dimanche 21 octobre 2018

Enjeux et caractéristiques de la pratique guidée en enseignement explicite

La pratique guidée est un temps d’entrainement supervisé en enseignement explicite. Son existence et son importance ont été mises en évidence lors de diverses enquêtes et études sur l’enseignement efficace.

(photographie : Jesús Madriñán)



Une définition de la pratique guidée


Dans le cadre de l'enseignement explicite, la pratique guidée est une étape de transition entre le modelage et la pratique autonome.

Durant le modelage (I do), l’enseignant explique lui-même un concept ou exécute une procédure devant ses élèves de la manière la plus transparente possible. Durant la pratique guidée (We do), l'enseignant va mobiliser le concept ou pratiquer la procédure avec ses élèves jusqu'à s'assurer qu'ils puissent eux-mêmes la pratiquer et qu'ils en saisissent le sens. Par la suite, en pratique autonome, les élèves agiront seuls (You do).

La pratique guidée se consacre à expliquer aux élèves comment utiliser les concepts et les procédures après que le modelage se soit assuré qu'ils les comprennent. Les élèves participent sous la supervision constante de l'enseignant. Ce processus se déroule en classe complète, l'enseignant face à ses élèves qui participent activement et s'engagent dans chacune des tâches demandées avec à chaque fois un retour en classe complète.

Au terme de la pratique guidée, les élèves doivent être prêts à résoudre les mêmes types de tâches de manière indépendante avec une supervision plus détachée de l'enseignant.

La pratique guidée est à mettre en association avec le dixième des seize éléments de l’enseignement explicite, tels que mis en avant par Anita L. Archer et Charles A. Hughes (2011).

Les enjeux d'une pratique guidée sont de :
  • Favoriser la réussite des élèves dès le début des apprentissages et de l'enseignement
  • Renforcer la confiance et le sentiment d’efficacité personnelle des élèves en augmentant leur compréhension
  • Résoudre les difficultés rencontrées par les élèves en début de pratique
  • Délivrer aux élèves des conseils et une rétroaction immédiate sur l’exécution d'une procédure ou sur la mobilisation de connaissances nouvelles
  • Augmenter graduellement la difficulté de la tâche, étape par étape, tout en diminuant peu à peu l’étayage
  • Amener progressivement les élèves de la gestion de tâches simples à celles de tâches complexes.



Pratique guidée et apprentissage


Le rôle de soutien de la pratique guidée


S’il y a un principe que la psychologie cognitive a eu tôt fait de mettre en évidence de manière incontestable, c’est qu’un élève ne peut pas apprendre passivement. Si comme le mentionne Daniel Willingham (2018), un enseignant néglige ce principe, il aura probablement beaucoup de mal à atteindre son objectif déclaré qui est que ses élèves apprennent.

Une analogie utile à ce titre est celle que nous pouvons faire entre l’éducation et l’architecture. Si des ingénieurs architectes souhaitent construire un gratte-ciel, il y a des principes de physique dont ils ne peuvent s’affranchir et qu’ils vont devoir respecter. S’ils ne suivent pas certaines lois scientifiques, leur bâtiment va s’écrouler. De la même manière, il y a quelques principes fondamentaux qu’il faut respecter dans l’enseignement si nous voulons qu'il puisse mener à un apprentissage. La nécessité de la pratique est l’un d’eux.

Si l’enseignant espère que l’élève va apprendre la compétence visée, simplement en le regardant lui ou d’autres élèves l’appliquer, mais sans la pratiquer lui-même, c’est mission impossible. Pratiquer, dans un premier temps sous une forme guidée, est une condition limite sans laquelle l’apprentissage est impossible.

L’enseignement explicite l’a bien compris et donne une position centrale à la pratique, dans un premier temps guidée puis ensuite autonome et enfin distribuée.


