samedi 5 janvier 2019

Le soutien au comportement positif, une approche efficace pour la gestion du comportement

Les enseignants débutants s’avouent souvent mal préparés par leur formation initiale en ce qui concerne une gestion harmonieuse de la classe et l’encadrement du comportement des élèves. Même s’ils peuvent avoir reçu des clés, la mise en pratique n’est pas toujours évidente.

Même des enseignants expérimentés ne bénéficient pas d’immunité et sont amenés à croiser sur leur chemin, l’une ou l’autre classe dissipée ou élève perturbateur qu’il faudra gérer, du moins de manière préventive.

(photographie : Michael Mccraw)



Le choc de réalité d'un nouvel enseignant peu formé et sans expérience en gestion de groupe


Les premières confrontations aux élèves perturbateurs et aux classes dissipées peuvent se révéler être une réelle épreuve pour les enseignants débutants. Dicke et ses collègues (2015) évoquent un choc de réalité dans leur article. À un manque de formation en gestion de classe peut s’additionne un manque d’expérience dans la gestion d'un groupe de jeunes. La gestion de la classe peut être la pierre d’achoppement d'un début de carrière d'enseignant.

Dicke et ses collègues (2015) évoquent un effondrement des idéaux ou des attentes développés pendant la formation initiale ou antérieurement, à la suite de la première confrontation d’un enseignant avec la réalité de la classe. 

D’inévitables imprévus propres au contexte humain et inhérents à la réalité de la gestion de classe peuvent exiger que les enseignants procèdent à des ajustements le plus rapidement possible, si leur prévention n’a pas suffi.

Ces ajustements face aux problèmes rencontrés qu’effectuent des enseignants débutants sont souvent établis intuitivement sur base de leurs propres observations subjectives. Ils peuvent bénéficier de conseils bienveillants (mais parfois fermes et catégoriques) de collègues certes expérimentés, mais qui eux profitent d’une réputation déjà installée et ne font plus face aux mêmes situations. 

Des plus, ces collègues expérimentés n’ont parfois pas complètement conscience de tout ce qu’ils mettent en place de manière routinière dans leur gestion de classe et peinent à le verbaliser. C’est pour ces raisons qu’une observation en classe d’un collègue expérimenté aura toujours plus de valeur et d’impact que la simple réception de conseils même avisés. 

À tout ceci s’additionne pour le nouvel enseignant une pression à l’emploi, car des soucis de gestion de classe peuvent être une raison de non-reconduction de contrat.

Le danger des intuitions, des conseils d’expérience et du stress qui accompagne fait que les décisions prises à ce moment-là sont rarement étayées par un modèle théorique qui a fait ses preuves.

Si les adaptations dans la gestion de classe tardent trop, sont maladroites ou n’arrivent pas à enrayer une spirale négative, cela peut générer une atmosphère tendue en classe, néfaste à l’apprentissage des élèves. De mauvaises pratiques non intentionnelles de gestion de classe peuvent avoir de graves répercussions sur le rendement scolaire des élèves.

Les effets se ressentent également au niveau du bien-être de l’enseignant. Cela peut se traduire à moyen et long terme par un épuisement professionnel, à la suite d’une exposition répétée et prolongée à des facteurs de stress et de tension. Les difficultés liées à la gestion de la discipline sont également une cause commune d’abandon de la profession.

Dans un second temps, l’enseignant insatisfait peut se rabattre sur des lectures ou une formation continuée qui certes offrent plus de recul, mais ceux sources extérieures ne sont pas toujours non plus fondées sur des données probantes.

Quelles sont les approches validées par la recherche concernant la gestion du comportement ?



Trois postulats généraux sur la gestion de classe en milieu scolaire


1) Une bonne gestion de classe et des comportements est une condition préalable à tout enseignement efficace. C’est une variable qui influence de manière conséquente la réussite des élèves.

2) Les problèmes liés à la gestion des comportements constituent un problème récurrent tant pour les enseignants débutants que pour les enseignants expérimentés. Tout enseignant est susceptible de se retrouver un jour ou l’autre face à une classe démotivée ou face à l’un ou l’autre élève perturbateur.

