lundi 7 février 2022

Établir, maintenir et rétablir la relation avec chacun de nos élèves

 L’approche EMR (établir, maintenir et rétablir) consiste à se concentrer intentionnellement sur les élèves avec lesquels il est le plus difficile d’entrer en contact et qui peuvent avoir le plus besoin d’établir une relation cohérente et positive.

(Photographie : Feverieiro



L’importance des compétences socioémotionnelles


Dans un contexte scolaire, il est évident qu’il est essentiel de se concentrer sur l’enseignement des contenus appartenant aux cours de base traditionnels. Il peut également être utile de s’intéresser aux compétences socioémotionnelles des élèves.

Nous ne pouvons supposer que les élèves devraient mieux savoir comment se comporter en classe.

Le fait est que les élèves ne savent pas toujours à quoi correspondent des compétences relationnelles solides et saines. 

Cependant, peu importe les programmes ou démarches visant à développer ces compétences socioémotionnelles. La principale façon dont nous pouvons efficacement enseigner aux élèves ces compétences socioémotionnelles est de leur donner nous-mêmes l’exemple.

L’existence de relations solides entre enseignants et élèves est un aspect fondamental d’une expérience scolaire positive et réussie. Cela est vrai pour les élèves comme pour les enseignants, et contribue au bien-être de tous. 

Lorsque le comportement d’un ou de plusieurs élèves en classe laisse à désirer, les relations ne peuvent pas bien s’établir ou se maintenir avec un enseignant. À l’opposé, lorsque le comportement des élèves est excellent, de meilleures relations se nouent avec leurs enseignants.

Il existe une certaine corrélation entre le comportement des élèves et la qualité des relations interpersonnelles. 

L’hypothèse est que des changements intentionnels dans la qualité de la relation entre l’enseignant et ses élèves peuvent influencer positivement le comportement des élèves en classe. 

Certains élèves peuvent représenter un certain challenge et continuer à être source de perturbation malgré les interventions d’ordre général ou universel. Ces élèves sont plus susceptibles d’avoir des relations difficiles avec leurs enseignants. Des interventions plus spécialisées, de niveau 2 dans la perspective d’une réponse à l’intervention, vont être nécessaires. 



Le rôle médiateur de la relation dans un contexte scolaire


La plupart des élèves passent plus de temps pendant la semaine avec leurs enseignants qu’avec tout autre adulte dans leur vie, en dehors de leur famille. Or, les relations sont importantes en tant que construction fondamentale de l’identité humaine. Les relations à l’intérieur de l’école sont par conséquent potentiellement importantes pour le développement socioémotionnel des élèves.

Les facteurs liés à la relation enseignant-élève permettent de prédire les résultats des élèves séparément des caractéristiques individuelles des élèves et des enseignants.

Une relation positive entre les enseignants et leurs élèves :
  • Constitue un facteur de protection pour les élèves vulnérables.
  • Améliore le développement socioémotionnel et comportemental des élèves.
  • Est associée à un meilleur rendement scolaire. 
  • Protège contre l’épuisement professionnel des enseignants.

Les résultats de certaines études suggèrent que la qualité de la relation enseignant-élève a un impact direct sur le rendement scolaire des élèves. Les résultats d’autres recherches indiquent que l’engagement scolaire est le mécanisme par lequel la relation enseignant-élève influence le rendement scolaire des élèves. 

L’engagement scolaire est le médiateur du lien entre le sentiment d’appartenance des élèves et leur rendement scolaire. Ainsi, les relations positives entre les enseignants et les élèves semblent avoir un impact sur les résultats d’apprentissage grâce à un plus grand engagement scolaire. 

Une relation négative avec un enseignant est un facteur de risque connu pour des problèmes de comportement et de mauvais résultats scolaires.

Les relations entre les élèves et les enseignantes et enseignants sont établies par leurs interactions. 

Non seulement c’est la qualité des interactions qui compte, mais aussi les perceptions et les sentiments internes d’une personne envers une autre, comme l’appartenance, la confiance ou la connexion.

Agir spécifiquement sur le caractère positif de la relation pour le développer est susceptible d’améliorer non seulement la relation, mais également le comportement :
  • Cela peut pour certains élèves, les amener à se sentir valorisés. 
  • Cela contribue à donner à un élève l’occasion de sentir qu’il y a un adulte de confiance qui se soucie de lui. 
  • L’élève est plus susceptible de partager ses inquiétudes ou ses préoccupations.