L'importance de la pratique guidée pour la construction des connaissances


« Le savoir coupé de l’action réfléchie est un savoir mort, un poids écrasant pour l’esprit. » Dewey, Démocratie et Éducation, 1916

Imaginons un enseignant explique un concept ou une règle à ses élèves, il l’illustre à l’aide d’exemples et de contre-exemples. Il peut alors lui sembler que ses élèves comprennent et ces derniers ont le sentiment d’avoir appris quelque chose.

L’enseignant peut obtenir le sentiment d’avoir enseigné quelque chose, car il a pu vérifier leur compréhension par diverses questions posées au hasard. La compréhension conceptuelle semble acquise.

Une semaine plus tard, à l’occasion d’une évaluation formative, apparait un cas d’application du concept ou de la règle, mais les élèves ne font pas le lien. Interloqué, l’enseignant leur demande par la suite de leur énoncer la règle ou de leur expliquer le concept, ce qu’ils peuvent faire impeccablement.

Ainsi, même si le concept ou la règle sont connus, cela peut n’avoir aucune importance, car l’apprentissage n’est pas effectif tant que les élèves ne peuvent pas mettre cette compréhension spontanément en pratique ultérieurement. Le point faible de la démarche d’enseignement utilisée a été la pratique guidée qui a été négligée.

Nous avons tendance à accorder trop d’importance à la compréhension conceptuelle, alors qu’en réalité, il s’agit d’une série de règles et d’énoncés déclaratifs. La compréhension conceptuelle n’est valable que lorsqu’elle est extraite de la pratique et en est indissociable, c’est-à-dire qu’elle est un discours sur le sens et le pilotage de la procédure mobilisée.

L’enseignement usuel en classe peut laisser trop peu de place à la pratique guidée. Or la pratique guidée découpée en étapes, précisément contrôlée et soutenue par une rétroaction simultanée est sans doute l’aspect le plus difficile de l’enseignement explicite à apprécier et à mettre en œuvre. Une pratique guidée réussie est ce qui va permettre ensuite à un élève de s'exercer de manière autonome pour approfondir ses apprentissages.

La pratique guidée est résolument procédurale dans le sens où elle rend les actions et les pensées prévisibles et explicites afin d’en faciliter la mémorisation. Cette étape est cruciale, car elle va profondément limiter les besoins ultérieurs en différenciation si elle est bien menée. La compréhension conceptuelle prend réellement son sens à travers la pratique de procédures.

Une connaissance conceptuelle, même comprise, n’a pas de sens si elle ne peut pas être mise en pratique de manière adéquate.



Un vecteur d’efficacité


Il a été montré que les enseignants les plus efficaces consacraient plus de temps à la présentation des nouveaux contenus et à de la pratique guidée.

Ces enseignants utilisent ce temps supplémentaire pour apporter plus d’explications. Ils donnent un grand nombre d’exemples. Ils vérifient la compréhension de leurs élèves. Ils fournissent suffisamment d’activités pour permettre aux élèves d’apprendre à travailler de façon autonome et sans difficulté. Les élèves des enseignants les plus efficaces qui mettent en place une pratique guidée sont plus actifs par la suite lors de l’étape de la pratique autonome.

Même si la majorité des enseignants organisent un moment de pratique guidée, on constate que les enseignants les plus efficaces consacrent plus de temps à cette étape. Ils explorent avec leurs élèves toutes les situations types qu’ils pourront croiser en pratique autonome. Ce temps consacré à une pratique guidée optimisée se traduit par de meilleurs taux de réussite pour les élèves qui sont plus engagés dans leurs apprentissages. Ils prennent confiance en eux et se préparent à travailler les mêmes contenus de manière autonome.

Par opposition, les enseignants moins efficaces donnent des présentations et des explications plus brèves et distribuent ensuite des feuilles d’exercices que les élèves doivent réaliser seuls. Dans ces conditions, ceux-ci sont susceptibles de commettre de nombreuses erreurs qui vont nécessiter à l’enseignant de réexpliquer la matière.



