samedi 1 avril 2023

L’intérêt d’une rétroaction élaborée dans un cadre d’évaluation formative

Voici une synthèse personnelle d’éléments de la note de Calone et Lafontaine (2023) pour la conférence de consensus du Cnesco sur l’évaluation en classe, au service de l’apprentissage des élèves.

(Photographie : Adrià Cañameras)



Rendre la note ou l’évaluation réellement constructive en l'associant à une rétroaction élaborée


Crahay (2012) défend l’idée d’une évaluation constructive incluant une rétroaction élaborée. Celle-ci amènerair l'élève à s'investir dans le correction et le suivi de ses erreur et l'amènerait à compléter ses apprentissage. 

En ce sent le caractère effectivement constructif d'une note ou d'une évaluation ne se vérifierait qu'à travers l'investissement de l'élève dans une rétroaction élaborée qui l'accompagnerait. 

Le retour d'information qui accompagne l'évaluation corrigée que récupère l'élève lui indique quoi faire. Le modèle de la note constructive favorise cette démarche.

Par ce biais, un des objectifs de cette rétroaction élaborée serait d'accroitre le sentiment d’autonomie et de contrôlabilité de l’élève sur son apprentissage. L'élève sait ce qu'il lui reste à faire pour progresser. L'enseignant se base sur son expertise pour le guider.

À l’opposé, une note chiffrée ou une correction d'évaluation qui indique les erreurs et donne les bonnes réponses se révèlent être des rétroaction pauvre en information. Elle ne permet pas à l’élève de savoir dans quelle tâches s'investir pour s’améliorer. Elle ne lui indique pas non plus les stratégies à adopter pour réguler ses apprentissages. 

Sans une rétroaction élaborée réinvestif effectivement par les élèves, il se peut qu'avec le temps, certains ne maîtrisenr pas les acquis de base alors que l’enseignant avance dans sa matière. Cela conduit inévitablement à une amplification des inégalités entre élèves performants et élèves en difficulté (Bloom, 1979).

La note chiffrée et la mise à disponibilité des bonnes réponses permettent de constater et justifier l’acquisition d’un savoir sans aider à le compléter et à le parfaire. Elles contribuent à ce que l'élève attribue son échec à des causes stables et incontrôlables (« je suis nul en maths », « le prof ne m’aime pas »). Elles ne permettent pas de soutenir aisément le besoin de compétence pour les élèves les plus faibles.

La note chiffrée incite les élèves à formuler des attributions causales dysfonctionnelles qui engendrent l’abandon plus rapide d’une activité et peut conduire sur le long terme à la résignation apprise.

La note constructive associée à une rétroaction élaborée qui guide l'élève dans son processus d'information permettent d'échapper à ces risques.



Les bienfaits erronés de la compétition 


Une croyance bien enracinée relevée par Butera (2011) et De Vecchi (2014) est que les notes permettraient aux élèves de se familiariser avec un système compétitif, ce qui les prépare à une situation courante dans le milieu professionnel. Avec des notes, nous les apprenons à faire leurs preuves et à évoluer. 

Dans cette logique, induire une dose de compétition dans l’évaluation serait bénéfique. Cela contribuerait à préparer les élèves à la réalité du monde professionnel et de la vraie vie. 

Cette croyance est en port à faux avec la mission même de l’école qui est de faire apprendre. De plus, de nombreuses études réfutent l’intérêt de la compétition et mettent en évidence des effets néfastes pour l’apprentissage, qui tendent à diminuer les performances.

La compétition favorise des comportements antisociaux comme la tricherie, valorise la performance plutôt que la maîtrise. Elle peut renforcer la peur de l’échec et accroitre les écarts entre élèves performants et élèves faibles.



La perspective d’une note motiverait les élèves à apprendre


La perspective d’une note motiverait les élèves à apprendre. La note serait en quelque sorte une forme de salaire de l’élève. Sans elle, de nombreux élèves ne daigneraient pas s’investir sérieusement dans l’apprentissage. La note agirait comme une carotte ou un bâton permettant à l’élève de se mettre au travail efficacement. 

De Vecchi (2014) a développé cette question. Si la note peut être stimulante pour les élèves les plus performants, elle serait au contraire préjudiciable pour la motivation des élèves en difficulté. Dès lors, une question se pose :
  • Doit-on valoriser l’élève déjà performant, contribuant ainsi à la constitution d’une élite ? 
  • Doit-on porter les efforts sur les plus faibles et adapter la manière d’évaluer pour éviter de les stigmatiser davantage ? 
De nombreuses recherches montrent l’occurrence de tels phénomènes. Il existe un effet délétère de l’évaluation normative sur l’intérêt des élèves à apprendre. Les notes renforceraient des stratégies d’études superficielles et seraient par ailleurs source d’anxiété. 

