samedi 19 septembre 2020

Quand le manque de temps ou d'argent impactent négativement les résultats scolaires

Dans un essai dont voici une synthèse, Pedro De Bruyckere et Maarten Simons (2016) réfléchissent aux implications pour l’éducation d’une théorie sur la rareté (temps, argent) et les manques qui en découlent. Cette théorie a été développée par Mullainathane et Shafir dans leur livre « Scarcity: Why Having Too Little Means So Much » (2013).

(Photographie : Mika Noguchi)



L’impact du manque de temps ou d’argent sur le traitement des priorités


Mullainathan et Shafir s’intéressent à l’influence de la rareté sur la pensée et les actions d’un individu. La rareté est un concept commun en économie. Les êtres humains veulent obtenir beaucoup de choses différentes, mais ne disposent que d’une quantité limitée de ressources. Nous ne pouvons pas acheter tout ce que nous voudrions acquérir dans l’absolu. 

Lorsque le niveau de pénurie devient prononcé et chronique, il peut avoir des conséquences négatives sur notre pensée et notre comportement. Notre bande passante mentale comme ils l’expliquent, diminue considérablement dans de telles circonstances. Derrière l’idée de bande passante, nous pouvons retrouver un concept similaire à celui de fenêtre attentionnelle en psychologie cognitive. Mullainathan et Shafir définissent la bande passante comme une mesure du nombre d’opérations mentales que notre cerveau est capable de gérer. Elle représente notre capacité à être attentif, à traiter l’information, à prendre les bonnes décisions et à résister aux tentations. 

Ils partent du principe que dans notre vie quotidienne, nous sommes amenés globalement à apporter des réponses à deux catégories de questions :
  • Importantes et à long terme
  • Urgentes et à court terme 

Lorsque la largeur de bande mentale diminue en raison de la rareté, il y a moins de possibilités de traiter les aspects importants de la vie. Notre attention tend à se réduire sur les questions les plus immédiates et les plus urgentes et nous amène par conséquent à négliger les autres. La raison est que la rareté entraine une plus grande étroitesse de notre vision consciente, dans laquelle seuls comptent ici et maintenant. Nous pouvons perdre de vue les questions plus importantes à long terme. 

La rareté et l’étroitesse de vision peuvent finalement conduire une personne à se retrouver dans ce que Mullainathan et Shafir appellent le piège de la rareté. Il s’agit d’une spirale descendante dans laquelle les capacités cognitives diminuent au fur et à mesure et où les décisions sont de plus en plus axées sur l’urgence plutôt que sur l’importance. 

Une situation de manque renforce l’attention et la focalisation de la pensée sur celui-ci. Une personne en plein régime alimentaire vivra une pénurie de nourriture, elle pensera dès lors plus que de coutume à de la nourriture. Une personne qui vit dans la pauvreté pensera aussi plus rapidement, souvent involontairement à ses problèmes d’argent.

Dans la théorie de Mullainathan et Shafir, la rareté prend essentiellement deux formes. Il peut s’agir de la rareté de l’argent causée par la pauvreté, mais aussi, sur les conséquences du manque du temps auquel sont confrontés des individus dans des emplois très chronophages et sous pression. Ils s’intéressent aux conséquences sur les individus eux-mêmes et indirectement sur leurs enfants.


L’influence négative de la pauvreté et du manque de temps sur la capacité de traitement de l’information


L’influence de la pauvreté


Mani et ses collègues (2013) ont établi un lien entre l’intelligence et la pauvreté : 
  • Dans leur perspective, l’intelligence n’est pas considérée comme une donnée fixe et stable. 
  • La pauvreté aurait une influence négative sur les capacités intellectuelles d’un individu. Les résultats de leurs recherches ont montré que les préoccupations liées à la pauvreté avaient une influence négative moyenne sur le QI des personnes interrogées de 12 à 13 points. C’est comme si le phénomène entrainait une diminution nette de la capacité de traitement de l’information. 

