dimanche 29 novembre 2020

Pilotage de l’amélioration en école : viser un maillage collaboratif entre autonomie et responsabilisation

Les écoles sont confrontées au défi de la conception et de la mise en œuvre de changements de pratiques afin de répondre à des enjeux à la fois spécifiques et généraux qui s’imposent à elles. 

La réponse à des objectifs d’amélioration ou d’adaptation amène les équipes d’enseignants à s’engager, à explorer de nouvelles directions et parfois à changer leurs habitudes.

(Photographie : Adrian Capusan)



Des difficultés potentielles liées aux changements de pratiques


Le pilotage du changement est parfois complexe, notamment lorsque les idées à diffuser émergent du sommet la hiérarchie ou d’un petit groupe de personnes bien informées. 

Il n’est pas toujours évident de communiquer et de faire adopter aisément à des enseignants de nouvelles initiatives sans susciter quelques réserves et résistances, d’autant plus quand celles-ci sont ressenties comme imposées, floues ou arbitraires. 

Lorsqu’il faut changer des habitudes, nous faisons face à une propension bien réelle à l’inertie. S’il n’est pas anticipé, le changement visé peut rendre la communication plus difficile, avec un effet de loupe sur les difficultés éventuellement rencontrées. L’énergie investie dans le déploiement peut mener à des frustrations, des pertes d’énergie ou des impasses de part et d’autre. Les résultats escomptés peuvent avoir peu de chances d’être au rendez-vous.

Il arrive également que de bonnes idées et des initiatives précieuses naissent à la base plutôt que du sommet, d’un petit groupe d’enseignants bénévoles et motivés, prêts à aller de l’avant avec des initiatives originales. Le danger de telles démarches est qu’elles peuvent rester invisibles, ignorées, floues et dès lors peu pérennes, car construites bénévolement et vouées à s’épuiser. Souvent, elles ne seront que peu diffusées, documentées et comprises en dehors de l’équipe d’origine et très liées à l’expertise des personnes impliquées. Les difficultés naitront de la difficulté de la transposition et de la mise à l’échelle délicate d’un projet pilote souvent très spécifique et dépendant des personnes impliquées.

Dans les deux situations, ce qui fait défaut est à la fois une communication claire et directionnelle, de même que des stratégies de mise en œuvre. Des personnes bien intentionnées peuvent souhaiter diffuser et partager des idées et des pratiques. Mais elles vont mal les communiquer et manquer de clarté, ignorer certaines problématiques. Elles vont souvent démarrer en prenant en compte leur propre situation et leur propre vécu, mais non pleinement ceux de leurs interlocuteurs. Une dimension globale ou contextualisée avec prise de recul peut leur échapper. 

Ces difficultés potentielles peuvent affaiblir le pilotage du changement et le rendre inefficace. Les enseignants concernés par la mise en œuvre pratique peuvent avoir l’impression d’un passage en force qui ne tient pas compte des impacts concrets pour eux et des spécificités propres à leur contexte. Cela va favoriser les blocages en créant des difficultés pour tous les intervenants. C’est susceptible de mener à un désinvestissement, à une procrastination et la focalisation sur les difficultés et imprécisions. 

L’information utile au changement risque de n’être ni exprimée, ni reçue, ni échangée fidèlement ou efficacement. Elle se retrouve déformée sans rencontrer la satisfaction de personne. 

Quelle pourrait être une alternative fonctionnelle ?



Qualité de la communication dans le pilotage de l’amélioration


Il est nécessaire que la qualité de la communication puisse prendre en compte deux dimensions essentielles. Il doit y avoir : 

  • Une réflexion globale sur la cohérence
    • Il s’agit de définir le changement souhaité, sa légitimité, à quoi il ressemble, sur quoi il se fonde.
    • Quels sont les paramètres de l’intervention, quelle est l’amélioration visée, que signifie-t-elle pour chaque membre de la communauté scolaire ?
  • Une réflexion de fond sur l’appropriation et la mise en œuvre. 
    • Comment introduire le changement dans le contexte des enseignants ? 
    • Sur quels acquis se fonder et comment accompagner dans l’acquisition de la nouvelle pratique, quelles étapes envisager ? 
    • Comment savoir si nous nous trouvons dans la bonne direction ?



Le cadre du pilotage de l’amélioration en école


Dans un premier temps, les différents intervenants établissent le cadre de référence dans lequel :

  • Les principes généraux liés au changement visé sont exprimés
  • Les critères de fidélité des attendus escomptés sont précisés.

