Voici une synthèse d’un guide d’Evidence Based Education (2022) sur l’importance des routines dans le cadre de la gestion de classe.
(Photographie : dangerousstrawberrydinosaur03)
Prendre en compte l'échelle de la classe
Notre objectif en tant qu’enseignant est que nos élèves apprennent et maîtrisent les contenus des objectifs d’apprentissage. Pour ce faire, un enseignement de qualité implique d’activer la réflexion chez les élèves sur les contenus enseignés tout en tenant compte de la gestion de la charge cognitive avec un enseignement adaptatif.
Toutefois, l’apprentissage ne se fait pas dans le vide. Les classes ne sont pas des environnements parfaitement contrôlés aux participants automatisés. L’enseignement en classe ne se gère pas comme un tutorat.
Les humains sont des êtres complexes, sociaux, qui ont des besoins, des priorités, des motivations et des intérêts parfois divergents. Les classes sont inévitablement soumises à des interruptions occasionnelles et à des distractions intempestives, que la prévention et l’anticipation de l’enseignant ne parviennent pas toujours à éviter.
Dès lors, la tâche de l’enseignant est de réunir les conditions pour que l’apprentissage ait lieu.
Pour cela, il doit tenir compte :
- Des exigences liées à l’apprentissage de la matière enseignée
- Des besoins de chaque élève, avec une cohérence à l’échelle du groupe
- De l’environnement physique de la classe.
L’apprentissage des élèves ne peut être réalisé qu’à certaines conditions :
- Ils sont présents en classe.
- Ils s’engagent dans le processus d’apprentissage.
- Ils se comportent de manière coopérative, afin de favoriser l’apprentissage, le leur, mais aussi celui de leurs camarades.
Dès lors, il parait important d’encourager un bon comportement de tous les élèves, de les définir, de les y former, d’offrir une rétroaction à son sujet et de le renforcer.
À l’opposé, le mauvais comportement d’un ou plusieurs élèves peut faire dérailler une séquence de cours ou l’atteinte d’un objectif d’apprentissage. Il s’agit de minimiser ce risque et de le gérer de manière adéquate lorsqu’il se manifeste.
L’importance du comportement en classe
Pour les élèves, le comportement désigne les actions observables ou cachées dans lesquelles ils s’engagent. Les membres du personnel scolaire ont eux-mêmes un comportement qui influe sur celui des élèves.
Le comportement est une réponse à un stimulus. Les stimuli peuvent être :
- Externes : par exemple, entendre quelqu’un parler
- Internes : par exemple, avoir faim ou avoir l’envie que quelque chose se produise.
La classe étant un milieu complexe, les élèves et l’enseignant sont constamment exposés à d’innombrables stimuli auxquels ils sont susceptibles de réagir :
- Certaines de nos réponses peuvent être des réflexes, d’autres sont réfléchies.
- Certaines de nos réponses sont innées, d’autres ont été apprises.
- Certaines de nos réponses sont habituelles, d’autres sont nouvelles.
Les comportements appris sont ceux qui ne se produisent pas naturellement, mais ont été développés par le biais d’une instruction, soit par soi-même par l’observation d’autres, soit par une instruction reçue.
Lorsqu’ils arrivent dans une école, les élèves ne connaissent pas exactement les comportements attendus. Ces attentes comportementales peuvent varier d’un établissement à l’autre. Cependant, ils peuvent les apprendre.
Avec le temps, les comportements des êtres humains s’ancrent dans leur mémoire à long terme. Ils deviennent des routines, des habitudes qui peuvent être exécutées presque sans réfléchir. Cela est vrai que ces comportements aient été enseignés de manière explicite ou qu’ils aient été acquis par l’observation.
Dans un contexte scolaire, les enseignants souhaitent que leurs élèves adoptent une panoplie de comportement qui maximise les possibilités d’apprentissage et le temps consacré à la tâche.
Dépasser la définition subjective du bon comportement en école
En tant qu’enseignants, nous pouvons avoir des idées sensées sur ce à quoi ressemble un bon comportement en classe quand nous y donnons cours.