Mullainathan et Shafir décrivent également comment les enfants qui vivent dans la pauvreté expriment un comportement plus négatif à la fin du mois qu’à son début. Ils associent ce phénomène à la diminution de la bande passante de leurs parents. Les parents sont en effet confrontés à une pénurie financière croissante au fil du mois. 

Le fait d’être pauvre entraine non seulement une forte pression budgétaire, mais également des préoccupations constantes pour garder la situation financière à l’équilibre. Ces préoccupations monopolisent des ressources mentales et attentionnelles qui deviennent indisponibles pour d’autres traitements.


L’influence du manque de temps


Mullainathan et Shafir font également référence à une étude impliquant les enfants de contrôleurs aériens. Pendant les périodes de forte activité et de stress, lorsque la bande passante des contrôleurs est complètement absorbée par leur travail, ils traitent par inadvertance leurs enfants de façon plus négative. 

À la manière des préoccupations constantes entrainées par le manque d’argent, celles liées au manque de temps peuvent avoir des conséquences similaires. Des individus très occupés peuvent se retrouver avec un emploi du temps très chargé et se retrouver dans une course poursuite pour ne pas être dépassés par les événements. Ils se retrouvent préoccupés par des tâches qui s’accumulent. Ils courent souvent à la dernière urgence. Cela a pour conséquence une vision étroite et la mise sur le côté de questions importantes, mais dont l’échéance est plus éloignée.



Des pistes pour atténuer l’impact négatif de la pauvreté ou du manque de temps sur l’éducation


Mullainathan et Shafir (2013) préconisent comme solution, de permettre d’une façon ou d’une autre, l’obtention d’une marge de manœuvre qu’ils appellent slack. L’idée est de réduire la perte de bande passante et les conséquences négatives du piège de la pénurie qui l’accompagnent.

C’est en quelque sorte le fait de se réserver des bulles d’air pour échapper d’une façon ou d’une autre à des préoccupations récurrentes, sous forme d’aide financière ou de temps libres. C’est le fait que les individus concernés par cette rareté puissent retrouver des espaces de liberté où ils échappent pour un temps ou en partie à ces contraintes, afin de contrer les conséquences intellectuelles néfastes de la pénurie. 

Dans leur article de 2016, Simons et De Bruyckere explorent les implications possibles de la théorie de Mullainathan et Shafir pour l’éducation. 

Le concept de rareté et l’image correspondante de la largeur de bande mentale sont immédiatement reconnaissables et applicables dans le domaine de l’éducation. Les exemples sont évidents. Chaque enseignant peut visualiser certains élèves qu’il a croisés. À un certain moment, ceux-ci peuvent se retrouver moins capables de se concentrer à l’école en raison de problèmes à la maison ou dans leur environnement social plus large. Il s’agit d’occurrences de ce que Mullainathan et Shafir nomment le piège de la rareté.

De même, en tant qu’enseignant, existe le risque de ne pas prendre suffisamment de recul réflexif. Nous nous retrouvons alors dans une course éperdue où nous passons d’une urgence à l’autre en cherchant à éviter l’accumulation de retards. De cette manière, des pratiques chronophages et inefficaces peuvent perdurer. La rareté du temps ne permet pas d’envisager ou de chercher des pratiques plus efficaces et moins gourmandes en ressources. Certains enseignants passent ainsi plus de temps à chercher du temps qu’à le planifier de manière rigoureuse. Prendre le temps de la réflexion plutôt que céder à la précipitation pourrait pourtant en offrir une meilleure gestion.


Des pratiques enseignantes qui atténuent l’impact de la pauvreté et du manque de temps


Les concepts de rareté et l’image correspondante de la largeur de bande mentale disponible peuvent être un des phénomènes qui accompagne et amplifie les risques d’échec scolaire, d’orientation négative et de décrochage. Comme le prescrivent Mullainathan et Shafir, agir pour donner des bulles d’air par rapport à cette pression ressentie peut se révéler bénéfique.

Cela peut se faire de deux manières, soit en se centrant sur une approche orientante, soit sur les apprentissages.  

