samedi 29 juin 2019

Maximisation du temps d'apprentissage scolaire et enseignement explicite

La maximisation du temps d’apprentissage scolaire est une stratégie dont la pertinence est évidente. Au plus les élèves seront actifs et engagés de manière prolongée dans des activités d’apprentissage pertinentes, au plus ils apprendront.

L’efficience du temps scolaire disponible pour les élèves est fonction à la fois de sa quantité et de sa qualité.

(Photographie : Cédric Dubus)




Le temps, variable centrale de l’apprentissage 


L’origine de l’intérêt pour le temps d’apprentissage scolaire peut être attribuée au modèle d’apprentissage scolaire de John Carroll (1963).

Carroll a identifié trois facteurs d’influence du temps nécessaire à l’apprentissage :
  1. L’aptitude : le temps dont un élève a besoin pour apprendre un contenu donné dans des conditions pédagogiques optimales
  2. La capacité : un facteur multiplicatif représentant la capacité de l’élève à comprendre l’enseignement
  3. La qualité de l’enseignement : la mesure dans laquelle l’enseignement est présenté de manière à ne pas exiger plus de temps pour la maîtrise que ce que l’aptitude de l’élève exige

Carroll a identifié deux facteurs qui influent sur le temps consacré à l’apprentissage :
  1. Temps d’apprentissage scolaire : également appelé opportunité d’apprendre, c’est le temps où l’élève est occupé à apprendre (academic learning time  ou ALT en anglais, un synonyme est opportunity to learn, OTL)
  2. Persévérance : le temps que la personne est prête à consacrer activement à l’apprentissage.

Cependant, un nouveau classement de ces facteurs peut également être fait :
  • Trois sont des caractéristiques de l’élève : l’aptitude, la capacité et la persévérance.
  • Deux sont sous le contrôle direct de l’enseignant, mais sont potentiellement influencées par d’autres aspects du système éducatif : le temps d’apprentissage scolaire et la qualité de l’enseignement. 

Le modèle modèle d’apprentissage scolaire Carroll spécifie la forme fonctionnelle de la relation, selon laquelle le degré d’apprentissage est fonction du rapport entre le temps passé à apprendre et le temps nécessaire pour apprendre :

Le modèle de Carroll peut ainsi être exprimé par une équation mathématique simple :



degré d’apprentissage = f [temps passé à apprendre/temps nécessaire pour apprendre]


La mesure dans laquelle un apprenant réussit à apprendre une tâche dépend du temps qu’il consacre par rapport au temps dont il a besoin pour apprendre la tâche.

Plus les individus s’approchent de l’équilibre entre le temps qu’il leur faut pour apprendre et le temps qu’ils consacrent réellement à l’apprentissage, plus leur niveau de maîtrise est élevé.

Le modèle développe cette fonction en exprimant :
  • Le temps passé à apprendre comme le produit du temps d’apprentissage scolaire par la persévérance
  • Le temps nécessaire pour apprendre comme étant le produit du temps nécessaire pour apprendre par la qualité de l’enseignement et la capacité à comprendre l’enseignement.





Au plus grande est la persévérance d’un élève, au plus élevé sera son degré d’apprentissage, les autres facteurs restant les mêmes.

Les trois facteurs du dénominateur sont par contre relativement contre-intuitifs :
  • Au plus un élève a besoin de temps pour apprendre, au plus le coefficient d’aptitude est élevé.
  • Au plus la qualité de l’instruction est élevée, au plus ce coefficient sera faible. 
  • Au plus la qualité de l’instruction sera faible, au plus ce coefficient sera élevé.
  • Au plus la capacité de l’élève est élevée, au plus le coefficient mesuré sa capacité à comprendre l’instruction sera faible, au plus elle est faible, au plus ce coefficient sera élevé. 


(Source : Crahay, L’école peut-elle être juste et efficace ? De Boeck Supérieur, 2012 : Variables intervenant dans le modèle de l’apprentissage scolaire de Carroll [1964])



Temps scolaire


Un facteur important relié à la gestion de la classe et de l’enseignement est celui du temps d’apprentissage scolaire qu’il s’agit de maximiser.  

Les recherches sur l’enseignement efficace ont mis en évidence toute l’importance de la distribution et de l’utilisation du temps disponible. Elles ont subdivisé le temps scolaire en quatre composantes :



(Source : La répartition du temps d’enseignement et du temps d’apprentissage (Gauthier, Bissonnette & Richard, 2013, p. 141.)

P.-S. Ces données en % sont basées sur des observations et mesures en classe et ne sont pas à prendre au premier degré. Elles sont utiles pour donner un ordre de grandeur. Ces pourcentages peuvent varier de manière non négligeable en fonction du style de gestion de classe, du type d’enseignement, des pratiques de regroupement ou des caractéristiques individuelles des élèves concernés.



