(Photographie : Matthew Lacroix)
La formation initiale que j'ai reçue pour l'enseignement était profondément ancrée dans une perspective socioconstructiviste. Toutefois, après en avoir et en ayant constaté l’impraticabilité sur le terrain malgré de multiples essais et grâce à des lectures, j’ai progressivement évolué vers des approches informées par des données probantes.
Je suis dans mes pratiques en classe devenu un enseignant influencé par des modèles cognitivistes de l'apprentissage et plus particulièrement instructionnistes pour l'enseignement. L’évolution ne s’est pas faite par choix ou sur le fond d’une sensibilité personnelle, mais pour des questions pragmatiques et de l’ordre de l’éthique professionnelle. La transformation s’est poursuivie et se poursuit encore à travers de multiples lectures, remises en question. Elle se déroule principalement par le biais d’une pratique délibérée.
En réalité, le principal déclencheur a été l’application en classe de pratiques informées par la recherche. Non seulement elles ont fait sens, mais surtout, elles se sont traduites par une amélioration nette. Cette amélioration se retrouve non seulement des résultats de mes élèves, mais également au niveau du climat de travail, de la charge de travail, du sens et du bien-être général.
En réalité, le principal déclencheur a été l’application en classe de pratiques informées par la recherche. Non seulement elles ont fait sens, mais surtout, elles se sont traduites par une amélioration nette. Cette amélioration se retrouve non seulement des résultats de mes élèves, mais également au niveau du climat de travail, de la charge de travail, du sens et du bien-être général.
L’enseignement explicite est qualifié de démarche pédagogique instructionniste en opposition aux pédagogies de la découverte assimilées à une démarche pédagogique constructiviste.
Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Mario Richard introduisent le terme « instructionniste » dans le contexte francophone (p33, Enseignement explicite et réussite des élèves, 2013). Il y est présenté comme un néologisme pour traduire le terme anglais instructivist régulièrement invoqué dans la littérature pédagogique anglophone dans une opposition au terme constructivist.
Sauf que le terme instructionism existe lui-même. C’est Seymour Papert qui, dans les années 1980, a inventé le terme instructionnisme, par opposition au constructionnisme, une théorie sur l’apprentissage d’obédience constructiviste dont il fut l’instigateur.
L’instructionnisme n’est donc pas une dénomination choisie positivement ou une revendication, mais une appellation imposée pour marquer une différence, et des revendications liées à des données probantes, des modèles empiriques et à des convictions sur l’éducation qui en découlent. Le terme permet néanmoins d’éclairer le débat, de fédérer et de poser certaines distinctions signifiantes.
Si nous nous plongeons un peu dans la littérature, nous trouvons à côté des qualitatifs d’instructionniste et d’instructiviste, un autre synonyme particulièrement intéressant, celui d’objectiviste. Chaque fois, ces termes sont utilisés comme repoussoirs par rapport à d’autres approches comme le constructionnisme, le constructivisme, le socioconstructivisme ou le connexionnisme.
Sauf que le terme instructionism existe lui-même. C’est Seymour Papert qui, dans les années 1980, a inventé le terme instructionnisme, par opposition au constructionnisme, une théorie sur l’apprentissage d’obédience constructiviste dont il fut l’instigateur.
L’instructionnisme n’est donc pas une dénomination choisie positivement ou une revendication, mais une appellation imposée pour marquer une différence, et des revendications liées à des données probantes, des modèles empiriques et à des convictions sur l’éducation qui en découlent. Le terme permet néanmoins d’éclairer le débat, de fédérer et de poser certaines distinctions signifiantes.
Si nous nous plongeons un peu dans la littérature, nous trouvons à côté des qualitatifs d’instructionniste et d’instructiviste, un autre synonyme particulièrement intéressant, celui d’objectiviste. Chaque fois, ces termes sont utilisés comme repoussoirs par rapport à d’autres approches comme le constructionnisme, le constructivisme, le socioconstructivisme ou le connexionnisme.
Plus récemment, on peut également mettre en évidence la notion d’apprentissage visible (visible learning), popularisée par John Hattie (2008).
Modèles liés à l’instructionnisme et à l’enseignement efficace
Situer la démarche instructionniste
Le terme instructionniste regroupe l’ensemble des approches dans lesquelles l’enseignant fait apprendre des contenus scolaires de manière systématique, structurée et explicite à ses élèves, en procédant principalement du simple vers le complexe.