L’idée d’une approche orientante est d’offrir des ouvertures et des perspectives sur les directions possibles futures qu’un individu pourrait explorer et lui donner l’occasion de les découvrir et de s’y initier en partie. De cette manière, l’individu peut imaginer une échappatoire future à sa situation actuelle et s’y projeter, ce qui peut constituer une bulle d’air. Des temps scolaires différents, non entièrement dédiés à des apprentissages définis peuvent eux-mêmes contribuer à soulager la pression liée à la rareté.

Au niveau des apprentissages, cela peut permettre à des élèves d’être moins dans l’urgence en se sentant dépassés par les événements et plus centrés sur les questions importantes, la planification et la vision à long terme.

Mullainathan et Shafir mettent ainsi en exergue le problème de l’exigence de continuité habituellement attachée aux cours. Ceux-ci exigent des élèves une certaine capacité à se centrer sur un objectif à long terme. Lorsque seule compte la réussite d’un examen à moyen ou long terme, pendant longtemps chaque action est importante sans être réellement directement urgente. Les élèves souffrant de ce type de déficit sont plus susceptibles de ne pas s’impliquer d’emblée et céder à la procrastination. Ils risquent d’accumuler des retards, puis de lâcher prise face à des échéances uniques à long terme qui deviennent des urgences insurmontables. Par contre, ils seront plus susceptibles d’accrocher à des modules découpés et donc plus courts, où l’exigence de continuité est plus limitée. 

Dans la cadre d’un contexte scolaire, la tâche la plus importante pour une équipe scolaire est de créer des temps à enjeux faibles pour les élèves. L’évaluation formative ou la pratique de récupération permettent d’intégrer cela en offrant la possibilité pour l’élève de se jauger sans prendre de risque et avec peu d’anxiété générée. 

Cela passe également par le fait de délivrer une rétroaction stratégique qui offre des pistes concrètes d’action et évite aux élèves de devoir les concevoir eux-mêmes. La stratégie de la rétroaction à la classe entière fonctionne pleinement dans ce sens. 

Certains types d’élèves, lorsqu’ils ont un travail à rendre à long terme, par exemple un mois plus tard et sans échéances intermédiaires, rencontreront des difficultés à s’y mettre. Ils ont tendance à préférer répondre à des demandes urgentes et postposer le début du travail au moment où celui-ci se révèlera lui-même sur la sellette. De fait, souvent leur mise au travail va débuter trop tard, non pas par paresse, mais par une incapacité à prendre en considération l’importance de débuter plus tôt, de manière imputable en partie à leur bande passante mentale. Une manière pour l’enseignant de faciliter la tâche pour ces élèves est de leur donner des échéances intermédiaires qu’ils vont assimiler comme des urgences, ce qui va les rendre plus aptes à y répondre. 
 
Ainsi, tout ce qui est de l’ordre du soutien en matière de planification et de suivi à long terme peut être extrêmement bénéfique pour les élèves souffrant de pénurie, tant à l’école qu’à l’extérieur. De fait, un enseignement explicite contribue à atténuer l’effet de la rareté puisqu’il est basé sur cette logique des petits pas et d’une rétroaction continue.

En tant qu’enseignant ou en tant qu’équipe scolaire, il est important, en consultation avec l’élève éventuellement, d’établir et de maintenir un programme de travail bien équilibré. Au sein de celui-ci il doit y avoir suffisamment de marge, pour permettre à l’élève de consacrer régulièrement du temps avec des possibilités de récupération. Il s’agit d’atténuer l’apparence d’une course de fond avec une seule cible impressionnante et incertaine à la fin ou en évaluant trop systématiquement de manière sommative, alors que l’apprentissage est encore en cours.


Éviter l’intrusion de l’environnement personnel de l’élève en pédagogie


Dans le cadre de leurs recherches, Mullainathan et Shafir ont régulièrement fait réfléchir leurs sujets à leur situation ou ont évité qu’ils le fassent. Cela leur a permis de mettre en évidence l’effet négatif de la rareté. À l’inverse, lorsqu’ils ont permis à leurs sujets d’échapper à leur situation personnelle, cela a eu un effet positif immédiat sur ces mêmes capacités. 

