samedi 6 mars 2021

La possibilité d’une évaluation modulaire comme modèle de progression

L’évolution des rythmes scolaires fait commencer l’année fin août et la fait terminer en juillet. Elle a découpé l’année en quatre parties séparées de deux semaines de congés. Ces changements bouleversent la donne sur l’évaluation en FW-B.

(Photographie : phlegmaphoto)



La fin du système d’évaluation usuel dans le secondaire en FW-B


Dans le modèle antérieur de l’évaluation de l’enseignement en Belgique francophone, l’année scolaire était divisée en différentes périodes (régulièrement quatre ou cinq). À l’issue de chacune d’entre elles, les enseignants se réunissent en conseil de classe pour faire le bilan de la situation scolaire de chaque élève. Un compte-rendu est communiqué aux parents. 

À ce titre, lors des deux semaines qui précèdent cet évènement, les élèves sont soumis à une batterie d’évaluations sommatives dans différentes matières. Elles sont intégrées dans le cadre des cours ou bénéficient de journées dédiées (sessions d’examens).

Les élèves suivent leurs cours qui se concluent par un examen. Le long du parcours, ils sont soumis à des évaluations sommatives sanctionnées par une notation. Celles-ci s’accumulent et génèrent ce qui est couramment appelé travail journalier. Dans ces approches usuelles de l’enseignement secondaire en Belgique, l’évaluation formative pouvait n’avoir qu’un rôle succinct.

Historiquement, trois sessions d’examen rythmaient une année scolaire, chaque fois avant deux semaines de vacances : avant les fêtes de fin d’année, deux semaines à Pâques et au mois de juin. Régulièrement, une session de récupération était organisée fin août. La session avant les congés de Pâques a été la première à tomber. À cela s’ajoutent quelques épreuves externes, en fin de primaire et à la fin du premier cycle du secondaire, ainsi que dans quelques matières ultérieurement.

Les notes obtenues lors de ces examens ont généralement plus de poids que celles accumulées durant l’année et sont considérées comme déterminantes et significatives pour établir la réussite de l’année scolaire.

Différentes réformes sont venues fragiliser cet édifice au cours des années. L’accélération se produit avec la réforme des rythmes scolaires qui vient remettre en question la session de décembre et la session de récupération fin août. 

De ce fait, la seule session d’examen de fin d’année scolaire en juin doit être elle-même complètement réévaluée. Ces changements amènent les écoles à repenser complètement leur évaluation. 



Des difficultés à prendre en considération dans un système d’évaluation et de certification en continu


Le passage d’un système qui privilégie une évaluation sommative en continu face à une évaluation où les examens à la fin de l’année scolaire ont un poids déterminant est un bouleversement des habitudes. Il amène à repenser complètement la manière de considérer l’évaluation sommative en vue de la certification. 

Premièrement, dans cette logique, un système d’évaluation continue et découpée s’impose, il est à trois temps : 

  • Les élèves sont d’abord évalués de manière formative, sans que cela nécessite d’établir de donner des points, une rétroaction qualitative qui offre des pistes d’amélioration est plus utile. 
  • Les élèves sont par la suite évalués sommativement. 
  • En cas d’échec à l’évaluation sommative, une seconde opportunité de passage doit être organisée après remédiation afin de favoriser l’apprentissage.
Deuxièmement, tout cela pose le défi de la construction à l’échelle de l’école d’un système collectif et fonctionnel. La question de la répartition de l’évaluation sommative durant l’année scolaire se pose. Le découpage de l’évaluation est parfois difficile par rapport aux apprentissages visés. Par exemple, les compétences développées dans certains cours sont parfois délicates à faire correspondre exactement au calendrier attendu et à la répartition des points sur l’année. Il peut être compliqué d’évaluer correctement de nombreuses compétences de manière ponctuelle et sur un court laps de temps. Tout un travail de distribution de l’évaluation sommative doit être pensé matière par matière avec une cohérence d’ensemble. Les enseignants doivent déterminer une procédure sur une base commune entre les différentes matières, mais qui peut garder certaines spécificités en fonction de celles-ci.