3) Toute structure scolaire bénéficierait d’une formation commune à la gestion de classe et des comportements. Destinée autant aux enseignants débutants qu’aux autres et aux éducateurs, elle permettrait d’installer des routines, des procédures et d’uniformiser les pratiques et attentes.



Enjeux et principes essentiels liés à une formation efficace en gestion de classe


Nous pouvons commencer par définir quatre enjeux :
  1. Former le personnel éducatif à des modèles théoriques de références utiles et développer des compétences pratiques à usage courant en gestion de classe, toujours appuyés par des données probantes .
  2. Permettre la mise en place d’une expertise partagée, de pratiques collaboratives et d’une uniformisation dans les démarches et attentes liées à la gestion du comportement au sein d’un établissement.
  3. Renforcer la confiance et le bien-être des enseignants et des élèves, améliorer le climtat scolaire et à travers lui l’enseignement et l’apprentissage des élèves.
  4. Favoriser les démarches préventives (routines, renforcements), viser une réduction des perturbations par la vigilance et prendre en compte les démarches réactives également par le biais d'un continuum d'interventions efficaces.

Il existe nombre d’approches et de ressources en ce qui concerne la formation en gestion de classe. L’important est de bien s’engager dans un modèle cohérent qui dispose d’une base de recherche solide.

Theresa Dicke, dans son article, passe en revue toute une série de propositions de formations bien en vues dans son article.

L’une d’entre elles retient l’attention plus particulièrement, c’est le « Classroom Organization and Management Program » (COMP), développé et basé sur des recherches réalisées par Carolyn M. Evertson.

Son approche, qui bénéficie de données probantes sur son efficacité, repose sur quatre grands principes :
  1. Une gestion de classe efficace est proactive et non réactive
  2. La gestion et l’enseignement sont intégralement liés
  3. Les élèves participent activement à l’environnement d’apprentissage
  4. Les enseignants travaillent ensemble en synergie et se soutiennent mutuellement



Définir la gestion de classe de manière intégrée à l’enseignement


Sue O’Neil propose une définition de la gestion de classe et du comportement.
« Les comportements décisifs, proactifs et préventifs de l’enseignant qui minimisent la mauvaise conduite des élèves et favorisent leur engagement, et les actions stratégiques et respectueuses qui éliminent ou minimisent les perturbations quand elles surviennent, pour rétablir l’environnement scolaire »

Elle précise que cette définition se réfère aux trois premières des quatre fonctions majeures de l’enseignement telles que décrites par Jere Brophy en 1988 :
  1. La gestion de classe au sens strict : par exemple l’établissement de règles et de procédures.
  2. La socialisation des élèves : par exemple tout ce qui regroupe les actions portant sur les valeurs, la citoyenneté, la confiance en soi, l’émancipation sociale, etc.
  3. L’intervention disciplinaire : par exemple les mesures prises pour mettre un terme aux mauvais comportements.
  4. L’enseignement : stricto sensu, les moyens d’acquisition des compétences scolaires.



Caractéristiques d’une bonne gestion de classe


Les recherches montrent que les enseignants efficaces en gestion de classe et du comportement peuvent offrir un enseignement de haute qualité, percevoir moins de pression et connaître des niveaux plus élevés de bien-être.

D’après les résultats de la recherche tels que relayés par ces deux articles, les gestionnaires de classe efficaces choisissent des styles de gestion qui correspondent :
  • À leurs objectifs pédagogiques
  • À leurs activités en classe
  • Aux caractéristiques des élèves.

Le style de relations interpersonnelles entre les élèves et les enseignants peut avoir une influence positive en fonction des situations et objectifs :
  • Un comportement plus influent de l’enseignant mène à un meilleur rendement cognitif.
  • Un comportement coopératif plus élevé de l’enseignant mène à une plus grande motivation des élèves.

L’idée n’est pas de privilégier ou d’opposer une approche par rapport à l’autre, mais de considérer ces deux facteurs (l’influence et la proximité) comme étant indépendants.

