L’émergence du concept de schéma (cognitif) en psychologie cognitive trouve son origine dans les travaux du psychologue britannique Frederic Bartlett (1886 - 1969) qui l’introduit dans le cadre de sa théorie de l’apprentissage. Il suggérait que notre compréhension du monde est formée par un réseau de structures mentales abstraites.
De même, les travaux de Jean Piaget (1896 - 1980) ont grandement contribué à son émergence. Il a intégré le schéma dans le domaine de la psychologie du développement. Il le décrivait comme une structure cognitive générale qui relie les multiples représentations d’un phénomène.
Une modélisation du schéma
- D’intégrer de nouvelles connaissances en rapport dans le schéma
- D’activer l’ensemble du schéma à partir de la mémoire de travail, c’est-à-dire à partir dans notre conscience.
Du schème de Piaget au schéma en psychologie cognitive
Piaget a introduit la notion de schème. La pensée se construit par des contacts avec le monde extérieur. Les schèmes sont des unités élémentaires de l’activité intellectuelle. Un schème est une entité abstraite qui représente l’organisation d’une action.
Le schème est une structure ou organisation des actions telles qu’elles se transforment ou se généralisent lors de la répétition de cette action en des circonstances semblables ou analogues. Il s’agit d’un noyau ou squelette de savoir-faire, adaptable à un grand nombre de situations.
Les schèmes se complexifient en devenant plus généraux, plus détaillés et plus flexibles. Ils se combinent dans une organisation de type moyen-but. Ils deviennent un ensemble organisé de mouvements ou d’opérations, que l’on acquiert et développe par l’interaction avec le monde environnant.
Le schème n’est donc pas un pur automatisme, car il est adaptable. C’est une structure commune à toute une catégorie de conduites ou d’actions. Le schème, c’est ce qui dans une action est transposable dans des situations semblables ou analogues.
Ces schèmes s’ancrent dans l’esprit, lorsque l’expérience les conforte, ou se modifient lorsqu’ils sont contredits par les faits.
Chaque fois qu’un individu perçoit un objet (qui peut être physique ou une idée), il essaie de l’assimiler. Si cette assimilation, c’est-à-dire l’intégration de l’objet à un schème psychologique préexistant échoue, alors commence un processus d’accommodation :
- L’assimilation est un mécanisme consistant à intégrer un nouvel objet ou une nouvelle situation à un ensemble d’objets ou à une situation pour lesquels il existe déjà un schème. Nous utilisons un schème actuel pour comprendre le monde qui nous entoure ou nous le réutilisons pour l’adapter aux nouvelles informations.
- L’accommodation consiste à créer un nouveau schème qui correspondra mieux au nouvel environnement ou à ajuster l’ancien schème afin de pouvoir intégrer un nouvel objet ou une nouvelle situation. L’accommodation peut également être interprétée comme l’imposition de restrictions à un schème actuel et intervient généralement lorsque l’assimilation a échoué.
Selon Piaget, un schème est dès lors à la fois la catégorie de connaissance et le processus d’acquisition de cette connaissance. Les individus s’adaptent constamment à leur environnement en absorbant de nouvelles connaissances et en apprenant de nouvelles informations. Au fur et à mesure que les expériences se produisent et que de nouvelles informations signifiantes leur sont présentées, de nouveaux schémas sont élaborés et les anciens schémas sont changés ou modifiés :
- Par exemple, un jeune enfant fait l’expérience de ce qu’est un cheval. Il l’observe, le découvre et retient ce terme. Il possède désormais un schéma pour le cheval avec différentes caractéristiques.
- Un peu plus tard, ce jeune enfant croise et observe un âne. Il déclare que c’est un cheval. Ses parents corrigent son erreur. Le jeune enfant a créé maintenant un schéma distinct pour l’âne et a précisé les limites de celui concernant le cheval. C’est de l’accommodation.