Cela traduit également une vision spécifique du rôle fondamental attribué à l’école. Enseigner c’est transmettre des connaissances et des habiletés, de l’enseignant, celui qui sait, vers l’élève, celui qui ne sait pas encore.
Dans cette logique, les pratiques d’enseignement sont susceptibles d’être évaluées. L’enseignement est susceptible dès lors d’être amélioré afin d’obtenir de meilleurs résultats d’apprentissage. Dès lors, les modèles basés sur une approche instructionniste tiennent compte des données probantes liées à l’efficacité des pratiques pédagogiques employées. En ce sens, les notions d’instructionnisme et d’enseignement efficace sont fort proches.
Les modèles et théories, correspondant aux approches instructionnistes, ont été élaborés en grande part à partir de recherches et d’observations en classe, pour ne citer que l’étude Follow Through, ou évalués dans des expériences sur le terrain.
Les résultats de la méga-analyse réalisée par Steve Bissonnette, Mario Richard, Clermont Gauthier et Carl Bouchard en 2010 sont clairs. Ils montrent que des approches qualifiées d’instructionnistes ont une efficacité supérieure à celles centrées sur la découverte (constructivistes) pour assurer la réussite scolaire des élèves.
Différentes approches appartenant à la famille instructionniste s’implantent progressivement dans le paysage pédagogique :
En ce qui concerne l’enseignement en classe, l’enseignement explicite dont les principes ont été posés à l’origine par Barak Rosenshine semble s’imposer. Le terme est fédérateur en contexte francophone.
Cela traduit également une vision spécifique du rôle fondamental attribué à l’école. Enseigner c’est transmettre des connaissances et des habiletés, de l’enseignant, celui qui sait, vers l’élève, celui qui ne sait pas encore.
Dans cette logique, les pratiques d’enseignement sont susceptibles d’être évaluées. L’enseignement est susceptible dès lors d’être amélioré afin d’obtenir de meilleurs résultats d’apprentissage. Dès lors, les modèles basés sur une approche instructionniste tiennent compte des données probantes liées à l’efficacité des pratiques pédagogiques employées. En ce sens, les notions d’instructionnisme et d’enseignement efficace sont fort proches.
Les modèles et théories, correspondant aux approches instructionnistes, ont été élaborés en grande part à partir de recherches et d’observations en classe, pour ne citer que l’étude Follow Through, ou évalués dans des expériences sur le terrain.
Les résultats de la méga-analyse réalisée par Steve Bissonnette, Mario Richard, Clermont Gauthier et Carl Bouchard en 2010 sont clairs. Ils montrent que des approches qualifiées d’instructionnistes ont une efficacité supérieure à celles centrées sur la découverte (constructivistes) pour assurer la réussite scolaire des élèves.
Vue d’ensemble des modèles liés à l’instructionnisme et à l’enseignement efficace
En ce qui concerne l’enseignement en classe, l’enseignement explicite dont les principes ont été posés à l’origine par Barak Rosenshine semble s’imposer. Le terme est fédérateur en contexte francophone.
L’enseignement explicite partage beaucoup de caractéristiques avec ce que Siegfried Engelmann a lui-même défini pour l’approche « direct instruction ». Pour cette raison, certains chercheurs comme Maryse Bianco (2023) utilisent indifféremment les expressions d’enseignement direct ou explicite.
Dans un contexte anglophone, le terme « direct instruction » est de même utilisé indifféremment. Il désigne à la fois l’approche d’Engelmann et celle de Becker et pour désigner également tout programme très structuré, dirigé par l’enseignant et basé sur l’explication, le modelage (démonstration) et la pratique.
Parallèlement, il existe différentes approches congruentes avec l’enseignement explicite. Nous pouvons citer actuellement The Great Teaching Toolkit, Wijze Lessen, Teaching WalkThrus ou encore Teach Like a Champion, etc. De même, un recouvrement de plus en plus important se fait entre la science de l’apprentissage et des théories comme la théorie de la charge cognitive ou la théorie de l’apprentissage multimédia. Les théories de la motivation elles-mêmes apportent des arguments à une approche instructionniste. Une autre convergence se fait avec l’évaluation formative et l’évaluation soutien d’apprentissage qui amènent à l’émergence du concept d’enseignement adaptatif lui-même fort proche de l’enseignement explicite.
