jeudi 27 août 2020

L'enjeu de l'apprentissage lié à la résolution de problèmes

Comment distinguer un exercice d’un problème ? Quels sont les différents types de problèmes ? Quelles conditions facilitent-elles l’apprentissage à travers la résolution de problèmes ?

(Photographie : Joel Meyerowitz)



Définir la notion de problème


La définition choisie pour un problème dans ce blog est celle d’une tâche qu’on ne sait pas réaliser d’emblée telle qu’énoncée par André Tricot.

Il n’existe en effet pas de consensus clair sur ce qui constitue un problème. Comme l’écrivent Hodgen et ses collègues (2018), il existe un grand écart dans les conceptions et les idées selon lesquelles : 
  • Toute tâche présentée à un élève pourrait être définie comme un problème.
  • Lorsque nous présentons aux élèves une tâche pour laquelle ils n’ont pas de méthode immédiatement applicable, il s’agit d’un problème pour lequel ils doivent donc concevoir et poursuivre leur propre approche. 
Ce qu’il importe surtout de faire est de distinguer le problème de l’exercice. Tous deux sont des tâches. La résolution de problèmes se distingue de celle des exercices, car les seconds sont familiers. 

Nous pouvons donc considérer comme problèmes des tâches pour lesquelles les élèves possèdent les connaissances requises pour les résoudre, mais qu’ils n’ont pas encore rencontrées sous cette forme.


L’enjeu de l’apprentissage lié à la résolution de problèmes


À partir du moment où un élève a appris à résoudre un problème, celui-ci devient un exercice, car il peut mobiliser assez directement la manière de faire. 

L’enjeu au niveau de la résolution de problèmes se place au niveau de l’apprentissage :
  •  Si des élèves s’exercent à résoudre des problèmes, y arrivent, mais n’apprennent rien, ceux-ci restent des problèmes pour eux. 
  • Si nous enseignons à des élèves comment résoudre certains types de problèmes et qu’ils pratiquent avec succès par la suite, ceux-ci deviennent des exercices pour eux.

De fait, la résolution de problèmes n’est intéressante que si elle mène à un apprentissage. Si un élève a pu résoudre un problème, mais n’a rien appris, l’intérêt est limité.



La notion de degré de familiarité d’un problème


Les élèves se distinguent en fonction de leurs connaissances préalables et de la progression de leurs apprentissages nouveaux. Au sein d’une classe, une même tâche peut être un problème à décoder pour certains élèves et un exercice d'application pour d’autres. 

Pour l’enseignant, ce qui compte n’est donc pas que les élèves puissent résoudre des problèmes, mais qu’ils apprennent à le faire. Il y a une question de degré de familiarité de l’élève avec la tâche qui détermine son statut.

Si une tâche est complètement familière et sa résolution immédiatement identifiée par un élève, il s’agit d’un exercice. C’est quelque chose qu’un élève comprend. L’enjeu de la réalisation d’exercice est de transformer une compréhension en un apprentissage durable et fluide en mémoire à long terme.

La difficulté que représente un problème pour un élève donné peut être en rapport avec son degré de familiarité envers la tâche. Au moins, celle-ci lui est familière, au plus la probabilité qu’il puisse le résoudre diminue.

N’ayant pas un accès direct aux connaissances des élèves, nous ne pouvons donc pas aisément établir qu’un problème donné est familier alors qu’un autre ne l’est pas. Nous pouvons cependant travailler sur cette familiarité dans des contexte spécifiques lors de l'enseignement en classe.



Un continuum dans le degré de familiarité des problèmes


Il est plus utile de considérer les problèmes comme existant selon un continuum de familiarité, du plus familier au moins familier. Les élèves vont se distribuer le long de cet axe. En fonction de l’évolution de leurs connaissances et de leur pratique dans un domaine, les problèmes dans un domaine donné sont appelés à devenir de plus en plus familiers.

L’enjeu pour l’enseignant est de faire progresser ses élèves dans leurs apprentissages dans un domaine spécifiques. Les problèmes doivent être conçus comme un moyen et non une finalité. Il s’agit de les familiariser peu à peu avec des problèmes de plus en plus complexes dans un domaine spécifique.

En tant qu’enseignants, quelque chose que nous tendons naturellement à faire est de proposer à nos des élèves des problèmes par ordre croissant de complexité. Si nous voulons que nos élèves résolvent des problèmes avec succès, nous devons nous assurer qu’ils apprennent à maitriser les connaissances nécessaires, étape par étape.



