(Photographie : Alina Trifan)
L’utilité d’un continuum d’interventions pour les perturbations mineures en gestion de classe
Au-delà de la diversité des approches possibles, dans cet aspect comme dans d’autres, le soutien au comportement positif repose sur l’idée d’une cohérence et d’une uniformité des pratiques chez les enseignants. Cela augmente la prévisibilité et le caractère routinier de l’environnement, ce qui fait que les élèves vont plus facilement s’y habituer et moins chercher à en tester les limites.
S’il existe une diversité parmi les réactions des élèves, elle se retrouve également parmi les enseignants. Tous les enseignants ne vont pas non plus réagir avec la même sensibilité face à des situations similaires. De plus, ils ne vont pas obtenir forcément le même résultat dans leurs interventions auprès de tous leurs élèves.
Un enseignant efficace en gestion de classe va posséder une palette d’interventions qu’il a automatisées et testées. Elles font partie de ses habitudes. Il connait des techniques qu’il a confirmées comme pouvant être efficace dans certaines catégories de situations face à certains profils d’élèves.
Pour généraliser cette forme d’expertise à l’échelle de l’école, un équilibre doit être trouvé entre les catégories d’interventions et leur progression. L’enjeu est de correspondre à la culture de l’école et aux caractéristiques des élèves, afin d’aboutir à une cohésion au sein de l’équipe éducative.
Pour répondre à cette difficulté, le soutien au comportement positif propose d’adopter un continuum d’interventions. Ce continuum va servir de référence procédurale. Il pose des jalons et décrit des étapes recommandées pour uniformiser les pratiques des enseignants.
Les interventions vont du non verbal au verbal, du général au directionnel et avec différentes intensités dans la nature du message envoyé à l’élève. L’idée est d’utiliser l’approche la moins invasive possible, et la plus à même de réorienter respectueusement l’élève vers le comportement attendu sans déranger la classe.
Ce continuum reflète le niveau d’autonomie et de contrôle accordé à l’élève pour changer son propre comportement. L’autonomie de l’élève décroît dans le sens inverse de celui du pouvoir de l’enseignant au fil de celui-ci. Au plus l’enseignant exerce son pouvoir, au moins l’élève peut faire preuve d’autonomie. Ce continuum est typique de l’approche du soutien au comportement positif où la démarche se veut toujours éducative en permettant à l’élève d’apprendre et d’exprimer ce qui est attendu.
1. Faire prendre conscience du comportement attendu ou la perspective de l’écoute relationnelle
Dans le cadre du soutien au comportement positif, au sein de la matrice des comportements, diverses attentes comportementales sont explicitées au sein de l’école.
L’idée est de définir un cadre, d’y former les adultes et les élèves et de permettre l’atteinte d’un certain équilibre dans la communauté où chacun peut gagner une certaine autonomie harmonieuse. Ce cadre permet aux élèves d’apprendre à maîtriser leurs comportements et de prendre leurs propres décisions de manière informée.
Dans la plupart des cas et pour la plupart des élèves, l’adulte est celui qui procure du soutien, forme, renforce et facilite le bon comportement. Il est convaincu des capacités des élèves à trouver leur équilibre et leur épanouissement dans l’environnement scolaire. Les expériences positives que rencontrent les élèves dans l’espace scolaire les aident à se construire des compétences relationnelles.
Imaginons maintenant qu’un comportement perturbateur mineur apparait en classe (bavardage, distraction, non-respect des consignes). Normalement, il n’échappera pas à la vigilance de l’enseignant. Celui-ci va dans un premier temps privilégier la non-directivité dans son intervention en respectant en ce sens, le début du continuum d’interventions privilégié par le soutien au comportement positif.
Dans cette première approche, la gestion de classe se révèle centrée sur la personne. Elle est en phase avec les travaux de Carl Rogers, psychologue humaniste américain (1902-1987).
Suivant le contexte, différentes pistes d’actions sont possibles, l’enseignant peut :
- S’approcher physiquement de l’élève
- Faire un commentaire positif à un élève à côté de lui pour attirer son attention sur le comportement attendu
- Rappeler la règle à l’ensemble de la classe
- Croiser le regard de l’élève
- Lui envoyer discrètement un message non verbal
- Lui rappeler de manière bienveillante la règle en aparté.