Cette démarche permet également d’envisager les moyens alloués, les attentes en matière d’engagement, l’organisation, l’échéancier prévu et les ressources disponibles.

Dans un second temps, les équipes disciplinaires se voient accorder l’autonomie nécessaire pour pleinement jouer leur rôle de partenaire et d’acteur du projet. Ils ont un rôle de premier plan dans le diagnostic des problèmes spécifiques rencontrés dans leurs contextes, de même que dans la proposition et la validation des solutions adressées. 

Cette clarté de la communication associée à une autonomie dans la manière de faire est une condition préalable à la prise de responsabilité des équipes et des enseignants. Ils pourront plus logiquement, dans un troisième temps, évaluer la qualité de leur propre mise en œuvre. 

Ce genre de dispositif peut intervenir dans des projets à l’échelle de l’école comme la gestion des comportements, celle de politiques d’évaluation et de diffusion de la rétroaction sur les apprentissages. 

Dans ces démarches, il y a intérêt à éviter toute rigidité et tout dispositif purement administratif ou coercitif basé sur un contrôle de conformité excessif. La lourdeur entrainée est susceptible de faire sombrer toute perspective d’amélioration et d’amenuiser les motivations. 




Un exemple de pilotage de l’amélioration lié à l’évaluation et à la rétroaction


Une manière plus adaptée de fonctionner, par exemple en ce qui concerne l’évaluation et la rétroaction, pourrait consister à : 

Dans un premier temps, il s’agit de définir et préciser quelques principes centraux liés à l’évaluation et à la rétroaction qu’il serait pertinent de mettre en œuvre.

Dans un deuxième temps, il s’agit de demander à chaque équipe disciplinaire quel serait leur mode de fonctionnement optimal au niveau de l’évaluation et de la rétroaction dans le cadre voulu. Le tout doit également maintenir la charge de travail des enseignants dans des limites raisonnables. 

Il faut alors leur laisser aux équipes d’enseignants, le temps de concevoir ce mode de fonctionnement pour eux-mêmes, tout en tenant compte des exigences d’évaluation authentiques de leur discipline, de leur temps de travail, etc. 

Dans un troisième temps, la proposition de l’équipe doit alors être validée par les pilotes du changement et la direction de l’école. Les critères de faisabilité et de conformité avec les principes sur l’évaluation et la rétroaction adoptés par l’école doivent être vérifiés.

Quelques questions à se poser dans ce troisième temps peuvent être :

  • Comment les élèves sont-ils informés des objectifs pédagogiques (et intentions d’apprentissage) et de la manière dont ils seront évalués ?
  • Comment les élèves savent-ils s’ils sont performants à un moment donné, sur quels objectifs ?
  • Comment les élèves sont-ils informés de leurs lacunes en matière de connaissances et sur la manière de les combler ?
  • Quels sont la fréquence et le format optimaux pour la rétroaction et la notation en matière d’évaluation formative et d’évaluation sommative ?
  • De quelle manière le retour d’information est-il délivré pour maximiser les progrès des élèves ?
  • Le processus est-il viable du point de vue de la charge de travail et de l’organisation de l’année scolaire ?
  • Quels éléments de contrôle permettent de vérifier l’engagement des élèves à l’égard du processus d’évaluation et de rétroaction ?
  • Comment peut-on évaluer l’efficacité générée une fois qu’il est mis en action ?
Dans un quatrième temps, la proposition de l’équipe qui a été validée et éventuellement amendée doit être mise en œuvre. Il s’agit alors d’assurer et d’évaluer sa mise en œuvre. À partir du moment où les équipes ont défini leur propre modèle, il devient de leur responsabilité de le faire fonctionner.

En procédant de cette manière, nous pouvons créer à l’échelle de l’école un ensemble de pratiques qui appartiennent aux équipes d’enseignants, mais possèdent le dénominateur commun recherché. Dès lors, il est plus aisé de leur demander de les appliquer, tout en s’assurant qu’elles correspondent à un ensemble de principes valides. 



Un exemple de pilotage de l’amélioration lié aux pratiques d’enseignement


Les mêmes principes de base peuvent s’appliquer pour améliorer l’enseignement.

Chaque matière a ses spécificités et celles-ci sont également fonction de l’âge des élèves. Chaque équipe d’enseignants est également composée d’un ensemble unique de personnes ayant leurs propres besoins en matière de développement professionnel. 

