La mise en œuvre de l’accompagnement (ou coaching, les deux termes sont considérés comme équivalents dans l’article) pédagogique en école nécessite de multiples éléments complémentaires pour être réussie. Une synthèse de l’article de Steve Farndon (2021)
(Photographie : Ewan Telford)
Visées de l’accompagnement pédagogique
Les directions des écoles doivent consentir à un investissement initial et continu important pour mettre en œuvre correctement l’accompagnement pédagogique. Les résultats en matière de développement des enseignants et d’apprentissage des élèves auront alors toutes les chances d’être à la hauteur des efforts consentis.
Le coaching pédagogique est théoriquement prometteur en tant que seule forme de développement professionnel qui affecte de manière fiable les résultats des élèves (Kraft et coll., 2018).
L’accompagnement pédagogique peut jouer un rôle central dans le développement professionnel des enseignants en les aidant à comprendre et à appliquer de nouvelles approches pédagogiques dans le contexte spécifique de leurs classes et de leur école.
La mise en œuvre de l’accompagnement pédagogique n’est pas simple, car certaines questions en lien avec son efficacité ne sont pas complètement identifiées :
- Comment faire des enseignants des accompagnateurs compétents ?
- Comment définir ce que nous entendons par un bon enseignement ?
- Comment l’école peut-elle soutenir le coaching pédagogique ?
Une pratique délibérée en soutien à l’apprentissage professionnel
Un élément essentiel sur lequel se concentrer lors de l’introduction du coaching pédagogique est la pratique délibérée.
Les coachs pédagogiques peuvent utiliser des principes tirés de la pratique délibérée pour isoler les caractéristiques clés de la pratique d’enseignement experte à laquelle ils veulent former des enseignants. Ils les décomposent en éléments individuels, les modélisent pour les enseignants et conçoivent des activités pratiques pour les enseignants formés.
Les coachs pédagogiques font pratiquer par les enseignants ces éléments individuels en dehors de la classe. Ce faisant, ils peuvent rendre le processus d’amélioration plus facile à gérer pour les enseignants. Les enseignants peuvent ainsi obtenir un retour immédiat sur leurs performances. Cela les aide à développer leur fluidité sans les distractions inhérentes et la pression liée à l’enseignement en direct avec les élèves.
Cet aspect est potentiellement important pour le développement professionnel. Il est prouvé que même lorsque les enseignants veulent changer leurs pratiques en classe, ils ont du mal à le faire parce qu’ils risquent de retomber plutôt dans leurs routines.
Il a été démontré que le fait de bénéficier d’un accompagnement pédagogique a un impact important sur la performance des enseignants dans des pratiques spécifiques en classe. Cet impact est beaucoup plus réduit lorsque les enseignants se contentent d’une simple réflexion sur ce qui a bien fonctionné et sur ce qui pourrait être amélioré.
La pratique délibérée aide les enseignants à surmonter certaines des frustrations liées à la volonté de mettre en œuvre de nouvelles stratégies avec leurs élèves, et à la difficulté de surmonter leurs habitudes existantes.
Les coachs doivent être capables :
- De fournir des modèles des principales stratégies d’enseignement qu’ils souhaitent que leurs enseignants mettent en pratique
- De concevoir des opportunités de pratique qui se rapprochent des conditions propres aux classes elles-mêmes.
C’est une dimension que même les formateurs d’enseignants à temps plein ont du mal à réaliser. Dès lors, la formation des coachs est essentielle :
- Ils ont accès à des modèles de ce qu’ils visent lorsqu’ils accompagnent.
- Ils ont le temps de se les approprier, de les examiner et de les adapter au fur et à mesure que leurs objectifs d’accompagnement se développent.
- Ils développent une idée claire de la performance cible que les enseignants formés cherchent à atteindre.
- Ils sont capables de soutenir le changement de comportement des enseignants qu’ils accompagnent par une pratique délibérée.
Compétences des accompagnateurs pédagogiques
Les connaissances des coachs sont différentes de celles des enseignants, car ils doivent décomposer les pratiques que la plupart des enseignants ont rendues automatiques et relier chaque étape à des théories et modèles d’apprentissage plus approfondis.
Lorsque les accompagnateurs pédagogiques apprennent leur métier, ils développent simultanément deux types de connaissances :
- Des connaissances explicites sur les pratiques d’enseignement et les théories qui y sont liées.
- Des connaissances sur la manière de faciliter la pratique délibérée.
Il pourrait sembler possible d’accélérer le développement de la connaissance de l’enseignement en fournissant aux formateurs des ouvrages de référence détaillés qui décrivent cette connaissance explicite.
Cela pose deux problèmes :
- Les connaissances des coachs doivent aller au-delà de la simple description des stratégies et inclure les mécanismes qui sous-tendent l’apprentissage
- Les techniques décrites doivent probablement être adaptées à la culture et au contexte d’une école particulière.
