mercredi 1 août 2018

Des stratégies en enseignement explicite pour favoriser le développement de représentations mentales du succès

Les élèves ont du mal à identifier eux-mêmes face à de nouveaux apprentissages qu’ils doivent effectuer, ce à quoi ressemble le succès, les performances exactes attendues et comment les mettre en œuvre précisément.

(photographie : Trent Davis Bailey)



C’est particulièrement le cas lorsque ce que l’enseignant exige et demande de leur part de l’élaboration, du raisonnement, de la structuration ou de la discrimination, plutôt qu’une simple reproduction. 

Par conséquent, pour remédier à ces difficultés, il apparait indispensable que l’enseignant rende explicites les processus mobilisés pour résoudre toute tâche un tant soit peu complexe. L’enseignant leur montre des exemples de réalisations antérieures remarquables réalisées par d’autres élèves.



Rendre visibles les stratégies optimales à mobiliser


Dans l’approche Direct Instruction, un concept relié à celui de stratégies utiles est celui de conspicuous strategies. Le terme conspicuous peut se traduire en français selon le dictionnaire Collins Robert par « qui attire l’attention », « flagrant », « notable » ou « bien en évidence ». Nous sentons bien la volonté d’opérationnaliser et de rendre visibles ces stratégies qui correspondent à un attendu évident de l’apprentissage.

Rendre explicite dans ce cas correspond à présenter clairement aux élèves les enjeux, les modes de raisonnement appliqués ainsi que les procédures à suivre :
  • Nous les concrétisons par nos explications verbales, c’est l’idée du haut-parleur sur la pensée.
  • Nous leur présentons et nous leur faisons observer des représentations visuelles, des exemples et des contre-exemples.
  • Nous décomposons les stratégies en un ensemble logique et séquencé d’étapes afin de les enseigner.

L’explicitation de ces stratégies passe par l’utilisation de modèles, d’instructions, de procédures, d’explications complètes et claires, d’exemples et de contre-exemples, etc.

Cela passe par un soutien à l’apprentissage de connaissances essentielles : 
  • Les stratégies indiquent aux élèves les actions à entreprendre pour comprendre et appliquer les différents contenus d’apprentissage nécessaires à la résolution d’une tâche complexe. 
  • Les élèves en difficulté bénéficient particulièrement de ces démarches, mais tous les élèves en général tirent profit du fait que les bonnes stratégies sont mises en évidence d’emblée.



Ne pas laisser les élèves découvrir les stratégies optimales


Donner les contenus de manière découpée et progressive peut susciter des doutes en comparaison à d’autres approches pédagogiques. Une réserve serait de craindre que les élèves mémorisent les stratégies sans en comprendre le sens. En réalité, peu d’élèves sont réellement en mesure de découvrir et de construire par eux-mêmes de telles stratégies. Même si certains le sont, c’est au prix d’énormes efforts et de beaucoup de temps perdu.

L’alternative constructiviste de laisser les élèves apprendre par essais et erreurs agrémentés de conseils occasionnels est particulièrement contreproductive et inefficace.

D’un point de vue de la stratégie de l’enseignant  :
  • L’approche consiste à fournir un soutien vague aux élèves en leur demandant de se concentrer tandis qu’ils lisent l’énoncé d’un problème. 
  • L’enseignant peut leur conseiller de gérer leur temps de travail, leurs processus de collaboration, de mieux étudier ou de plus s’appliquer. 
  • L’enseignant peut leur demander de mieux réfléchir et d’essayer de penser avec plus de profondeur avant d’écrire, en leur donnant des indices, de mieux structurer leurs réponses en leur donnant des pistes.
  • Une difficulté réelle est que lorsque chaque élève découvre en autonomie et à son rythme, il devient peu aisé de différencier. L’enseignant ne peut se démultiplier.
  • L’enseignant se met à fonctionner par des injonctions générales, sans réellement fournir un accompagnement guidé ou de l’étayage.

Du point de vue des stratégies que nous voulons voir les élèves développer : 
  • Le principal problème d’énoncer et d’enseigner des principes généraux, est que cela aboutit à des stratégies elles-mêmes, qui dans les faits se révèlent trop peu spécifiques et opérationnelles. 
  • Souvent, un élève ne va pas connaitre la façon de procéder pratiquement, ni comment structurer sa pensée et ses réponses. 
  • Si les élèves étaient naturellement capables d’être méthodiques ou structurés, ils le feraient spontanément. Il va chercher de l’aide en dehors, parfois auprès de ses parentes.
  • En procédant de la sorte, nous allons favoriser les élèves qui possèdent une culture scolaire familiale forte, ceux dont les parents pourront suppléer en leur apprenant concrètement ces stratégies générales en leur donnant un accent spécifique.

