(Photographie : Teppei Takahashi)
Six dimensions pour évaluer la qualité d’un enseignement
Comme le mettent en évidence Robert Coe et ses collaborateurs (2014), six dimensions communes, suggérées par la recherche, méritent d’être prises en compte lors de l’évaluation de la qualité de l’enseignement.
Des données probantes démontrent que le fait d’y être attentif est susceptible d’améliorer les résultats des élèves.
Un enseignement de bonne qualité comportera probablement une combinaison de ces attributs manifestés à différents moments. Les meilleurs enseignants sont ceux qui démontrent toutes ces caractéristiques dans leur pratique en classe :
- La connaissance du contenu pédagogique (il existe des preuves importantes de l’impact sur les résultats des élèves) :
- Les enseignants les plus efficaces ont une connaissance approfondie des matières qu’ils enseignent. Lorsque leurs connaissances tombent en dessous d’un certain niveau, cela constitue un obstacle notable à l’apprentissage des élèves.
- En plus d’une bonne compréhension de la matière enseignée, les enseignants doivent également :
- Comprendre la façon dont les élèves abordent les contenus enseignés.
- Être en mesure d’évaluer la pensée, le raisonnement et les stratégies mobilisées par les élèves.
- Identifier les conceptions erronées courantes des élèves.
- La qualité de l’enseignement (il existe des preuves importantes de l’impact sur les résultats des élèves), qui comprend :
- Un questionnement efficace
- La mobilisation des stratégies de l’évaluation formative pour soutenir l’apprentissage
- Des pratiques spécifiques comme :
- La révision des apprentissages antérieurs
- La présentation de réponses modèles aux élèves.
- L’octroi d’un temps suffisant pour la pratique afin d’intégrer les compétences en toute sécurité.
- L’introduction progressive de nouveaux apprentissages avec un étayage adéquat.
- Le climat de la classe (il existe des preuves modérées de l’impact sur les résultats des élèves)
- Qualité des interactions entre les enseignants et leurs élèves
- Attentes élevées exprimées par les enseignants
- Reconnaissance de l’estime de soi des élèves (auto-efficacité, perceptions de compétence)
- Attribution de la réussite des élèves à l’effort (développable) plutôt qu’à la capacité (fixe)
- Valorisation de la résilience des élèves face aux erreurs, difficultés et échecs.
- Une gestion de classe pour maximiser l’apprentissage (il existe des preuves modérées de l’impact sur les résultats des élèves). Cela se traduit par la capacité d’un enseignant à :
- Utiliser efficacement le temps imparti.
- Coordonner les ressources et l’espace de la classe.
- Gérer le comportement des élèves à l’aide de règles claires qui sont appliquées de manière cohérente.
- Les croyances de l’enseignant (il existe certaines preuves de l’impact sur les résultats des élèves)
- Les raisons pour lesquelles les enseignants adoptent des pratiques particulières.
- Les objectifs qu’ils visent à atteindre.
- Leurs modèles théoriques sur ce qu’est l’apprentissage, et comment il se produit.
- Leurs modèles conceptuels sur les propretés et la fonction de l’enseignement face aux processus d’apprentissage
- Les comportements professionnels (il existe certaines preuves d’impact sur les résultats des élèves) comme :
- La réflexion et le développement lié à sa propre pratique professionnelle
- La participation au développement professionnel
- Le soutien et la collaboration avec les collègues
- L’établissement de liens et la communication avec les parents.
Six approches pour évaluer la qualité d’un enseignement
Ces six approches peuvent théoriquement nous permettre de saisir, d’identifier et d’évaluer ce qu’est un enseignement efficace et de le distinguer d’un enseignement moins efficace.
Cependant, seules trois approches d’évaluation des enseignants semblent faire preuve d’une validité modérée en matière de mise en évidence de l’efficacité :
1. L’observation en classe par des pairs, la direction ou des évaluateurs externes compétents :
- Les observations des enseignants sont principalement utiles dans le cadre d’un processus formatif :
- L’enjeu est d’en faire un outil de développement professionnel en soutenant les enseignants en tant qu’apprenants, réfléchis et autodirigés.
- Cette démarche s’oppose à une évaluation ou une appréciation à enjeux élevés à portée plus sommative où est jugée la qualité de la prestation de l’enseignant à un moment donné.
- L’observation peut être efficace lorsqu’elle est entreprise dans le cadre d’un exercice de collaboration entre pairs.
- Il est également nécessaire qu’il y ait un défi correspondant à la pratique délibérée d’une nouvelle stratégie pour laquelle l’enseignant tâche d’acquérir la maîtrise.
- La définition d’un objectif précis gagne à impliquer un observateur dont l’expertise est reconnue dans le domaine observé.
- L’observation fonctionne mieux quand ce qui est observé est clairement défini et fait l’objet d’un suivi et d’une rétroaction.
- Dans ce cadre, des niveaux de fiabilité acceptables pour des objectifs à faible enjeu peuvent être atteints par l’utilisation de protocoles d’observation de haute qualité.
- Ces protocoles comprennent le recours à des observateurs ayant reçu une formation spécifique et la mise en commun des résultats des observations de plusieurs observateurs de plusieurs leçons.