En ce qui concerne des approches plus systémiques au niveau de l’école, nous pouvons citer comme exemples :
De manière assez paradoxale, différentes approches modérées du constructivisme qui tiennent compte des spécificités propres à la science de l’apprentissage et à la psychologie cognitive ont tendu à aboutir à des modèles surprenants. Ceux-ci présentent de nombreux points communs et rapprochements avec l’instructionnisme même s’ils peuvent garder certaines spécificités :
- L’analyse appliquée du comportement dans sa traduction la plus évidente en contexte scolaire est le soutien au comportement positif (SCP/PBIS) qui s’intéresse à la gestion du comportement. Le soutien au comportement positif sur fonde essentiellement sur l’enseignement explicite du comportement.
- L’apprentissage coopératif mis en œuvre par la fondation Success for All (fondée par Robert Slavin et Nancy Madden) qui concerne un millier d’écoles aux USA. Il s’agit d’un programme axé sur la réussite scolaire qui s’adresse aux élèves défavorisés, est conçu pour prévenir ou intervenir dans le développement de problèmes d’apprentissage au cours des premières années de l’enseignement.
- Siegfried Engelmann and Wesley C. Becker: Direct Instruction, Distar
- Benjamin Bloom : Mastery Learning
- Odgen Lindsley : Precision Teaching
- Madeline Cheek Hunter: Instructional Theory into Practice
- David P. Ausubel : Advance organizers
- Roland G. Tharp & Ronald Gallimore: Theory of teaching as assisted performance
- Robert M. Gagné : Conditions of learning
- Thomas L. Good & Douglas A. Grouws: Mathematics Effectiveness Project
- Robert Slavin : QAIT model
De manière assez paradoxale, différentes approches modérées du constructivisme qui tiennent compte des spécificités propres à la science de l’apprentissage et à la psychologie cognitive ont tendu à aboutir à des modèles surprenants. Ceux-ci présentent de nombreux points communs et rapprochements avec l’instructionnisme même s’ils peuvent garder certaines spécificités :
- P. David Pearson & Margret C. Gallagher : Gradual release of responsibility (1983)
Ce modèle suggère que le travail cognitif devrait passer lentement et intentionnellement du modèle de l’enseignant à la responsabilité conjointe de l’enseignant et des élèves, puis à la pratique et à l’application indépendantes par l’apprenant (Pearson & Gallagher, 1983).
Ce modèle fournit une structure permettant aux enseignants de passer d’une situation où ils assument « toute la responsabilité de l’exécution d’une tâche… à une situation où les élèves assument toute la responsabilité » (Duke & Pearson, 2004).
Le modèle s’appuie sur les travaux de chercheurs comme Piaget, Vygotsky, Bandura ou Bruner. Le point de vue général est que l’apprentissage se produit par le biais d’interactions avec d’autres personnes et que lorsque ces interactions sont intentionnelles, un apprentissage spécifique se produit.
La mise en œuvre comporte typiquement quatre éléments (Fisher & Frey, 2008) :
- Leçons ciblées.
- L’enseignant définit et communique l’objectif de la leçon.
- L’enseignant modélise son raisonnement et fournit aux élèves des exemples.
- L’enseignement guidé.
- L’enseignant utilise stratégiquement des questions, des incitations et des indices pour faciliter la compréhension de l’élève.
- Il peut le faire avec des groupes entiers d’élèves ou avec des petits groupes constitués en fonction des besoins pédagogiques.
- Pendant l’enseignement guidé, l’enseignant s’efforce de confier des responsabilités aux élèves tout en leur fournissant des supports pédagogiques pour s’assurer qu’ils réussissent.
- Travail de groupe productif.
- Les élèves travaillent en groupes collaboratifs pour produire quelque chose en rapport avec le sujet traité.
- Pour être productif, le travail de groupe doit impliquer que les élèves utilisent un langage scolaire et qu’ils soient individuellement responsables de leur contribution à l’effort.
- Cette phase de l’enseignement doit permettre aux élèves de consolider leur compréhension avant de l’appliquer de manière autonome.
- Apprentissage autonome :
- De nombreuses tâches d’apprentissage autonome sont utilisées comme des évaluations formatives, conçues pour vérifier la compréhension et identifier les besoins de réapprentissage.
