vendredi 11 février 2022

Comment intégrer efficacement les problèmes résolus dans un enseignement en classe ?

La recommandation générale qui consiste à remplacer une partie importante de la résolution de problèmes pratiques par l’étude d’exemples (c’est-à-dire de problèmes résolus) reste plutôt vague dans son application pratique.

(Photographie : Joshua Dudley Greer)




Différentes questions se posent à nous :
  • Quelle est la meilleure façon de mettre en œuvre l’apprentissage par l’exemple ? 
  • Comment les enseignants doivent-ils concevoir leur cours et piloter la pratique en classe, s’ils veulent profiter de l’effet du problème résolu ? 
  • Quels sont les paramètres fondamentaux à prendre en compte pour passer de résultats de recherche à une pratique en contexte réel ?



Associer le modelage d'un problème résolu avec la pratique guidée d'un problème similaire


Une option simple, mais radicale consiste simplement à remplacer tous les problèmes pratiques par des exemples. Elle s’est avérée plus efficace que la résolution de problèmes pratiques uniquement (Van Gog, Paas, & Van Merriënboer, 2006). 

Toutefois, d’un simple point de vue réaliste, il ne viendrait à l’idée d’aucun enseignant de laisser ses élèves essayer de résoudre des problèmes pratiques sans compléter cette démarche par une autre approche.

De fait, nous pourrions plutôt alterner l’étude de problèmes résolus et la pratique de la résolution de problèmes de différentes manières. De fait, de nombreuses études ont montré que les paires exemple-problème étaient plus efficaces que la seule pratique de la résolution de problèmes (Rourke & Sweller, 2009). 

Nous pourrions également soutenir que les paires problème-exemple seraient efficaces. Elles permettraient aux apprenants de faire d’abord l’expérience de ce qu’ils savent et ne savent pas encore avant de leur fournir des exemples (Reisslein et coll., 2006).

Van Gog, Kester et Paas (2011) ont entrepris de comparer l’efficacité de l’étude de problèmes résolus, de la pratique de la résolution de problèmes uniquement, ou de l’alternance entre les deux. Ils ont fourni aux élèves des paires exemple-problème ou des paires problème-exemple, dans le cadre d’une expérience dans le domaine de la physique. 

Ils ont constaté que l’étude d’exemples uniquement et les paires exemple-problème nécessitaient moins d’efforts pendant la phase d’apprentissage. Ils conduisaient à des performances au test significativement plus élevées que la résolution de problèmes uniquement et les paires problème-exemple. 

L’étude de Van Gog, Kester et Paas (2011) était la première à comparer les effets des problèmes résolus seuls et des paires exemple-problème. Il est intéressant de constater qu’aucune différence entre ces conditions n’a été révélée en ce qui concerne l’investissement en efforts ou la performance au test. Nous pourrions nous attendre à ce que la pratique de la résolution de problèmes après l’étude de problèmes résolus soit plus motivante que l’étude de problèmes résolus seulement. Nous pourrions estimer qu’elle devrait être plus efficace pour la rétention, car elle permet une pratique de récupération. La conclusion selon laquelle les problèmes résolus et les paires exemple-problème ne différaient pas significativement dans leurs effets sur l’apprentissage a été reproduite à plusieurs reprises. Elle l’a même été avec des tests différés d’une semaine [Leahy, Hanham, & Sweller, 2015 ; Van Gog & Kester, 2012 ; Van Gog et coll., 2015]. 

Notons toutefois que malgré l’absence de différences significatives entre ces conditions, les paires exemple-problème peuvent être préférables d’un point de vue métacognitif. La résolution d’un problème pratique après l’étude d’un problème résolu semble donner aux élèves un meilleur aperçu de leur niveau de compréhension actuel que l’étude d’un problème résolu uniquement [Baars et coll., 2017]. 



Associer modelage et pratique guidée plutôt que de laisser chercher des élèves avant de les guider est meilleur pour leur sentiment d'efficacité personnelle


La deuxième constatation intrigante de Van Gog, Kester et Paas [2011] est que la condition des paires problème-exemple n’a pas surpassé la condition des problèmes de pratique uniquement. En d’autres termes, le fait d’étudier des problèmes résolus après la résolution de problèmes n’a pas favorisé l’apprentissage par rapport au fait de ne pas recevoir d’exemples du tout. Comment cela peut-il être possible, alors que les exemples sont si efficaces ? 

Cette constatation doit également être prise en compte à la lumière de la conclusion selon laquelle la séquence des exemples est importante. La condition de paires problème-exemple a donné de moins bons résultats que la condition de paires exemple-problème. 

Ces résultats peuvent indiquer que l’auto-efficacité est une explication potentielle. Lorsqu’ils commencent par un problème de physique qu’ils ne peuvent pas encore résoudre, les élèves peuvent se sentir frustrés. Ils peuvent avoir l’impression qu’il s’agit d’une tâche qu’ils ne pourront de toute façon pas maîtriser. Ils peuvent ne prêter que peu d’attention à l’exemple qui suit. 

Cette hypothèse illustre bien la valeur ajoutée potentielle de la connexion entre les perspectives d’apprentissage cognitif et social sur l’apprentissage par l’exemple.



Adapter le séquençage de l’étude d’exemples et de la résolution de problèmes selon le niveau d'expertise des élèves


Tenir compte de leur degré d'expertise


Nous devons tenir compte des connaissances préalables et en développement de nos élèves quand nous les confrontons aux exemples et aux exercices de pratiques subséquents.