Inscrire la pratique de connaissances nouvelles dans un temps long


Des apprenants novices (comme le sont les élèves la plupart du temps face aux apprentissage scolaires) ont besoin d'un temps de pratique plus long que des apprenants plus avancés qui ont déjà un niveau d'expertise dans le domaine (comme par exemple des enseignants).

Dans un cadre d'enseignement explicite, la pratique guidée est suivie de la pratique autonome dans une perspective de surapprentissage. Dans une perspective de développement d'apprentissage durables, les élèves seront amenés à récupérer les contenus au fil du temps, sous forme de devoirs, de quiz, d'une pratique distribuée ou de différentes formes d'évaluation formative. 

En résumé, ces différents processus ont pour objet de donner aux élèves de multiples opportunités :
  • De surapprentissage (automatisation)
  • De récupération espacée (renforcer les apprentissage)
  • De récupération élaborée ou explicative (approfondir les apprentissage)
  • D'auto-évaluation (pour prendre conscience de ce qui est maîtrisé et de ce qui est à retravailler)
Tout ce processus vise à aider les élèves à prendre peu à peu la responsabilité de leurs apprentissages. Parallèlement nous voulons les aider à maitriser les contenus et à les rendre aisément récupérable à partir de leur mémoire à long terme.

Une conséquence désirable de ce processus est qu’au plus l’aisance augmente avec la récupération en mémoire à long terme, au moins ces connaissances vont mobiliser des ressources en mémoire de travail. Elle pourront alors pleinement jouer le rôle de connaissances préalables pour des apprentissages futurs en lien.

L’avantage d’automatiser les connaissances est de soulager la mémoire de travail qui peut alors s’engager plus totalement dans l’application de ces mêmes informations. 

Cette disponibilité des ressources en mémoire de travail est nécessaire pour :
  • Acquérir des connaissances nouvelles en lien
  • Résoudre des problèmes mobilisant ces connaissances.
Lorsque ce processus de maitrise et d'apprentissage durable de connaissances n'a pas lieu, elle ne sont pas automatisées et l’aisance est faible. Pour être mobilisées en mémoire de travail, elles vont nécessiter plus de ressources qui ne seront plus disponibles pour le traitement de nouvelles informations.

Cela va diminuer la capacité à : 
  • Comprendre et à apprendre des nouvelles connaissances en lien
  • Résoudre des problèmes mobilisant ces connaissances.
Cette différence illustre une une différence clé entre les apprenants novices et les apprenants experts que sont les enseignants. Elle montre toute l'importance de la maitrise des connaissance et de leur consolidation 

Une bonne analogie est celle des conducteurs débutants. Ceux-ci se retrouvent facilement perturbés lorsqu’ils arrivent dans une configuration qu’ils ne connaissent pas avec une multitude de panneaux et de signes sur la chaussée. Ils ressentent alors beaucoup de difficultés à absorber et traiter toute l’information tout en se concentrant sur l’acte de rouler lui-même. Cela mène à une conduite ralentie, pleine d’hésitations, d’imprécisions, voire de mouvement brusques, ce qui augmente le risque d'accident. 

Un conducteur expérimenté, même s’il ne connait pas la configuration a automatisé toutes les procédures et règles. Il traite les informations de circulation avec aisance et fluidité. Il pourra continuer à converser avec son passager tout en traversant la zone adéquatement.



Cas d’insuffisance de la pratique guidée


La pratique guidée vient s'intercaler entre le modelage et la pratique guidée. La pratique guidée n’est pas un temps bref mais peut être u temps prolongé. Si elle est néglifée, les élèves éprouveront plus de difficultés à emmagasiner, se remémorer ou utiliser les notions et les procédures vues. Il ne suffit pas pour enseigner efficacement de présenter simplement aux élèves de nouvelles notions, car ces notions seront oubliées à moins d’entrainements suffisants. De même, il ne suffit pas qu'un élève puisse voir un enseignant mobiliser une procédure pour pouvoir la réaliser lui-même par la suite.