- Un autre jour, il croise sur son chemin un poney de petite taille, mais ne considère pas dans un premier temps qu’il s’agit d’un cheval, car la taille lui parait trop faible. Ses parents corrigent son erreur. Le jeune enfant va alors adapter son schéma du cheval pour inclure également des animaux de plus petite taille. C’est de l’assimilation.
La notion de schème a évolué pour être maintenant en grande partie confondue avec celle de schéma en psychologie cognitive.
Les gens utilisent des schémas pour organiser leurs connaissances actuelles et fournir un cadre pour leur compréhension future. Les modèles mentaux, les schémas sociaux, les stéréotypes, les rôles sociaux, les scénarios, les visions du monde, les heuristiques et les archétypes sont autant d’exemples de schémas.
Les schémas influencent l’apprentissage
La littérature sur les schémas leur identifie systématiquement les fonctions suivantes :
- Un schéma permet de guider le comportement d’un individu
- Un schéma facilite l’encodage de nouvelles informations
- Un schéma accélère le processus de récupération de l’information
La théorie des schémas a eu une grande influence sur la psychologie de l’éducation. Anderson (1984) a mis en évidence six fonctions des schémas :
- Fournir un étayage pour l’assimilation des informations textuelles
- Faciliter l’allocation de l’attention
- Permettre l’élaboration inférentielle
- Permettre des recherches ordonnées dans la mémoire
- Faciliter l’édition et la synthèse de nouvelles informations
- Permettre la reconstruction des informations manquantes en mémoire.
Les schémas jouent un rôle particulièrement important dans le processus d’apprentissage.
- Les schémas contribuent à simplifier notre perception de notre environnement. Les schémas nous aident à organiser, à interpréter et à traiter plus rapidement et efficacement la vaste quantité d’informations disponibles dans notre environnement.
- Les schémas ont un impact sur la rapidité avec laquelle nous apprenons. Nous apprenons plus facilement de nouvelles informations lorsqu’elles s’intègrent avec cohérence dans nos schémas existants.
- De nouvelles informations peuvent être classées et catégorisées en comparant les nouvelles expériences aux schémas existants.
- Les schémas influencent notre interprétation des nouvelles informations. Lorsqu’elles ne correspondent pas à nos schémas existants, nous avons tendance à la déformer et à les modifier pour les faire correspondre à ce que nous savons déjà.
- Les schémas influencent ce à quoi nous prêtons attention. Nous sommes plus susceptibles de prêter attention aux informations qui correspondent à nos schémas actuels.
Le cadre à huit caractéristiques pour les schémas de Ghosh et Gilboa (2014)
Constatant une certaine imprécision accompagnant la notion de schéma, Ghosh et Gilboa (2014) ont proposé un cadre permettant de distinguer les schémas de mémoire des autres structures de connaissance.
Leur cadre comprend une définition du schéma comme possédant quatre caractéristiques nécessaires et suffisantes. Il propose également quatre caractéristiques supplémentaires auxquelles les schémas sont sensibles. Ces dernières ne sont pas nécessaires, mais jouent un rôle fréquent et central dans les fonctions du schéma.
Les quatre premières caractéristiques sont nécessaires pour les schémas. Les schémas peuvent être également sensibles aux quatre dernières caractéristiques.
- Une structure de réseau associative
- Fondée sur des épisodes multiples
- Présentant un manque de détail des unités
- Possédant une adaptabilité.
- Leurs relations chronologiques
- Leur organisation hiérarchique
- La connectivité croisée entre schémas
- La présence d’options de réponse intégrées.
1) Une structure de réseau associatif pour les schémas
Un schéma possède une structure de réseau associatif. Les schémas sont composés d’unités en interrelation :
- Sans unités, un schéma ne pourrait contenir aucune information.
- Sans leurs interrelations, cette information serait isolée et sa signification largement restreinte.
Les interrelations (les liens) sont souvent présentées comme plus cruciales que les unités elles-mêmes.
