(Photographie : Marta Berens)
La difficulté est qu’il est plus facile d’établir un cadre de prévention face à une classe nouvelle, même si sa réputation la précède, que d’essayer de renverser un climat négatif qui s’est progressivement installé.
Pistes d’actions face à un climat de classe dégradé
Face à un climat de classe dégradé, il est important d’analyser la situation avec recul et d’élaborer un plan d’action en profondeur.
Ensuite, une fois que nous sommes prêts, nous pouvons dire clairement à la classe concernée que nous allons agir parce que leurs comportements ont un impact négatif sur leurs apprentissages et le bien-être général. Nous pouvons alors commencer la mise en œuvre du plan.
Introduire une longue liste de règles, d’exigences et d’attentes comportementales avec sanctions à la clé est généralement une erreur. Trop en demander risque de les surcharger et de n’aboutir à rien. Il y aura trop d’éléments à gérer, à apprendre et à pratiquer et nous risquons nous-mêmes de nous trouver submerger et de ne pas pouvoir assumer et renforcer un cadre trop complexe. Il faut pouvoir donner cours.
De plus, il y a de chances que certains élèves, si ce n’est pas toute la classe, ont été déjà, confrontés par le passé à ce genre de démarche qui n’a pas mené à grand-chose. Ils parient d’avance que c’est sans espoir et n’y prêteront pas attention longtemps, selon le mode d’une impuissance acquise.
Il est préférable d’introduire :
- Un nombre limité de règles claires (3 à 5)
- Symboliques et à fort effet de levier
- Que l’enseignant peut facilement contrôler.
Cela peut même se faire une règle à la fois. Il peut s’agir par exemple de commencer par le fait de ne jamais parler lorsque l’enseignant le fait. L’établissement d’une ou plusieurs règles doit marquer une rupture dans les habitudes en classe.
Énoncer la règle ne suffit pas, il faut aussi l’établir d’une façon qui ne sera pas interprétée comme une prise de pouvoir catégorique de l’enseignant. Il faut donc la justifier pédagogiquement, idéalement en lien avec les valeurs et la culture de l’établissement. Cette règle se fonde basiquement sur le fait que les élèves sont en classe pour apprendre et que s’ils parlent cela n’aura pas lieu.
Une fois la règle énoncée, justifiée et enseignée explicitement, l’enseignant se concentre sur sa pratique. Il renforce et donne de la rétroaction, intervient en cas de non-respect. Une fois que celle-ci est bien intégrée, d’autres règles peuvent être introduites progressivement.
Avertir les collègues du projet d’action sur le climat d’apprentissage d’une classe
Dans certains cas, particulièrement lorsqu’un phénomène d’escalade symétrique étendue s’est mis en route, différents élèves sont susceptibles de ne faire aucun effort spontanément et d’être plutôt à l’offensive.
Il peut être judicieux de demander l’aide d’un autre enseignant ou d’un éducateur que la classe respecte pour aider à communiquer et à faire respecter ces règles dès les premiers stades.
Idéalement, il n’intervient pas en classe avec nous, mais est susceptible d’aborder le sujet en privé avec l’un ou l’autre élève pour signaler qu’il soutient complètement la démarche.
Cette action additionnelle ne doit pas être perçue comme une faiblesse de l’enseignant. Elle vise à montrer la cohérence de l’équipe pédagogique. Tout le monde considère que c’est important que les changements visés aient effectivement lieu.
L’intervenant extérieur peut de son côté renforcer notre message. Il est à l’écoute, mais indique bien qu’il s’agit d’un moment de changement pour lequel il montre sa solidarité.
Au-delà de cela, il est également utile d’avertir les autres enseignants des démarches que nous allons entamer, car certaines conséquences correctives risquent d’être établies avec éventuellement l’une ou l’autre exclusion de classe.
Tenir bon lors de l’instauration de nouvelles règles dans le cadre de l’amélioration d’un climat de classe
Un certain nombre d’élèves ont besoin de changer leurs mauvaises habitudes en de bonnes habitudes. Il est probable que de simples démarches préventives ne vont pas suffire pour tous.
La conséquence corrective établie à la fin du continuum d’intervention devient un outil nécessaire pour fonctionner. Elle n’a pas tant besoin d’être sévère que d’être certaine. L’élève doit avoir conscience que lorsqu’il enfreint la règle, avec certitude la conséquence corrective suivra.
Par conséquent, une conséquence corrective doit être disponible et prévue en cas de non-respect de la règle. Les conséquences d’une infraction à une règle doivent être claires et identiques chaque fois.
Donner de multiples avertissements aux élèves est souvent contre-productif, surtout dans des environnements où les élèves sont habitués à enfreindre les règles avec une relative impunité.
Cela ne devrait pas être nécessaire si les règles ont été enseignées et pratiquées et que les conséquences ont été clairement expliquées.
Lorsque la nouvelle règle entre en application, elle doit être la préoccupation première de l’enseignant. Elle doit entrer dans les mœurs, être appliquée et mener à des conséquences correctives en cas d’infraction. Il ne faut pas uniquement dédier toute sa concentration au cours enseigné, mais surveiller le comportement des élèves, renforcer quand ils obtempèrent et rappeler la règle et intervenir en cas d’infraction comme cela a été annoncé précédemment.
Il s’agit donc d’une démarche intentionnelle de pratique délibérée qui doit l’être dans un premier temps, autant pour l’enseignant que pour ses élèves.