Troisièmement, tout l’enjeu du système est de générer des notes, autant que possible bonnes, à des moments décisifs, tout en correspondant aux exigences du programme. L’alternative des notes est celle d’un système binaire séparant l’échec de la réussite, mais il n’est pas convaincant non plus. À ce titre, la rétroaction à un rôle à jouer en accentuant les comparaisons intrapersonnelles et en évitant les comparaisons interpersonnelles propices aux effets délétères de la compétition. 

La présence de notes suggère la potentialité d’un facteur de stress et d’anxiété qui sont potentiellement ressentis par tous les acteurs du système, les enseignants, les élèves, les parents et la direction de l’établissement. Une approche bien plus prometteuse est celle élaborée par Raphaël Pasquini (2021) avec son modèle de la note constructive. 

Quatrièmement, cette évolution doit s’accompagner d’une autre façon de penser l’enseignement et l’évaluation. Il y a le risque de tomber dans un système de préparation des élèves aux modes d’évaluation qui privilégie des performances ponctuelles plutôt qu’un apprentissage durable, intégré et profond. Dans ce mode de fonctionnement qui privilégie des examens aux résultats déterminants en fin de parcours, bon nombre d’élèves risquent de ne se donner à fond que dans la dernière ligne droite. Réussir prend le dessus sur le fait d’apprendre. Ce mode de fonctionnement risque de ne pas être optimal pour centrer les démarches d’enseignement vers l’établissement de connaissances durables. 




L’effet de classement des élèves lié aux notes scolaires


Une autre difficulté du système de notes est que malgré lui, il met en scène la comparaison des élèves dans une perspective normative. La compétition tend à primer sur la coopération. D’une certaine manière, les élèves se retrouvent peu à peu catalogués en fonction de leurs progressions différentielles avec des profils et des positionnements qui tendent à se figer. 

Certains élèves vont apprendre plus vite que d’autres et développer de meilleures connaissances préalables. Cela aboutit à une forme de classement très stable des résultats sous forme d’une courbe de Gauss. Cette distribution mathématique naturelle n’a que peu d’intérêt si nous considérons la position d’un élève particulier. Il n’est pas intrinsèquement intéressant de savoir où il se situe par rapport aux autres élèves. Cela constitue une mauvaise façon de comprendre les progrès d’un élève face à l’apprentissage escompté d’un ensemble de connaissances spécifiques. 

La position d’un élève selon une distribution normale n’offre pas non plus d’explications sur les raisons pour lesquelles certains élèves maitriseront les contenus et d’autres pas à un moment donné. Les élèves sont avant tout sur leurs propres trajectoires d’apprentissage et cet aspect se retrouve quelque peu éludé avec une notation qui les positionne les uns par rapport aux autres.

De plus, les évaluations sommatives successives évaluent généralement chacune un ensemble de matière réduit. Elles testent souvent plus une forme de performance à un moment donné face à des connaissances, que l’apprentissage ou la réelle maitrise de compétences spécifiques. Miser trop sur la performance met en avant plus les capacités scolaires et la possession des connaissances préalables que le réel apprentissage de compétences nouvelles. Or, en fin de compte, c’est l’apprentissage qui est réellement en jeu et l’acquisition de connaissances préalables utiles à des mises en application ou à des enseignements futurs.

Les connaissances spécifiques et leur accumulation au fil du temps sont dépendantes pour une part non négligeable de la culture parentale et constituent une donnée stable. L’impact de cette dimension est cependant largement négligé.

Par l’intermédiaire de notes, un manque ou une présence de connaissances qui empêchent ou permettent la vérification d’une compétence spécifique sont traduits en une qualité supposée inhérente de l’élève. 

Cependant, pour la grande majorité des élèves, il semble évident que s’ils s’efforçaient d’en savoir plus sur le thème évalué, grâce à un meilleur accompagnement, ils en sauraient plus. Ils seraient capables d’en faire plus avec ces connaissances.



Le processus de réification lié à la notation


Selon Horvath et Botts (2020), la détermination d’une note modifie la réalité et nous oblige à réifier, quantifier et classer nos élèves. 

  • Réifier, c’est transformer un concept abstrait en quelque chose de plus concret. Apprendre est une abstraction. Donner une note est un évènement concret.
  • Quantifier consiste à déterminer une note pour un élève. Évaluer a pour objet de mettre en évidence une preuve d’apprentissage. Cette preuve d’apprentissage se traduit en une mesure chiffrée sur une échelle. 
  • Classer les élèves devient possible à partir du moment où leurs résultats sont quantifiés. 

