nos élèves pour nous assurer que nous pouvons avoir toute leur attention très rapidement.

Les signaux d’attention peuvent prendre de nombreuses formes visuelles, comportementales, verbales ou non verbales. Ces dimensions dans tous les cas doivent être simples, codifiées, constantes et évidentes à remarquer.

Comme pour toute norme d’engagement et routine, notre indice d’attention doit être enseigné explicitement, introduit, justifié, pratiqué, vérifié et renforcé dès le début de l’année scolaire. La routine sera d’autant mieux adoptée par les élèves qu’elle est partagée par divers enseignants.


14/03/2024


Bibliographie


Oliver Lovell, Tools for teachers, 2022, John Catt

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