vendredi 14 juillet 2023

Utiliser des supports graphiques pour faciliter l’apprentissage selon l’hypothèse de l’argument visuel

Quelles dimensions graphiques facilitent l’apprentissage ? Dans un article, Ioanna Vekiri (2002) passe en revue les arguments de différentes perspectives théoriques. Nous allons explorer ici le cas de l’hypothèse de l’argument visuel.

(Photographie : Chelsea Welsh)


L’hypothèse de l’argument visuel


Le terme argument visuel caractérise la manière dont les graphiques communiquent des informations. 

Selon l’hypothèse de l’argument visuel, les représentations graphiques sont efficaces en raison de leurs propriétés visuospatiales. Leur traitement nécessite moins de transformations cognitives que le traitement d’un texte. Cela permet de rester plus facilement dans les limites étroites de la mémoire de travail. 

Les textes imposent un traitement séquentiel, tandis que les graphiques facilitent un traitement synchrone des informations.

Les diagrammes, les cartes conceptuelles, les tableaux ou les graphiques communiquent des informations à la fois par leurs éléments individuels et par la manière dont ces éléments sont disposés dans l’espace les uns par rapport aux autres. 

Ce phénomène, également connu sous le nom d’amélioration de la perception, rend les affichages graphiques efficaces pour communiquer des informations à la fois sur les éléments individuels et sur leurs relations. Les utilisateurs perçoivent plus facilement ces relations ou en tirent des déductions plus aisément qu’à partir d’un texte. 

L’hypothèse de l’argument visuel s’intéresse à la manière dont les formats graphiques, les diagrammes facilitent la recherche et l’interprétation des informations.

L’hypothèse de l’argument visuel ne s’intéresse pas à l’existence de systèmes cognitifs distincts pour le traitement et la représentation des mots et des images. Plutôt, selon l’argument visuel, l’avantage des visualisations symboliques repose sur leurs caractéristiques spatiales. Les affichages graphiques communiquent un contenu complexe plus efficacement que le texte parce que leur traitement dans la mémoire de travail exige moins d’effort mental. 



Les biais de perception et d’interprétation visuelles


Selon Tversky (2001), bon nombre des conventions utilisées aujourd’hui dans les représentations graphiques trouvent leur origine dans nos biais de perception et d’interprétation visuels. 

Cette hypothèse est soutenue par l’existence de fortes similitudes dans le développement des conventions graphiques dans diverses cultures. De plus, il existe des correspondances entre ces conventions et certaines expressions linguistiques ou analogues physiques, ainsi que des similitudes dans la façon dont le langage et les représentations graphiques utilisent l’espace. 

Par exemple, les graphiques expriment l’augmentation ou l’amélioration par un mouvement ou une direction vers le haut, ce qui est également vrai pour les concepts « plus » ou « meilleur ». 

Dans le langage comme dans les graphiques, l’espace est utilisé pour séparer et regrouper des éléments. Dans les graphiques, les éléments qui sont proches dans l’espace sont perçus comme des membres d’un groupe, alors que dans le langage, l’espace sépare les mots et les paragraphes. 

Certaines conventions semblent basées sur des analogues physiques. Par exemple, les flèches, qui ont été inventées pour la chasse, ont été adoptées dans les graphiques pour exprimer le mouvement et la directionnalité dans l’espace et le temps. 



L’efficience computationnelle liée aux diagrammes


Selon Larkin et Simon (1987), les diagrammes offrent un avantage computationnel par rapport au texte. Ils favorisent la recherche d’informations et permettent aux apprenants d’extraire des informations en s’appuyant sur des processus automatiques et perceptifs avantageux.

L’utilisation d’un texte lors de la résolution d’un problème exige que les apprenants recherchent au fur et à mesure des informations pertinentes dans l’ensemble du texte. Ils les stockent dans leur mémoire de travail tout en recherchant le prochain élément pertinent. 

Ce processus se poursuit jusqu’à ce que toutes les informations pertinentes aient été trouvées. Il fait par conséquent largement appel aux ressources de la mémoire de travail. 

Ce processus est sujet à l’erreur, car la mémoire de travail a une capacité limitée et ne peut conserver les données pendant une longue période sans une attention constante. Une alternative à ce processus correspond à surligner en couleur les passages pertinents ou à prendre des notes sur le côté.

En revanche, les affichages graphiques organisent d’emblée les informations dans l’espace.

Lorsque toutes les informations importantes sont regroupées visuellement, elles peuvent être facilement localisées. Les utilisateurs n’ont pas besoin de stocker des données dans la mémoire de travail ou de prendre des notes, car les données nécessaires sont toujours disponibles dans l’affichage de manière cohérente. Elles sont facilement récupérables et identifiables. Le gain de temps est conséquent.

Une raison supplémentaire pour laquelle les représentations graphiques sont efficaces sur le plan informatique est qu’elles permettent aux apprenants de faire des inférences perceptives. Ils peuvent extraire automatiquement des informations en utilisant leurs mécanismes de perception au lieu de s’engager dans de longs processus d’interprétation. 

Par exemple, les apprenants peuvent juger rapidement et facilement des différences d’importance par la taille relative des éléments sur le graphique qui les représentent. Ces caractéristiques des représentations graphiques guident bien mieux l’attention que le texte.
Les représentations graphiques, en raison de leur efficacité informationnelle, jouent un rôle essentiel dans plusieurs tâches cognitives. 