Si nous souhaitons améliorer les pratiques pédagogiques à l’échelle de l’école, il faut combiner des principes généraux avec une mise en œuvre adaptée et qui correspond aux spécificités du contexte. 

Dans un premier temps, il s’agit d’établir un cadre pour l’école dans son ensemble. L’enjeu est de définir un ensemble raisonnable de principes généraux raisonnables et probants que les enseignants pourraient utiliser comme un ensemble de référence et partager une mise en œuvre commune et globale. 

Un atout supplémentaire sera alors d’organiser une partie du programme de formation continue pour garantir une compréhension commune et approfondie de ces principes généraux. 

En particulier, il faut au minimum s’assurer que ces compétences sont parfaitement comprises et acquises par des représentants de chaque équipe concernée par la mise en œuvre. Ces personnes pourront ensuite servir de relais pour sensibiliser et partager ces idées avec leurs collègues. À ce dispositif, peut s’adjoindre du coaching pédagogique par un expert afin de s’assurer de la fidélité de la mise en place. 

Il ne faut jamais non plus perdre de vue que l’objectif est l’amélioration de l’apprentissage des élèves. Ainsi cette dimension doit toujours être présente en filigrane :

  • Quels sont les besoins et les difficultés d’apprentissage de nos élèves ?
  • Que pourrait faire l’équipe pour obtenir de meilleurs résultats d’apprentissage ?
  • Comment ces nouvelles directions s’intègrent-elles avec les connaissances et l’expérience des enseignants ?
  • Comment ces nouvelles directions s’intègrent-elles avec la façon dont les programmes et l’évaluation des apprentissages sont conçus et avec la manière de structurer les contenus et compétences à l’intérieur de ceux-ci ?
  • Comment ces nouvelles directions s’intègrent-elles avec les compétences et conceptions pédagogiques des enseignants, avec les routines et les habitudes des équipes concernées ? 

Cet état des lieux est nécessaire, car il définit l’état des fondations sur lesquelles de nouvelles approches seront construites. Parfois, elles sont complémentaires, parfois elles se fondent sur un changement de certaines conceptions et il est important d’en être conscient dès le départ.

Ce processus permet d’établir et d’élaborer un programme durable et judicieux pour développer les pratiques des enseignants déterminer les éléments de conception pédagogique nécessaires pour répondre à leurs besoins. 

Son pilotage et le leadership pédagogique sont essentiels : 

  • Sur quelles données et aux observations la démarche se fonde-t-elle ? Quels sont les ressources et moyens qui ont été identifiés ? 
  • Quelle garantie pouvons-nous avoir que l’approche privilégiée constitue bien une réponse é la problématique identifiée ?
  • Quelles sont les priorités en fonction des compétences présentes actuellement dans les équipes d’enseignants ?
  • Comment est-ce que les ressources en matière de développement professionnel peuvent être mobilisées et optimisées en vue de répondre aux priorités et aux visées de l’intervention ?
  • Quels facteurs permettent de vérifier que la mise en œuvre fonctionne ?



Un maillage collaboratif entre autonomie et responsabilisation


Une démarche de changement au sein d’une école gagne à se placer dans un cadre défini qui promeut à la fois l’autonomie, l’adhésion, le consensus et la prise de responsabilité des différents intervenants. Elle se fonde alors sur une compréhension partagée avec des échanges encadrés entre les différents partenaires. Cela constitue le moteur du changement et de l’amélioration.

Le vecteur et la véritable action ont lieu tout autant au niveau de l’équipe de pilotage qu’au sein des équipes d’enseignants. Tous peuvent ainsi se saisir de l’action propre qui concrétise le changement voulu de manière collaborative et individuelle. Chacun s’y engage en sa qualité et devient porteur du projet à son échelle.  

L’apport d’une expertise extérieure peut certainement se révéler nécessaire à certains moments. Cependant, ce ne sera que par la volonté, l’engagement, la conviction, une certaine autonomie des équipes et leur sens des responsabilités que le changement pourra se produire.   

Chacun à son échelle participe à l’identification des problèmes, engage son expertise, se forme, apprend, participe à la formulation d’un plan d’action négocié puis à sa mise en place. Cela constitue un maillage collaboratif entre autonomie et responsabilisation au cœur d’un pilotage de l’amélioration fonctionnel.


Mis à jour le 22/11/2022

Bibliographie


Tom Sherrington, Autonomy with accountability. Implementing change from the ground up, 2020, https://teacherhead.com/2020/10/26/autonomy-with-accountability-implementing-change-from-the-ground-up/

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