Dans une école où une approche systémique de la gestion du comportement (comme peut l’être le soutien au comportement positif) n’a pas été développée, si nous interrogeons dix enseignants, nous pourrons obtenir autant de réponses différentes.
La notion de bon comportement est subjective, car elle est contextualisée et pour une part personnelle.
Pour sortir de cette impasse, nous devons suivre une approche qui vise l’objectivité. Dès lors, il est important de penser à la gestion de classe en fonction :
- Des stimuli présentés : quels sont les antécédents liés au comportement des élèves
- Des réponses innées et apprises des élèves : quels sont les comportements habituels dans d’autres cours et lors des années précédentes
- Des routines et des activités d’apprentissage dans lesquelles les élèves s’engagent : quels sont les comportements habituels que les élèves sont censés adopter dans le cadre considéré.
Tout comportement n’est pas acceptable et tout comportement attendu n’est pas obtenable par défaut. Un comportement repose également sur un état d’esprit internalisé qui s’établit et s’entretient au fil du temps, fondé sur la coopération, sur des attendus et des routines.
L’idée d’un bon comportement est subjective et obligatoirement biaisée. Ce qui peut être bon dans l’interprétation d’un enseignant peut différer dans celle d’un autre. Nos conceptions personnelles reposent sur nos systèmes de croyances, sur notre culture, sur la philosophie de l’enseignement à laquelle nous adhérons et sur les priorités éducatives auxquelles nous faisons face.
Avec un point de vue raisonnable et en tenant compte du contexte, il est possible pour des enseignants dans un contexte de s’entendre sur ce que serait un bon comportement observable et objectivable en classe.
Il est nettement plus complexe de définir comment l’obtenir et la maintenir chez l’ensemble des élèves.
Pour obtenir des comportements réalistes et optimaux pour l’enseignement et l’apprentissage en classe, nous devons tenir compte des principes et mobiliser des modèles issus de la science du comportement.
De plus si nous voulons de la cohésion et de la cohérence au sein d’une équipe d’enseignants, il importe que les comportements attendus se définissent en rapport avec une norme partagée. Celle-ci se construit en fonction d’un système de valeurs communes propres à la culture de l’école. Cette approche bénéficie d’une explicitation et d’une construction commune.
Distinguer le bon comportement positif et négatif
Pragmatiquement et fonctionnellement, il est intéressant de décrire le bon comportement attendu en classe dans le cadre d’un bon comportement négatif et d’un bon comportement positif.
Le bon comportement négatif :
- Il représente l’absence de manifestation du mauvais comportement.
- Les élèves se comportent de manière à ne pas perturber la classe.
- Négatif ne signifie pas mauvais, mais plutôt absence de mauvaise conduite ou perturbation.
- Une classe présentant un bon comportement négatif est une classe où les élèves ont la possibilité d’apprendre et où ils ont le temps de se concentrer sur leur travail.
Le bon comportement positif :
- Il inclut des habitudes qui aident les élèves à s’épanouir en tant qu’apprenants et en tant qu’êtres humains.
- Il ne s’agit donc pas seulement de ne pas adopter un comportement perturbateur ou de suivre les règles.
- Il s’accompagne d’une dimension de proactivité.
- Le bon comportement positif est au cœur des concepts d’opportunité d’apprentissage et de temps consacré aux tâches.
- Le bon comportement positif inclure des éléments tels qu’une classe calme et engagée dans les apprentissages. Il fait également référence à des éléments tels que l’attention, la coopération et la motivation des élèves.
Exemple au niveau de la ponctualité :
- Un bon comportement négatif verrait la ponctualité comme le fait de ne pas être en retard.
- Un bon comportement positif pourrait englober le fait :
- D’avoir préparé le travail nécessaire (devoir, préparation), revu ce qu’il y a lieu d’être et avoir son matériel et son cours en ordre.
- D’anticiper les temps de trajet, les risques de retard.