Un effet de la notation est que les élèves l’utilisent pour construire leur identité scolaire. Ils deviennent plus dépendants d’une validation extérieure de leurs apprentissages sous la forme symbolique et réduite d’un résultat chiffré. C’est la tendance générale du système. 

Pourtant, nous voulons que les élèves soient motivés par autre chose que l’appréciation extérieure de leur propre valeur. Il y a un danger dans la notation chez les élèves qui est qu’ils s’y associent en tant que mesure de leur propre valeur scolaire.

Le processus de notation ne s’applique pas qu’aux élèves. Il s’étend potentiellement aux enseignants et aux écoles d’autant plus que les évaluations deviennent officielles et sont des instruments de pilotage. Il permet de voir si les élèves d’un enseignant apprennent plus ou mieux que les élèves d’un autre enseignant, si deux écoles qui correspondent aux mêmes caractéristiques socio-économiques affichent les mêmes niveaux de performance.  




Faire évoluer les notes, d'attentes normatives à des attentes informatives, pour les parents


Dans un contexte scolaire, les parents s’attendent à recevoir des notes à des échéances données. Ces notes leurs offrent un message clair et facilement interprétable hors du contexte de l’apprentissage.

Beaucoup de parents désirent savoir personnellement comment leurs enfants s’en sortent à l’école. Ils souhaitent une forme d’estimation des performances de leur enfant, par rapport à celles d’autres élèves en général, par rapport à un standard :

  • Est-ce que tout va bien et est-ce que mon enfant répond à ses attentes ?
  • Est-ce que l'engagement et l'apprentissage de mon enfant demande des ajustements à titre préventif ?
  • Est-ce les résultats de mon enfant sont problématiques pour la réussite de son année scolaire ?

La note a alors une valeur normative et représente un indicateur pratique et utile pour les parents. Il y a peu de chances que les parents acceptent de ne pas avoir ce type d'information :

  • Si leur enfant obtient de bons résultats, qu’il fournisse des efforts importants ou non, leur mission de parent est remplie. Ils ressentent une satisfaction et une fierté.
  • Si leur enfant n’obtient pas de bons résultats par rapport à la norme ou par rapport aux autres élèves, ils ont besoin de le savoir. Leur responsabilité est alors enclenchée. Ils veulent savoir quoi faire. Est-ce que leur enfant travaille sérieusement ou pas ? Suffisamment ou non ? Est-il bien orienté ou pas ? Quelles sont ses faiblesses ? Comment y remédier ? Par quelles stratégies suppléer ?

L’ennui est que la notation n’indique pas spécifiquement aux parents ce qu’il faut faire et rectifier, ni comment procéder. C’est d’autant plus problématique qu’ils n’étaient pas sans rien faire précédemment. La note qui tombe s’inscrit dans une histoire personnelle complexe faite d’attributions que nous ne pouvons présumer. 

Le fait de remplacer les notes par des symboles, des lettres ou d’autres éléments a peu de chances de changer la donne. Masquer la note pour ne pas induire de dimension normative peut également frustrer des parents et ne pas leur donner les informations qu’ils souhaitent.

Pour contourner la difficulté, il est intéressant au contraire de garder le format de la note, mais de développer sa dimension informative comme par exemple le propose le modèle de la note constructive. 

La note gagne à être directement reliée à la maîtrise de certains objectifs d’apprentissage et à la non-maîtrise d’autres objectifs d’apprentissage. Elle doit également s’accompagner et être précédée d’une rétroaction à valeur épistémique (relative à la connaissance). Celle-ci doit dire comment l’élève peut mieux faire, lui donner des pistes tout en essayant de laisser réfléchir par lui-même à la manière dont il peut faire différemment ou mieux. Ce type d’information sera d’une grande utilité pour les parents. Où se situe actuellement mon enfant et que doit-il faire maintenant pour progresser ?




Résultats des épreuves externes standardisées et responsabilisation des écoles


Les notes obtenues aux examens officiels, aux épreuves standardisées et externes et certificatives, constituent un moyen rapide et facile d’évaluer les écoles et les enseignants. 

Elles peuvent être comparées statistiquement à celles obtenues par des écoles de même catégorie. Leur distribution en fonction des disciplines, des matières ou des compétences évaluées peut être observée. L’analyse peut mettre en évidence des points forts ou des faiblesses dans un établissement. La démarche permet de définir des pistes d’amélioration au sein d’une école en constituant des indicateurs précieux de performance.

