Si parmi les stratégies d’apprentissage efficaces mises en évidence par la recherche en sciences cognitives, l’une d’elles s’impose comme centrale et incontournable c’est bien la pratique de récupération.
(Photographie : Yoshinori Mizutani)
Importance de la pratique de récupération pour l'enseignement
Agarwal et ses collègues (2021) ont réalisé une revue d’études en classe portant sur la mobilisation de la pratique de récupération. Les études sélectionnées étaient consacrées à des contenus d’apprentissage pertinent. La pratique de récupération était réalisée individuellement par les étudiants pendant les périodes de classe sous la supervision de l’enseignant ou du chercheur.
Ils ont examiné les effets de la pratique de la récupération mis en évidence afin de clarifier les recommandations à l’intention des enseignants. Leur conclusion est claire : la pratique de la récupération profite de manière constante à l’apprentissage des élèves.
La pratique de récupération améliore l’apprentissage pour une large variété de niveaux d’éducation, de domaines de contenu et de contextes pédagogiques. Elle agit avec différentes distributions danss le temps, différents délais en lien avec le test final, et différents formats de questions et de rétroaction.
Leurs conclusions générales expliquent pourquoi les chercheurs en sciences cognitives incitent de plus en plus les enseignants à appliquer la pratique de la récupération en classe et à former leurs élèves à son utilisation dans le cadre de l’apprentissage autonome.
La pratique de récupération peut se décliner dans une variété de méthodes où l'élève est amené à aller rechercher en mémoire à long terme des connaissances précédemment apprises. Elle se concrétise, notamment dans un contexte d'enseignement par des applications en ligne proposant des questionnaires à choix multiples, des questions orales fréquentes durant les cours et des quiz et des évaluations formatives pendant les cours ou des autoévaluations à domicile.
Compte tenu de ces intérêts croissants pour la pratique de récupération, il est précieux pour une équipe d'enseignants de savoir quand et comment cette pratique améliore l’apprentissage des élèves. Il importe également de voir comment l’intégrer dans une planification de manière optimale et en lien avec d’autres facteurs et pratiques efficaces.
Nuances entre pratique de récupération et effet test
Agarwal et ses collègues (2021) proposent la définition suivante pour la pratique de récupération. La pratique de récupération est une tentative active de la part d’un élève, de se rappeler ou de reconnaître, puis de reconstruire, sa mémoire des connaissances acquises lors de l’apprentissage initial.
Ils proposent également de nuancer les concepts de pratique de récupération et d’effet test qui semblent souvent interchangeables.
Dans le sens d’une application éducative, ils proposent de privilégier l’appellation pratique de récupération pour trois raisons :
- Le terme pratique de récupération est devenu plus communément utilisé dans la littérature de recherche pour englober diverses formes de récupération au cours de l’apprentissage initial.
- La pratique de récupération en classe prend de nombreuses formes qui diffèrent de la notion typique de test :
- Ce sont par exemple des activités d’apprentissage en classe à faible enjeu ou sans enjeu, rarement qualifiées de tests comme les quiz ou la vérification de la compréhension.
- Il existe une utilisation croissante d’applications éducatives pour la pratique de la récupération, telles que Kahoot, Quizlet ou encore Wooflash, qui ressemblent très peu à des tests traditionnels.
- Troisièmement, le terme effet test crée une confusion avec des activités éducatives sans rapport, telles que les évaluations sommatives et les tests standardisés. Le processus actif de la pratique de la récupération a pour enjeux de façonner l’apprentissage, jamais de fournir un résultat de test.
Recommandations pour l’usage de la pratique de récupération
Agarwal et ses collègues (2021) proposent les recommandations suivantes :
Premièrement, les enseignants peuvent offrir des opportunités de pratique de récupération, peu importe le moment précis. Il n’y a pas de moment plus propice ou plus défavorable à partir du moment où les élèves sont testés sur ce qu’ils ont appris.
Deuxièmement, il est utile d’avoir une pratique de récupération espacée, c’est-à-dire distribuée dans le temps. Un élément significatif est que des délais plus courts (un à trois jours avant l’évaluation sommative) ont entraîné un bénéfice plus important de la pratique de la récupération en classe. Des recherches en laboratoire ont montré l’effet inverse : des délais plus longs entraînent un bénéfice plus important (Carpenter et Agarwal, 2020).
Troisièmement, l’ampleur de l’effet positif de la pratique de récupération est plus importante lorsque les formats de questions posées lors de la pratique de la récupération et du test final correspondent. Le cadre de traitement approprié au transfert peut expliquer ces résultats, où une correspondance entre le traitement initial et le traitement final favorise généralement l’apprentissage (Morris et coll. 1977).
Quatrièmement, il est important de signaler que l’effet positif de la pratique de récupération est généralement plus faible pour les expériences avec des questions de transfert ou des questions différentes. Agarwal et ses collègues (2021) recommandent les formats à choix multiples et à réponses courtes pour la pratique de la récupération, et une correspondance avec le format du test final peut être optimale pour favoriser l’apprentissage des élèves.