Exemples de bons comportements négatifs | Exemples de bons comportements positifs |
---|---|
Les élèves ne parlent pas pendant que l’enseignant parle. | L’attention des élèves est active et concentrée sur ce que dit l’enseignant. |
Les élèves ne sont pas en retard en classe. | Les élèves prennent l’initiative d’arriver à l’heure et d’être prêts dès l’entame du cours. |
Les élèves ne s’insultent pas. | Les élèves se respectent mutuellement et établissent des relations positives avec leurs pairs. |
Les élèves n’utilisent pas de langage grossier en classe. | Les élèves comprennent pourquoi certains mots sont offensants ou inappropriés en contexte de classe. |
Les élèves n’écrivent pas sur les tables et ne jettent pas de papiers au sol. | Les élèves sont des garants de la propreté en classe et s’assurent de son maintien. |
Favoriser le bon comportement positif
Le bon comportement positif est un ensemble complexe de compétences, de connaissances, d’habitudes et d’aptitudes.
Le bon comportement négatif retient beaucoup l’attention des enseignants. Il est souvent facile de repérer les perturbations ou les mauvais comportements. Répondre à ces stimuli demande une attention immédiate. Lorsque le mauvais comportement est éliminé, il est tentant de revenir aux autres nombreux éléments de l’enseignement et de ne pas tenir compte du bon comportement positif.
Un bon comportement positif demande un plus grand investissement en temps, en stratégies, en persévérance et en énergie.
Il constitue un investissement très rentable à long terme. Le fait de rendre ces comportements routiniers et habituels peut avoir des effets à plus long terme sur le comportement des élèves. Ils sont la voie de l’épanouissement des élèves en tant qu’apprenants et humains.
Un enseignant ne doit pas s’attendre à pouvoir inculquer instantanément un bon comportement positif à tous ses élèves. De la même manière, il ne peut pas faire en sorte que tous ses élèves apprennent instantanément l’ensemble du programme scolaire.
Les enseignants et les écoles doivent considérer qu’il s’agit d’un processus continu qui ne sera peut-être jamais achevé. Une école avec un bon comportement positif absolument parfait est probablement une utopie irréalisable, mais cela ne signifie pas que les écoles ne peuvent pas œuvrer pour s’en rapprocher.
Il existe de nombreuses stratégies différentes qu’un enseignant et une école peuvent employer pour encourager le bon comportement, quelle que soit la définition qu’ils choisissent d’en donner. Par exemple, ils peuvent définir une matrice des comportements et mettre en place un système de renforcement et de conséquences, de manière à établir des normes sociales positives. Un point essentiel est l’établissement de routines.
L’importance des routines et des bonnes habitudes
Nous devons utiliser des routines pour encourager un bon comportement positif. Par ce biais, nous misons sur les comportements acquis et l’accoutumance.
Tout comportement est une réponse à un stimulus ou à une famille de stimuli. Une réponse à un stimulus peut être innée ou apprise. Répétées au fil du temps, les réponses peuvent devenir habituelles ou presque automatiques. Les routines sont des modèles de comportement utilisés régulièrement, que ce soit dans une classe ou en général.
Les enseignants efficaces fondent leur réussite sur des routines pour aider à maximiser les opportunités d’apprentissage de leurs élèves.
Les routines permettent d’établir et de maintenir de bons niveaux de performance avec
des séquences d’événements spécifiques liées à l’enseignement et à l’apprentissage. Elles recouvrent toutes les bonnes habitudes de travail en classe et à domicile également.
Elles sont idéales pour les comportements qui sont généralement appliqués de manière uniforme à des situations similaires.
Elles gagent en efficacité à être enseignées explicitement et à être renforcées positivement avec des opportunités de pratique répétées.
Les routines sont bonnes pour encourager les bons comportements positifs attendus de manière régulière. Elles deviennent faciles à exprimer et automatiques avec le temps pour les élèves.
Des routines peuvent porter sur :
- L’entrée en classe et le début du cours.