Au niveau d’une école, afin d’améliorer leur comportement, il serait possible d’identifier les élèves qui n’ont peut-être pas de relations positives à l’intérieur de celle-ci avec un adulte. Souvent, ils ne répondent pas positivement aux mesures d’ordre général. Dans un second temps, des actions peuvent être entreprises dans le but d’améliorer spécifiquement leurs relations avec les enseignants.



Renforcer l’appartenance à l’école par la dimension de la relation


L’appartenance est un besoin humain fondamental et une condition essentielle à un développement sain. L’appartenance sociale représente le sentiment d’appartenance d’une personne à un milieu social, comme une classe.

L’appartenance sociale est liée, mais distincte du concept d’attachement. L’appartenance sociale représente une construction malléable qui peut être ciblée dynamiquement par des pratiques axées sur les relations stratégiques. 

À ce titre, il peut être impératif que les enseignants s’engagent dans des interactions stratégiques afin d’établir des relations avec des élèves pour qui l’incertitude ou la méfiance peuvent être présentes.

De plus, une fois qu’un sentiment d’appartenance et de connexion est établi, il est important pour les enseignants de maintenir une relation positive par le biais d’interactions positives répétées.

Le sentiment d’appartenance des élèves peut être compromis par des interactions négatives avec les adultes, et il est essentiel de rétablir cette relation par des conversations réparatrices stratégiques.

Certaines classes peuvent être caractérisées par des relations tendues entre les enseignants et les élèves. Cela crée chez les élèves un sentiment d’appartenance incertain qui peut miner leur engagement et leur rendement scolaire. 

Bien que la plupart des enseignants reconnaissent l’importance des relations positives, il est peu probable ou peu courant qu’ils adoptent une approche intentionnelle pour établir des relations et les rétablir en cas de conflit ou de désaccord. 

De plus, des élèves issus de milieux socioéconomiques défavorisés peuvent avoir des relations plus fragiles avec leurs enseignants. Cela peut contribuer à réduire leur engagement en classe et à creuser l’écart entre leur rendement scolaire et celui de leurs pairs plus favorisés. Les relations fragilisées entre les enseignants et ces élèves peuvent expliquer en partie les écarts entre leur rendement et leur potentiel.



Objet de l’approche EMR


L’approche EMR consiste à se concentrer intentionnellement sur les élèves avec lesquels il est le plus difficile d’entrer en contact et qui peuvent avoir le plus besoin d’établir une relation cohérente et positive. 

Ces élèves sont souvent les plus difficiles ou les plus vulnérables. L’enjeu est de leur offrir une influence positive interne à l’établissement scolaire. L’approche EMR est pensée pour améliorer spécifiquement la relation entre enseignants et élèves en agissant spécifiquement sur la qualité des interactions avec les élèves difficiles.

Il est recommandé que cette technique ne prenne pas plus de 30 minutes par semaine au total pour un enseignant. Elle doit pouvoir être effectuée pendant les périodes que les enseignants passent déjà avec les élèves concernés, ce qui représente une utilisation efficace du temps.
 
L’approche EMR est un cadre spécifique pour comprendre la relation entre l’enseignant et l’élève en trois dimensions : 
  1. Établir la relation par des interactions positives 
  2. Maintenir proactivement les relations avec un soutien et des encouragements réguliers
  3. Rétablir la relation après des épisodes de conflit entre enseignant et élève. 

L’enjeu de l’approche EMR est de fournir au personnel enseignant une approche heuristique simple pour concevoir leur relation en fonction de chaque élève afin de guider leurs efforts intentionnels visant à promouvoir un sentiment d’appartenance.

L’approche EMR pourrait fonctionner comme une stratégie de prévention universelle ou comme une intervention sélective ou ciblée pour les élèves identifiés comme étant à risque.

L’approche EMR peut être considérée comme un développement professionnel des enseignants. Elle est susceptible de guider ceux-ci face aux difficultés que peuvent représenter certains profils d’élèves ou même plus largement face à l’ensemble des élèves. 

L’approche EMR est conçue pour accroître l’utilisation stratégique par les enseignants de pratiques axées sur les relations afin d’améliorer leurs relations avec les élèves et leur comportement en classe.

L’approche EMR vise à aider les enseignants à réfléchir sur leur statut relationnel afin d’activer des interactions plus ciblées et stratégiques pour cultiver le sens d’appartenance des élèves. 

Les élèves perçus par les enseignantes et enseignants comme étant plus compétents reçoivent de façon disproportionnée des retours plus positifs de la part des enseignants. L’approche EMR contribue à atténuer ce déséquilibre.

Une étude de Clayton Cook (et ses collègues, 2018) a évalué les effets de l’approche EMR pour améliorer les relations enseignant-élève et le comportement des élèves en classe de primaire (8 à 10 ans). 