Il est également intéressant de s’interroger sur ce qui pousse l’élève à travailler davantage dans un système compétitif. S’agit-il de montrer sa performance ou éviter de montrer son incompétence ? Dans quelle mesure est-ce que l’enjeu de la note ne va pas détourner une partie des ressources en mémoire de travail si celle-ci génère de l’inquiétude ?

Dans une étude, Kim et ses collaborateurs (2010) ont mis en évidence l’effet modérateur de la compétence perçue et de la poursuite de buts d’approche de performance sur les réactions cognitives et affectives des étudiants. 

Ces chercheurs ont étudié l’activité du cerveau d’étudiants grâce aux images IRM dans deux conditions :
  • Lorsqu’ils reçoivent une rétroaction normative (note chiffrée)
  • Lorsqu’ils reçoivent une rétroaction critériée (rétroaction élaborée)

Ils ont mis en évidence les résultats suivants :
  • Les élèves se sentant compétents prêtent davantage attention aux notes. Ils les voient comme une information diagnostique sur leur compétence, ces élèves ne semblent pas prêter une attention particulière à la rétroaction critériée, car sa valeur ajoutée est faible pour eux. 
  • Les élèves ayant un faible sentiment de compétence prêtent davantage d’attention à la rétroaction critériée qu’ils voient comme une information diagnostique sur leur compétence, car sa valeur ajoutée est élevée pour eux.
Au-delà de la préférence, nous pouvons nous intéresser à l’impact :
  • Les élèves poursuivant des buts d’approche de la performance et qui ont une bonne perception de leur compétence, même s’ils prêtent davantage attention aux notes, ressentent négativement la rétroaction normative. Elle est associée à une peur de l’échec. 
  • Cet effet négatif est décuplé chez les élèves poursuivant des buts d’approche de la performance et ayant en plus une faible estime de leur compétence.

Pulfrey et ses collaborateurs (2011) expliquent que le problème de la note est qu’elle s’accompagne d’un haut degré d’incertitude sur les critères de réussite liés à l’évaluation. Cet effet est accru lorsque l’enjeu est présenté comme important. Les élèves semblent ressentir moins de maîtrise sur leur note que lorsque l’évaluation est critériée.

Kim et ses collaborateurs (2010) concluent que les individus qui sont habitués au succès ne sont pas aussi négativement affectés par la note que les individus faisant régulièrement face à l’échec. 

Au moment de recevoir leur note, les individus poursuivant des buts de performance sont particulièrement anxieux. Cet effet négatif est encore plus perceptible chez les individus qui ont un sentiment de compétence faible, pour lesquels la note est une source importante d’anxiété. 



Une vue d’ensemble des conséquences néfastes de l’évaluation normative


La conclusion générale de la recherche est que la note utilisée dans une perspective normative fournit une rétroaction préjudiciable pour l’apprentissage et la motivation des élèves. 

Cet effet est accentué pour les élèves les plus en difficulté. Il peut contribuer à accroitre les différences. 

L’utilisation régulière de cette pratique peut s’expliquer par le fait que les notes ont l’avantage de fournir une information brève, rapide et générale sur la performance d’un élève (Lipnevich & Smith, 2009). Pour un enseignant, il est plus rapide de fournir une note qu’une rétroaction élaborée.


Calone et Lafontaine (2023) proposent la synthèse systémique illustrant les conséquences de l’évaluation normative : 


 Mis à jour le 21/12/2023


Bibliographie


Calone, A. & Lafontaine, D. (2023). L’impact des différents types de feedbacks en contexte de classe. Cnesco-Cnam.

Crahay, M. (2012). L’école peut-elle être juste et efficace ? De l’égalité des chances à l’égalité des acquis. De Boeck. 

Bloom, B. S. (1976). Human characteristics and school learning. New York, NJ: Mc Graw-Hill. Traduit en français par V. De Landsheere en 1979 sous le titre Caractéristiques individuelles et apprentissages scolaires. Bruxelles : Labor; Paris : Nathan.

Butera, F. (2011). La menace des notes. In Butera, F., Buchs, C. & Darnon, C. (éds.), L’évaluation, une menace ? (pp. 45-55). Presses universitaires de France. 

De Vecchi, G. (2014). Évaluer sans dévaluer. Hachette éducation. 

Kim, S.-I., Lee, M.-J., Chung, Y., & Bong, M. (2010). Comparison of brain activation during norm- referenced versus criterion-referenced feedback: the role of perceived competence and performance approach goals. Contemporary Educational Psychology, 35(2), 141–152. https://doi.org/10.1016/j.cedpsych.2010.04.002 

Pulfrey, C., Buchs, C. & Butera, F. (2011). Why Grades engender Performance-Avoidance Goals: The Mediating Role of Autonomous Motivation. Journal of Educational Psychology, 103 (3), 683–700. https://doi.org/10.1037/a0023911 

Lipnevich, A. A. & Smith, J. K. (2009). Effects of Differential Feedback on Students’ Examination Performance. Journal of Experimental Psychology, 15(4), 319–333. https://doi.org/10.1037/a0017841

0 comments:

Enregistrer un commentaire