lundi 26 juin 2017

Impact de l'usage intensif des médias sociaux sur l'estime de soi chez l'enfant et l'adolescent

Une étude est parue en décembre 2016 et a été rédigée par une équipe d’économistes à l’Université de Sheffield (Emily McDool, Philip Powell, Jennifer Roberts et Karl Taylor). Ils ont exploré l’influence de l’utilisation des médias sociaux sur le bien-être des enfants et adolescents. 



(Photographie : Yvette Monahan)

Ils ont utilisé des données représentant un échantillon représentatif de plus de 40 000 ménages à travers le Royaume-Uni. Plus précisément, cela concernait un peu moins de 4000 enfants de 10 à 15 ans entre 2010 et 2014, qui on fait l’objet d’une analyse de suivi empirique.

L’étude commence par un état des lieux de la question avant d’aborder les résultats obtenus. En voici un compte-rendu :




L’état des lieux de la recherche


Les médias sociaux sont un phénomène extrêmement important depuis plus d'une décennie et les adolescents ont été de grands adoptants de ces espaces virtuels.

Les adolescents d’aujourd’hui ont grandi avec des réseaux sociaux en ligne. Les médias sociaux constituent une partie essentielle de leur vie, fournissant leur principale interface avec Internet.

De nombreux adolescents sont connectés en permanence à leur réseau social virtuel par téléphone ou tablette. Ils reçoivent régulièrement des notifications et vérifient continuellement les flux, les alimentant eux-mêmes de leurs propres mises à jour.

C’est un outil efficace pour développer et maintenir des relations interpersonnelles. C’est un portail en temps réel pour accéder à l’information, aux nouvelles, aux conseils et au soutien scolaire. Cependant, il peut aussi servir d’espace pour présenter un autoportrait sélectif et idéalisé.

Il est généralement reconnu que les médias sociaux peuvent avoir un impact positif sur le capital social des adolescents, par exemple en améliorant a fréquence des interactions amitiés et en diminuant la solitude.

Il existe une crainte répandue que le temps excessif consacré aux médias sociaux soit associé à une faible estime de soi, à des problèmes communs de santé mentale et à des difficultés socioémotionnelles. En outre, il y a eu un certain nombre de cas de suicides d’adolescents liés en partie à du cyberharcèlement, qui à la différence d’un harcèlement scolaire s’immisce partout.

Le fait de discuter en ligne, par exemple, a été associé à une préoccupation empathique accrue pour les autres, tandis que l’utilisation de médias photographiques a été liée au narcissisme et aux comparaisons sociales.

La satisfaction générale des enfants à l’égard de leur vie peut être subdivisée de manière significative en plusieurs domaines, comme leur satisfaction à l’égard de l’école, de leurs amis, de leur apparence, etc. L’utilisation des médias sociaux s’est révélée associée positivement à un capital social plus élevé, tout en ayant un impact négatif sur les résultats scolaires.

Il existe trois théories complémentaires qui permettent d’expliquer pourquoi l’utilisation étendue des médias sociaux peut avoir un effet négatif sur le bien-être des enfants et adolescents.

Toutes ces théories s’appuient sur des recherches à la fois économiques et psychologiques. Il est probable qu’elles ne s’excluent pas mutuellement, mais qu’elles contribuent toutes à expliquer les modifications le bien-être chez les personnes qui utilisent les réseaux sociaux.



Théorie de la comparaison sociale


La théorie de la comparaison sociale affirme que l’utilisation accrue des médias sociaux est liée à des comparaisons sociales plus fréquentes avec d’autres. 

Ces comparaisons sont plus susceptibles d’être ascendantes (négatives). La raison en est que ce que les individus choisissent de présenter en ligne traduit des versions sélectivement idéalisées et améliorées de leur véritable apparence, de leurs activités et de leurs réalisations.

Des recherches ont montré que les élèves qui ont passé plus de temps sur Facebook étaient plus susceptibles de penser que les autres personnes étaient plus heureuses et avaient une vie meilleure que la leur. 

Des associations négatives entre l’utilisation quotidienne de Facebook et les mesures de l’estime de soi ont été signalées et ont été expliquées par des comparaisons sociales accrues. 

En outre, dans un champ de recherche voisin, un certain nombre d’études ont révélé que la télévision rend les gens moins heureux, moins satisfaits de leurs revenus et plus enclins aux aspirations matérielles.




Théorie des ressources finies


La théorie des ressources finies suggère que le temps consacré aux médias sociaux empiète sur d’autres activités. Or ces activités sont connues pour être bénéfiques pour le bien-être psychologique. Nous parlons de la socialisation en présence, des activités sportives ou de la relaxation mentale.