Cette étude a montré que des enseignants qui ont reçu une formation sur l’approche EMR ont amélioré de façon significative la qualité de leurs relations avec leurs élèves ainsi que le comportement des élèves en classe. 

Une formation sur l’approche EMR a démontré des changements significatifs et pratiquement significatifs (c.-à-d. des effets d’ampleur modérée) dans leurs relations avec leurs élèves, comparativement aux enseignants du groupe témoin. 

Les résultats ont aussi révélé que les changements dans les relations entre enseignants et élèves, signalés par les enseignants, étaient associés de façon significative à des changements modérés dans le comportement des élèves en classe. 

L’approche EMR propose une démarche opérationnelle aux enseignants sur la manière d’établir, de maintenir et de rétablir intentionnellement des relations positives avec leurs élèves. 

Les élèves ne sont pas les seuls bénéficiaires de ces démarches, car elles sont généralement également associées au bien-être des enseignants.



Établir la relation en contexte scolaire


Un enseignant ne peut entretenir une relation avec l’élève si elle n’existe pas. Il est donc essentiel d’établir d’abord des relations avec tous les élèves d’une classe.

La phase initiale de l’établissement des relations comprend les efforts intentionnels que l’enseignant met en œuvre pour établir des relations positives avec chaque élève. 

L’objectif est de faire en sorte que tous les élèves éprouvent un sentiment d’appartenance caractérisé par la confiance, la connexion et la compréhension. Par ce biais, nous validons chaque élève en tant que personne singulière.

Lorsqu’un enseignant établit des relations avec tous les élèves d’une classe, ils sont plus susceptibles de suivre ses consignes et ses demandes d’un bloc. Lorsque ce comportement est en place, les élèves sont plus susceptibles d’apprendre, d’adopter les comportements souhaités et de réagir positivement aux interventions liées à un comportement perturbateur. 

Pour l’enseignant, l’enjeu d’établir des relations positives avec ses élèves est double : 
  • Motiver les élèves à s’engager dans des tâches scolaires.
  • Promouvoir le bon comportement et diminuer l’occurrence de perturbations. 



Stratégies liées à l’établissement de la relation en contexte scolaire


La pratique clé durant cette phase de relation est de prévoir du temps individuel avec des élèves spécifiques pour lesquels les enseignants croient que le sentiment d’appartenance n’a pas été correctement établi.

Nous tâchons de recueillir, d’examiner et de consulter, s’il y a lieu, les informations concernant ces élèves auprès des collègues ou parents.

Il est important d’identifier des intérêts de l’élève sur lesquels peuvent porter des conversations récurrentes, c’est-à-dire de trouver des sujets de conversation pertinents.

La communication est positive : 
  • L’enseignant privilégie des questions ouvertes
  • Il offre une écoute réflexive, active et non directive
  • Il est réceptif, montre de l’intérêt et de l’enthousiasme
  • Il propose une rétroaction constructive et judicieuse
  • Il soigne le ton de sa voix et le non verbal 

Une analogie possible avec le processus est celle de la métaphore bancaire : 
  • L’enseignant fait intentionnellement des dépôts dans la relation qui représente le compte en banque. 
  • Ces dépôts cultivent l’attachement et le sentiment d’appartenance de l’élève.
  • Par la suite, lorsque nécessaire, l’enseignant peut faire un retrait dans le capital de la relation :
    • En fournissant une rétroaction constructive en lien avec des difficultés diagnostiquées.
    • En encourageant l’élève à s’engager dans une activité non souhaitée ou jugée ennuyeuse par ce dernier.
    • En corrigeant un comportement problématique. 



Maintenir la relation en contexte scolaire


Une fois qu’une relation est établie, des interactions positives continues sont nécessaires pour maintenir la relation. 

En l’absence de pratiques réfléchies d’entretien de la relation, la qualité de cette dernière peut se détériorer avec le temps. La recherche a montré que la qualité de la relation peut diminuer avec le temps parce qu’il y a une tendance à tenir certains comportements et certaines attitudes pour acquis. 

Nous pouvons manquer des occasions importantes de reconnaître ou d’apprécier une autre personne intentionnellement. Nous pouvons négliger de maintenir des liens significatifs par un renforcement alors même que des occasions d’en donner existent dans le contexte de la classe. 

En outre, nous risquons de nous engager involontairement plus souvent dans des interactions plus négatives. Nous prêtons naturellement plus d’attention aux comportements problématiques qu’aux comportements positifs. Par conséquent, les interactions peuvent comporter des proportions plus élevées de critiques, de désapprobation ou de jugements négatifs en réaction à un comportement non désiré. 

