vendredi 22 septembre 2023

L’effet de halo dans un contexte éducatif

L’effet de halo est un biais cognitif qui nous amène à prendre des décisions sur la base d’informations non pertinentes et disponibles. L’effet de halo est une forme de biais de confirmation qui nous empêche de prendre conscience de l’incertitude que nous devrions vraiment ressentir.

(Photographie : Finnbar Porteous)



Définition de l’effet de halo


L’effet de halo ou encore effet de contamination est un biais cognitif qui vient affecter la perception que nous avons des personnes ou des organisations. Dans ce cas de cet article, nous nous intéresserons plus spécifiquement aux personnes.

L’effet de halo apparaît comme une distorsion de la perception. L’effet de halo correspond à une interprétation et une perception sélective d’informations allant dans le sens d’une première impression. Il affecte la manière dont nous interprétons les informations concernant une personne à propos de laquelle nous nous sommes préalablement formé une impression globale. 

Par exemple, une caractéristique jugée positive à propos d’une personne a tendance à rendre plus positives les autres caractéristiques associées, même sans les connaitre. Cet effet de halo se manifeste dans les dimensions affectives ou cognitives.

L’effet de halo représente la tendance à trop généraliser l’évaluation des qualités positives ou négatives d’un individu, de sorte que celui-ci est considéré comme principalement bon ou principalement mauvais. En fait, on ne dispose pas de suffisamment d’informations pour appliquer avec précision une étiquette positive ou négative à des qualités spécifiques. 

L’effet de halo se produit lorsque l’on suppose qu’un individu présentant un ou deux traits positifs doit avoir des qualités principalement positives dans tous les domaines de fonctionnement.

L’effet de halo est un biais d’attribution cognitive. Il implique l’application infondée d’un jugement général à des caractéristiques spécifiques.



Un effet de halo susceptible de se manifester positivement ou négativement


Si la première impression sur la personne est favorable, ce biais perceptif tend à interpréter favorablement par la suite ce que cette personne dira ou fera. C’est l’effet halo positif. À l’inverse, si la première impression est défavorable, ce biais perceptif nous amènera à voir la personne selon un prisme négatif. C’est l’effet halo négatif.

Dans le cadre d’une expérience, Nisbett et Wilson (1977) ont enregistré deux vidéos avec un enseignant et une élève. La première montre un enseignant chaleureux et amical avec l’élève. Dans la deuxième vidéo, l’enseignant est froid et distant vis-à-vis de l’élève. Ensuite, les chercheurs ont montré ces deux vidéos à un groupe d’étudiants en leur demandant d’évaluer l’enseignant sur des traits de caractère non montrés dans la vidéo. Ceux qui ont vu la première vidéo ont jugé l’enseignant positivement sur tous les autres traits. À l’inverse, les étudiants qui ont vu la deuxième vidéo ont jugé négativement l’enseignant sur tous les autres traits. 

Dans une seconde expérience, les chercheurs ont modifié l’expérience et ont expliqué l’effet de halo aux participants avant de leur montrer les deux vidéos et de leur demander d’évaluer l’enseignant. Les explications sur cet effet de halo n’ont rien changé aux évaluations ultérieures des participants.



L’impact positif de l’effet de halo


L’impact de l’effet de halo peut avoir un effet positif pour la personne au sujet de laquelle il se manifeste. Il va orienter les pensées et le comportement du sujet qui le subit.

Prenons par exemple une élève à propos duquel nous nous sommes formé une impression positive sur le point de vue relationnel ou sur ses capacités. Si nous le prenons à tricher en classe, lors d’une évaluation sommative, en raison de la cette impression globale positive, nous aurons tendance à minimiser la gravité de ce comportement, car il contredit une impression globale déjà constituée. 

Nous aurons tendance à chercher des circonstances atténuantes. Nous pourrions même arriver à penser que l’élève a simplement fait une erreur de jugement isolée, ce qui dispense d’une remise en cause de l’impression globale initiale.

L’effet de halo fait référence à la tendance que nous avons à évaluer un individu de façon positive pour de nombreux traits en raison d’une croyance commune. Le fait qu’un élève travailleur qui rencontre généralement le succès soit surpris à tricher représente une difficulté pour traiter l’information, car cela va à l’encontre de notre croyance.