Globalement, il s’agit d’améliorer un système éducatif en déterminant quelles écoles ont un potentiel de progrès clair et ensuite d’y mettre le cadre et l’accompagnement pédagogique nécessaire. À l’intérieur des écoles, cela permet de déterminer quels enseignants bénéficieraient d’un développement professionnel ciblé sur les difficultés.

Le problème est qu’un tel système de responsabilisation dont les enjeux sont potentiellement élevés peut être source d’une anxiété anticipée pour les équipes d’enseignants. Il peut tendre à produire des incitations perverses telles que le fait d’adopter des stratégies pour maximiser les résultats des examens plus que les apprentissages. En effet, généralement les épreuves standardisées ciblent certaines dimensions des programmes plus que d’autres.

De plus selon le principe d’une distribution normale, il y aura toujours des enseignants moins efficaces et des écoles moins performantes ou en perte de vitesse pour diverses raisons contextuelles. De même, un groupe d’élèves n’est pas l’autre. La taille des écoles fait que les nombres d’élèves ne sont pas toujours très élevés. Les caractéristiques des populations scolaires sont fluctuantes, ce qui rend probables des erreurs d’échantillonnage. Le processus est dynamique. Les résultats d’une année donnée peuvent être plus élevés ou plus bas que ceux de l’année précédente sans que l’équipe éducative en soit responsable.

Une manière plus intelligente de demander aux écoles et aux enseignants de rendre des comptes de manière plus intelligente serait proactive et basée sur des indicateurs multiples. Une démarche préventive fondée sur une culture de l’apprentissage professionnel et de l’amélioration à l’échelle de l’école est plus porteuse qu’une réactivité directe à des données chiffrées décontextualisées.   



Le rôle de validation de l’évaluation sommative et la manière de le réaliser

L’évaluation est à la fois  :

  • Un instrument qui promeut l’apprentissage par l’évaluation formative et la pratique de récupération
  • La mesure de validation de ce même apprentissage. Elle est une composante fondamentale et essentielle de l’enseignement et de l’apprentissage et plus largement de l’alignement curriculaire. Nous avons besoin de l’évaluation, car sans elle, nous travaillerions à l’aveugle.

L’évaluation sommative et l’évaluation certificative sont des passages obligés. Le processus de réification, de quantification, de qualification ou de classement n’est pas à rejeter en soi.

Les difficultés peuvent venir de la forme et de l’ampleur que nous donnons à ces dimensions. Le domaine de recherche lié à l’évaluation formative a montré que la notation constitue souvent plus un obstacle qu’un allié face au potentiel de la rétroaction. Les effets négatifs liés à la note chiffrée restent courants, que l’évaluation soit individuelle, à l’échelle de la classe ou selon l’approche du jugement comparatif.

La notation, liée à l’évaluation sommative et certificative en milieu scolaire, se traduit souvent en des moyennes et des notes en pourcentage ou sur 20 par exemple. Elle n’est pas un dogme et des alternatives plus efficaces sont susceptibles d’exister et d’être explorées. Si le rôle de validation de l’évaluation formative reste important, c’est sur la manière de le réaliser que nous pouvons agir.




L’évaluation comme indicateur de la progression face à des critères de réussite


Nous avons tendance à devenir enseignants parce que nous nous soucions du développement intellectuel des élèves ou que nous voulons leur transmettre une passion pour nos matières.

L’enjeu de l’évaluation sommative ou certificative est de juger les progrès des élèves en fonction de la part du programme scolaire qu’ils ont appris. Le processus d’apprentissage des contenus visés joue naturellement un rôle important et l’évaluation vient tomber à un moment donné tel un couperet.

Il est raisonnable de s’attendre à ce que les élèves répondent aux critères de réussite spécifiés par le programme d’apprentissage parce qu’ils sont liés à ce qui est enseigné par ce biais. Dès lors, nous devons soigneusement spécifier ce que nous avons l’intention d’enseigner, de cette manière nous pouvons facilement évaluer s’ils l’ont appris.

Si quelques élèves n’ont pas répondu à certaines de nos attentes, nous pouvons déterminer les connaissances qui leur manquent. Nous pouvons également supposer qu’ils pourraient avoir eu besoin d’un soutien supplémentaire.