L’étude d’exemples est particulièrement efficace pour les novices, c’est-à-dire pour les élèves qui n’ont que peu ou pas de connaissances préalables de la tâche de résolution de problèmes démontrée.

Le haut niveau de guidage pédagogique fourni par les exemples, qui favorise l’apprentissage lorsqu’aucun schéma cognitif n’est encore disponible, est inefficace, voire nuisible, pour les apprenants avancés. Ces derniers ont déjà développé des schémas cognitifs qui peuvent guider leur résolution de problèmes. Ils se trouvent à un stade où l’automatisation de la compétence acquise devient importante. À ce titre, les apprenants avancés bénéficient davantage de la résolution de problèmes pratiques. Il s’agit d’un exemple d’effet d’inversion de l’expertise.

Les connaissances antérieures, ou celles acquises au cours de l’apprentissage basé sur des exemples modèreront l’efficacité de différentes séquences d’exemples et de problèmes. Par exemple, alors que Reisslein et ses collègues [2006] ont trouvé que les paires exemple-problème étaient plus efficaces que les paires problème-exemple pour les novices, l’inverse était vrai pour les apprenants ayant plus de connaissances préalables. 



La stratégie d’évanouissement ou des problèmes à compléter.


Une approche alternative à l’alternance d’exemples et de problèmes pratiques, qui tient également compte du développement des connaissances des élèves, consisterait à passer progressivement de l’étude d’exemples à la résolution de problèmes. Elle fonctionne bien pour l’introduction d’une nouvelle matière complexe.

Cela peut se faire au moyen de problèmes à compléter ou d’une stratégie d’évanouissement :
  • Dans une stratégie d’évanouissement, nous présentons d’abord aux élèves des exemples entièrement résolus à étudier. 
  • Puis nous leur demandons d’effectuer de plus en plus d’étapes dans des exemples partiellement résolus [c’est-à-dire des problèmes à compléter].
  • Nous arrivons alors au stade où ils résolvent eux-mêmes des problèmes pratiques entiers. 

Des études se sont intéressées aux stratégies d’évanouissement. Commencer par enlever les dernières étapes de la solution dans les problèmes à compléter était plus efficace que l’utilisation de paires exemple-problème [Renkl et coll., 2002 ; Atkinson, Renkl, & Merrill, 2003]. 



En conclusion


Demander à des élèves de s’exercer à résoudre des problèmes mêmes suivis de problèmes résolus est inefficace. 

L’ordre inverse, faire suivre un problème résolu d’un problème de pratique similaire est nettement plus efficace, que ce soit dans une perspective d’apprentissage cognitif ou d’apprentissage social

La simple étude de problèmes résolus semble efficace, mais plus difficile à garantir, car elle n’apporte pas de garantie d’un traitement cognitif ou métacognitif.

Lorsque les problèmes sont relativement simples, la meilleure stratégie semble être d’étudier des exemples suivis de la résolution de problèmes similaires.

Lorsque les problèmes deviennent plus complexes, il devient utile d’intercaler des problèmes à compléter avec une stratégie d’évanouissement entre l’étude d’un exemple et la résolution d’un problème de pratique. 



Mis à jour le 04/06/2023


Bibliographie



Van Gog, T., Rummel, N., & Renkl, A. [2019]. Learning how to solve problems by studying examples. In J. Dunlosky & K. Rawson—Eds. —, The Cambridge handbook of cognition and education—pp. 183–208—. New York, NY: Cambridge University Press. 

Van Gog, T., Paas, F., & Van Merriënboer, J. J. G. (2006). Effects of process-oriented worked examples on troubleshooting transfer performance. Learning and Instruction, 16, 154–164.

Rourke, A. J. & Sweller, J. (2009). The worked-example effect using ill-defined problems: Learning to recognise designers’ styles. Learning and Instruction, 19, 185–199.

Reisslein, J., Atkinson, R., Seeling, P., & Reisslein, M. (2006). Encountering the expertise reversal effect with a computer-based environment on electrical circuit analysis. Learning and Instruction, 16, 92–103.

Van Gog, T., Kester, L., & Paas, F. (2011). Effects of worked examples, example-problem, and problem-example pairs on novices’ learning. Contemporary Educational Psychology, 36, 212–218.

Leahy, W., Hanham, J., & Sweller, J. (2015). High element interactivity information during problem solving may lead to failure to obtain the testing effect. Educational Psychology Review, 27, 291–304.

Van Gog, T. & Kester, L. (2012). A test of the testing effect: Acquiring problem-solving skills from worked examples. Cognitive Science, 36, 1532–1541.

Van Gog, T., Kester, L., Dirkx, K. et al. (2015). Testing after worked example study does not enhance delayed problem-solving performance compared to restudy. Educational Psychology Review, 27, 265–289.

Baars, M., Van Gog, T., De Bruin, A., & Paas, F. (2017). Effects of problem solving after worked example study on secondary school children’s monitoring accuracy. Educational Psychology, 37, 810–834.

Renkl, A., Atkinson, R. K., Maier, U. H., & Staley, R. (2002). From example study to problem solving: Smooth transitions help learning. Journal of Experimental Education, 70, 293–315.

Atkinson, R. K., Renkl, A., & Merrill, M. M. (2003). Transitioning from studying examples to solving problems: Effects of self-explanation prompts and fading worked-out steps. Journal of Educational Psychology, 95, 774–783.

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