L’amélioration de la gestion de la classe et des interactions entre enseignants et élèves (à la fois dans le cadre scolaire et dans une dynamique sociale interpersonnelle) sont les principaux prédicteurs de l’apprentissage des élèves.

Cette amélioration se traduit par :
  1. Une diminution des problèmes de discipline
  2. Une diminution du temps hors tâche
  3. Une augmentation de l’engagement des élèves
  4. Une augmentation de la réussite des élèves



Rôle des valeurs de l’établissement scolaire dans la qualité de la gestion de classe


La réussite perçue par un individu est liée à son bien-être. Cette relation est le résultat de la congruence entre les objectifs, les valeurs propres et les réalisations personnelles.

D’où l’importance d’une vision collective à l’échelle d’un établissement de la gestion des comportements. L’enseignant est à considérer comme un professionnel travaillant au sein de communautés d’apprentissage professionnelles et s’inscrivant dans le cadre de valeurs de l’établissement où il enseigne. Dans la même optique, en s’inscrivant dans un établissement, les élèves, ainsi que leurs parents, adhèrent aux valeurs avancées dans le projet d’école.

Si chacun des enseignants applique la discipline de manière isolée, en fonction de son ressenti et de ses valeurs propres, les élèves risquent de se retrouver face à une mosaïque d’approches. Cette situation peut générer un flou dont les premières victimes ont toutes les chances d’être les enseignants débutants.

Si l’enseignant considère la gestion des comportements comme une responsabilité commune et transversale, il peut s’inscrire dans un projet commun qui donne une cohérence d’ensemble et une lisibilité bénéfique à la gestion des comportements. À la fois les enseignants débutants et les élèves en sortent gagnants.



Poser le choix d’un modèle et d’un cadre de gestion de classe et des comportements


Sue O’Neil propose une revue détaillée et méthodique de la question dans son article.

Des dizaines de modèles existent et sont documentés, placés sur un continuum qui va de ceux qui préconisent le plus le contrôle et le pouvoir des enseignants, à ceux qui le font moins.

Il y a relativement peu de recherches sur le plan de l’efficacité respective de ces différents modèles. Il est reconnu que la réalisation de recherches en classe sur cette question est problématique, l’intégrité de la mise en œuvre du modèle par les enseignants dans des classes réelles étant difficile à atteindre.

La plupart des modèles théoriques n’ont pas encore démontré leur efficacité.

Cependant, parmi ceux-ci, une seule approche, l’analyse du comportement appliquée (Applied Behaviour Analysis, ABA) dispose d’une solide base de données probantes.

Le soutien au comportement positif (SCP en français, PBIS en anglais) est un cadre de gestion du comportement solidement enraciné dans l’analyse appliquée du comportement (ABA). Il dispose de fait, de même, de solides données probantes validant son efficacité. Celles-ci sont établies par un nombre croissant d’études réalisées dans le cadre d’essais contrôlés randomisés. Il est implanté actuellement dans plus de 26 000 établissements scolaires.

D’autres modèles concurrents comme la discipline assertive de Canter & Canter, la théorie du choix de William Glasser (popularisée par Francine Bélair dans les milieux francophones) ou la discipline positive ne disposent pas du même soutien. Les résultats des recherches sont nettement plus mitigés à leur propos.

Le fait de ne pas obtenir de résultats concluants n’invalide pas complètement ces approches concurrentes. En effet, elles peuvent contenir des pratiques particulières qui, elles, sont appuyées par la recherche empirique.



Quelles sont les pratiques générales validées par la recherche en gestion de classe ?


Dans l’article de revue de Sue O’Neil, celle-ci a réalisé une liste de dix-huit pratiques liées à la gestion de classe et du comportement, qui bénéficient d’un soutien de la recherche. 

Elle s’en est servie pour comparer différentes approches et programmes en matière d’intégration de ces pratiques efficaces.