Rosenthal et Jacobson (1968) ont mené une expérience dans une école primaire publique. Ils ont fait passer aux élèves un test de QI standard, en expliquant aux enseignants que ce test mesurait « l’épanouissement intellectuel ». Les chercheurs ont choisi 20 % des enfants au hasard. Ils ont informé leurs enseignants que le test les avait identifiés comme des enfants très spéciaux qui allaient « s’épanouir » (montrer une « poussée » intellectuelle marquée) au cours de l’année suivante. Un an après cette tromperie, le même test de QI a de nouveau été passé à tous les enfants. Les résultats ont révélé que les attentes des enseignants avaient effectivement un impact énorme sur les performances des élèves. Les enfants censés être « en épanouissement » ont montré une amélioration bien plus importante de leur QI que les autres jeunes. Les gains étaient particulièrement prononcés pour les élèves de première et deuxième année qui avaient été étiquetés en phase d’épanouissement. Pour expliquer ce phénomène, Rosenthal et Jacobson (1968) ont supposé que les enseignants étaient probablement plus encourageants et plus amicaux envers les enfants dont ils attendaient qu’ils s’épanouissent. Leurs attentes ont donc servi de prophétie autoréalisatrice.



Effet de halo et stéréotypes de l’attractivité


Dans le cas de l’effet halo, nous avons tendance à attribuer des qualités positives ultérieures aux personnes physiquement attirantes. 

Les recherches sur ce sujet ont montré que, même lorsqu’ils n’ont aucune preuve sur laquelle fonder leurs jugements, les gens assimilent souvent l’attrait physique :
  • À la compétence sociale
  • À une moralité plus élevée
  • À une meilleure santé mentale
  • À un bon comportement
  • À de meilleures réalisations professionnelles
  • À des succès plus fréquents.
Dans une expérience menée par Clifford et Walster (1973), des enseignants ont reçu des informations objectives et vraisemblables sur le potentiel scolaire et social d’un élève, accompagnées de la photographie d’un garçon ou d’une fille. 

Il a été constaté que l’apparence physique de l’élève était associée de manière significative aux attentes de l’enseignant concernant :
  • L’intelligence de l’enfant
  • L’intérêt de ses parents pour l’éducation
  • Ses chances de progresser à l’école
  • Sa popularité auprès de ses camarades. 
Il y a par conséquent un effet de l’apparence physique d’un élève sur les attentes d’un enseignant quant au comportement intellectuel et social de l’enfant. Une bonne apparence physique biaise le comportement des enseignants en faveur de l’élève. 

Landy et Sigall (1974) ont fait lire à 60 étudiants de sexe masculin de premier cycle de l’enseignement supérieur un essai censé avoir été écrit par une étudiante de première année. Ils ont ensuite évalué la qualité de l’essai et la capacité de son auteur sur plusieurs dimensions. Au moyen d’une photo jointe à la rédaction, 20 étudiants ont été amenés à croire que l’auteur était physiquement attirant et 20 étudiants qu’elle était peu attirante. Les autres ont lu l’essai sans aucune information sur l’apparence de l’auteur. 30 élèves ont lu une version de l’essai qui était bien écrite, tandis que les autres ont lu une version mal écrite. Les étudiants qui ont lu la bonne rédaction ont évalué l’auteur et son travail plus favorablement que ceux qui ont lu la mauvaise rédaction. Les élèves ont également évalué l’auteur et son travail plus favorablement lorsqu’il était attirant, moins favorablement lorsqu’il était peu attirant, et de façon intermédiaire lorsque son apparence était inconnue. L’impact de l’attrait de l’auteur sur son évaluation et celle de son travail était plus prononcé lorsque la qualité objective de son travail était relativement faible.

Cependant, il y a une seconde dimension. À côté de l’effet de halo, les gens ont également tendance à juger les personnes attirantes comme étant plus vaniteuses et plus malhonnêtes que les personnes moins attirantes. C’est le stéréotype de l’attractivité. 

Selon Eagly et ses collègues (1991), deux traits pour lesquels le stéréotype de l’attractivité n’affecte pas les évaluations sont l’intégrité et le souci des autres. Le stéréotype de l’attractivité agit comme un effet de halo en ce sens que les observateurs ont tendance à préjuger que les personnes attirantes sont pour la plupart bonnes. Pourtant, il semble moins puissant qu’un effet de halo typique. Il s’étend également à quelques qualités négatives.

Le stéréotype de l’attractivité existe dans un large éventail de cultures, mais les bonnes qualités associées à l’attractivité varient en fonction de la culture spécifique. 