L’importance des représentations symboliques


Plutôt que de simplement fournir des informations, les affichages visuels peuvent influencer la nature de l’activité cognitive et fonctionner comme une cognition externe en guidant, contraignant et facilitant le comportement cognitif.

Lorsque les gens raisonnent sur un problème en utilisant des représentations symboliques, ils n’ont pas besoin d’effectuer mentalement tous les processus de réflexion. Au contraire, ils peuvent penser à une solution en manipulant des éléments visuels. 

Mener un raisonnement nécessite souvent la prise en compte et l’évaluation de possibilités alternatives. Lorsque les diagrammes rendent ces états alternatifs explicites pour les spectateurs, ils les dirigent spécifiquement vers certains scénarios de solution et en évacuent d’emblée d’autres. 

Les diagrammes peuvent également faciliter la résolution de problèmes si leur conception leur permet de représenter certaines des règles que les gens devraient autrement maintenir dans la mémoire de travail tout en raisonnant sur le problème. 

Ces représentations réduisent la charge de la mémoire et rendent plus de ressources cognitives disponibles pour la planification et d’autres processus. Les affichages sont plus efficaces s’ils permettent aux apprenants d’extraire de l’information (p. ex., les règles du problème) par la perception directe sans s’engager dans un traitement profond.

Les affichages graphiques peuvent soutenir le raisonnement pendant la résolution de problèmes parce que leurs éléments peuvent déclencher le rappel de connaissances pertinentes, ce qui peut faciliter les inférences menant à la solution. 

Selon la perspective de l’argument visuel, les représentations symboliques peuvent être traitées plus efficacement que le texte, ce qui leur permet de soutenir la cognition dans des tâches complexes. Elles peuvent fonctionner comme des aide-mémoires, permettant aux apprenants d’avoir accès à l’information sans la maintenir dans la mémoire de travail, guider l’activité cognitive et faciliter l’inférence pendant la résolution de problèmes. 



Le cas des organisateurs graphiques 


Les organisateurs graphiques sont conçus pour servir d’aperçu de nouveaux contenus à apprendre afin de faciliter les connexions entre les nouvelles connaissances et celles préalables. 

Les organisateurs graphiques ne représentent pas simplement une vue d’ensemble du nouveau contenu, mais utilisent un format spatial pour communiquer efficacement des informations sur les relations entre les concepts. 

Sous le terme organisateur graphique, nous incluons, les diagrammes en arbre, les matrices, les tableaux ou les cartes conceptuelles. Les divers types d’organisateurs graphiques diffèrent par la façon dont ils utilisent l’espace pour représenter le contenu. Par exemple, certains organisateurs graphiques décrivent uniquement les relations hiérarchiques entre les concepts (p. ex., les cartes conceptuelles et les diagrammes en arbre). D’autres organisateurs graphiques présentent plusieurs relations à la fois en utilisant des nœuds et des liens. D’autres organisateurs graphiques fournissent des informations à la fois sur les relations hiérarchiques et les comparaisons entre les concepts selon les valeurs des attributs. 

L’avantage des organisateurs graphiques par rapport au texte ou aux affichages linéaires non graphiques repose sur la qualité de l’information qu’ils communiquent. Les organisateurs graphiques peuvent transmettre des informations factuelles aussi bien que le texte. Cependant, ils sont plus efficaces que le texte pour aider les apprenants à faire des déductions complexes et à intégrer les informations qu’ils fournissent. 

En outre, pour communiquer un argument visuel, les affichages doivent être conçus de manière à faciliter leur traitement et à permettre aux apprenants de percevoir facilement les relations qu’ils sont censés communiquer. Le type d’organisateur graphique optimum dépend des contenus à apprendre.

Les affichages visuels dont la structure spatiale facilite la comparaison entre leurs éléments peuvent aider les apprenants à percevoir facilement les relations entre ces éléments. 

Les affichages doivent faire ressortir les relations entre les concepts ou les objets sans submerger les apprenants avec plus d’informations qu’ils ne peuvent en traiter à la fois. 

Les affichages sont efficaces sur le plan informationnel lorsqu’ils peuvent déplacer une partie des exigences cognitives de leur interprétation vers les opérations de perception visuelle qui sont effectuées plus automatiquement, réduisant ainsi la charge cognitive. Les organisateurs graphiques doivent être conçus pour respecter les principes de l’apprentissage multimédia. Leur efficacité en dépend. Seuls certains affichages communiquent un argument visuel.

Lorsque les graphiques représentent les données sous forme de regroupements visuels, les observateurs peuvent identifier des modèles et des relations dans les données. Ils se basent sur des processus de perception des modèles au lieu de s’engager dans des transformations complexes des données. 

Les affichages graphiques peuvent être efficaces sur le plan informationnel lorsqu’ils sont conçus de manière à rendre les informations essentielles plus saillantes pour les apprenants. Les graphiques sont efficaces lorsque leur interprétation repose davantage sur des processus cognitifs exécutés automatiquement par notre système de perception visuelle et moins sur des processus de traitement de l’information complexes. 


Mis à jour le 24/01/2024

Bibliographie


Vekiri, I. What Is the Value of Graphical Displays in Learning? Educational Psychology Review 14, 261–312 (2002). https://doi.org/10.1023/A:1016064429161

Tversky, B. (2001). Spatial schemas in depictions. In Gattis, M. (ed.), Spatial Schemas and Abstract Thought, MIT Press, Cambridge, MA. 

Larkin, J. H., and Simon, H. A. (1987). Why a diagram is (sometimes) worth ten thousand words. Cognitive Sci. 11: 65–99.

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