- La remise des devoirs ou la distribution de feuilles.
- La manière de poser des questions.
- La fin et la sortie du cours.
- Etc.
Beaucoup de routines servent à la promotion du bon comportement qui permet à l’enseignant de maintenir la classe concentrée, engagée et prête à apprendre.
Bénéfices escomptés liés aux routines
Une fois que les routines ont été enseignées apprises, elles présentent certains avantages pour une classe et une école :
- Elles permettent de gagner du temps :
- L’enseignant n’a pas besoin de se répéter ou d’indiquer aux élèves ce qu’ils doivent faire.
- Les élèves n’ont pas besoin d’attendre qu’on leur dise de réaliser certaines actions, car celles-ci sont systématiques et apprises.
- Elles apportent de la cohérence :
- Elles rendent transparents la structure et le déroulement des cours.
- Les élèves ne sont pas surpris par les activités prévues et savent qu’ils peuvent s’y attendre.
- Elles préviennent les mauvais comportements :
- Elles permettent d’éliminer les temps morts et maintenir les élèves utilement occupés.
- Elles canalisent les élèves vers le comportement souhaité.
- Elles enlèvent aux élèves l’opportunité de se plaindre, de chercher des excuses ou d’échapper à leurs responsabilités.
- Elles démontrent des attentes élevées d’une manière claire et succincte.
- Ce qui est explicité dans la routine est ce qui est attendu de la part de tous les élèves.
- Par exemple, grâce à de telles routines, l’enseignant montre qu’il attend des élèves qu’ils fassent leurs devoirs et qu’ils soient attentifs dès le début du cours.
Concevoir l’enseignement explicite des routines
Les routines ne sont pas des comportements innés ni implicites. Par conséquent, pour installer de manière efficace des routines, il est essentiel de les enseigner explicitement.
Pourtant, nous sommes tous soumis aux mêmes stimuli : les sonneries de fin et de début de cours, le besoin d’aller aux toilettes, les émotions, l’envie de consulter notre téléphone, etc.
Nous devons déterminer :
- Ce que la routine doit inclure afin de maximiser les opportunités d’apprentissage.
- Les bons comportements positifs que nous essayons d’encourager.
- Les comportements indésirables que nous essayons de réduire ou d’éliminer.
- Les stimuli susceptibles de provoquer des réactions perturbatrices.
- Quand nous allons enseigner la routine.
Nous devons préparer l’enseignement explicite de la routine. Nous justifions la routine sur base des bénéfices qu’elle va permettre d’atteindre en lien avec les valeurs de l’école. Nous devons communiquez la routine en détail, y compris pourquoi elle est importante. Nous devons être clairs quant à nos attentes et aux conséquences du non-respect de la routine.
Nous devons concevoir la routine, en nous inspirant des comportements que nous souhaitons encourager ou décourager. Nous illustrons la routine d’exemples et de contre-exemples. Il est important de préciser et détailler les étapes de la routine. Toute routine comprend de nombreuses petites étapes. Avec le temps, elles s’automatisent pour constituer la routine.
Il est essentiel de faire pratiquer les étapes spécifiques de la routine avec rétroaction plusieurs fois (et pas seulement de les mentionner une seule fois) afin qu’elles soient finalement apprises.
Nous devons insister pour que la routine soit exécutée correctement et vérifier sa compréhension, comme nous le ferions pour les connaissances de base.
Par la suite, nous devons respecter les conséquences et les attentes comme prévu. Nous devons continuer à renforcer la routine, à fournir un retour d’information, comme nous le ferions pour l’apprentissage d’une connaissance du contenu.
Ensuite, nous devons nous assurer que la routine fonctionne. Nous devons constater que nos élèves s’efforcent d’adopter le bon comportement positif souhaité et que le comportement perturbateur et inutile est réduit au minimum.
Mis à jour le 12/01/2024
Bibliographie
Evidence Based Education. (2022). Student behaviour: What is 'good' behaviour and how can teachers encourage it?
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