Cette démarche première visa à clarifier ce qui est assimilé à une confusion passagère dans le comportement de l’élève. Nous le renvoyons à l’image de lui-même. En lui faisant prendre conscience de son comportement, nous lui donnons l’opportunité de le changer lui-même.
L’enseignant se montre ouvert, confiant, naturel, fait preuve d’empathie et de considération dans sa communication.
L’élève a l’opportunité de modifier son comportement à la suite de la réception du message non directif de l’enseignant.
Ce faisant, l’enseignant fait le pari d’une bonne relation avec l’élève et de la capacité de ce dernier à modifier son comportement. En retour, l’élève peut considérer l’enseignant comme une personne qui le respecte.
Si l’élève réagit, tout rentre dans l’ordre et l’intervention s’arrête là. L’enseignant privilégie l’utilisation d’un pouvoir minimum. Il peut offrir un renforcement positif un peu plus tard sur l’expression du comportement attendu correspondant à celui qui a justifié sa démarche.
L’enseignant a fait prendre conscience à l’élève de la perturbation qu’il a occasionnée. Dans cette démarche, l’enseignant a considéré que l’élève a la capacité de changer son propre comportement. L’enseignant a été assertif sans exercer de pression pour changer le comportement de l’élève.
Malheureusement, la démarche ne fonctionne pas toujours. Si l’élève ne change pas son comportement, l’enseignant poursuit le long du continuum en proposant un choix. C’est l’option suivante dans le continuum, que nous analysons ensuite.
Toutefois, il existe des situations particulières. L’enseignant peut cependant rester centré sur l’élève s’il suspecte des troubles émotionnels intérieurs et supposer que la poursuite du continuum ne s’impose pas face à ceux-ci.
Dans ce cas, l’enseignant peut entamer ensuite une conversation avec l’élève, sans la présence des autres élèves, dans le but de faire évoluer son comportement. Alternativement, il peut signaler la situation à une autre personne habilitée à ce type de suivi au sein de l’école. Dans ce cas, nous passons directement au niveau 3 du soutien au comportement positif. Dans tous les cas, un suivi est nécessaire.
Le résultat recherché par l’enseignant est alors de signaler ou de sensibiliser l’élève aux conséquences de ses actions et l’amener à exprimer ses préoccupations émotionnelles. Cette discussion avec l’élève pourrait l’amener à une meilleure autorégulation de son comportement. La mauvaise conduite s’arrêterait potentiellement là.
Dans cette optique, les besoins émotionnels de l’élève gagnent à être pris en considération, plutôt que de passer par l’imposition directe de règles communes rigides et préétablies pour tous.
L’approche proposée par Carl Rogers va encore plus loin et diverge des pistes privilégiées par le soutien au comportement positif. En début d’année scolaire, une telle démarche reviendrait à permettre aux élèves de tester leur capacité à s’entendre en tant que nouveau groupe. Dans cette perspective, il ne faudrait pas établir de règles prédéterminées jusqu’à ce qu’ils sentent que ces règles sont nécessaires.
2. Proposer un choix à l’élève
Cependant, il se peut également que l’élève ne prenne pas conscience du décalage entre ce qui est attendu et le comportement qu’il exprime. La perspective de l’écoute relationnelle (Carl Rogers) viserait alors à entamer le dialogue pour faire évoluer l’élève.
Ce n’est pas l’option privilégiée par le soutien au comportement positif pour la simple et bonne raison que ce processus demande du temps. Le risque est bien réel de prendre plus de deux minutes pendant lesquelles l’enseignant ne s’occupe plus directement de sa classe. C’est pourquoi à la suite de cette première étape, en cas d’insuccès, une autre démarche est privilégiée.
L’enseignant prend pleinement une position d’adulte neutre et assertive, il met en évidence le comportement répréhensible de l’élève. Il confronte à l’élève à ce décalage entre le comportement exprimé et le comportement attendu pour qu’il mette fin à ce comportement.
L’enseignant encourage et établit un contrat tacite avec l’élève en vue d’un changement de comportement. Cette position implique principalement l’utilisation des techniques de questionnement. Concrètement, il propose à l’élève un choix :
L’enseignant encourage et établit un contrat tacite avec l’élève en vue d’un changement de comportement. Cette position implique principalement l’utilisation des techniques de questionnement. Concrètement, il propose à l’élève un choix :
- Soit il adopte le comportement attendu.