Une évaluation sommative progressive répartie dans l’année


Nous sommes conscients du potentiel de nuisance de la notation liée aux évaluations sommatives. Dès lors, nous pourrions peut-être atténuer les effets des notes en considérant l’évaluation sommative ou certificative comme la dernière étape d’une évaluation au service des apprentissages telle que la conçoit l’évaluation formative.  

En fin de compte, la seule information utile du point de vue de la certification est celle qui départage la réussite de l’échec. La note peut se réduire à l’établissement d’une réussite ou d’un échec, matière par matière. Les évaluations chiffrées plus détaillées sont alors remplacées par des commentaires sous forme de rétroaction. Ces commentaires évaluent potentiellement la progression vers les critères de réussite qui sont atteints ou non et aboutissent au statut de réussite ou d’échec.

Le corollaire de ce système est que les élèves peuvent représenter les épreuves auxquelles ils ont échoué et qu’ils doivent pouvoir profiter d’un accompagnement scolaire sous une forme ou une autre. De ce fait, échouer correspond à un droit à l’erreur, c’est le fait de réagir face à une difficulté qui devient la responsabilité des différents intervenants du système. L’accent est remis sur l’apprentissage.

Le système va reposer sur une utilisation explicite et adéquate du programme scolaire comme modèle de progression afin d’évaluer les élèves par rapport aux attentes liées au programme. S’il est spécifié que l’élève développe une compétence spécifique, celle-ci doit être enseignée et évaluée. Un seuil minimum de maitrise doit être défini.

L’évaluation interne d’une école est précisément alignée sur le programme. Celui-ci est précisément enseigné. Les élèves sont évalués comme connaissant ou non les contenus du programme et comme étant capables ou non de démontrer leur application. Dès lors, nous sommes en mesure de composer une image claire de ce que chaque élève parvient et ne parvient pas à faire. Nous sommes susceptibles d’atténuer le risque que les élèves intériorisent les jugements que nous portons sur leurs apprentissages comme une mesure de leur valeur intrinsèque.

De telles démarches vont favoriser la nécessité de mettre en œuvre des pratiques d’enseignement efficace telles que celles associées à l’enseignement explicite, à l’évaluation formative ou à la pratique de récupération. L’évaluation et l’apprentissage des élèves sont répartis dans le temps, ce qui permet d’augmenter le niveau attendu étape par étape. Un accent plus poussé peut être mis sur les éléments essentiels afin d’assurer une acquisition durable.

Un tel processus amène à une meilleure perception de ce qui a été enseigné. Si une nette majorité d’élèves a compris un élément du programme, nous pouvons supposer que l’enseignement est efficace. L’enseignant développe une connaissance précise de ce que chaque élève a et n’a pas appris. Il y a dès lors une meilleure perception de ce sur quoi porter les efforts.

Il y a également moins de risques que les élèves qui n’ont pas répondu à une attente liée au programme d’études soient susceptibles de tirer une conclusion erronée. Ils pourraient considérer cela comme négligeable, car supposés par eux comme au-delà de leurs capacités.

Les évaluations sommatives deviennent des points de contrôle répartis dans l’année pour s’assurer que les élèves répondent aux attentes liées au programme. 



Le rôle des objectifs d’apprentissage dans la progressivité de l’évaluation


Selon le principe d’un alignement curriculaire ou constructif, les objectifs d’apprentissage (associés à des conditions de mise en œuvre et à des critères de réussite) sont liés aux objectifs pédagogiques eux-mêmes issus des programmes. Il existe une adéquation entre les objectifs d’apprentissage, ce qui est enseigné, ce qui est appris par les élèves et ce qui est évalué.