Définir des objectifs du coaching en fixant des priorités pour l’ensemble de l’école
Les chefs d’établissement doivent reconnaitre que le coaching pédagogique n’est pas une intervention autonome visant à améliorer l’enseignement et l’apprentissage.
Le coaching pédagogique est une approche efficace pour former les enseignants à de nouvelles pratiques définies. Par conséquent, il est indispensable que la direction ait réfléchi très sérieusement aux contenus proposés aux enseignants.
Les objectifs définis deviennent un élément central d’un coaching pédagogique efficace que les coachs vont considérer dans leurs modélisations, dans leurs conceptions des opportunités de pratiques et dans un retour d’information précis.
Les coachs peuvent avoir du mal à équilibrer les demandes simultanées d’apprentissage pour faciliter à la fois la pratique délibérée et l’apprentissage de connaissances explicites sur l’enseignement, même lorsqu’ils disposent de ressources de soutien.
Si trop d’exigences sont imposées aux coachs à un stade précoce, la qualité de leur accompagnement en souffrira. Une solution consiste à limiter l’objectif du coaching en fixant des priorités pour l’ensemble de l’école.
L’organisation et le format de ces priorités pour l’ensemble de l’école devraient être une priorité pour les directions lorsqu’elles introduisent le coaching pédagogique.
Dans la plupart des cas, la prescription stricte d’un ensemble de techniques d’enseignement approuvées a peu de chances d’améliorer l’enseignement. Une exception à cette règle pourrait être une école qui souffre d’un mauvais comportement et d’un manque de routines. Dans ce cas, un ensemble de routines scolaires partagées et un coaching sur celles-ci pour assurer la cohérence peuvent avoir des avantages pour prévenir le mauvais comportement. C’est dans cette direction que s’engage le soutien au comportement positif.
Flexibilité et modèles mentaux experts
Il y a un danger important à concentrer le coaching pédagogique autour de techniques d’enseignement individuelles et spécifiques. Ce faisant, nous limitons la capacité des enseignants à les utiliser de manière flexible pour répondre aux besoins de leurs élèves.
Une alternative est de centrer l’apprentissage des enseignants sur les problèmes persistants qu’ils rencontrent dans leur établissement.
Nous devons nous concentrer sur les défis rencontrés par les enseignants, plutôt que directement sur nos solutions. Nous devons aider les enseignants en recherche à apprendre à réfléchir stratégiquement à la façon dont leurs actions répondent à un objectif plus large. Nous ne devons pas leur demander de se concentrer sur la façon de mimer un ensemble d’actions que nous pourrions leur proposer d’emblée.
Le coaching pédagogique s’expose à un risque. C’est l’utilisation de la modélisation et de la pratique pourrait facilement conduire à une imitation non critique et non flexible.
La flexibilité, lorsqu’elle est bien prise en compte représente une explication forte de l’efficacité du coaching pédagogique. Il peut conduire au développement de modèles mentaux plus experts.
Nous offrons aux enseignants la possibilité d’expérimenter une gamme de stratégies d’enseignement qui répondent à un défi d’enseignement auquel ils sont confrontés. Par ce biais, ils enrichissent leur répertoire d’enseignement tout en développant leur compréhension du comment, quand et pourquoi ces stratégies pourraient être utilisées.
Cette flexibilité est une caractéristique de l’expertise.
Un processus de diagnostic pour augmenter l’efficacité du coaching pédagogique
Une manière pour les directions de soutenir la démarche de coaching pédagogique est d’utiliser les processus d’amélioration de l’école pour identifier un problème persistant qui touche la plupart de leurs élèves, et donc de leurs enseignants. Cette démarche permet de restreindre les définitions larges initiales des problématiques en des diagnostics plus délimités et factuels.
La direction de l’établissement consulte le personnel sur les symptômes relatifs à l’apprentissage des élèves qu’ils observent dans leurs classes et ceux-ci peuvent ensuite être utilisés pour identifier un problème persistant plus large.
Les chefs d’établissement doivent ensuite donner le temps à leur équipe de pilotage et de coaching pédagogique pour rechercher des stratégies fondées sur des données probantes. Celles-ci leur permettent de s’attaquer au problème persistant et de générer des modèles spécifiques à une matière ou à une phase qui peuvent être utilisés pendant le coaching.
En travaillant de cette manière, les directions soutiennent le développement de leurs coachs pédagogiques en réduisant les aspects de l’enseignement pour lesquels ils doivent développer des connaissances explicites.
Le risque de cette approche est de réduire l’autonomie des enseignants en limitant le coaching au même problème persistant pour tous.
Ce risque peut être surmonté en donnant aux enseignants une autonomie quant à l’orientation de leur coaching dans le cadre du problème persistant plus large. Les solutions et l’objet pratique du coaching pédagogique apparaissent au terme du processus de réflexion et non d’emblée.