- Soit il encourt la conséquence prévue lors de ce type de comportement.
Dans un certain nombre de situations, cette approche peut être adéquate et suffisante. L’élève, sans stress induit, en gardant son autonomie, réalise ce qu’il doit faire pour se conformer. Il peut réagir dans le bon sens et l’incident disciplinaire se retrouve terminé.
Le fait de proposer un choix favorise chez l’élève une prise de décision autonome. L’enseignant n’est pas dans la confrontation, il propose à l’élève de décider de ce qu’il va faire en connaissance de cause. L’échange est bref, fait à proximité et discret.
L’élève pose alors un choix.
Ce type d’approche, mis en œuvre plus largement, peut amener à établir avec une classe des règles de fonctionnement qui lui sont propres. Ce n’est pas une perspective privilégiée par défaut dans le cadre du soutien au comportement positif. Le soutien au comportement positif utilise toutefois cette étape du choix dans la progression au sein du continuum dans le cadre d’interventions pour des perturbations mineures qui s’y prêtent.
L’enseignant remplit une responsabilité en tant que garant d’un ordre prédéfini et explicité sous forme de règles et de routines comportementales. L’école fournit un cadre commun pour tous ses intervenants, fondé sur ses valeurs et ses missions éducatives. L’enseignant a le pouvoir et le devoir d’agir en cas de non-respect.
3. Les attentes, les règles et les conséquences
À ce stade, un élève a commencé à manifester un comportement perturbateur mineur en classe :
- Dans un premier temps, l’enseignant a privilégié une approche non verbale, indirecte, et finalement plus directe en rappelant la règle de manière respectueuse auprès de l’élève. Le but de lui faire prendre conscience du décalage entre son comportement perturbateur et le comportement attendu et qu’il réagisse. Cela n’a pas suffi.
- Dans un deuxième temps, l’enseignant a proposé un choix à l’élève de manière respectueuse. Soit il stoppe son comportement perturbateur et adopte le comportement attendu, soit il fait face à la conséquence énoncée.
Si l’élève obtempère, l’enseignant peut alors renforcer le comportement attendu chez l’élève un peu plus tard.
Imaginons au contraire que l’élève continue à exprimer le comportement perturbateur mineur. Nous passons alors au troisième temps du continuum d’intervention recommandé en gestion des interventions.
Dans cette perspective, l’enseignant est celui qui communique et assure l’application des attentes, des règles et des conséquences. Il met en œuvre un enseignement explicite des comportements attendus (routines de classe) et s’assure de leur application. Il renforce les nouveaux comportements positifs acquis par l’élève. Il intervient quand elles ne sont pas respectées.
L’enseignant remplit une responsabilité en tant que garant d’un ordre prédéfini et explicité sous forme de règles et de routines comportementales. L’école fournit un cadre commun pour tous ses intervenants, fondé sur ses valeurs et ses missions éducatives. L’enseignant a le pouvoir et le devoir d’agir en cas de non-respect.
Cette approche correspond à celle développée dans le cadre du soutien au comportement positif. Elle met l’accent sur la prévention et l’enseignement explicite des comportements. Elle a le double avantage de s’inscrire dans un programme complet qui :
- S’appuie sur un vaste champ de recherches en gestion de classe et en psychologie.
- Bénéficie de données probantes qui montrent son efficacité en conditions réelles.
Dans ce troisième temps, l’enseignant va s’approcher de l’élève et lui demande de façon assertive d’adopter le comportement attendu en cessant le comportement perturbateur actuel. Il lui annonce la conséquence qui lui sera attribuée en fin de cours. Il lui demande également de rester quelques minutes à la fin du cours pour rester avec lui.
L’élève sait qu’à ce stade, il a reçu une conséquence et en discutera avec l’enseignant en privé. Il sait également que s’il intensifie son comportement perturbateur et dérange la classe l’enseignant est susceptible de l’exclure avec des conséquences plus graves. Il n’a pas d’autre possibilité que de suivre la demande de son enseignant.