L’évaluation dans sa dimension sommative passe par l’intermédiaire d’une notation. Cette notation doit rendre compte des objectifs d’apprentissage par un système de pondération :

  • Certains objectifs d’apprentissage peuvent être des incontournables dont la maîtrise est indispensable. 
  • Certains objectifs d’apprentissage peuvent ne pas être évalués sommativement même s’ils ont bénéficié d’un processus d’enseignement et d’apprentissage.
  • D’autres objectifs d’apprentissage peuvent être pondérés et leurs résultats peuvent être associés d’une manière ou d’une autre pour établir un seuil de réussite. 
Deux constatations s’imposent : 
  • Dans la mesure où nous visons un apprentissage et non une performance ponctuelle le jour de l’évaluation finale, il est utile de documenter la progression dans la maîtrise des objectifs d’apprentissage au fil du temps. Cette maitrise ne peut être établie réellement que par la prise de mesures répétées dans le temps.
  • Dans la perspective d’une pédagogie de maitrise, le fait d’accumuler un certain nombre de notes chiffrées au fil du temps n’a pas non plus de sens. Elles ne permettent pas de rendre compte d’une progression. Le calcul de moyenne dans ce cas a en outre toutes les chances d’activer également un effet compensatoire.
En quelque sorte, comme l’apprentissage ne fait que progresser d’un bout à l’autre de la période d’apprentissage, un rapport d’apprentissage pourrait le documenter. Le statut final serait dès lors utilisable pour déterminer la note du cours. 
 
L’association des critères de réussite aux objectifs d’apprentissage permet d’apporter de la nuance et apporter une nuance informative supplémentaire à la dimension binaire maîtrisé/non maîtrisé. Cette nuance informative facilite de même la rétroaction.

Les critères de réussite peuvent documenter le niveau de maitrise actuel et se centrer sur les étapes liées au développement de l’apprentissage toujours en cours jusqu’à la dernière évaluation.

Néanmoins pour arriver à ce résultat, il existe tout un travail de conception :

  • Si les attentes exprimées par les critères sont trop spécifiques, nous risquons de générer des listes interminables de cases à cocher et à vérifier. 
  • Si elles sont trop générales, elles risquent de devenir floues et de ne rien révéler de concret sur les progrès des élèves.
Dès lors, ces critères de réussite nécessitent une expertise dans la matière enseignée et dans son apprentissage. Les attentes exprimées par ces critères doivent regrouper non seulement des connaissances, mais aussi l’application de ces connaissances pour en tirer du sens. 

En lisant (ou en écoutant) les réponses des élèves, les enseignants sont en mesure de juger dans quelle mesure chaque élève répond aux attentes liées aux objectifs d’apprentissage qui rendent compte du programme d’études. 

Dans le cadre du processus d’enseignement et d’apprentissage en cours, l’enseignant gage à éviter à tomber trop vite dans un suivi individuel. Les démarches liées au modèle de l’évaluation formative ou de l’action formative privilégient un traitement et un suivi à l’échelle de la classe :

  • Si tous les élèves répondent à une attente, nous pouvons passer à la suite. 
  • Si une majorité d’élèves n’ont pas répondu à nos attentes, nous pouvons en déduire qu’il y a probablement un souci au niveau de la qualité de l’enseignement. Nous devons peut-être réfléchir à un autre moyen d’aider les élèves à progresser. 
  • Si une minorité d’élèves n’a pas répondu à nos attentes, nous pourrions en déduire que l’enseignement est globalement acceptable. Cependant, il nous faut aussi un plan pour intervenir auprès de ceux pour qui il a été insuffisant. Nous pouvons passer à autre chose tout en prévoyant une forme d’intervention appropriée.

Une autre question importante est de voir ce qu’il faut rapporter comme information sur la correction. Si la spécificité des attentes est importante au niveau de l’évaluation, elle risque de devenir lourde et inutile dans la rétroaction fournie. Nous visons toujours à améliorer l’apprentissage en cours de l’élève et non la production qu’il nous a rendue antérieurement.

Si nous avons une mission d’enseignement et de soutien à l’apprentissage, nous avons également une mission d’évaluation sommative. L’élément de réponse principal est au terme de l’année de savoir et de documenter si et comment les élèves ont atteint un seuil minimum pour la partie du programme qui a été enseignée. Est-ce réussi ou raté ? 

En intégrant un suivi dans la progression de l’apprentissage vers la maitrise des objectifs d’apprentissage, nous pouvons aisément fournir une rétroaction spécifique au cours du temps. Nous obtenons à tout moment un état des lieux informatif sur la situation de l’élève. Que la décision finale soit une réussite ou un échec, elle est alors pleinement documentée.