La pratique n’est pas un temps de relâche pour l’enseignant, mais un temps qui nécessite une pleine implication face à la classe. L'enseignant ne peut se contenter, après avoir expliqué les notions, de simplement donner un temps de travail individuel aux élèves. Il ne sera pas suffisant pour lui de circuler ensuite dans la classe tout en jetant un coup d’œil au-dessus de leur épaule pendant qu’ils travaillent. Il ne sera pas suffisant de fournir à l’occasion une aide à un élève qui semble ne pas comprendre. En procédant de la sorte l'enseignant sème les graines de difficultés ultérieures rencontrées par ses élèves

La pratique guidée n’est pas un simple temps de transition entre le modelage et la pratique autonome, elle a ses exigences et ses attendus propres.

Un bon exemple de sa nécessité est quand quelqu’un nous explique le fonctionnement d’un logiciel sur son ordinateur. Ses explications peuvent être les plus claires et les plus limpides possibles, si l’explication s’arrête là et que nous retournons travailler sur notre propre ordinateur sans accompagnement, il est quasi certain que certains blocages apparaitront. Ceux-ci auraient pu être évités par une pratique guidée. C'est, le fait que l’instructeur nous accompagne après ses explications et nous épaule lors de nos premiers pas et de nos premières manipulations du logiciel. Il traque nos hésitations, nos confusion nos doutes. Ils nous remet sur le droit chemin si nécessaire. Il ne relâche son attention que lorsque nous faisons une démonstrations de noter compréhension et de notre capacité de mobiliser le concepts ou d'exécuter une procédure.



L'importance d'une pratique guidée optimisée en enseignement explicite


Une pratique guidée améliorée peut rendre les élèves plus outillés pour réussir les tâches demandées. Grâce à elle, les élèves ont l’occasion de faire leurs premières expériences dans l’apprentissage d’un contenu nouveau en pouvant compter sur la supervision directe et étroite de l’enseignant à chaque étape.

L’idée clé dans le cadre de la pratique guidée est que tous les élèves font la même tâche au même moment : 
  • L’enseignant guide ainsi une étape (ou un exercice) puis s’arrête. 
  • Il s’assure qu’elle est bien exécutée et comprise par une vérification de la compréhension auprès de plusieurs élèves, avant de passer à la suivante. 
  • Il amène progressivement ses élèves à en faire plus par eux-mêmes, en diminuant l’étayage.
Il faut imaginer une classe comme un ensemble d’élèves occupés à construire en mémoire à long terme des schémas cognitifs.  Chacun d’eux suit un fil de pensée qui peut différer de ses voisins.

Chacun d’entre eux va traiter l’information de manière différente, en fonction :
  • De ce qu’il connait déjà
  • Du degré d’attention qu’il donne aux nouvelles connaissances
  • Des capacités de sa mémoire de travail
  • De sa faculté à réguler et à organiser l’information efficacement.
Cet état de fait impose que la pratique guidée soit hautement interactive. Utilisant de façon soutenue la vérification de la compréhension, l’enseignant évalue l’apprentissage de ses élèves et anticipe l’adaptation de ses pratiques d’enseignements et des contenus en fonction de la rétroaction qu’il obtient. 

L’apprentissage étant invisible, ce n’est qu’en posant des questions de manière aléatoire à ses élèves ou systématiquement à tous que l’enseignant en mesure la progression.

Une compétence clé de l’enseignant est de savoir quand arrêter la pratique guidée. Il faut déterminer à quel rythme alléger l’étayage. Il s’agit de ne pas aller trop vite pour éviter que les élèves ne décrochent et pas trop tard pour éviter qu’ils ne développent une dépendance aux explications qui pourrait freiner l’établissement de l’autonomie. Ce rythme est basé sur l’évolution de la performance des élèves.