Si l’enseignant a bien enchainé de manière claire les trois temps, il a encore une carte à jouer. Il peut avoir enseigné aux élèves une routine de récupération pour atténuer la conséquence.
Cette routine de récupération par du principe que la plupart des élèves impliqués dans une perturbation mineure sont des élèves qui ne suivent pas attentivement le cours. L’enjeu pour l’enseignant est de leur apprendre à suivre le cours. À ce stade, l’élève peut alors encore réagir. Plutôt que de rester apathique, il peut se racheter en partie en participant activement durant le reste du cours. Il peut se comporter impeccablement et s’engager de manière volontaire dans le cours.
S’il agit de la sorte, l’enseignant peut le renforcer positivement. Ce tournant positif pourra être abordé durant la discussion brève et atténue le besoin de conséquence corrective, l’élève ayant fait un effort. Le comportement perturbateur mineur pourra être enregistré, mais la conséquence corrective ne sera plus nécessaire, l’élève l’ayant anticipée. Si l’élève ne fait aucun effort pour s’engager dans le cours, alors le comportement perturbateur sera enregistré et associé à une conséquence corrective telle que définie dans le cadre de l’école.
4. L’attribution d’une conséquence corrective ou l’exclusion de classe
- Une intervention neutre visant une prise de conscience chez l’élève : indirecte, non verbale puis verbale et dirigée.
- Proposer un choix à l’élève entre l’arrêt du comportement perturbateur ou une conséquence.
- L’établissement d’une conséquence qui sera déterminée lors d’un entretien individuel à la suite du cours.
Dans la plupart des cas, en toute logique à ce stade un élève aura rectifié son comportement.
Si tel n’est pas le cas, l’élève obtient dès lors une conséquence corrective convenue à l’échelle de l’école pour ce cas de figure. Dans tous les cas, l’enseignant devra en effectuer le suivi et générer un rapport sur le comportement perturbateur de l’élève.
Certains de ces comportements perturbateurs mineurs répétés ou persistants peuvent être assimilés à un comportement perturbateur majeur qui empêche le bon fonctionnement du cours. Si tel est le cas, l’enseignant est amené à exclure l’élève qui sera pris en charge par un membre du personnel responsable de telles prises en charge.
À ce stade, nous nous rapprochons de l’approche traditionnelle punitive en gestion de classe. Ce qui reste différent est que la conséquence corrective attribuée aura un double enjeu. D’un côté, l’intention est de faire réfléchir l’élève sur le caractère problématique de son comportement d’éventuellement lui en enseigner à nouveau le comportement attendu. De l’autre, l’intention est d’apporter une compensation au temps scolaire qu’il a perdu en lui demandant un travail en lien avec le cours qui lui demandera du temps et des efforts.
L’approche de l’exclusion n’est utilisée que pour traiter les situations les plus problématiques, qui empêchent un bon fonctionnement de la classe.
À l’extrême du continuum des interventions, pour continuer à donner cours normalement, un enseignant n’a plus d’autre piste que d’activer le pouvoir qu’il reçoit par son rôle, ce qui se traduit :
- Par le fait de punir le comportement inadéquat pour l’arrêter. Cette punition devra être exécutée ultérieurement par l’élève.
- Par un renvoi de l’élève hors de la classe à la suite de la perturbation plus importante dont il est l’auteur.
Si ces approches peuvent se retrouver dans la cadre du soutien au comportement positif, elles ne sont pas activées par défaut (sauf incident grave nécessitant une exclusion). L’optique est plutôt d’accentuer sur la prévention et un nouvel enseignement du comportement attendu avec des pratiques de soutien.
À la recherche d’une solution face à une perturbation, en fonction de la gravité de celle-ci, l’enseignant passe d’une utilisation minimale à une utilisation maximale du pouvoir.
Le principe est d’obtenir l’arrêt de la perturbation le plus tôt possible avec le moindre coût dans l’échelle d’intervention. L’enseignant gravit le continuum, modifiant son approche à mesure qu’il reçoit (ou ne reçoit pas) certaines réponses.
Voici une série d’étapes qui illustrent une croissance dans le degré d’intervention face à une perturbation mineure :
L’enseignant s’approche physiquement de l’élève dont le comportement est problématique. Il s’agit de lui faire réaliser que l’enseignant a pris conscience de ce qui se passe.