Trois types de tâches


Partant de l’idée d’un continuum de familiarité lié aux problèmes, nous pouvons classer les tâches données aux élèves en trois types : 
  1. Exercices : 
    • L’élève a les connaissances requises et a déjà rencontré des tâches similaires.
    • Les exercices font l’objet de pratiques de récupération régulières (quizz) 
  2. Problèmes accessibles : 
    • L’élève a les connaissances requises, mais n’a pas encore rencontré le problème auparavant.
    • Ce type de problème peut intervenir lors de la pratique autonome, de la pratique coopérative ou lors de démarches de type découverte guidée.
  3. Problèmes inaccessibles : 
    • L’élève n’a pas encore les connaissances requises et ne peut donc résoudre le problème.
    • Ce type de problème doit faire l’objet d’un enseignement explicite avec modelage, pratique guidée et pratique autonome.
    • Des approches pertinentes pour aborder les problèmes actuellement inaccessibles sont celles qui mobilisent l'étude des problèmes résolus, des problèmes à compléter ou la non-spécification du but, différentes approches promues par la théorie de la charge cognitive.

En ce sens, la résolution de problème dépend de l’acquisition antérieure de connaissances factuelles, procédurales et conceptuelles. La résolution de problème est alors susceptible de mener à une acquisition de connaissances si elle est bien gérée par l’enseignant sur l'axe de l'apprentissage proposé aux élèves. 


L’intérêt de la résolution de problème dont on connait la réponse finale


Un format de problème intéressant en mathématiques est celui des problèmes dits à milieu ouvert. Il s’agit de problèmes pour lesquels un début et une fin sont donnés et pour lesquels l’enjeu est de montrer comment à partir des données de l’énoncé, nous pouvons aboutir à la conclusion.

L’avantage est que trouver la solution n’est plus l’enjeu final, celui-ci se trouve déplacé vers le processus de réflexion. Le seul élément auquel il faut veiller est que l’élève ne puisse pas déduire la démarche à partir de la réponse. 

L’autre intérêt est que le processus incite à la rigueur. En cas de faute de calcul ou de raisonnement, la réponse finale ne sera pas obtenue, ce qui poussera l’élève à plus d’autorégulation. 

La limitation à ce type d’approche est que nous devons éviter que les élèves puissent trianguler la réponse à partir des données de départ sans réellement s’investir dans une réflexion en profondeur.



L’importance de l’échelonnement de la difficulté et de la dimension coopérative dans l'apprentissage de la résolution de problèmes


La question centrale pour un enseignant dans la préparation de ses activités d’enseignement est de quantifier la difficulté des problèmes accessibles qu’il va proposer à ses élèves.  

Il s’agit donc de tâches pour lesquelles il n’y a pas pour l’élève de méthode immédiatement applicable. Les élèves doivent par conséquent déterminer quelle approche appliquer, sélectionner les données présentées et les traiter. 

La difficulté vient du fait que tous les élèves n’ont pas les mêmes connaissances au même moment. Toute nouvelle tâche dans une nouvelle matière constitue à un moment donné un problème inaccessible puis devient accessible pour finalement être réduite au statut d’exercice.

À côté de la nécessaire démarche de discrimination qui implique que l’élève relève des indices dans l’énoncé pour déterminer parmi la panoplie de procédures qu’il connait laquelle est pertinente, il y a une autre dimension. 

Même si l’élève a déterminé la procédure pertinente à appliquer, elle peut ne pas être directement applicable de manière classique, mais peut demander un raisonnement préalable. Ceci constitue une seconde dimension au problème qui peut s’ajouter à la première.

Ce qui est un problème pour un élève ne le sera pas pour un autre et vice versa, le tout en fonction de leurs connaissances antérieures. Cette situation montre que des procédures d’apprentissage collaboratif dans le cadre d’une pratique coopérative pour des groupes hétérogènes sont intéressantes. 

De fait, les problèmes ne peuvent pas réellement être considérés comme une entité séparable des tâches d’application que sont les exercices. Au sein d’un cours, ils représentent plutôt un continuum le long duquel les élèves progressent, de tâches simples vers des tâches de plus en plus complexes et diversifiées.

La capacité de résolution de problèmes est intimement liée à la maitrise de connaissances. Un élève n’est pas bon ou mauvais en mathématiques, il va se distinguer par l’ampleur et la profondeur de ses connaissances et par ses capacités à les mobiliser (mémoire de travail, attention, vitesse de traitement…).

Engager les élèves dans des démarches de résolution de problèmes a pour objectif d’augmenter leurs connaissances dans le domaine concerné et rendre de nouveaux contextes plus familiers et accessibles. Elle n'a pas pour enjeu de les mettre en difficulté.



Mis à jour le 25/11/2022

Bibliographie


Emma Mccrea, Making Every Math Lesson Count, 2019, Crown House

Hodgen, J., Foster, C., Marks, R., & Brown, M. (2018).
Evidence for Review of Mathematics Teaching: Improving Mathematics in Key Stages Two and Three: Evidence Review. London: Education Endowment Foundation.

0 comments:

Enregistrer un commentaire