La pratique guidée est la clé pour générer un haut niveau de succès, qui à son tour alimente la motivation et l’engagement durant la pratique autonome qui suivra. 

Au plus les élèves ont un faible sentiment d’efficacité et au moins ils possèdent de connaissances préalables, au plus la pratique guidée devient importante. Lorsque les élèves se sentent plus efficaces et possèdent plus de connaissances, elle peut être écourtée ou recouvrir un plus grand nombre d’éléments de matière. Les élèves peuvent ainsi apprendre plus rapidement.

Dans ses écrits, Barak Rosenshine s'est réfèré à des études qui montrent que les enseignants les plus efficaces posent des questions et fournissent des tâches jusqu’à atteindre un haut niveau de succès autour de 80 %. Il suggère que 70 % sont trop peu pour arrêter la pratique guidée.

Le raisonnement est qu’il faut éviter que les élèves s’entrainent en pratique autonome sur des erreurs. Le principe de passer à la pratique autonome quand on atteint 80 % est aussi que les élèves doivent conserver un challenge, une marge d’apprentissage pour rester engagés.

Le 80 % de réussite ne peut pas non plus être atteint pour tous les élèves. L’idée est que tous aient compris les grandes lignes et aient des modèles de référence qui vont leur permettre de combler les derniers manques et s’avancer vers une pratique autonome.

Sentir le moment opportun pour passer à la pratique autonome dépend de l’expertise de l’enseignant. Celui-ci connait sa matière, sait comment la découper pour la rassembler, sait comment les élèves abordent l’apprentissage en cours et connait sa classe.



Une intégration parfaite au modelage


L’enseignement propose aux élèves des tâches correspondant à ce qui a été modelé. Cette phase de transition se caractérise par un étayage que l’enseignant déploie pour faciliter l’apprentissage et qu’il retire ensuite à mesure qu’il observe que l’apprentissage se produit. Le principe est de proposer aux élèves des tâches semblables à celles qui ont été utilisées lors du modelage.

Le modelage s’avère donc indissociable d’une pratique guidée qui lui succède. Il est encore mieux lorsqu’il présente une intégration, de manière à mieux accompagner les élèves dans l’élaboration de leurs schémas cognitifs (dans la construction de leurs apprentissages).

Sans cela, un modelage non suivi d’une pratique guidée suffisante peut susciter le développement et l’installation de conceptions erronées avec toutes les difficultés ultérieures que cela implique, retour sur les apprentissages, rectifications, inhibition, etc.



Un moment de vérification de la compréhension


La pratique guidée permet à l’enseignant de suivre pas à pas la progression des élèves et de leur fournir le soutien approprié. L’objectif est de guider l’élève tandis qu’il s’approprie les concepts modelés préalablement. L’enseignant exerce pour cela un questionnement et une rétroaction régulière.

L’enseignant peut faciliter le processus de mémorisation en posant des questions qui vont obliger les élèves à traiter et à solliciter les notions enseignées. Il leur demande par exemple de justifier des étapes ou de récapituler les éléments principaux. Les bonnes questions exigent que les élèves traitent et répètent le matériel.

Les enseignants les plus efficaces demandent à leurs élèves d’expliquer comment ils ont procédé pour arriver à trouver leur réponse. Les moins efficaces posent non seulement moins de questions, mais aussi n’interrogent pratiquement jamais les élèves sur leurs façons de faire.



Importance du pilotage de l’enseignant lors de la pratique guidée


Dans le cadre d’un enseignement explicite, la pratique guidée suit le modelage et précède la pratique autonome.

L’encadrement fourni par l’enseignant est indispensable pour améliorer la qualité de la mémorisation et le développement d’automatismes, lors de la pratique guidée liée à de nouveaux concepts ou à de nouvelles procédures.