Tout en continuant à donner cours, l’enseignant cherche également le regard de l’élève concerné. Il cherche à signaler à l’élève indirectement qu’il est préoccupé par ce qui se passe.
Ce faisant, l’enseignant laisse tout le loisir à l’élève de réagir et cesser son comportement.
Voir article :
Importance de la circulation et des interactions sociales de l’enseignant en classe
Sans s’adresser directement à l’élève concerné, sans le viser, l’enseignant peut effectuer un rappel à la règle, au comportement attendu et à son intérêt.
Cette règle représente le versant positif du comportement perturbateur que l’enseignant constate.
L’enseignant offre à l’élève la possibilité de prendre conscience de l’inadéquation de son comportement, réagir et le rectifier.
Situé près de l’élève au comportement perturbateur, l’enseignant s’adresse discrètement à lui de façon à ce qu’uniquement lui et ses voisins l’entendent.
Il lui demande ce qu’il devrait commencer à faire (plutôt que de pointer ce qu’il fait ou a fait d’inadéquat).
L’idée est que pour mettre un terme au problème soulevé, l’élève montre qu’il connait ou a compris le comportement attendu et l’exécute dans la foulée. Pour ce faire, l’enseignant utilise un ton apaisé, respectueux et posé.
Le message est positif, il s’agit de faciliter la mise en action voulue pour l’élève.
Si les interventions précédentes n’ont pas porté leur fruit, l’enseignant s’adresse de manière plus claire et directe à l’élève, en lui proposant une alternative.
Il a le choix, soit d’obtempérer et de cesser son comportement dérangeant dans la foulée, soit de continuer et de faire face à certaines conséquences explicitées.
Cette intervention provoque une interruption dans le déroulé du cours, car tous les élèves en sont témoins, elle a donc tout intérêt à être rapide.
En dernier ressort ou en fonction de la gravité des faits, l’enseignant renvoie l’élève hors de la classe afin de poursuivre dans de bonnes conditions l’enseignement.
Dans cette dimension, le problème n’est pas réglé, mais son dénouement est postposé au-delà de l’espace et du temps de classe.
Lorsqu’un élève agit d’une manière inappropriée en classe, l’enseignant se demande en son for intérieur : « Que faire pour arrêter ce comportement ? »
La tendance naturelle, surtout pour un enseignant débutant, est de se précipiter vers l’élève, d’énoncer d’une manière forte et énergique ce que l’élève ne doit pas faire en premier.
Ensuite si l’élève ne se conforme pas, commence une recherche d’action pour le contraindre à obtempérer grâce à des conséquences.
Cette approche consistant à dire à l’élève ce qu’il ne doit pas faire est généralement inefficace à plusieurs égards qui sont détaillés dans la suite de l’article.
Le début de l’adolescence se caractérise comme une période de confusion entre l’identité personnelle et les rôles attribués.
Les élèves de cet âge semblent être attirés émotionnellement entre deux extrêmes :
Ils sont très sensibles à la façon dont ils sont perçus par leurs pairs, en particulier, à la suite de la puberté, en raison de l’intérêt croissant que suscite leur apparence.
Toute confrontation, surtout dans un contexte où les pairs sont des spectateurs, exerce une forte pression sur les élèves de cet âge. Ils veulent sauver la face et éviter de se sentir ridiculisés.
Lorsque leur image de soi semble en danger, ils peuvent être tentés par la riposte et y céder.
Lorsqu’ils sont placés sous le « projecteur » par l’enseignant qui les prend à parti face au reste de la classe, ils peuvent inondés émotionnellement de sentiments de honte, de culpabilité et d’infériorité.
Leur confusion entre l’identité personnelle et le rôle dans lequel ils se retrouvent fait qu’ils sont facilement submergés par les émotions.
Une effervescence émotionnelle peut les pousser à un comportement impulsif et non raisonné. Ce phénomène peut être facilité et déclenché par une injonction directe, publique et à brûle-pourpoint de l’enseignant.
Cette situation peut obscurcir la pensée logique de l’adolescent sur la façon de répondre à une demande. Les affirmations de types « Tu ne peux pas… » sont susceptibles de générer des sentiments de culpabilité ou d’infériorité qui peuvent déclencher une réponse verbale inappropriée envers l’enseignant.