Ne pas entrer dans la démarche d’enseigner d’emblée des stratégies spécifiques aux élèves laisse courir le risque de laisser beaucoup de place à l’erreur et au manque de fiabilité. Les élèves vont tâtonner, courir le risque d’apprendre des erreurs et de ne pas approfondir leurs connaissances.

Les élèves ont besoin de savoir comment instrumentaliser de manière optimale les connaissances que nous leur enseignons et voir comment elles sont connectées à leurs connaissances préalables. 

À défaut, ils risquent de se contenter d’un apprentissage par cœur, d’applications basiques, de méthodes générales peu efficaces et finalement d’apprentissages peu durables, superficiels et peu flexibles ou peu susceptibles d’un transfert aisé. 

De plus ne sachant pas à quoi ressemble exactement le succès, les élèves fonctionnent parfois à l’aveugle, ce qui ne facilite pas l’autorégulation.



Enseigner les stratégies d’élaboration liées aux compétences spécifiques



Savoir à quoi ressemble le succès et comment l’atteindre, parce que les stratégies adéquates ont été enseignées, favorise la métacognition et la motivation

Nous visons à rendre nos élèves compétents face aux contenus de nos enseignements dans nos matières.

Il est tout autant utile d’enseigner explicitement des contenus et des savoir-faire, que de le faire pour les stratégies d’apprentissage et les stratégies d’élaboration liées aux compétences spécifiques attendues utilisées par les élèves. 

Une compétence est liée à l’association entre un savoir et un savoir-faire et à sa mobilisation adéquate aux moments opportuns. Il faut non seulement enseigner la compétence spécifique, mais en assurer une pratique guidée et autonome pour atteindre la maîtrise.

Il est par conséquent essentiel d’enseigner et de pratiquer les stratégies d’élaboration et de structuration des réponses attendues. Cette dernière approche complémente très directement l’apprentissage des contenus et constitue bien une finalité, démontrant dans les faits et dans la profondeur ce à quoi servent savoirs et savoir-faire.

Le fait d’enseigner des stratégies d’élaboration a comme objectif d’aboutir à ce que les connaissances enseignées contribuent à des compétences spécifiques transférables dans une gamme d’applications. Nous voulons rendre nos élèves compétents et assurer la transparence de tout le processus pour y arriver.



Clarifier des représentations mentales de la réussite


Des objectifs d’apprentissage clairs, à court et à moyen terme, stimulants et opérationnels, liés à des stratégies spécifiques améliorent la performance. Ils dirigent l’attention des élèves, soutiennent leur persévérance et éveillent leur intérêt. Les processus dans lesquels ils s’inscrivent contribuent à l’auto-efficacité des élèves.

À l’opposé, des objectifs pédagogiques lointains, généraux et flous ne mobilisent ni l’effort, ni l’action directe, pas plus qu’ils soutiennent l’auto-efficacité. 

Les tâches complexes gagnent à être divisées en sous-objectifs atteignables liés à des indicateurs au cours de la phase d’apprentissage. Nous tâchons de fournir aux élèves des indications suffisantes, des incitations immédiates et des guides pour l’action.

Des objectifs d’apprentissage clairs et immédiats partagent et transmettent une vision claire de la réussite :
  • L’impact pourra se vérifier au niveau de la pratique délibérée. 
  • L’ampleur des bénéfices de cette pratique délibérée va dépendre de représentations mentales efficaces chez les élèves :
    • Un élève dont la compréhension est confuse en profitera moins.
    • Un élève qui a acquis une compréhension fine pourra optimiser se pratique délibérée.
  • Les élèves ont besoin de savoir exactement ce que nous attendons d’eux d’avoir des exemples de réalisations exemplaires et de connaitre les procédures pour s’en approcher. 
  • Des représentations mentales permettent aux élèves de suivre l’évolution de leur tentative de résolution d’une tâche complexe, par rapport à des éléments de référence, en matière de pratique et de performance.