- Les tâches d’apprentissage autonome ne doivent pas intervenir trop tôt dans le cycle d’enseignement, car les élèves ont besoin de s’exercer avant de pouvoir appliquer suffisamment leurs connaissances dans de nouvelles situations.
- Rand Spiro, Richard Lorne Coulson & Paul J. Feltovich: Cognitive Flexibility Theory (1988)
- Les activités d’apprentissage doivent fournir des représentations multiples du contenu.
- Le matériel didactique devrait éviter de simplifier à outrance le contenu appartenant au domaine et soutenir la connaissance en fonction du contexte.
- L’enseignement devrait être fondé sur des cas et mettre l’accent sur la construction des connaissances et non sur la transmission de l’information.
- Les sources de connaissances devraient être fortement interconnectées plutôt que compartimentées.
- Allan Collins, John Seely Brown & S E Newmann : Cognitive Apprenticeship (1989)
(source : Mental Models & Instructional Planning—Scientific Figure on ResearchGate.)
(source : The Development of Metacognition in Primary School Learning Environments—Scientific Figure on ResearchGate)
Ces trois approches ont le désavantage d’être un peu tardives. Suivant le principe du winner takes it all, il est probable que l’enseignement explicite ait l’avantage avec la précision, la concision et l’avantage historique des écrits de Barak Rosenshine.Principes et objectifs généraux liés à l’instructionnisme et à l’enseignement efficace
Les différents modèles construits sur une approche instructionniste mettent en avant des stratégies semblables ou équivalentes. Elles correspondent, pour l’essentiel, à ce que Barak Rosenshine et Robert J. Stevens décrivent dans leur chapitre Teaching Functions du Handbook of Research on Teaching, 3e ed., New York, Macmillan, p. 376-391, 1986. Nous pouvons également se reporter au « Model of effective instruction » de Robert Slavin (1995) pour des constats similaires.
Objectifs généraux
- L’approche instructionniste a des implications sur les supports d’apprentissage (livres, organisateurs graphiques, logiciels, multimédias, etc.). Elle implique des supports d’apprentissage de haute qualité qui soutiennent et facilitent l’apprentissage des élèves. L’objectif est que l’information présentée ait du sens pour les élèves. Elle doit être intéressante pour eux, accessible, permet de faire la différence entre l’essentiel et l’accessoire, présente l’information de façon à ce qu’elle soit facile à retenir et à appliquer.
- Les enseignants sont considérés comme des professionnels, ils sont précis sur ce que les élèves sont censés apprendre.
- Presque tout le temps scolaire est axé sur l’apprentissage souhaité.
- La réussite est récompensée et l’échec n’est pas accepté mais représente une opportunité d'apprentissage : l’effort se poursuit jusqu’à ce que les objectifs soient atteints.
Principes de fonctionnement
- L’enseignant commence par passer en revue les prérequis. Il met en relation la matière du jour avec les apprentissages antérieurs.
- L’enseignant aborde ensuite la nouvelle matière par petites étapes.
- Il alterne présentations courtes et questions : l’enseignement est organisé, structuré, adapté au niveau de connaissances des élèves.
- Après la présentation, l’enseignant organise des exercices guidés puis autonomes jusqu’à ce que tous les élèves aient été contrôlés et aient reçu un feedback.
- De fréquentes évaluations formelles ou informelles sont organisées pour vérifier que les élèves maîtrisent ce qui est enseigné, elles s’accompagnent d’une rétroaction à brève échéance situant l’élève et le conseillant sur la voie à suivre.
- Des révisions hebdomadaires et mensuelles sont organisées.
- Un alignement curriculaire entre ce qui est enseigné et ce qui est évalué est indispensable.
Une divergence d’ordre épistémologique entre instructionnisme et constructivisme
L’approche instructionniste n’est ni exclusive ni dogmatique. Elle est un modèle ouvert, transparent sur ses objectifs et son mode de validation externe.
L’approche instructionniste se retrouve bien malgré elle, par son inscription dans le courant des données probantes, minorisée face au courant dominant en éducation qu’est le constructivisme.
Même si dans la réalité des salles de classe l’impact réel du constructivisme reste réduit, il s’est imposé comme discours dominant. Celui-ci s’est construit dans le sillage de l’éducation nouvelle autour des idées de Dewey, Rousseau, Freire, Piaget ou Vygostky, en opposition au modèle de l’enseignement traditionnel qui malgré tout reste souvent un standard courant.