Avoir un ton trop directif et public pour des adolescents émotionnellement submergés fait que leur pensée régresse vers une forme d’irréversibilité. Ils ne réfléchissent pas à l’enchainement des actions passées et des conséquences futures. Ils ont simplement l’impression d’être sous les feux de la rampe que tout le monde les regarde, et ils doivent donc montrer qu’ils sont forts, quoi qu’il arrive.
Le danger des phrases négatives comme « Ne mets pas les pieds sur la chaise » est que l’élève risque d’entendre et de se focaliser sur le fait de mettre les pieds sur la chaise. Il peut l’utiliser comme une sorte de défiance pour garder la face.
On risque ainsi de suggérer aux élèves de continuer à accomplir les actions mêmes dont on ne veut pas.
Les mots suggèrent une réponse motrice qu’ils doivent inhiber. Lorsque la pensée des adolescents est inondée d’émotions, leur processus de pensée régresse vers la façon dont le jeune enfant réagit et pense.
Il existe un risque lorsque l’enseignant énonce à un élève une phrase négative qui se termine par une action ou une signification motrice, par exemple « Ne pas bavarder ». Il est probable qu’il augmente l’envie d’exécuter ce comportement chez certains élèves.
Il suffit que l’enseignant énonce ce que les élèves doivent faire, plutôt que ce qu’ils ne doivent pas faire. Premièrement, l’élève ne connait peut-être pas précisément le comportement attendu. Deuxièmement, on lui présente une solution directement applicable qu’il visualise et qui la rend de fait plus facile à mettre en œuvre.
L’enseignant procédant de manière positive évite également une confrontation directe avec un élève motivé par le besoin de pouvoir. Si l’énoncé a une valeur équivalente, l’énoncé positif sera vécu comme moins coercitif par l’élève et comme prenant mieux en compte son autonomie.
De plus, le dernier risque des directives négatives et que, si celles-ci sont répétées régulièrement, elles s’accompagnent d’un effet de désensibilisation des élèves. Le principe est donc de conserver les énoncés négatifs que lorsqu’ils sont vraiment nécessaires.
En ce qui concerne la gestion d’une perturbation et sa résolution à l’intérieur de la classe, l’enseignant a trois options :
Les degrés d’intervention dans un continuum
À la recherche d’une solution face à une perturbation, en fonction de la gravité de celle-ci, l’enseignant passe d’une utilisation minimale à une utilisation maximale du pouvoir.
Le principe est d’obtenir l’arrêt de la perturbation le plus tôt possible avec le moindre coût dans l’échelle d’intervention. L’enseignant gravit le continuum, modifiant son approche à mesure qu’il reçoit (ou ne reçoit pas) certaines réponses.
Voici une série d’étapes qui illustrent une croissance dans le degré d’intervention face à une perturbation mineure :
Étape 1 : L’effet de proximité
L’enseignant s’approche physiquement de l’élève dont le comportement est problématique. Il s’agit de lui faire réaliser que l’enseignant a pris conscience de ce qui se passe.
Tout en continuant à donner cours, l’enseignant cherche également le regard de l’élève concerné. Il cherche à signaler à l’élève indirectement qu’il est préoccupé par ce qui se passe.
Ce faisant, l’enseignant laisse tout le loisir à l’élève de réagir et cesser son comportement.
Voir article :
Importance de la circulation et des interactions sociales de l’enseignant en classe
Étape 2 : Le rappel à la règle non dirigé
Sans s’adresser directement à l’élève concerné, sans le viser, l’enseignant peut effectuer un rappel à la règle, au comportement attendu et à son intérêt.
Cette règle représente le versant positif du comportement perturbateur que l’enseignant constate.
L’enseignant offre à l’élève la possibilité de prendre conscience de l’inadéquation de son comportement, réagir et le rectifier.
Étape 3 : Le rappel des attentes dirigé
Situé près de l’élève au comportement perturbateur, l’enseignant s’adresse discrètement à lui de façon à ce qu’uniquement lui et ses voisins l’entendent.
Il lui demande ce qu’il devrait commencer à faire (plutôt que de pointer ce qu’il fait ou a fait d’inadéquat).