Mener à la création de nouvelles habitudes et routines pour améliorer le climat de classe
Si elle est respectée, renforcée et acceptée, la nouvelle règle va petit à petit devenir une habitude, une routine et s’automatiser à la fois chez les élèves et chez l’enseignant. Comme elle est appelée à devenir la nouvelle normalité, une fois que ce stade est atteint, l’attention de l’enseignant pourra devenir moins intentionnelle.
À ce moment-là, toute infraction deviendra nettement plus saillante et l’enseignant la remarquera sans devoir y accorder spécifiquement de l’attention.
De toute manière, si notre concentration sur cette règle ralentit le cours, c’est aussi au bénéfice des élèves. Le respect de ces règles augmentera à terme leur concentration et leur engagement et de fait aura une influence bénéfique sur leurs apprentissages.
Faire face aux résistances dans un processus d’amélioration du climat de classe
Dans un processus d’amélioration du climat de classe, nous sommes susceptibles de devoir faire face aux résistances et à la défiance que pourraient manifester certains élèves. Ceux-ci pourraient essayer de faire échouer la démarche et vont tester la détermination de l’enseignant. Il est absolument impératif que, quelle que soit la provocation, nous ne fassions pas de compromis et nous ne perdions pas notre sang-froid.
Il s’agit donc de rester calme et prendre note de chaque infraction par un élève sans pour autant ne jamais en faire une scène. Il peut même être judicieux d’ignorer les autres infractions mineures qui ne sont pas prioritaires.
Certains élèves qui peuvent avoir l’impression d’être piégés et peuvent prononcer en retour des propos blessants vers l’enseignant. Il ne vaut pas oublier que de tels propos ne visent pas la personne de l’enseignant et que donc il n’y a pas lieu de réagir au premier degré. C’est une atteinte à l’autorité et à notre statut d’enseignant.
Tout recul passera pour une démission et une victoire des élèves et il sera d’autant plus difficile d’obtenir une amélioration par la suite, car cet épisode marquera un précédent.
Au contraire, en cas d’infraction il faut continuer à intervenir en respectant le continuum et en allant jusqu’à l’exclusion de classe si la situation la justifie.
Assurer le suivi des interventions
Après le cours, un suivi doit avoir lieu sur les infractions constatées. Il faut s’assurer que les conséquences correctives qui ont été décidées sont appliquées à chaque élève. Il n’est pas nécessaire de les justifier outre mesure au-delà des raisons initiales.
Il est important de maintenir la distance à la fois sur le plan logistique et sur le plan émotionnel. Nous devons nous y préparer et accepter que ce soit un passage obligé.
Il est fort probable que certains élèves ne vont pas accepter immédiatement les conséquences correctives et crier à l’injustice, mais celles-ci sont nécessaires. L’important est qu’une majorité d’élèves suive le mouvement.
Nous avons besoin d’obtenir une majorité, une masse critique d’élèves qui vont respecter les règles. Dès lors, ceux qui refusent seront marginalisés. Même s’ils peuvent encore poser des problèmes dans nos cours, il leur sera beaucoup plus difficile d’entraîner les autres dans leur mauvaise conduite.
Ce qui est important c’est que les conséquences correctives attribuées soient effectivement contraignantes, en tout cas dans la première phase. Il est risqué de confondre cette phase avec des démarches de réparation ou avec des tentatives pour construire ou réparer la relation. À ce stade, il doit s’agir de conséquences correctives contraignantes.
De la même manière, le temps du cours ne doit pas être utilisé pour annoncer, évoquer ou discuter des sanctions en suspens. Celles-ci ne doivent pas être l’objet de discussions en classe avec les élèves. Elles sont postposées juste après le cours. Chaque nouveau cours est un nouveau départ avec les mêmes règles.
Si un élève refuse la sanction, il faut escalader la perturbation mineure en perturbation majeure et si nécessaire renvoyer vers les personnes responsables d’un tel suivi qui auront dû être mises au courant préalablement des démarches entreprises.
S’appuyer sur la communauté éducative et sur la hiérarchie pour appuyer la démarche
Il est important de s’assurer la collaboration de la hiérarchie en ce qui concerne la gestion de la discipline. Par conséquent, il faut y aller en expliquant qu’il y aura sans doute des conséquences correctives et peut-être ses exclusions de classes dans la mise en place des nouvelles règles. Les personnes responsables de cette gestion dans l’école doivent être au courant de ce risque d’occurrences et pouvoir se montrer solidaires.
Dans ces rapports hiérarchiques, il est plus utile d’aborder un ton interrogatif que déclaratif pour faire valider la démarche. S’il semble y avoir des hésitations pour le suivi des conséquences, il convient d’utiliser un langage inclusif. Il s’agit de montrer clairement que nous nous inscrivons dans une démarche globale d’équipe qui a pour but d’améliorer les conditions d’apprentissage des élèves en classe.
Nos efforts ont plus de chances de réussir si nous pouvons convaincre d’autres enseignants et la direction de soutenir et de valider également notre approche.
Le fait d’échanger avec l’enseignant d’une matière complètement différente dans un autre peut de même nous aider si nous enseignons à la même classe. Si l’idéal est que tous les enseignants soutiennent les mêmes règles de la même façon, même quelques-uns peuvent déjà contribuer à créer un sentiment de cohérence.
Mis à jour le 21/01/2024
Bibliographie
Ben Newmark, Why teach?, 2019, John Catt.
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