La source du désaccord est que l’instructionnisme et le constructivisme reposent dans leurs fondements respectifs sur des hypothèses polarisées quant à la nature de l’apprentissage humain.
Dans la tradition philosophique anglophone, l’épistémologie se confond avec l’étude de la connaissance en général, et ne porte pas spécifiquement sur la connaissance scientifique.
Dans son cadre, il existe deux orientations épistémologiques de base, l’une objective et l’autre subjective, considérée comme des extrêmes sur un continuum.
L’instructionnisme est l’application pédagogique de l’objectivisme.
Comme le contenu de l’enseignement et le contenu des connaissances sont supposés être isomorphes, les enseignants sont conceptualisés comme des transmetteurs de la réalité objective ; les élèves sont considérés comme des récepteurs « passifs » des connaissances. Cette notion d’élève passif est toutefois à relativiser.
Les résultats des apprentissages sont objectifs et normalisés. L’enseignement est axé sur le transfert efficace des compétences spécifiques et des connaissances de l’enseignant à l’élève. Celui-ci prend la forme d’exercices, de pratiques et d’approche qui tiennent compte de la structuration de la mémoire telle que mise en évidence en psychologie cognitive.
L’instructionnisme se concentre sur la préparation détaillée des leçons, sur l’organisation et la gestion des enseignements, ainsi que sur la clarté et l’efficacité.
Lorsque les enfants n’apprennent pas à l’école, ce sont les caractéristiques pédagogiques, et non les caractéristiques des élèves, qui sont présumées en être la cause.
L’application pédagogique du subjectivisme est appelée constructivisme.
Ces pratiques d’enseignement sont centrées sur l’élève. Le constructivisme définit l’apprentissage comme un processus de construction active du savoir et non comme une absorption passive du savoir.
L’enseignement est axé sur des approches réalistes pour résoudre des problèmes du monde réel.
L’accent est mis sur les processus d’apprentissage plutôt que sur le produit de l’apprentissage en mémoire.
L’erreur de l’élève est considérée comme un mécanisme permettant de mieux comprendre comment l’élève organise ses conceptions personnelles. L’erreur n’a pas le même statut que dans l’instructionnisme, car il n’existe pas une réalité objective par laquelle les réponses ou les interprétations individuelles peuvent être considérées comme correctes ou incorrectes.
L’enseignant est conceptualisé comme un facilitateur de la compréhension de l’élève par opposition à un transmetteur de connaissances.
L’expression italienne « E pur si muove ! » signifie « Et pourtant elle tourne ! ». Elle est attribuée à Galileo Galilei, savant italien qui aurait prononcé cette phrase en 1633. Il avait été forcé devant l’Inquisition d’abjurer sa théorie qui montrait que la Terre tourne autour du Soleil, doctrine hérétique à l’époque. Aujourd’hui, cette expression est utilisée lorsqu’une personne doit se conformer à une opinion majoritaire tout en gardant une conviction contraire en son for intérieur, plus spécifiquement lorsque celle-ci est basée sur des faits contre des croyances.
Les approches instructionnistes sont souvent interprétées en termes négatifs, comme étant mécanistes, d’une froideur statistique, béhavioristes, scientifiques et ne tenant pas compte de la complexité d’une nature humaine sensible.
Cependant, en tant qu’enseignant, le choix de privilégier une approche instructionniste est d’abord de l’ordre de l’éthique professionnelle et relève du simple bon sens :
Les approches instructionnistes sont plus égalitaires, relativement plus simples à mettre en place, plus efficaces pour l’apprentissage des élèves et facilitent la collaboration entre enseignants. Également, elles sont complètement en résonance et en phase avec ce que nous disent les sciences cognitives sur le fonctionnement du cerveau humain et cohérentes également avec les théories de la motivation.
Choisir de privilégier dans sa pratique des approches instructionnistes n’est donc pas un choix idéologique ni politique ni ne trahit obligatoirement une affinité épistémologique.
Les approches instructionnistes constituent un modèle ouvert, diversifié et évolutif qui prend en compte les avancées de la recherche. L’expertise des enseignants est valorisée, car ils ont des choix à poser dans leurs pratiques et des adaptations à appliquer pour les optimiser en fonction de leurs contextes.