L’enseignant doit susciter un traitement en profondeur, étape par étape. Sans cela, la mémorisation sera fragile si les élèves évitent de se confronter à des difficultés et ne font qu’effleurer les nouveaux contenus et ne s’y engagent pas vraiment.

L’enseignant doit veiller à ce que les élèves rendent explicite leur raisonnement implicite en situation de pratique guidée. C’est à la fois une manière de s’assurer de leur compréhension et de favoriser la consolidation des savoirs.

Il est important que tous les élèves pratiquent les notions nouvelles et reçoivent des commentaires sur leur travail, ce qui entre dans la mission de l’enseignant. Ils doivent être supervisés par l’enseignant lorsqu’ils mettent en pratique guidée les nouvelles étapes d’une habileté.

Une caractéristique commune de la pratique guidée est la répétition. Parfois, les activités de pratique ne sont pas fructueuses parce que les élèves doivent jongler avec trop de connaissances à la fois. Dans ce cas, ils ne pratiquent pas certains éléments assez souvent.

Toutefois, il peut arriver que la pratique guidée devienne non pertinente, inutile et démotivante pour les élèves. Cela arrive dans deux cas de figure :
  • S’il y a déjà maîtrise et fluidité dans les compétences à enseigner. 
    • Quand l’enseignant se rend compte que les élèves sont arrivés à ce stade, il doit augmenter le niveau de complexité des tâches fournies aux élèves.
  • Si les élèves ne sont pas à l’aise dans des habiletés de base (que ce soit en sciences, mathématiques, langues, sciences économiques…), leur habileté à résoudre des tâches complexes sera diminuée :
    • Leur mémoire de travail sera rapidement saturée d’informations non pertinentes ne leur permettant pas d’avancer et d’apprendre. 
    • Dans ces cas-là, des interventions spécifiques auprès de ces élèves sont nécessaires afin de corriger ces lacunes qui constituent une barrière à l’acquisition de compétences plus complexes. 
La gestion du niveau de difficulté et de variation dans la pratique lors de la pratique guidée est cruciale pour son efficacité. L’objectif est de recouvrir toute la variété des situations principale avec un large succès afin de préparer les élèves à la pratique autonome.



Amorcer un dialogue formatif


La pratique guidée est un moment propice également pour permettre et favoriser les interactions avec et entre les élèves. Cela permet de démultiplier le nombre d’interactions d’apprentissage au sein de la classe durant lesquelles les élèves peuvent valider leur compréhension et la renforcer ensemble. L’action conjuguée du soutien de l’enseignant et des échanges entre pairs favorise la confiance, la cohésion et la motivation nécessaires pour continuer à s’exercer.

C’est à ce moment que le tableau peut devenir un instrument particulièrement efficace dans le cadre de grands groupes lorsque les procédures de résolution d’exercices échappent à ce qu’une utilisation aisée des ardoises effaçables.

Le modelage a permis d’expliciter des procédures de résolution. La pratique guidée peut alors prendre la forme d’un envoi aléatoire d’élèves au tableau après un temps de préparation pour qu’ils notent et discutent de leur résolution d’un exercice ou d’un problème. De cette façon, les élèves assis à leur place s’exercent et peuvent voir d’autres procédés et bénéficier d’une rétroaction à l’échelle de la classe.

Le caractère crucial de la rétroaction donnée à ce moment-là vient du fait que tous les élèves vont en profiter. Elle peut empêcher qu’ils ne consolident par inadvertance une information incomplète ou erronée dans leur mémoire à long terme.



Des occasions de pratique de récupération favorables à la consolidation



La pratique guidée est l’étape où crée la réussite des élèves, qui avec le soutien approprié peuvent atteindre l’objectif d’apprentissage.