L’objet pratique du coaching pédagogique vient répondre de façon spécifique à ce qui a été déterminé comme utile dans le processus de diagnostic.
Créer une culture de soutien et de collaboration dans le cadre du coaching pédagogique
Lorsque les chefs d’établissement veulent introduire le coaching pédagogique, ils doivent tenir compte de la manière dont il peut modifier la culture de l’établissement en matière de développement professionnel.
L’accent est mis sur l’amélioration progressive continue qui est la responsabilité conjointe de l’enseignant et du coach. Lorsqu’il est bien mis en œuvre, il peut créer le type d’environnement de soutien qui s’avère faciliter l’amélioration des enseignants (Kraft et Papay, 2014).
Cet objectif recouvre toutefois un problème circulaire. Pour que le coaching soit bien adopté au départ, les chefs d’établissement doivent créer une culture dans laquelle le personnel se sent suffisamment en sécurité pour partager honnêtement ses pratiques en classe.
Un amorçage est par conséquent nécessaire. Les décisions des chefs d’établissement aux premiers stades peuvent donner le ton :
- Choisir des coachs qui ont la crédibilité et les compétences interpersonnelles nécessaires pour établir la confiance et les rapports nécessaires à des relations de coaching réussies.
- Séparer la gestion des performances des responsabilités de coaching, de manière à ce que le coach ne soit jamais juge et partie.
- Fournir suffisamment de temps et de ressources pour soutenir le coaching sont des prérequis importants.
Une stratégie utile pour créer une dynamique autour du coaching consiste à demander aux membres du personnel particulièrement forts et influents d’être coachés en premier. Leur sélection montre que le coaching ne vise pas à soutenir les enseignants en difficulté, mais tous. Leur expérience positive du coaching pourrait encourager les autres à s’impliquer.
Vers une culture d’ouverture et d’apprentissage en matière de coaching
L’enjeu derrière tout ceci est le développement d’une véritable culture d’ouverture et d’apprentissage en matière de coaching.
Il est important que les directions s’engagent réellement avec tous les enseignants pour comprendre leurs façons actuelles de s’attaquer au problème persistant identifié. Cela permet un dialogue professionnel ouvert sur la façon dont les nouvelles approches suggérées peuvent être intégrées dans les répertoires existants des enseignants.
Les chefs d’établissement doivent être prêts à répondre aux points de vue et aux préoccupations de leur personnel, en apportant potentiellement des modifications importantes à leurs plans initiaux pour accroître la confiance du personnel.
Un obstacle culturel que les dirigeants peuvent rencontrer est la résistance du personnel à l’observation de leurs cours. Il s’agit souvent d’un héritage des systèmes d’observations à enjeux élevés. Pour surmonter cet obstacle, les coachs doivent éviter de suggérer des jugements sur les enseignants et assumer la responsabilité conjointe de la réussite du coaching.
Il est particulièrement efficace que les coachs soient prêts à admettre que leur session de coaching peut être responsable des difficultés des enseignants à intégrer de nouvelles pratiques.
Dans les écoles où le coaching est implanté avec succès, les dirigeants lui donnent la priorité sur toute autre activité. Tous les coachs sont clairs sur le fait qu’il ne doit pas être annulé, sauf en cas de maladie. Les dirigeants de l’école prévoient du temps libre pour que les enseignants et les coachs puissent s’engager dans le coaching et pour le développement des coachs.
Les aspects culturels restent tout aussi importants une fois le coaching introduit. Les dirigeants doivent communiquer sur le coaching et son objectif avec clarté, afin que les membres du personnel comprennent de manière cohérente ce qu’ils font et pourquoi.
Les dirigeants efficaces donnent également l’exemple de l’engagement dans le coaching en étant eux-mêmes coachés et en partageant ouvertement ce sur quoi ils travaillent et ce qui leur pose problème.
En s’engageant dans leur propre apprentissage de manière visible et ouverte, les dirigeants peuvent gérer les préoccupations des enseignants concernant la pratique de l’enseignement en dehors de leur classe. La modélisation par les leaders transmet un message fort, à savoir que chacun peut modifier et améliorer sa pratique, et créer une culture d’ouverture et d’apprentissage.
Mis à jour le 14/12/2023
Bibliographie
Steve Farndon, Implementing instructional coaching: a guide for school leaders, Impact, September 2021, https://impact.chartered.college/article/implementing-instructional-coaching-school-leaders/
Kraft MA, Blazar D and Hogan D (2018) The effect of teaching coaching on instruction and achievement: A meta-analysis of the causal evidence. Review of Educational Research 88(4): 547–588.
Kraft MA and Papay JP (2014) Can professional environments in schools promote teacher development? Explaining heterogeneity in returns to teaching experience. Educational Evaluation and Policy Analysis 36(4): 476–500.
0 comments:
Enregistrer un commentaire