Le constructivisme n’a pas la même lecture de l’erreur, pas la même vision des buts de l’éducation ni la même adoption du corpus de connaissances en psychologie cognitive. Il tend à nier la pertinence de la recherche sur l’efficacité en sciences de l’éducation et celle d’un regard objectif sur l’apprentissage et l’enseignement.
Les subjectivistes soutiennent que les sentiments personnels et les interprétations individuelles sont la seule réalité légitime en enseignement, que l’évaluation de l’efficacité de l’enseignement ne peut être purement quantitative et statistique.
La différence se pose déjà au niveau de l’évaluation des élèves. Du côté instructionniste, l’acquisition de compétences spécifiques est une condition préalable au sens (appuyée par la notion de connaissance secondaire, de mémoire de travail et de charge cognitive). Du côté constructiviste, le sens est une condition préalable à la construction de compétences générales hypothétiques.
Si la position constructiviste, quasi romantique, mais impraticable, pouvait sembler envisageable ou séduisante face aux errements de l’enseignement traditionnel, le désenchantement est inévitable. À terme, la perspective changera, face aux approches instructionnistes fondées sur des données probantes. Les approches instructionnistes progressent en continuant à intégrer de plus en plus les découvertes issues de la science de l’apprentissage. Elles gagnent en nuances progressivement.
Le modèle ouvert instructionniste est entièrement adaptable en fonction des contraintes spécifiques de l’enseignement visé. Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Mario Richard insistent d’ailleurs sur la nécessité d’un continuum comme déjà évoqué ici.
La base philosophique du constructivisme est que la réalité est personnelle et subjective. Une telle position constitue l’antithèse de la science conventionnelle. Dès lors, il n’est pas étonnant que les approches éducatives constructivistes déjà non optimisées ne parviennent pas à engranger des résultats tangibles et ne soient jamais parvenues à concurrencer réellement l’enseignement traditionnel.
Le plus paradoxal est que d’une certaine façon, l’enseignement explicite est une version améliorée de l’enseignement traditionnel. De même, l’apprentissage coopératif éclairé par les apports de la théorie de la charge cognitive peut devenir une version fonctionnelle du travail de groupe collaboratif. Partant de ce postulat, nous pouvons émettre comme hypothèse que la pédagogie de projet doit pouvoir elle-même se révéler performante et efficace dans certaines conditions. Cependant, la nécessaire validation empirique demande de passer sous les fourches caudines d’une démarche d’investigation scientifique (essais randomisés contrôlés). Celle-ci est honnie, mais dans un certain sens, elle devrait être au centre même de la pédagogie constructiviste qui consiste à mettre l’élève en recherche.
Bernard Appy, Considérations autour de l’instructionnisme, 2011, http://www.formapex.com/questions--reponses/373-considerations-autour-de-linstructionnisme
Clermont Gauthier, Steve Bissonnette & Mario Richard (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages. Bruxelles : De Boeck.
Clermont Gauthier, Steve Bissonnette, Mario Richard, Réussite scolaire et réformes éducatives, RRAA — Revue de Recherche Appliquée sur l’Apprentissage, vol. 2, numéro spécial, article 1, p 1-14, 04.2009
Clermont Gauthier (en collaboration avec Steve Bissonnette et Mario Richard), Quelle pédagogie au service de la réussite de tous les élèves ? Un état de la recherche, Conférence donnée le 6 décembre 2006 lors du colloque du GIRSEF (Groupe interfacultaire de recherche sur les systèmes d’éducation et de formation) à Louvain-la-Neuve — Université catholique de Louvain (Belgique)
Françoise Appy, Pour en finir avec le flou terminologique, 2012, http://www.formapex.com/questions--reponses/872-pour-en-finir-avec-le-flou-terminologique
Johnson, Genevieve. (2004). Constructivist remediation: Correction in context. Int J Special Educ. 19.
Robert Slavin, A Model of Effective Instruction, Educational Forum, v59 n2 p166-76, 1995
“E pur si muove !.” Wikipédia, l’encyclopédie libre. 24 nov. 2018
Dans son cadre, il existe deux orientations épistémologiques de base, l’une objective et l’autre subjective, considérée comme des extrêmes sur un continuum.
Perspective objective
- La connaissance est absolue, séparée de celui qui la connaît, elle correspond à une réalité connaissable et externe.