2) Un schéma fondé sur des épisodes multiples
Les schémas sont généralement représentés comme étant fondés sur des épisodes, des expériences, des événements multiples :
- Les épisodes sont variables, mais partagent une même structure de base.
- Le passé agit comme une masse organisée plutôt que comme un groupe d’éléments dont chacun conserve sa spécificité.
- Les schémas sont des constructions générales, de plus haut niveau, qui englobent des représentations des similitudes ou des points communs entre les événements, plutôt que la spécificité qui rend ces événements uniques.
Lorsqu’ils sont activés, les points communs extraits de plusieurs épisodes forment une collection cohérente d’inférences sur les occurrences possibles d’un ensemble d’événements ou d’objets dans le contexte du schéma.
Les schémas ne pourraient pas faciliter l’encodage de nouvelles informations ou guider le comportement dans une nouvelle situation s’ils étaient définis par des informations d’épisodes spécifiques et uniques.
3) Le manque de détails des unités d’un schéma
Les schémas ne sont pas détaillés, mais plutôt généraux. Cela découle directement du fait qu’ils se basent sur la répétition d’épisodes. Aucun épisode n’est identique à un autre et certains des paramètres d’un schéma sont variables.
Chacune des unités ou variables d’un schéma a des contraintes, qui sont considérées comme des distributions plutôt que des limites inviolables.
C’est la flexibilité des contraintes variables qui différencie les schémas des définitions, car elle leur permet de tolérer et d’accepter des écarts plus importants par rapport à ce qui est normalement vrai.
Les schémas doivent être généraux de manière à pouvoir organiser de nouvelles informations et fournir une signification supplémentaire, tout en laissant de la place pour les détails de nouveaux épisodes particuliers.
4) L’adaptabilité (assimilation et accomodation) des schémas
Les schémas sont en constante évolution, affectés par chaque expérience sensorielle entrante.
Piaget (1952) a développé l’adaptabilité des schémas en identifiant deux moyens par lesquels les schémas peuvent être modifiés. Ces processus complémentaires qui soutiennent l’adaptation de l’individu à l’environnement :
- L’assimilation :
- Elle consiste à incorporer les propriétés de l’environnement dans un schéma préexistant sans remettre en cause les relations existantes au sein du schéma.
- Elle permet de stocker de grandes quantités d’informations issues de nombreuses expériences et de les mettre à jour.
- L’accommodation :
- Les individus mettent à jour un schéma lorsque de nouvelles informations provenant de l’environnement entrent en conflit avec leurs connaissances existantes.
- Elle consiste à modifier un schéma sous la pression de nouveaux éléments environnementaux.
- De même, de nouveaux schémas peuvent être créés au fur et à mesure qu’une personne apprend de nouvelles informations et fait de nouvelles expériences.
5) Les relations chronologiques au sein de schémas
L’aspect chronologique des schémas est plus important dans certains schémas que dans d’autres. En raison de leur nature événementielle, les unités contributives d’un schéma sont susceptibles d’être organisées par ordre chronologique.
Si tous les schémas ne possèdent pas de relations chronologiques entre les unités, lorsqu’elles sont présentes, la chronologie des unités (comme d’autres types de relations d’unités) devient cruciale pour les fonctions du schéma.
L’ordre chronologique pourrait être ancré dans les relations entre les unités du schéma. La mesure dans laquelle les unités chronologiques peuvent être échangées a un effet substantiel sur l’adaptabilité ou la flexibilité d’un schéma.
Par exemple, l’organisation chronologique peut guider le comportement en fonction de ce qui est censé se produire ensuite, ou faciliter les inférences sur quelque chose qui vient probablement de se produire.
Cet ordre chronologique peut parfois être rompu. La chronologie adaptative est un aspect important de la caractéristique d’adaptabilité de certains schémas.