Temps d’apprentissage scolaire


Le temps d’apprentissage scolaire est la quantité de temps pendant laquelle les élèves sont engagés avec succès dans des tâches d’apprentissage d’un niveau approprié de difficulté, c’est-à-dire ni trop faciles ni trop difficiles.

Il s’agit d’activités liées à de la compréhension, de la consolidation ou de la récupération.

Nous devons prendre en fonction le cours concerné, l’âge, le profil des élèves concernés et la quantité de connaissances incluses dans le programme. Une part plus ou moins importante de ces tâches scolaires en lien avec l’apprentissage peut être déplacée dans un travail à domicile. Celui-ci peut prendre la forme de devoirs ou de temps d’étude en lien avec des épreuves formatives ou sommatives.

Ce temps d’apprentissage scolaire ne représente en moyenne qu’un faible pourcentage du temps scolaire disponible.

De de nombreux éléments et techniques propres à l’enseignement explicite sont axés sur l’augmentation du temps d’apprentissage scolaire. 



Temps d’engagement ou temps d’enseignement


Le temps d’apprentissage scolaire constitue une fraction du temps d’engagement de l’élève.

Le temps d’engagement est le temps que les élèves consacrent effectivement à des tâches d’apprentissage :
  • Écouter l’enseignant
  • Résoudre un problème ou des exercices
  • Réaliser une production écrite
  • Lire un texte
  • Prendre des notes
  • Manipuler du matériel didactique
  • Réaliser un jeu de rôles
  • Regarder une vidéo
  • Travailler en groupe
  • Etc.

Des recherches ont montré que les élèves sont engagés pendant moins de la moitié du temps alloué à l’enseignement.

Les tâches d’apprentissage ne sont pas toujours pertinentes. Leur niveau de difficulté est parfois inapproprié.

Leur rendement est fonction de la qualité de l’enseignement et de la motivation de l’élève. Certaines tâches demandées peuvent être non pertinentes pour l’apprentissage même si l’élève s’y engage (trop simples, trop complexes ou hors contexte).

L’élève peut également procrastiner, laisser ses pensées vagabonder ou perdre son temps dans des approches non efficaces ou des activités futiles.

L’augmentation du temps d’enseignement seul n’entraîne pas toujours une augmentation du temps que les élèves passent à apprendre ou de la quantité totale apprise. Ainsi, la quantité d’enseignement peut être considérée comme une composante nécessaire, mais non suffisante de l’apprentissage.

La combinaison de la quantité et de la qualité de l’enseignement est la clé de l’apprentissage et donc de la réussite des élèves.



Temps alloué


Le temps d’engagement constitue une fraction du temps alloué.

Le temps alloué est le temps effectivement utilisé par l’enseignant dans ses interactions avec les élèves pour les encadrer dans la réalisation de tâches.

Il est sous le contrôle de l’enseignant qui est susceptible d’en utiliser une partie par des activités périphériques aux objectifs pédagogiques comme :
  • La gestion de perturbations en classe 
  • Des tâches administratives 
  • Des temps de transition entre activités
  • Des digressions éventuelles.
  • Etc.



Temps disponible


Le temps alloué constitue une fraction du temps disponible.

Le temps disponible est fixé par l’horaire de l’élève et la durée légale de l’année scolaire, c’est donc une donnée fixe.

Une partie peut être soustraite au temps légal par des activités propres à l’école. Celles-ci ne touchent pas directement aux contenus des apprentissages. Elles peuvent correspondre à des réunions d’enseignants, des sorties extérieures non directement pédagogiques, ou tout autre imprévu. Le temps disponible dépend de la gestion qu’en fait l’école et d’autres aléas comme les absences de l’enseignant ou de l’élève.

Une augmentation du temps passé à l’école dans la journée ou l’année scolaire ne se traduira pas nécessairement par une augmentation du temps que les élèves consacrent réellement à l’apprentissage. Cela ne se traduira pas non plus automatiquement par une augmentation de ce qu’ils apprennent.

Augmenter le temps alloué n’aurait qu’un léger impact positif sur la réussite scolaire.


[Source : Marie-Pierre Chopin, Les usages du temps dans les recherches sur l’enseignement, Revue française de pédagogie, 2010, 87-110 : Modèle d’analyse du temps dans l’enseignement selon Smyth (1985)]



Estimation des temps


De ces quatre temps, les plus intéressants à estimer sont ceux qui concernent l’élève : le temps d’engagement et le temps d’apprentissage scolaire.

Le temps d’engagement correspond à des situations observables où les élèves sont activement engagés dans une activité d’apprentissage telle que celles présentées plus haut.