- La connaissance est stable parce que les propriétés essentielles des objets sont connues et relativement permanentes.
- Le monde est réel, structuré et cette structure peut être enseignée et apprise.
- Le but de l’esprit humain est de refléter la réalité objective par des processus de pensée.
- Le sens produit par la pensée est externe au penseur et est déterminé par la structure du monde extérieur réel.
- La connaissance n’est considérée comme vraie que si elle reflète correctement ce monde extérieur indépendant
L’instructionnisme est l’application pédagogique de l’objectivisme.
Comme le contenu de l’enseignement et le contenu des connaissances sont supposés être isomorphes, les enseignants sont conceptualisés comme des transmetteurs de la réalité objective ; les élèves sont considérés comme des récepteurs « passifs » des connaissances. Cette notion d’élève passif est toutefois à relativiser.
Les résultats des apprentissages sont objectifs et normalisés. L’enseignement est axé sur le transfert efficace des compétences spécifiques et des connaissances de l’enseignant à l’élève. Celui-ci prend la forme d’exercices, de pratiques et d’approche qui tiennent compte de la structuration de la mémoire telle que mise en évidence en psychologie cognitive.
L’instructionnisme se concentre sur la préparation détaillée des leçons, sur l’organisation et la gestion des enseignements, ainsi que sur la clarté et l’efficacité.
Lorsque les enfants n’apprennent pas à l’école, ce sont les caractéristiques pédagogiques, et non les caractéristiques des élèves, qui sont présumées en être la cause.
Perspective subjective
- La connaissance est personnelle à celui qui connaît et est relative à des expériences individuelles uniques.
- La connaissance et la réalité n’ont pas de valeur objective ou absolue.
- L’individu interprète et construit la réalité à partir de son expérience personnelle et de son interaction personnelle avec un environnement subjectif.
- La connaissance ne reflète pas une réalité objective, mais est constituée par notre expérience.
- Les connaissances sont « viables » si elles s’avèrent adéquates dans les contextes dans lesquels elles ont été créées.
L’application pédagogique du subjectivisme est appelée constructivisme.
Ces pratiques d’enseignement sont centrées sur l’élève. Le constructivisme définit l’apprentissage comme un processus de construction active du savoir et non comme une absorption passive du savoir.
L’enseignement est axé sur des approches réalistes pour résoudre des problèmes du monde réel.
L’accent est mis sur les processus d’apprentissage plutôt que sur le produit de l’apprentissage en mémoire.
L’erreur de l’élève est considérée comme un mécanisme permettant de mieux comprendre comment l’élève organise ses conceptions personnelles. L’erreur n’a pas le même statut que dans l’instructionnisme, car il n’existe pas une réalité objective par laquelle les réponses ou les interprétations individuelles peuvent être considérées comme correctes ou incorrectes.
L’enseignant est conceptualisé comme un facilitateur de la compréhension de l’élève par opposition à un transmetteur de connaissances.
E pur si muove !
L’expression italienne « E pur si muove ! » signifie « Et pourtant elle tourne ! ». Elle est attribuée à Galileo Galilei, savant italien qui aurait prononcé cette phrase en 1633. Il avait été forcé devant l’Inquisition d’abjurer sa théorie qui montrait que la Terre tourne autour du Soleil, doctrine hérétique à l’époque. Aujourd’hui, cette expression est utilisée lorsqu’une personne doit se conformer à une opinion majoritaire tout en gardant une conviction contraire en son for intérieur, plus spécifiquement lorsque celle-ci est basée sur des faits contre des croyances.
Les approches instructionnistes sont souvent interprétées en termes négatifs, comme étant mécanistes, d’une froideur statistique, béhavioristes, scientifiques et ne tenant pas compte de la complexité d’une nature humaine sensible.
Cependant, en tant qu’enseignant, le choix de privilégier une approche instructionniste est d’abord de l’ordre de l’éthique professionnelle et relève du simple bon sens :
Les approches instructionnistes sont plus égalitaires, relativement plus simples à mettre en place, plus efficaces pour l’apprentissage des élèves et facilitent la collaboration entre enseignants. Également, elles sont complètement en résonance et en phase avec ce que nous disent les sciences cognitives sur le fonctionnement du cerveau humain et cohérentes également avec les théories de la motivation.