Voici la liste de ces pratiques efficaces en anglais :






Les avantages théoriques du soutien au comportement positif


De tous les programmes analysés par Sue O’Neil, le SCP/PBIS se démarque largement à son avantage, car il cumule les pratiques particulières validées par la recherche :

Le SCP reprend dans son modèle les 18 pratiques efficaces et c’est bien le seul !

D’autres approches en vogue sont assez pauvres en ce qui concerne leur mobilisation de pratiques efficaces basées sur des données probantes. Il est dès lors peu surprenant qu’elles ne bénéficient pas elles-mêmes du support de la recherche.

Le SCP est un programme qui intègre l’état des connaissances actuelles sur la gestion de classe et des comportements et l’intègre à l’échelle d’un établissement avec un résultat synergique. 

Il n’est dès lors guère surprenant que nous le trouvons régulièrement associé avec l’enseignement explicite, puisqu’ils suivent la même logique et se complètent parfaitement.

Si les formateurs d’enseignants décident de présenter ou défendre des modèles dont les pratiques ne s’appuient pas encore sur des recherches empiriques, ils devraient le signaler clairement aux enseignants. Ils devraient les inviter à utiliser ces modèles avec prudence.

Si un établissement scolaire souhaite revoir et améliorer sa gestion de la discipline, l’approche proposée par le soutien au comportement positif (SCP) se révèle exigeante. Elle est la plus susceptible de générer des améliorations. Tous les acteurs scolaires peuvent bénéficier : enseignants, élèves, familles ou éducateurs.

Pour plus de renseignements sur le soutien au comportement positif, on renverra vers cet article qui est une très bonne introduction sur le sujet :

https://r-libre.teluq.ca/1280/1/16-Pourassureruneecolebienveillante%20%283%29.pdf

Puis vers ses initiateurs en francophonie que sont Steve Bissonnette, Clermont Gauthier, Mireille Castonguay, Normand St-Georges et Carl Bouchard, avec notamment ce site internet https://scp-pbis.com/ et le livre de référence, « L’enseignement explicite des comportements ».

Différentes mises en œuvre de l’approche ont déjà eu lieu en francophonie, principalement au Canada mais également en France et en Belgique.





Mise à jour le 29/12/2022

Bibliographie


Dicke, Theresa & Elling, Jill & Schmeck, Annett & Leutner, Detlev. (2015). Reducing reality shock: The effects of classroom management skills training on beginning teachers. Teaching and Teacher Education. 48. 1–12. 10.1016/j.tate.2015.01.013.

Brophy, Jere. (1988). Educating Teachers About Managing Classrooms and Students. Teaching and Teacher Education. 4. 1–18. 10.1016/0742-051 X(88)90020-0.

O’Neill, Sue & Stephenson, Jennifer. (2014). Evidence-based classroom and behaviour management content in Australian pre-service primary teachers’ coursework: Wherefore art thou? Australian Journal of Teacher Education. 39. 1–22.

Bissonnette, Steve, Gauthier, Clermont, Castonguay, Mireille, L’enseignement explicite des comportements, Pour une gestion efficace des comportements en classe et dans l’école, Chenelière Éducation, Montréal, 2016

4 commentaires:

  1. Une bonne gestion de classe est un prealable a tout enseignement efficace! J'aime cette assertion.

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  2. En tant qu'enseignante spécialisée en France, je trouve que dans l'école où je travaille il manque une chose essentielle; c'est le temps pour mettre en place une gestion de classe et adapter des outils en fonction du groupe. On nous demande de faire des formations mais on ne nous laisse pas le temps de l'observation et la mise en place d'un fonctionnement de classe qui peut-être sécurisant et bienveillant pour les élèves. En plus de la gestion de classe, il y a un gros besoin de développer des pré-requis avec les élèves afin qu'ils puissent être capable d'apprendre ( motricité, latéralisation, développer l'attention et la concentration).

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  3. Très intéressant; il serait appréciable et utile que ces formations soient accessibles avant de commencer l'année scolaire.

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  4. Très intéressant.
    Il serait appréciable et TRES utile que ces formations soient accessibles et dispensées avant de commencer l'année scolaire.

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