L’idée est que pour mettre un terme au problème soulevé, l’élève montre qu’il connait ou a compris le comportement attendu et l’exécute dans la foulée. Pour ce faire, l’enseignant utilise un ton apaisé, respectueux et posé.
Le message est positif, il s’agit de faciliter la mise en action voulue pour l’élève.
Étape 4 : L’énoncé directif des règles et un choix
Si les interventions précédentes n’ont pas porté leur fruit, l’enseignant s’adresse de manière plus claire et directe à l’élève, en lui proposant une alternative.
Il a le choix, soit d’obtempérer et de cesser son comportement dérangeant dans la foulée, soit de continuer et de faire face à certaines conséquences explicitées.
Cette intervention provoque une interruption dans le déroulé du cours, car tous les élèves en sont témoins, elle a donc tout intérêt à être rapide.
Étape 5 : Exclusion
En dernier ressort ou en fonction de la gravité des faits, l’enseignant renvoie l’élève hors de la classe afin de poursuivre dans de bonnes conditions l’enseignement.
Dans cette dimension, le problème n’est pas réglé, mais son dénouement est postposé au-delà de l’espace et du temps de classe.
Faire fi du continuum, une erreur typique d’enseignants débutants
La tendance naturelle, surtout pour un enseignant débutant, est de se précipiter vers l’élève, d’énoncer d’une manière forte et énergique ce que l’élève ne doit pas faire en premier.
Ensuite si l’élève ne se conforme pas, commence une recherche d’action pour le contraindre à obtempérer grâce à des conséquences.
Cette approche consistant à dire à l’élève ce qu’il ne doit pas faire est généralement inefficace à plusieurs égards qui sont détaillés dans la suite de l’article.
Prendre en compte l’immaturité émotionnelle et la question de l’identité des adolescents
Le début de l’adolescence se caractérise comme une période de confusion entre l’identité personnelle et les rôles attribués.
Les élèves de cet âge semblent être attirés émotionnellement entre deux extrêmes :
- D’une part, ils veulent être traités comme des adultes
- D’autre part, ils reviennent facilement à un comportement enfantin.
Ils sont très sensibles à la façon dont ils sont perçus par leurs pairs, en particulier, à la suite de la puberté, en raison de l’intérêt croissant que suscite leur apparence.
Toute confrontation, surtout dans un contexte où les pairs sont des spectateurs, exerce une forte pression sur les élèves de cet âge. Ils veulent sauver la face et éviter de se sentir ridiculisés.
Lorsque leur image de soi semble en danger, ils peuvent être tentés par la riposte et y céder.
Éviter d’amorcer une effervescence émotionnelle
Lorsqu’ils sont placés sous le « projecteur » par l’enseignant qui les prend à parti face au reste de la classe, ils peuvent inondés émotionnellement de sentiments de honte, de culpabilité et d’infériorité.
Leur confusion entre l’identité personnelle et le rôle dans lequel ils se retrouvent fait qu’ils sont facilement submergés par les émotions.
Une effervescence émotionnelle peut les pousser à un comportement impulsif et non raisonné. Ce phénomène peut être facilité et déclenché par une injonction directe, publique et à brûle-pourpoint de l’enseignant.
Cette situation peut obscurcir la pensée logique de l’adolescent sur la façon de répondre à une demande. Les affirmations de types « Tu ne peux pas… » sont susceptibles de générer des sentiments de culpabilité ou d’infériorité qui peuvent déclencher une réponse verbale inappropriée envers l’enseignant.
Avoir un ton trop directif et public pour des adolescents émotionnellement submergés fait que leur pensée régresse vers une forme d’irréversibilité. Ils ne réfléchissent pas à l’enchainement des actions passées et des conséquences futures. Ils ont simplement l’impression d’être sous les feux de la rampe que tout le monde les regarde, et ils doivent donc montrer qu’ils sont forts, quoi qu’il arrive.
Le potentiel « effet déclencheur » des phrases négatives
Le danger des phrases négatives comme « Ne mets pas les pieds sur la chaise » est que l’élève risque d’entendre et de se focaliser sur le fait de mettre les pieds sur la chaise. Il peut l’utiliser comme une sorte de défiance pour garder la face.
On risque ainsi de suggérer aux élèves de continuer à accomplir les actions mêmes dont on ne veut pas.