Cinquièmement, la pratique de la récupération améliore l’apprentissage des élèves sous des facteurs de motivation et de participation typiques en classe. Dans les études en classe, il ne semble pas que l’effet soit différent que les tests concernés soient purement formatifs ou en partie sommatifs (note constructive).
Sixièmement, lorsqu’il n’y a pas de rétroaction sur la pratique de récupération, l’effet positif devient faible ou très faible sur l’apprentissage. La pratique de récupération doit s’accompagner d’une correction et d’une rétroaction pour être efficace.
L’équité de la pratique de récupération
Une question à se poser est de savoir dans quelle mesure l’usage de la pratique de récupération en classe profite à tous les élèves et contribue à l’efficacité générale. Le risque est qu’elle ne soit profitable qu’aux meilleurs élèves et sans effet sur les élèves les plus faibles ce qui poserait un problème d’équité.
Agarwal et coll. (2016) ont examiné les effets de la pratique de récupération pour des étudiants en fonction de leur capacité de mémoire de travail.
Leur question de recherche était de voir en fonction de leur capacité de la mémoire de travail, si des individus pouvaient différer quant aux facteurs nécessaires pour tirer le plus grand profit de la pratique de récupération. Il se peut que différentes combinaisons puissent s’avérer efficaces pour différents élèves.
Leurs résultats ont été plutôt rassurants :
- La pratique de récupération a amélioré les performances de tous les étudiants, indépendamment de la rétroaction.
- La pratique de récupération avec rétroaction a produit un avantage plus important pour les étudiants ayant une capacité de mémoire de travail plus faible lorsqu’ils étaient testés après un intervalle de deux jours.
Le message à retenir est que les bénéfices différés de la pratique de récupération avec rétroaction pendant l’apprentissage sont significativement plus importants pour les étudiants ayant une mémoire de travail plus faible. Ils sont moindres pour les étudiants ayant une capacité de mémoire de travail plus élevée.
Cette constatation suggère que la pratique de la récupération pendant l’apprentissage, lorsqu’elle est accompagnée d’un retour d’information, peut servir à égaliser les chances des étudiants ayant une capacité de mémoire de travail inférieure à la moyenne.
Les résultats de la présente étude suggèrent d’importantes implications éducatives pour l’amélioration des conditions d’apprentissage pour les étudiants à faible capacité.
La pratique de la récupération peut être une stratégie d’apprentissage particulièrement efficace pour les élèves à faible capacité de mémoire de travail.
L’effet de la rétroaction sur la pratique de récupération
Une explication possible de l’effet positif de la rétroaction sur la pratique de récupération est liée au modèle de bifurcation de Kornell, Bjork et Garcia (2011).
La récupération de connaissances en mémoire à long terme produit davantage d’apprentissages que la présentation des mêmes informations. Les avantages d’une telle récupération semblent s’accroître à mesure que le délai avant un test de rappel final s’allonge.
Selon le modèle de bifurcation, les tests sans rétroaction produisent des distributions d’éléments bifurquées :
- Les éléments récupérés voient leur mémorisation renforcée.
- Les éléments non récupérés voient leur niveau de mémorisation rester faible.
Ce phénomène entraîne un écart entre les deux classes d’items.
Le fait de réétudier les éléments plutôt que de les récupérer va les renforcer tous, mais dans une moindre mesure que la récupération.
Le fait de fournir une rétroaction va permettre aux apprenants de réétudier spécifiquement les éléments non récupérés ce qui permet d’améliorer leur mémorisation et de diminuer les écarts. Cette nouvelle étude ciblée permet d’améliorer la mémorisation mieux que si elle portait sur l’ensemble des contenus. Les éléments non récupérés se retrouvent renforcés à un niveau de force de mémoire similaire à celui des éléments récupérés avec succès.
La rétroaction générée à la suite de la pratique de récupération donne l’occasion de s’engager dans un nouveau codage élaboré plus efficace afin de corriger ces erreurs lors des tests suivants.
Mis à jour le 02/02/2024
Bibliographie
Agarwal, Pooja & Nunes, Ludmila & Blunt, Janell. (2021). Retrieval Practice Consistently Benefits Student Learning: a Systematic Review of Applied Research in Schools and Classrooms. Educational Psychology Review. 33. 1-45. 10.1007/s10648-021-09595-9.
Carpenter, S. K., & Agarwal, P. K. (2020). How to use spaced retrieval practice to boost learning. http://www.retrievalpractice.org
Morris, C. D., Bransford, J. D., & Franks, J. J. (1977). Levels of processing versus transfer-appropriate processing. Journal of Verbal Learning and Verbal Behavior, 16(5), 519–533.
Agarwal, Pooja & Finley, Jason & Rose, Nathan & Roediger, Henry. (2016). Benefits from retrieval practice are greater for students with lower working memory capacity. Memory (Hove, England). 25. 1–8. 10.1080/09658211.2016.1220579.
Kornell, N., Bjork, R. A., & Garcia, M. A. (2011). Why tests appear to prevent forgetting: A distribution-based bifurcation model. Journal of Memory and Language, 65(2), 85–97. https://doi.org/10.1016/j.jml.2011.04.002
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