Sa durée est mesurable pour un observateur extérieur, il suffit de soustraire au temps alloué des situations observables où les élèves ne sont pas engagés dans une activité d’apprentissage :
  • Périodes de transition entre deux activités
  • Temps morts
  • Bavardages et distractions
  • Engagement dans des tâches extérieures au cours proprement dit.
  • Etc.
Des recherches ont mis en évidence une corrélation positive entre le temps d’engagement des élèves et leur réussite. Néanmoins, cette corrélation est fortement dépendante de la qualité des tâches proposées et de leur adaptation au niveau des élèves. Ces deux facteurs vont réduire ou augmenter la seule variable totalement intéressante qu’est le temps d’apprentissage scolaire.

Le temps d’apprentissage scolaire est en partie propre à chaque élève. Il constitue une estimation plus relative et difficile à réaliser.



Critères d’efficience de l’utilisation du temps


Il existe un lien étroit entre le temps d’apprentissage scolaire et la réussite scolaire des élèves. Un niveau élevé de temps d’apprentissage scolaire peut être considéré comme la preuve d’un enseignement efficace.

Il existe une corrélation positive entre le temps d’engagement des élèves et la réussite scolaire. Cette corrélation est supérieure à celle du temps alloué, mais elle resterait relativement modeste en raison notamment de la nature variable des tâches auxquelles les élèves travaillent.

C’est le leitmotiv de toute la recherche sur l’efficacité de l’enseignement : il ne suffit pas de mettre les élèves face à une tâche, même contextualisée dans le champ de la matière abordée, pour qu’ils apprennent.

Nous améliorons le temps d’engagement des élèves avec une bonne gestion de classe, mais ce sont surtout les actions sur le temps d’apprentissage scolaire qui vont compter. La corrélation entre le temps d’apprentissage scolaire (c’est-à-dire le temps durant lequel les élèves sont confrontés à des activités adaptées à leur niveau) et la réussite est donc l’élément le plus important.

Le temps d’apprentissage scolaire peut être approché :
  • A posteriori en mesurant l’apprentissage des élèves par une évaluation.
  • A priori en observant le choix des pratiques pédagogiques adoptées par l’enseignant en fonction de leur pertinence, de leur exécution, de leur adaptation au public concerné et des données probantes qui les appuient. 
Ni la réussite de tâches non pertinentes ni l’échec de tâches pertinentes et utiles ne contribuent à un apprentissage efficace. Les qualités de pertinence des tâches scolaires et de leur réussite sont essentielles pour discerner le temps d’apprentissage scolaire. 



Pistes d’accroissement du temps d’apprentissage scolaire


Les recherches sur l’enseignement efficace a permis d’identifier des pratiques fondées sur des données probantes qui visent à maximiser le temps d’apprentissage pour tous les élèves.

Les facteurs qui ont le plus d’impact sur le temps d’apprentissage scolaire sont davantage liés à la qualité qu’au temps global consacré à l’enseignement.

Comme le temps d’apprentissage scolaire est fortement corrélé à la réussite scolaire, il est fondamental que l’enseignant mette en œuvre diverses stratégies en vue d’en augmenter la durée.

L’utilisation par les enseignants de stratégies d’enseignement et de gestion de classe, promu par le modèle de l’enseignement explicite et l’approche du soutien au comportement positif est judicieux. Elles sont favorables à une optimisation du temps d’apprentissage scolaire.

Les enseignants performants vont agir sur plusieurs registres pour augmenter le temps d’apprentissage scolaire : 



Planifier l’enseignement


Les enseignants efficaces sélectionnent les éléments critiques du contenu dès la phase de planification. Il est important de vérifier l’importance du contenu que nous volons faire apprendre aux élèves et d’estimer son niveau de difficulté.

Le temps d’apprentissage scolaire serait le temps qu’un élève consacre à des tâches scolaires d’une difficulté appropriée, c.-à-d. des tâches pour lesquelles il réussit à 80 % ou avec précision. Lorsque les taux de réussite des élèves dans les activités scolaires sont faibles, leur rendement est inférieur.

Il doit y avoir pour les élèves concordance entre ce qui est enseigné, leurs connaissances préalables et leurs capacités d’apprentissage. Si ce n’est pas le cas, ils ne pourront s’engager activement, efficacement et de manière soutenue dans l’apprentissage recherché.

Un enseignant efficace s’assure que ses élèves maîtrisent les connaissances préalables à l’apprentissage d’un nouveau contenu visé. Il augmente le temps alloué à enseigner les éléments essentiels du contenu en rapport avec les besoins d’apprentissage des élèves.



Anticiper le déroulement


Les enseignants efficaces commencent le cours à l’heure et respectent l’horaire prévu. Ils préparent le plus d’éléments possible, sachant que ce qui est planifié ne doit plus être improvisé dans l’approximation du direct.

Ils adaptent leur planification non seulement en fonction de ce qu’ils ont anticipé, mais également en fonction du déroulement de l’enseignement. Ils accélèrent ou ralentissent si nécessaire en fonction de l’apprentissage observé des élèves, selon le retour d’information fourni par une vérification régulière de la compréhension.