Les mots suggèrent une réponse motrice qu’ils doivent inhiber. Lorsque la pensée des adolescents est inondée d’émotions, leur processus de pensée régresse vers la façon dont le jeune enfant réagit et pense.
Il existe un risque lorsque l’enseignant énonce à un élève une phrase négative qui se termine par une action ou une signification motrice, par exemple « Ne pas bavarder ». Il est probable qu’il augmente l’envie d’exécuter ce comportement chez certains élèves.
Privilégier le rappel des comportements attendus à l’accent sur le comportement perturbateur
Il suffit que l’enseignant énonce ce que les élèves doivent faire, plutôt que ce qu’ils ne doivent pas faire. Premièrement, l’élève ne connait peut-être pas précisément le comportement attendu. Deuxièmement, on lui présente une solution directement applicable qu’il visualise et qui la rend de fait plus facile à mettre en œuvre.
L’enseignant procédant de manière positive évite également une confrontation directe avec un élève motivé par le besoin de pouvoir. Si l’énoncé a une valeur équivalente, l’énoncé positif sera vécu comme moins coercitif par l’élève et comme prenant mieux en compte son autonomie.
De plus, le dernier risque des directives négatives et que, si celles-ci sont répétées régulièrement, elles s’accompagnent d’un effet de désensibilisation des élèves. Le principe est donc de conserver les énoncés négatifs que lorsqu’ils sont vraiment nécessaires.
Comprendre la nécessité d’intervenir à moindre coût
En ce qui concerne la gestion d’une perturbation et sa résolution à l’intérieur de la classe, l’enseignant a trois options :
- Faire réaliser à l’élève qu’il a conscience de ce qui se passe, qu’il prend en compte sa sensibilité et lui laisser l’autonomie dans la décision de changer son comportement.
- Faire un rappel indirect à la règle et à sa justification afin de faire prendre conscience à l’élève du décalage entre son comportement et le comportement souhaité. À la suite de cette prise de conscience, l’enseignant parie sur le fait que l’élève va décider de changer son comportement. Si ce n’est pas le cas, il escalade.
- Se référer à la règle et aux conséquences de sa non-application. L’élève possède alors un choix entre agir et se conformer au comportement attendu ou ne pas agir et affronter les conséquences prévues.
- La première est non invasive et tolère la perturbation un certain temps en pariant sur une prise de conscience de l’élève qui peut arriver tardivement ou ne pas arriver du tout. Elle a un coût distractif pour la classe.
- La deuxième vise à intervenir de manière efficace et à moindre coût, elle est privilégiée dans le cadre du soutien au comportement positif.
- La troisième introduit une rupture dans le vecteur principal du cours. L’élève peut obtempérer ou non, dans ce dernier cas la perturbation du cours s’intensifie pour un temps.
Garder une certaine souplesse en fonction de l’élève et du contexte
Si le soutien au comportement positif propose un continuum, celui-ci n’est pas strict, mais est amené à être utilisé avec une certaine souplesse en fonction du contexte.
L’enseignant, à partir de ses expériences passées avec des élèves et d’une connaissance personnelle de l’élève en question, est amené à prendre rapidement des décisions quant aux options qui s’ouvrent à lui.
En fonction de la situation, il doit sélectionner la technique ou l’approche qui :
- Sera le plus efficace pour faire cesser la perturbation et permettra un bon apprentissage au sein de la classe.
- Renforcera les bons comportements de l’élève concerné et diminuera à l’avenir la fréquence des comportements perturbateurs.
- Favorisera une autonomie au sein de la classe et l’autorégulation des comportements.
De même, en fonction de leur personnalité et des caractéristiques des pratiques d’enseignements qu’ils adoptent, de nombreux enseignants d’une même école sont amenés à faire un dosage différent entre ces approches. Toutefois, être capable d’intervenir aux différents niveaux en fonction de la situation et maîtriser toute une panoplie d’interventions potentielles est un atout pour l’enseignant. Le soutien au comportement positif est le seul modèle complet susceptible d’aider l’enseignant à se comporter de manière optimale dans ce type de situation.
Mise à jour le 08/12/2023
Bibliographie
Charles H. Wolfgang, Solving discipline problems: methods and models for today’s teachers, John Wiley & Sons, pp1-12, 1999.
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