Des travaux récents ont montré qu’il y a un lien de causalité entre une utilisation importante de Facebook et une humeur négative ultérieure. Celle-ci peut être entraînée par l’interprétation que s’en font les gens après avoir perdu leur temps dans une activité sans signification. 

Il existe des preuves que l’utilisation passive des réseaux sociaux est plus négative pour le bien-être que pour l’utilisation active. 

De même, seule l’augmentation du nombre d’amis réels augmente le bien-être subjectif et non le nombre d’amis sur les médias sociaux.

Il y a aussi un effet néfaste de l’utilisation des médias sociaux (en particulier la nuit) sur la quantité et la qualité du sommeil et une diminution du bien-être qui en découle.




Théorie de la cyberintimidation


La théorie de la cyberintimidation est en lien avec les enfants et adolescents qui passent plus de temps sur les réseaux sociaux. Ils ont plus de chances d’être victimes de la cyberintimidation ou d’attaques directes d’autrui sur leur sens de soi, leur bien-être et leur estime de soi. 

Il y a une augmentation significative des chances d’être victimisé pour chaque heure passée à utiliser des sites de réseaux sociaux. La cyberintimidation est associée à des effets négatifs sur la santé émotionnelle et le bien-être des enfants.

La victimisation par la cyberintimidation chevauche souvent l’intimidation traditionnelle hors ligne. La cyberintimation peut être particulièrement pernicieuse, car les victimes risquent de l’intérioriser plus en la masquant à leur entourage plus facilement. 

Elle a également une dimension permanente et poursuit enfants et adolescents jusque dans leurs moments de solitude. Les victimes peuvent avoir l’impression de ne jamais pouvoir leur échapper. 

Un certain nombre d’études de nature économiques ont illustré les effets négatifs et persistants potentiels d’une intimidation dans l’enfance sur la vie professionnelle future. Des conséquences néfastes du fait d’être harcelé ont été mises en évidence sur le niveau scolaire des 15-16 ans. 

Il a été montré une association positive entre le chômage de longue durée et le fait qu’un individu a été victime d’intimidation pendant l’enfance. L’intimidation à l’école a un effet néfaste sur l’évolution du capital humain à la fois dans et au-delà de l’école, elle semble influencer les salaires reçus à l’âge adulte. 





Résultats et conclusions de l’étude


Les chercheurs ont constaté qu’au plus le temps que les enfants (10 à 15 ans pour cette étude) passent à discuter en ligne augmente, au moins ils se sentent heureux de leur vie.

L’utilisation d’Instagram, Facebook, Snapchat et WhatsApp, entre autres, peut avoir un effet néfaste sur l’estime de soi.  

Dans l’ensemble, il a été constaté que passer plus de temps sur les réseaux sociaux réduit la satisfaction que les enfants ressentent avec tous les aspects de leur vie, à l’exception de leurs amitiés. L’effet négatif mesuré était dans le cadre de l’étude trois fois plus élevé que celui d’être dans un ménage monoparental et était plus grand que l’effet de l’absentéisme scolaire. 

Les effets négatifs les plus importants sont sur la satisfaction vis-à-vis de la famille et de l’école, et les effets les plus modestes sont sur l’apparence et le travail scolaire. Les filles semblent plus touchées que les garçons, spécifiquement sur leur apparence et leur école et ce d’autant plus que le temps passé sur les médias sociaux est important. 

Les médias sociaux semblent favoriser chez les enfants des comparaisons sociales négatives avec d’autres, car les gens ont tendance à se dépeindre dans un état idéalisé, de même le harcèlement en ligne semble directement en cause. Ces effets sont d’autant plus importants que l’enfant manque déjà de confiance en lui.

L’utilisation des médias sociaux ne favorise pas un bien-être général pour l’enfant. Tout ceci est préoccupant, car le sentiment de bien-être chez l’enfant montre des effets persistants plus tard dans sa vie. L’expérience au début de la vie façonne pour une bonne part les résultats futurs.

Les résultats de l’enquête suggèrent que les interventions visant à limiter les utilisations des médias sociaux sont susceptibles d’aider à améliorer le bien-être chez les enfants et les adolescents.




(mise à jour, 20 mai 2021)

Bibliographie


McDool, E. Powell, P. Roberts, J. Taylor, K. (2016) Social Media Use and Children’s Wellbeing. Department of Economics, University of Sheffield. SERPS2016011

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