- Un exemple de ce type de démarche est celui de la mise en œuvre du soutien au comportement positif, qui se base sur le suivi de l’évolution de différents indicateurs objectivant les améliorations. L’analyse des résultats peut amener à des ajustements du dispositif.
- Les modèles à valeur ajoutée vont déprendre essentiellement de la disponibilité de bonnes mesures des résultats (pertinents, valides et fiables). Ceux-ci sont fonction également de la taille et de l’hétérogénéité des échantillons.
- Les résultats obtenus peuvent être très sensibles à certains choix essentiellement arbitraires concernant les variables à inclure et les hypothèses qui sous-tendent les modèles.
- La difficulté du processus est que les estimations de l’efficacité pour les enseignants individuels ne sont que modérément stables d’une année à l’autre et d’une classe à l’autre. Cependant, il semble qu’au moins une partie de ce qui est saisi par les estimations de la valeur ajoutée reflète l’impact réel d’un enseignant sur l’apprentissage des élèves.
- À première vue, la collecte des évaluations des élèves devrait être une source facile et peu coûteuse avec un échantillon large de bons commentaires (pertinents, fiables et valides) sur les comportements d’enseignement. Avec les élèves, nous disposons d’un éventail d’observateurs qui peuvent s’appuyer sur l’expérience de nombreuses leçons.
- La validité de ces mesures a été démontrée dans des contextes spécifiques par leur utilisation dans les écoles et, plus largement, dans l’enseignement supérieur.
- Toutefois, si ces observations permettent de mettre en évidence l’adoption de pratiques, il apparait que les élèves sont de mauvais évaluateurs de la quantité et de la qualité des apprentissages générés par l’enseignant. Pourtant, c’est le paramètre recherché.
Les trois autres approches semblent ne pouvoir générer que peu de preuves pour l’évaluation de la qualité de l’enseignement et ne sont pas suffisantes pour évaluer la qualité de l’enseignement :
4. Le jugement ou l’opinion du chef d’établissement.
5. Les rapports effectués par les enseignants eux-mêmes.
6. L’analyse des supports de cours ou des documents administratifs des enseignants
5. Les rapports effectués par les enseignants eux-mêmes.
6. L’analyse des supports de cours ou des documents administratifs des enseignants
En conclusion, si nous voulons évaluer la qualité de l’enseignement, les observations en classe paraissent être la meilleure option. Cependant, elles gagnent à se faire avant tout avec une portée formative dans le cadre de l’adoption de nouvelles pratiques au sein d’une équipe éducative.
L’évaluation des gains d’apprentissage peut refléter de bonnes pratiques et apporter des informations utiles sur l’impact généré, mais ils sont soumis à de nombreuses variables.
L’opinion des élèves peut apporter un éclairage supplémentaire, car ils sont des témoins privilégiés, mais elle est à considérer toujours avec un certain recul.
Utiliser un cycle d’observation et de rétroaction dans le cadre d’un développement professionnel
Une étude de Timperley (et coll., 2007) décrit un cycle de construction des connaissances, c’est-à-dire une boucle d’observation et de rétroaction pour les enseignants, associée à l’amélioration des résultats de leurs élèves.
Ils se basent sur le postulat que ce qui se passe dans la boîte noire de l’apprentissage des enseignants est fondamentalement similaire à l’apprentissage des élèves. De fait, leurs conclusions suggèrent que l’apprentissage des enseignants peut avoir un impact considérable sur les résultats de leurs élèves.
La boucle d’observation et de rétroaction devrait être structurée explicitement pour fonctionner comme une opportunité d’apprentissage professionnel continu. Elle permet de travailler concrètement à l’impact, c’est-à-dire à l’amélioration des résultats des élèves.
Elle permet de se découpler du risque que les enseignants s’améliorent principalement et généralement au cours de leurs 3 à 5 premières années, puis plafonnent.
Au contraire, les enseignants travaillant dans des écoles où l’environnement professionnel est plus favorable peuvent continuer à s’améliorer de manière significative après trois ans. À l’opposé, les enseignants des écoles les moins favorables auront en fait perdu de leur efficacité.
L’apprentissage professionnel durable a une plus forte probabilité de se produire quand :
- L’accent est clairement maintenu sur l’amélioration des résultats des élèves.
- Le retour d’information est lié à des objectifs clairs, spécifiques et stimulants pour l’enseignant qui en bénéficie.
- L’attention est portée sur l’apprentissage professionnel plutôt que sur la personne ou sur les comparaisons avec d’autres enseignants.
- Les enseignants sont encouragés à être des apprenants indépendants en permanence.
- Le retour d’information est assuré par un mentor (expert) dans un environnement de confiance et de soutien.
- Un environnement d’apprentissage et de soutien professionnels est favorisé et soutenu par la direction de l’école.
Mis à jour le 06/09/2023
Bibliographie
Robert Coe, Cesare Aloisi, Steve Higgins and Lee Elliot Major, What makes great teaching, 2014
Timperley, H., Wilson, A., Barrar, H. & Fung, I. (2007) Teacher professional learning and development: Best evidence synthesis iteration. Wellington, New Zealand: Ministry of Education. http://www.educationcounts.govt.nz/publications/series/2515/15341
0 comments:
Enregistrer un commentaire