L’hétérogénéité des classes représente un défi si l’enseignant veut à la fois que la pratique autonome soit utile à tous les élèves et les renforce sur la voie de l’autorégulation des apprentissages.
(Photographie : Uturinn Takayuki)
Lorsque l’enseignant vérifie le travail de ses élèves lors de la pratique autonome, l’intention est double :
- Un retour d’information vers l’élève dans lequel il valide les apprentissages en cours et corrige les erreurs en direct
- Un retour d’information vers lui-même, qui l’informe sur l’impact de sa pratique et le guide vers les prochaines étapes à mettre en œuvre
L’importance d’un suivi intentionnel lors de la pratique autonome
La dimension du retour d’information vers l’enseignant bénéficie si elle veut être pleinement efficace d’un suivi intentionnel.
Nous devons décider préalablement ce que nous voulons rechercher comme informations et à quels indices nous devons rester attentifs.
Nous devons savoir quel niveau de performance nous attendons de nos élèves et y œuvrer.
Si ce niveau n’est pas atteint, nous devons être attentifs à ce que nous pouvons identifier comme des indicateurs sous-jacents de problèmes ultérieurs. Pour cela, il nous faut diriger notre attention et éviter de nous laisser disperser par des éléments aléatoires. Sans cela, de multiples informations signifiantes risquent de passer entre les mailles du filet.
Nous ne devons pas vérifier la compréhension comme une simple recherche de conformité. Il s’agit plutôt de prolonger un suivi de la compréhension et de l’apprentissage amorcé dès le modelage et la pratique guidée.
Au-delà de l’engagement des élèves dans les tâches que nous leur avons attribuées nous devons mesurer la compréhension des élèves et leur progression au départ de nos indicateurs.
Cette veille sur leurs apprentissages nous permet d’être mis rapidement en alerte lorsque les signaux ne sont pas bons pour certains élèves. Nous sommes alors à même d’en tirer préventivement des conclusions et ajuster nos interventions.
En travaillant de cette manière, nous veillons à ce que nos élèves s’engagent dans un travail qui va les aider à maîtriser les compétences à l’apprentissage desquelles nous travaillons.
Nous ne faisons pas travailler les élèves de manière autonome dans le simple but de les faire pratiquer. La pratique autonome a ses propres attentes au niveau de la profondeur des apprentissages.
Nature des démarches du suivi intentionnel lors de la pratique autonome
Surveiller la pratique autonome des élèves implique le suivi intentionnel par une recherche active de l’enseignant auprès de ses élèves qui travaillent, d’indicateurs préalablement établis :
- Des preuves de l’apprentissage
- Des difficultés détectées et d’erreurs spécifiques.
Les preuves de l’apprentissage permettent de vérifier que des connaissances sont appliquées de manière fluide en contexte ce qui signifie que l’enseignant pourra avancer dans la suite de la matière.
La distribution et la fréquence des erreurs spécifiques et preuves d’apprentissage doivent être mesurées pour informer sur les décisions à prendre pour la suite de l’enseignement.
Détecter des erreurs spécifiques implique de se demander quelle est leur cause. S’agit-il d’un déficit en connaissances préalables non détecté, d’une incompréhension ou d’une non-maîtrise des nouveaux contenus ?
Le diagnostic implique également des actions spécifiques de la part de l’enseignant pour permettre aux élèves de surmonter les obstacles auxquels ils font face.
Il est probable qu’en raison du manque de temps propre au suivi de la pratique autonome, nous ne pouvons pas passer en revue tous les problèmes de nos élèves. Mais nous pouvons en garder une trace de manière à guider notre pratique dans les phases ultérieures de l’enseignement (quiz, devoirs, évaluations formatives et sessions ultérieures de pratique autonome).
Prendre en considération l’hétérogénéité des élèves lors de la pratique autonome
La complexité des apprentissages et l’hétérogénéité des classes représentent un double défi auquel l’enseignant doit faire face.
Le pilotage de longues séances de pratique autonome en classe où nous laissons les élèves progresser au fil d’une longue liste de tâches n’est pas toujours des plus simples à gérer.
Nous ne pouvons pour autant pas les négliger, car elles sont pourtant nécessaires lorsqu’il s’agit de matières complexes. Il faut laisser les élèves progresser à leur rythme face à leur prise de responsabilisation des apprentissages, tout en leur offrant un soutien.