6) L’organisation hiérarchique des schémas
L’organisation hiérarchique n’est pas une caractéristique nécessaire, mais plutôt une caractéristique à laquelle les schémas sont sensibles.
L’organisation hiérarchique permettait une activation descendante et ascendante des structures cognitives. L’organisation hiérarchique permet de stocker des informations plus complexes.
L’organisation hiérarchique n’implique pas que tous les schémas soient constitutifs et appartiennent à des schémas plus larges et englobants, mais que la capacité de hiérarchie est inhérente à la manière dont les unités des schémas sont connectées.
7) La connectivité croisée des schémas
L’interconnectivité fait référence aux unités qui se chevauchent entre différents schémas.
Un sous-système pouvait faire partie de plusieurs schémas plus grands, les reliant ainsi.
L’interconnectivité des schémas est une propriété probable des schémas basée sur le fait que les mêmes concepts et sous-schémas peuvent avoir des significations différentes dans des contextes différents.
Une conséquence de l’interconnectivité des schémas est que ceux-ci peuvent être en concurrence. Si plusieurs schémas de niveau supérieur partagent un sous-système associé à l’objectif en question, nous disons que ces schémas sont en concurrence.
Il y a des situations inhabituelles dans lesquelles certains aspects d’une situation correspondent à un scénario et d’autres aspects à un autre scénario. De telles situations sont extrêmement difficiles à interpréter sans informations supplémentaires pour soutenir la résolution du conflit.
8) Les options de réponse intégrées des schémas
Dans certains cas, les schémas sont interprétés comme étant uniquement des structures de connaissances, alors que dans d’autres, ils possèdent également des liens entre ces connaissances et des comportements adaptés au contexte.
Les schémas peuvent avoir chacun un objectif associé et des moyens d’atteindre cet objectif. Par conséquent, ils ont interprété les schémas comme étant responsables de la production de séquences d’actions bien apprises.
Il est parfois difficile de savoir si les options de réponse sont considérées comme faisant partie intégrante du schéma lui-même. Il est parfois question de schémas d’action.
Dans le cadre proposé, les options de réponse intégrées sont considérées comme une caractéristique sensible, plutôt que nécessaire, car elle est cruciale pour les situations où un schéma sert à guider le comportement. Cependant, il semble possible que tous les schémas n’aient pas cette fonction.
Les limites inhérentes aux schémas
La nature automatisée et aisément accessible et récupérable du contenu des schémas induit également des limites. Les schémas ont tendance à être plus faciles à modifier pendant l’enfance, mais peuvent devenir de plus en plus rigides et difficiles à modifier à mesure que nous vieillissons.
Nos schémas peuvent nous amener également à exclure des informations pertinentes pour nous concentrer uniquement sur des éléments qui confirment nos croyances et idées préexistantes :
- Les schémas peuvent contribuer aux stéréotypes. Les préjugés sont un autre exemple de schéma qui empêche les gens de voir le monde tel qu’il est et les empêche d’assimiler de nouvelles informations.
- Les schémas peuvent rendre difficile la rétention de nouvelles informations qui ne sont pas conformes à nos idées établies. Les schémas peuvent être difficiles à modifier.
- Les schémas persistent souvent même lorsque les personnes se voient présenter des preuves qui contredisent leurs croyances. Dans de nombreux cas, les gens ne commenceront à modifier leurs schémas que lentement lorsqu’ils seront inondés d’un flot continu de preuves indiquant la nécessité de les modifier.
Mis à jour le 05/06/2023
Bibliographie
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Schème (psychologie). (2023, décembre 29). Wikipédia, l'encyclopédie libre. Page consultée le 04:53, décembre 29, 2023 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Sch%C3%A8me_(psychologie)&oldid=210956652.
Jean Piaget. (2024, mars 29). Wikipédia, l'encyclopédie libre. Page consultée le 17:43, mars 29, 2024 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Jean_Piaget&oldid=213788077.
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