Éviter les digressions


L’enseignant peut assez facilement diagnostiquer les périodes gaspillées et les prévenir.

L’enseignant doit aussi s’assurer que le cours se déroule bien en évitant les pauses et les digressions dont il serait la cause directe. L’enseignant ne ralentit pas le cours par des explications trop longues qui ne sont pas nécessaires ou par la décomposition d’une activité en trop petites unités.

Il n’interrompt pas le cours en discourant sur un sujet connexe ou en cherchant son matériel qui aurait dû être préparé.

Par exemple, l’enseignant explique en une fois clairement les consignes d’un travail plutôt que façon distraite en plusieurs fois en palliant des imprécisions. Cela distrait les élèves et diminue leur compréhension et peut troubler leur comportement.

Cela ne signifie pas qu’un trait d’humour, des anecdotes ou des analogies doivent être exclues pour illustrer un élément de contenu, mais ceux-ci doivent se concevoir dans la perspective de servir aux objectifs d’apprentissage.



Enseigner des routines


Il arrive régulièrement que du temps d’enseignement soit gâché à cause de transitions improvisées et désorganisées. 

Il importe d’enseigner explicitement les routines comportementales attendues lors des transitions typiques. Les routines sont des manières habituelles et relativement invariables de conduire les activités en classe. Elles en allègent le fonctionnement. Elles permettent de gagner du temps et d’épargner l’énergie parce que les élèves (et l’enseignant) savent quoi faire, comment le faire et quand le faire, sans avoir à réfléchir ou à poser des questions. Les élèves savent comment, quand, où obtenir le matériel, demander de l’aide, etc.

Les enseignants efficaces mettent en place des routines, car une gestion de classe efficace est un facteur très positif à l’accroissement de temps d’apprentissage scolaire. Ces routines sont enseignées explicitement (par modelage, pratique guidée et pratique autonome) au début de l’année scolaire et renforcées à mesure que l’année progresse.

Dans la perspective cognitiviste, les routines libèrent la mémoire de travail, qui peut alors être investie dans des tâches plus importantes.



Privilégier un enseignement explicite


Les enseignants efficaces privilégient le plus possible l’enseignement en groupe complet. Cela augmente le temps d’apprentissage scolaire et la quantité d’enseignement totale donnée à chaque élève. Ces deux valeurs sont bien plus optimisées que dans d’autres approches qui tendent à individualiser ou différencier rapidement l’enseignement ou l’apprentissage.

Le travail individuel devient utile pour pratiquer une habileté nouvellement enseignée (après le modelage et la pratique guidée) ou pour développer la consolidation et l’automatisation lors de la pratique autonome.

Différents facteurs sont associés à des niveaux élevés de temps d’apprentissage scolaire et de réussite des élèves :
  • Des interactions de fond plus fréquentes entre l’enseignant et ses élèves
  • Un enseignement guidé
  • Une vérification régulière de la compréhension des élèves
  • Une surveillance étroite des élèves
  • Une pratique extensive et distribuée dans le temps
  • Une rétroaction fréquente et efficace. 



Mis à jour le 05/07/2023

Bibliographie


Norbert M. Seel (editor), Academic Engaged Time, pp 33–36, Encyclopedia of the Sciences of Learning, 2011, Springer

Robert Slavin, A Model of Effective Instruction, Educational Forum, v59 n2 p166-76, 1995

Gauthier, C., L’Enseignement Explicite. Fondements et pratiques. Symposium Efficacité de l’enseignement. Fondements et Pratiques. HEP Bejune, Suisse (2013)

Gauthier, C., Bissonnette, S., & Richard, M. (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages. Bruxelles : De Boeck.

Bocquillon, Marie & Derobertmasure, Antoine & Demeuse, Marc. (2017). Guide pour analyser, accompagner et superviser des pratiques de classe. Première partie : la grille « Miroir des Gestes professionnels » (MGP), un outil pour analyser des pratiques de classe. 10.13140/RG.2.2.35458.89284.

Robert E. Floden, The Measurement of Opportunity to Learn, pp 231–235, in Methodological Advances in Cross-National Surveys of Educational Achievement, 2002

Bissonnette, Steve, Gauthier, Clermont, Castonguay, Mireille, L’enseignement explicite des comportements, Pour une gestion efficace des comportements en classe et dans l’école, Chenelière Éducation, Montréal, 2016

Anita L. Archer and Charles A. Hughes, Explicit Instruction: Effective and Efficient Teaching, 2010, Guilford Press

Carroll, J. B. (1963). A model of school learning. Teachers College Record, 64(8), 723–733.

Crahay, L’école peut-elle être juste et efficace ? De Boeck Supérieur, 2012

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