En montrant l’attendu, les représentations créées servent de guide. Elles rendent plus perceptibles pour les élèves, les écarts entre l’attendu et leur performance, ce qui leur permet de s’autoréguler et de corriger certaines de leurs erreurs.



Assurer un étayage temporaire lors de la pratique des stratégies


Régulièrement, lorsque les élèves doivent élaborer une réponse structurée ou développer par écrit un raisonnement, ils se sentent démunis et leur réponse parait déstructurée ou confuse. Leur manque d’organisation et de structure de référence nuit même à la qualité de leur production, car ils s’y perdent eux-mêmes. 

En outre, ce type de réponse rend la correction par l’enseignant délicate, car elle nécessite un réel déchiffrage et rend de même la rétroaction complexe, car nous la ressentons un peu vaine. Le processus dans son ensemble peut être frustrant pour l’enseignant et générer un sentiment d’impuissance qui peut le dissuader pour une part à poser ce genre de questions.

Pourtant l’enseignement et les notes de cours regorgent d’exemples de structuration et de raisonnement. 

La raison principale est que répondre à une question de manière structurée est une stratégie à part entière qui bénéficie d’un enseignement explicite et de nombreuses occasions de pratique. 

À ce titre, la piste de l’étude de problèmes résolus, ou à compléter et le principe de l’emprunt et de réorganisation, promus par la théorie de la charge cognitive, offrent un cadre idéal pour soutenir les élèves dans ces démarches. Elles sont un élément d’enseignement et de structuration de l’apprentissage en tant que tels. Elles demandent que les élèves puissent s’engager dans une pratique avec soutien et rétroaction de la part de l’enseignant. Ces derniers sont peu à peu retirés au fur et à mesure que l’élève démontre une maîtrise.



Rendre explicite l’implicite des productions attendues


Transmettre ce à quoi ressemble le succès pour en créer des représentations mentales est un défi. 

Les enseignants peuvent ressentir des difficultés à décrire exactement ce qu’ils recherchent ou espèrent obtenir de la part de leurs élèves. À l’opposé, en même temps, ils ont peu de difficultés à reconnaître une performance exemplaire lorsqu’ils en voient une. Les critères de qualité d’une production sont en grande partie sous une forme non articulée, tacite, implicite. Tout cela plaide pour le partage avec les élèves de tels modèles de succès.

Le travail des élèves peut répondre à des critères techniques, à des connaissances, mais peut ne pas parvenir à atteindre la norme désirée pour des tâches complexes. Les descripteurs concrets ne reflètent pas les forces sous-jacentes et implicites du travail des élèves.

Les descripteurs concrets ne peuvent pas articuler le savoir tacite. Une idée qui ne peut pas être spécifiée en détail ne peut pas être transmise par prescription. Elle ne peut être transmise que par la compréhension d’exemples du maître vers l’apprenti.

À défaut de pouvoir complètement expliciter verbalement les caractéristiques d’une production exemplaires, les enseignants peuvent s’aider d’exemples, de productions exemplaires, qu’ils peuvent montrer aux élèves et dont ils peuvent expliquer les caractéristiques.

Idéalement, ces exemples devraient être examinés par l’élève aux côtés de l’expert qu’est l’enseignant. Or il y a des limites à l’individualisation. Il faut communiquer ce à quoi ressemble le succès à l’échelle de la classe. Nous ne pouvons pas dire aux élèves exactement ce à quoi ressemble le succès, il faut leur montrer, leur démontrer comment nous y arrivons. Projeter des exemples avec un visualiseur et initier un dialogue formatif à leur sujet peut faciliter ce processus. 

Le sens de la réussite des élèves est acquis par l’expérience, par la confrontation avec de multiples exemples de l’attendu. Il se construit également grâce à la prise en compte du retour d’information qu’ils vont recevoir de l’enseignant. Ils pourront également peu à peu obtenir une rétroaction de la part des autres élèves et finalement être capables de s’évaluer eux-mêmes au fur et à mesure de la progression de leurs apprentissages.




Mis à jour le 18/07/2022



Bibliographie


Gauthier, C., Bissonnette, S., & Richard, M. (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages. Bruxelles : De Boeck.

Harry Fletcher-Wood, Responsive Teaching, Routledge, 2018

Pritesh Raichura, 2016, Speaking Frames: How to elicit formal talk, https://bunsenblue.wordpress.com/2016/03/05/speaking-frames-how-to-elicit-formal-talk/

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