Le rapport entre les interactions positives et négatives diminue naturellement avec certains élèves si nous n’y prenons pas garde.

Or, le maintien d’une relation exige des interactions positives continues avec les élèves, à un taux plus élevé que celui des interactions négatives. Il s’agit d’accorder une attention particulière aux interactions et veiller à ce que la positivité se développe et maintienne au sein de la relation au fil du temps. 

Cela ne signifie pas d’ignorer les aspects négatifs, mais il faut assurer un rapport suffisant entre interactions positives et négatives, ce qui aidera cette relation à se développer et à se maintenir dans le temps. 

La distribution de renforcement positif participe à l’établissement et au maintien d’une relation de confiance sur le long terme. En dehors du contexte d’une relation de confiance, les tentatives d’interaction positive avec les autres peuvent être considérées comme intéressées ou malhonnêtes. Le renforcement positif doit être sincère et être réceptionné par l’élève comme tel.



Stratégies liées au maintien de la relation en contexte scolaire


L’enseignant s’assure d’avoir un rapport élevé entre des interactions positives significatives et des interactions négatives.

L’enseignant communique positivement vers les parents et leur donne une rétroaction également.

L’enseignant accueille les élèves à la porte par leur prénom. 

L’enseignant se fait l’écho de commentaires positifs sur l’élève qu’il a éventuellement reçu d’autres enseignants ou de l’actualité qui peut le concerner.

L’enseignant programme des activités spéciales considérées comme agréables pour de manière aléatoire dans une optique de contingences de groupe.

L’enseignant assure un suivi dans les conversations qu’il partage avec ses élèves. Il montre à l’élève que son intérêt est sincère.  



Rétablir la relation en contexte scolaire


Les conflits et autres interactions négatives entre un enseignant et l’un ou l’autre élève arrivent. Ils sont difficiles à éviter dans le contexte des interactions continues en classe.

Cependant, ils peuvent affaiblir la relation, laissant l’élève moins engagé en classe, moins réceptif aux efforts visant à corriger les comportements problématiques et plus difficile à motiver et moins susceptible de s’engager scolairement. 

L’objectif de la phase de rétablissement est de réparer intentionnellement les dommages causés à la relation après qu’une interaction négative significative se soit produite entre l’enseignant et l’élève.

Le but de cette phase est d’améliorer la prise de conscience et la reconnaissance par les enseignants des événements et des comportements qui indiquent la nécessité de rétablir la relation par un processus de réparation relationnelle. 

L’enseignant doit intentionnellement renouer le contact avec l’élève pour réparer le tort et rétablir la relation à son état positif antérieur.



Stratégies pour rétablir la relation en contexte scolaire


Plusieurs des techniques de communication efficaces sont possibles pour régler un problème :
  • Assumer pour l’enseignant la responsabilité personnelle de la résolution de l’état d’interaction négative ; 
  • Valider les sentiments exprimés par l’élève dans une démarche empathique. 
  • Laisser tomber l’incident précédent et prendre un nouveau départ, en séparant le comportement de la personne qui en est à l’origine.
  • Communiquer notre intérêt d’avoir l’élève dans la classe comme c’est le cas pour n’importe quel autre élève.
  • S’engager dans la résolution mutuelle de problèmes, en demandant l’avis de l’élève, pour trouver ensemble comment éviter des interactions négatives similaires à l’avenir.

Il est important que l’élève sache qu’il peut lui aussi passer à autre chose et revenir à une relation positive. Souvent, les enfants et les adolescents ne voudront pas risquer de perdre la face en faisant un pas vers l’adulte. En agissant de la sorte, en prenant l’initiative, l’adulte leur donne l’occasion d’avancer sans être vus comme perdant la face devant les autres. Il s’agit pour l’enseignant de leur montrer qu’il a confiance en eux et qu’il croit en leur valeur.




Mis à jour le 02/06/2023


Bibliographie


Cook, Clayton & Coco, Susanna & Zhang, Yanchen & Fiat, Aria & Duong, Mylien & Renshaw, Tyler & Long, Anna & Frank, Sophia. (2018). Cultivating Positive Teacher—Student Relationships: Preliminary Evaluation of the Establish—Maintain—Restore (EMR) Method. School Psychology Review. 47. 226–243. 10.17105/SPR-2017-0025.V47-3.

Amy Forrester, What can the EEF behaviour guide tell us about proactive behaviour strategies?, 2020, https://defyingstarsteaching.wordpress.com/2020/06/07/what-can-the-eef-behaviour-guide-tell-us-about-proactive-behaviour-strategies/

Improving Behaviour in Schools, Guidance Report, Education Endowment Foundation, 2019

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