Ces séances sont d’autant plus utiles et d’autant plus délicates à gérer que les classes sont hétérogènes. Il faut permettre aux élèves qui s’en sortent mieux de rencontrer des défis tout en s’assurant que ceux qui travaillent plus lentement puissent acquérir toutes les compétences voulues.
Le double enjeu revient à garantir l’engagement des élèves en leur délivrant le soutien nécessaire pour dépasser les obstacles qu’ils rencontrent.
Technique de vérification positive en pratique autonome
La technique de vérification positive consiste à limiter le temps utilisé pour vérifier l’engagement des élèves tout en stimulant parallèlement leur autorégulation.
Elle repose sur les principes suivants :
- L’ensemble des tâches auxquelles sont soumis les élèves sont placées dans un ordre à respecter strictement par ceux-ci.
- Les élèves ont également la possibilité lors d’une séance de pratique autonome de coopérer entre eux et de consulter un correctif mis à disposition à un endroit de la classe.
- Les élèves peuvent valider eux-mêmes leurs réponses à partir du correctif. L’enseignant n’est requis pour des explications que lorsque les élèves ne comprennent pas eux-mêmes leurs erreurs et n’arrivent pas à les dépasser.
- À différents points dans la liste d’activité, les élèves doivent obtenir la confirmation de l’enseignant que leur travail est correct, productif ou rigoureux avant de passer à l’étape suivante. Les élèves signalent à l’enseignant qu’ils ont terminé une partie du travail demandé et vérifié leurs réponses.
- L’enseignant marque leur travail d’une coche si tout est satisfaisant et garde une trace de leur progression sur une grille annexe qui fonctionne comme une feuille de route mesurant la progression des élèves.
- En un coup d’œil sur sa feuille de route, l’enseignant peut repérer les élèves dont la progression est défaillante et suivre dès lors soit leurs difficultés ou leur manque d’engagement.
En fonctionnant de cette manière, l’enseignant économise ses interventions tout en responsabilisant ses élèves qui peuvent jouer un rôle plus actif.
Démarches de la vérification positive en pratique autonome
L’enseignant conçoit la série d’exercices soumis aux élèves de manière à générer l’apprentissage escompté tout en s’assurant que ses élèves fournissent l’effort attendu en classe.
L’enseignant peut alors centrer sa vérification sur des éléments plus techniques comme la normalisation du format des réponses. Il n’a plus à se soucier de corriger des erreurs d’inattention qu’une simple consultation du correctif par l’élève peut révéler.
Les points de contrôle permettent à l’enseignant de recueillir des données auprès de chaque élève, ce qui lui donne un aperçu plus riche et plus fiable de leur compréhension. Ce système de contrôle affirmatif responsabilise également les élèves et l’enseignant l’un envers l’autre pour atteindre le même objectif : la maîtrise des objectifs pédagogiques en cours.
Par sa conception, le processus de repérage et de correction des erreurs devient un effort partagé. L’enseignant passe moins de temps à regarder le travail des élèves et plus de temps à traiter et à répondre à leurs difficultés.
Un élément crucial pour le bon fonctionnement de l’approche est que lorsque les élèves atteignent un point de contrôle, ils doivent passer à la suite sans attendre d’être validés par l’enseignant.
Tous les élèves fonctionnent de manière asynchrone. Dans un tel processus, les élèves qui prennent de l’avance peuvent être valorisés. Nous pouvons leur donner comme mission de soutenir un élève qui rencontre des difficultés et l’aider à les dépasser. De cette manière, il décharge l’enseignant d’une part de ses tâches de suivi et approfondit son propre apprentissage.
Technique des trois gobelets en pratique autonome
Comme l’explique Dylan Wiliam (2015), des gobelets colorés peuvent être utilisés lorsque les enfants font des travaux individuels en classe :
- Vert : je progresse bien
- Jaune : j’ai une question, mais ça ne m’empêche pas de travailler
- Rouge : je suis coincé, je ne peux plus progresser jusqu’à ce que quelqu’un vienne m’aider.
Grâce à cette technique simple, un enseignant peut mieux gérer son temps en classe lors de la pratique autonome. Il peut prioriser ses interventions pour mieux répondre aux besoins des élèves. Pour autant, s’il va spécifiquement vers les élèves en rouge et en jaune, il ne néglige pour autant pas une visite épisodique aux élèves en vert.
Mise à jour le 11/10/2023
Bibliographie
Doug Lemov, Teach like a champion 2.0., 2015, Jossey-Bass
Dylan Wiliam, Embedding Formative Assessment, 2015, Learning Sciences International
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