Choisir de privilégier dans sa pratique des approches instructionnistes n’est donc pas un choix idéologique ni politique ni ne trahit obligatoirement une affinité épistémologique.
Les approches instructionnistes constituent un modèle ouvert, diversifié et évolutif qui prend en compte les avancées de la recherche. L’expertise des enseignants est valorisée, car ils ont des choix à poser dans leurs pratiques et des adaptations à appliquer pour les optimiser en fonction de leurs contextes.
Le constructivisme n’a pas la même lecture de l’erreur, pas la même vision des buts de l’éducation ni la même adoption du corpus de connaissances en psychologie cognitive. Il tend à nier la pertinence de la recherche sur l’efficacité en sciences de l’éducation et celle d’un regard objectif sur l’apprentissage et l’enseignement.
Les subjectivistes soutiennent que les sentiments personnels et les interprétations individuelles sont la seule réalité légitime en enseignement, que l’évaluation de l’efficacité de l’enseignement ne peut être purement quantitative et statistique.
La différence se pose déjà au niveau de l’évaluation des élèves. Du côté instructionniste, l’acquisition de compétences spécifiques est une condition préalable au sens (appuyée par la notion de connaissance secondaire, de mémoire de travail et de charge cognitive). Du côté constructiviste, le sens est une condition préalable à la construction de compétences générales hypothétiques.
Si la position constructiviste, quasi romantique, mais impraticable, pouvait sembler envisageable ou séduisante face aux errements de l’enseignement traditionnel, le désenchantement est inévitable. À terme, la perspective changera, face aux approches instructionnistes fondées sur des données probantes. Les approches instructionnistes progressent en continuant à intégrer de plus en plus les découvertes issues de la science de l’apprentissage. Elles gagnent en nuances progressivement.
Le modèle ouvert instructionniste est entièrement adaptable en fonction des contraintes spécifiques de l’enseignement visé. Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Mario Richard insistent d’ailleurs sur la nécessité d’un continuum comme déjà évoqué ici.
La base philosophique du constructivisme est que la réalité est personnelle et subjective. Une telle position constitue l’antithèse de la science conventionnelle. Dès lors, il n’est pas étonnant que les approches éducatives constructivistes déjà non optimisées ne parviennent pas à engranger des résultats tangibles et ne soient jamais parvenues à concurrencer réellement l’enseignement traditionnel.
Le plus paradoxal est que d’une certaine façon, l’enseignement explicite est une version améliorée de l’enseignement traditionnel. De même, l’apprentissage coopératif éclairé par les apports de la théorie de la charge cognitive peut devenir une version fonctionnelle du travail de groupe collaboratif. Partant de ce postulat, nous pouvons émettre comme hypothèse que la pédagogie de projet doit pouvoir elle-même se révéler performante et efficace dans certaines conditions. Cependant, la nécessaire validation empirique demande de passer sous les fourches caudines d’une démarche d’investigation scientifique (essais randomisés contrôlés). Celle-ci est honnie, mais dans un certain sens, elle devrait être au centre même de la pédagogie constructiviste qui consiste à mettre l’élève en recherche.
Mis à jour le 05/12/2022
Bibliographie
Bernard Appy, Considérations autour de l’instructionnisme, 2011, http://www.formapex.com/questions--reponses/373-considerations-autour-de-linstructionnisme
Clermont Gauthier, Steve Bissonnette & Mario Richard (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages. Bruxelles : De Boeck.
Clermont Gauthier, Steve Bissonnette, Mario Richard, Réussite scolaire et réformes éducatives, RRAA — Revue de Recherche Appliquée sur l’Apprentissage, vol. 2, numéro spécial, article 1, p 1-14, 04.2009
Clermont Gauthier (en collaboration avec Steve Bissonnette et Mario Richard), Quelle pédagogie au service de la réussite de tous les élèves ? Un état de la recherche, Conférence donnée le 6 décembre 2006 lors du colloque du GIRSEF (Groupe interfacultaire de recherche sur les systèmes d’éducation et de formation) à Louvain-la-Neuve — Université catholique de Louvain (Belgique)
Françoise Appy, Pour en finir avec le flou terminologique, 2012, http://www.formapex.com/questions--reponses/872-pour-en-finir-avec-le-flou-terminologique
Johnson, Genevieve. (2004). Constructivist remediation: Correction in context. Int J Special Educ. 19.
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Très bel article, concis et clair ! Merci
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