L’impact de l’effet de halo sur l’évaluation des élèves


Daniel Kahneman (2013) explique comment l’effet de halo l’a conduit à mal noter systématiquement les dissertations des étudiants. Si la première rédaction d’un étudiant obtenait une note élevée, les erreurs commises dans les rédactions suivantes étaient ignorées ou excusées. Mais Kahneman a remarqué un problème :

« Si un étudiant avait écrit deux dissertations, l’une forte et l’autre faible, je me retrouvais avec des notes finales différentes selon la dissertation que je lisais en premier. J’avais dit aux étudiants que les deux dissertations avaient le même poids, mais ce n’était pas vrai : la première avait un impact beaucoup plus important sur la note finale que la seconde ».

En classe, les enseignants sont sujets à l’erreur d’évaluation de l’effet de halo lorsqu’ils évaluent leurs élèves. 

Par exemple, un enseignant qui voit un élève qui se comporte bien peut avoir tendance à supposer que cet élève est également brillant, assidu et engagé avant d’avoir évalué objectivement les capacités de l’élève dans ces domaines. 

Lorsque ces types d’effets de halo se produisent, ils peuvent affecter les taux d’approbation des élèves dans certains domaines de fonctionnement et même les notes des élèves.

Deux profils d’élèves sont plus susceptibles d’être victimes de l’effet de halo : 
  • Le cas de l’élève doué, mais non engagé. Les enseignants peuvent négliger ce profil lorsque l’enfant doué n’est pas stimulé et se comporte différemment en classe, que l’élève modèle typique.
  • Le cas de l’élève souffrant de troubles de l’attention. Les enseignants peuvent se tromper sur le potentiel de l’élève atteint d’un trouble de l’attention qui semble être source de perturbations en classe. 
L’élève qui n’est pas engagé, qui ne fournit pas tous les efforts attendus ou qui est une source régulière de perturbations devient souvent un élève sous-estimé par son enseignant. Ces qualités conduisent à une catégorisation générale de l’élève comme étant principalement mauvais.



Se prémunir des dimensions négatives liées à l’effet de halo


Pour se prémunir de l’effet de halo contre soi-même, il vaut mieux éviter de parler de ses défauts avant de bien connaitre la personne à laquelle on s’adresse. Pour laisser une bonne impression, mieux vaut parler de ses qualités et compétences. Apprendre l’art du charisme et de la communication aide à laisser une bonne impression. 

Nous pouvons veiller à nous prémunir de l’effet de halo envers les autres et pour ne pas porter des jugements injustifiés sur d’autres personnes. Nous devons tâcher de réévaluer l’opinion que nous avons d’autres personnes que nous ne connaissons pas très bien, d’où l’intérêt de multiplier les contacts avec les autres pour se forger une image plus objective.

Thorndike (1920) a été le premier à effectuer des recherches sur l’effet de halo. Il a inventé le terme. Il a noté qu’il pensait que même les personnes les plus compétentes étaient sujettes à un jugement obscurci par l’effet de halo. Pour minimiser le biais, il a recommandé aux évaluateurs de se référer à des preuves spécifiques et multiples avant d’établir un résultat. 


Mis à jour le 26/02/2024

Bibliographie


David Didau, What if everything you knew about education was wrong?, 2016, Crown House.

Halo effect, https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Halo_effect&oldid=1098425774 (last visited July 22, 2022).

Effet de halo. (2022, mars 15). Wikipédia, l’encyclopédie libre. Page consultée le 17:49, mars 15, 2022 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Effet_de_halo&oldid=191935086.

Clifford, M.M et Walster, E.H, “The effect of physical attractiveness on teacher expectation”, Sociology of education, vol. 46,‎ 1973, p. 248–258

Robert Rosenthal and Leonore Jacobson, Pygmalion in the Classroom, expanded ed. (New York: Irvington, 1968).

Landy, D., & Sigall, H. (1974). Beauty is talent: Task evaluation as a function of the performer’s physical attractiveness. Journal of Personality and Social Psychology, 29(3), 299–304. https://doi.org/10.1037/h0036018

Nisbett, R. E., & Wilson, T. D. (1977). The halo effect: Evidence for unconscious alteration of judgments. Journal of Personality and Social Psychology, 35(4), 250–256. https://doi.org/10.1037/0022-3514.35.4.250

Kristin Rasmussen, Halo Effect, in Encyclopedia of Educational Psychology, Salkind, Sage, 2008) 

Eagly, A., Ashmore, R., Makhijani, M., & Longo, L. (1991). What is beautiful is good, but… A meta-analytic review of research on the physical attractiveness stereotype. Psychological Bulletin, 110, 109–128.

Thorndike, E. L. (1920). A constant error in psychological ratings. Journal of Applied Psychology, 4, 25–29.

Kahneman, D. (2013). Thinking, fast and slow. New York: Farrar, Straus and Giroux.

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