Évaluation modulaire à l’École d’Arts et Métiers d’Erquelinnes (Belgique)


L’évaluation modulaire est née d’une problématique spécifique rencontrée par une école secondaire francophone belge, l’École d’Arts et Métiers d’Erquelinnes. Avec le passage progressif de l’enseignement qualifiant aux unités d’acquis d’apprentissage (UAA) qui découpe le programme scolaire en modules indépendants, des incohérences se sont manifestées. 

Certains élèves pourtant dans la même classe se trouvaient l’un dans l’ancien système et l’autre dans le nouveau. Ils se retrouvaient soumis à des contraintes évaluatives différentes. Des résultats équivalents dans une matière pour deux élèves appartenant à deux systèmes différents pouvaient mener à deux issues différentes. L’un pouvait réussir et l’autre pouvait rater. 

L’idée a été d’adopter la logique des unités d’acquis d’apprentissage au niveau de la certification pour toutes les classes. Il s’agit de se libérer du carcan constitué par les deux traditionnelles sessions d’examen dans le secondaire, de décembre et de juin, dont les résultats déterminent finalement le succès ou l’échec d’un élève.

Dans une première étape, les enseignants d’une discipline se sont concertés pour découper d’un commun accord la matière de l’année en modules, c’est-à-dire en ensembles indépendants. Ils forment des unités isolables de matière qui deviennent certifiables indépendamment même si elles peuvent présenter un ordre chronologique. Certains modules peuvent contenir des prérequis pour des modules ultérieurs.

Chaque module est pensé en quatre temps :

  1. Diagnostic : où en sont les élèves ? Quels sont leurs acquis ? L’enseignant évalue les connaissances préalables nécessaires à la compréhension de la nouvelle matière. En fonction des résultats obtenus, différentes démarches peuvent être suivies pour combler les lacunes : nouvel enseignement, remédiation, tâches de mise à niveau. L’enseignant fait en sorte que l’élève soit dans de bonnes conditions pour aborder la nouvelle matière.
  2. Organisation de l’enseignement et des apprentissages qui tient compte de là où partent les élèves. 
  3. Évaluation formative et pratique de récupérations sous différentes formes : questions orales, devoirs, tests formatifs, pratique autonome ou quiz. Ces évaluations formatives sont susceptibles de générer des points qui sont transmis et communiqués aux parents dans le cahier de l’élève. Ces points ne sont pas intégrés aux bulletins et n’y apparaissent pas.
  4. Évaluation sommative : les résultats de cette évaluation apparaissent dans le bulletin.

Au terme de cette évaluation sommative, plusieurs possibilités existent :

  • L’élève a réussi : la matière est validée.
  • L’élève a raté :
    • Il n’y a que quelques lacunes, la situation est récupérable grâce à une remédiation immédiate et un travail personnel de l’élève. Une nouvelle évaluation est organisée. La nouvelle note sera portée au bulletin et remplacera la précédente.
    • Les lacunes sont importantes ou ne permettent pas d’envisager une remédiation immédiate. Une remédiation plus importante est organisée en fin de trimestre avec repassage ultérieur.

En décembre, il n’y a plus d’examens :

  • Soit, tous les modules sont réussis : activités ludiques
  • Soit groupes et activités de remédiation pour les modules non acquis

En juin, les élèves doivent avoir réussi tous les modules

  • Si quelques compétences sont non acquises :
    • Année impaire : report de matière
    • Année paire : seconde session d’examens à la fin août.
  • Trop de lacunes : échec ou réorientation


Mis à jour le 12/08/2023

Bibliographie


David Didau, The problem with grades: Are they worth keeping?, 2020, https://learningspy.co.uk/myths/are-grades-worth-keeping/

David Didau, Curriculum related expectations: using the curriculum as a progression model, 2020, https://learningspy.co.uk/assessment/curriculum-related-expectations/

David Didau, High jump vs hurdles: Replacing grades with curriculum related expectations, 2020, https://learningspy.co.uk/assessment/replacing-grades-with-curriculum-related-expectations/

David Didau, Curriculum related expectations: the specificity problem, 2020, https://learningspy.co.uk/assessment/curriculum-related-expectations-the-specificity-problem/

Jared Cooney Horvath and David Bott, 10 Things Schools Get Wrong and How We Can Get Them Right, 2020, John Catt

Pasquini, R. (2021). Quand la note devient constructive. Évaluer pour certifier et soutenir les apprentissages. Presses de l’Université Laval. http://hdl.handle.net/20.500.12162/4900

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