Les élèves ont besoin de temps pour traiter la nouvelle information, et surtout d’une distribution de celui-ci afin de pouvoir l’enregistrer dans leur mémoire à long terme. Un temps d’entrainement réduit et unique, même s’il permet de vérifier la compréhension et de la valider peut n’assurer aucun stockage des informations à long terme.

Pour pouvoir les emmagasiner durablement, les élèves ont besoin de devoir récupérer en mémoire, de se rappeler et de réutiliser régulièrement les contenus appris. La pratique guidée offre le cadre adéquat, d’autant plus qu’elle est distribuée de manière espacée dans le temps.

Cette mise en mémoire est un prérequis pour rendre ces connaissances disponibles pour une utilisation ultérieure sans devoir nécessiter un nouvel enseignement.

Le stockage en mémoire à long terme permettra de développer des automatismes. Peu à peu, la pratique donne une certaine flexibilité à ces connaissances, ce qui est indispensable pour favoriser de nouveaux apprentissages ultérieurs ou faciliter la résolution d’un problème.



Un entrainement à la discrimination


La pratique guidée est également le moment idéal pour que les élèves apprennent le cadre d’application des nouvelles connaissances et ses limites. Ils sont amenés à les intégrer tout en les confrontant à leurs connaissances préalables.

Cela demande d’aborder au moment du modelage toute l’étendue de la complexité de la matière, à travers des exemples et ces contre-exemples, et pas seulement des applications basiques et massées. Il faut intégrer rapidement un caractère aléatoire qui aide à se poser les bonnes questions rapidement.

L’élève qui a suivi le modelage peut ne pas avoir intégré certaines finesses et nuances des nouvelles connaissances ou ne pas avoir retenu leur caractère crucial. Faire pratiquer de manière guidée lui permet de tester la construction de ses schémas cognitifs, de les affiner et de les parfaire à travers les difficultés qu’il va rencontrer.

Les élèves ne peuvent pas simplement répéter mot pour mot, étape par étape à la virgule près ce qui a été modelé. S’il y a emprunt, il y a surtout réorganisation des savoirs également. Il y a besoin d’installer des liens, éprouvés, testés et consolidés entre ce que nous avons compris et assimilé de nouveaux savoirs et nos schémas cognitifs antérieurs.

Cette réorganisation comporte une part d’aléatoire qui impose qu’elle soit vérifiée et évaluée de manière formative. Les erreurs que l’on fait sont en réalité d’utiles étapes de constructions dues aux différents biais et imperfections de notre système cognitif. La pratique guidée permet de se saisir directement des erreurs à leur source et de les corriger pour avancer plus vite dans l’apprentissage.



Mis à jour le 18/10/2022

Bibliographie


Gauthier, C., Bissonnette, S., & Richard, M. (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages. Bruxelles : De Boeck.

Gauthier, C., L’Enseignement Explicite. Fondements et pratiques. Symposium Efficacité de l’enseignement. Fondements et Pratiques. HEP Bejune, Suisse (2013)

Rosenshine, Barak, Principles of Instruction: Research-Based Strategies That All Teachers Should Know, American Educator, v36 n1 p12-19, 39 (2012) Rosenshine, Barak, Principles of Instruction, Educational Practices Series-21 (2010)

Tom Sherrington, “The Learning Rainforest,” John Catt, 2017 (pp 207–208)

Tom Sherrington, Rosenshine’s principles in action, p 12, John Catt, 2019

Anita L. Archer and Charles A. Hughes, Explicit Instruction: Effective and Efficient Teaching, 2010, Guilford Press

John R. Hollingsworth & Silvia E. Ybarra. (2018). Explicit Direct Instruction. Corwin.

Daniel Willingham, Interview, p5-8, researchED, Issue 1, 2018

Greg Ashman, Capital letters, 2020, https://gregashman.wordpress.com/2020/05/30/capital-letters/

1 commentaire:

  1. Excellent article qui éclaire beaucoup la mise en pratique des différents temps théoriques d'apprentissage.

    RépondreSupprimer