L’implication de leurs résultats est claire. Il s’agit d’éviter également en classe, dans les situations d’apprentissage, tout ce qui pourrait rappeler les problèmes que les élèves rencontrent à la maison ou en dehors de l’école.

Cette conclusion est en porte-à-faux face à certaines conceptions pédagogiques. Ces dernières appuient souvent la nécessité de prendre le contexte personnel et l’environnement social de l’élève comme point de départ de l’apprentissage ou du moins d’essayer de s’y connecter. 

La conclusion de Mullainathan et Shafir semble ainsi en partie en opposition avec le concept de centres d’intérêt d’Ovide Decroly. Ce dernier les définissait comme des thèmes appartenant à l’environnement personnel des enfants. Les activités pédagogiques devraient selon son approche être organisées autour de ceux-ci de manière privilégiée. La conclusion de Mullainathan et Shafir est par contre contraire à l’idée selon laquelle l’éducation doit refléter l’environnement dans lequel l’enfant grandit et s’y intégrer. 

Dans le même sens, il est établi que de mauvaises circonstances (stress, pression, anxiété) mettent la capacité d’apprentissage à rude épreuve.

Dès lors, le fait de tenir compte du contexte personnel est à double tranchant. Si selon Mullainathan et Shafir, il est susceptible d’être contre-productif lorsqu’il rappelle un contexte négatif, il est également étroitement lié au concept de motivation. 

Chez Decroly et dans d’autres approches pédagogiques associées, l’environnement personnel est considéré comme une matière première pour enthousiasmer plus facilement les élèves. Il ajoute une dimension concrète et authentique à l’enseignement. L’enjeu est de confronter autant que possible les élèves à des problèmes qu’ils reconnaissent comme réels et crédibles. Si c’est le cas, les élèves assimileront plus facilement la matière enseignée.

Il y a là derrière une question de manière, d’approche et de dosage. Il pose le constat du danger potentiel à se connecter à l’environnement de l’élève lorsque cette référence met la largeur de bande mentale sous pression. Lorsque les enseignants rappellent aux élèves la difficulté de leur situation, cela a un effet négatif immédiat sur leurs performances intellectuelles et peut accroitre les inégalités. 

Ce phénomène peut varier en fonction de l’élève concerné et du contexte. Si l’environnement de l’élève ne se résume pas aux problèmes qu’il peut vivre, Mullainathan et Shafir soutiennent que dans les situations de pénurie, les problèmes peuvent devenir prépondérants. Ils décrivent l’émergence d’une vision étroite. 

Cette situation est à mettre en relation avec la vision de l’école comme d’un espace « libérateur » et « égalisateur » tel que le définissent Masschelein et Simons (2012). Cet espace rend les élèves plus libres de leurs contraintes, de leur milieu et de leur environnement. Ils peuvent devenir plus égaux, même si ce n’est que pour un moment et avec un statut d’élève. L’école devient alors un lieu où les élèves peuvent oublier leur vie personnelle pendant un moment. Lorsqu’elle fonctionne ainsi, une école suspend en quelque sorte les facteurs et variables contextuelles négatifs propres à l’élève. Du point de vue de la théorie de la rareté, cela peut également avoir un effet positif sur l’apprentissage.

En conclusion, s’il peut être bon de se connecter à certains moments à l’environnement de l’élève, il est préférable de ne pas s’y tenir trop longtemps, car cela peut également entraver l’apprentissage.


L’importance de distinguer environnement personnel et connaissances préalables


D’un point de vue cognitif, pour favoriser l’apprentissage, ce qui compte n’est pas tant l’environnement personnel d’un élève, mais ses connaissances préalables. De nouvelles connaissances ne peuvent avoir de sens que lorsqu’elles affichent des points de référence avec les connaissances antérieures. Le manque de connaissances préalables peut empêcher un nouvel apprentissage.

Une autre nuance est que si ces connaissances préalables peuvent certainement provenir de l’environnement personnel de l’enfant, elles peuvent tout autant être basées sur des expériences antérieures, des apprentissages à l’école.

Il y a des différences entre l’environnement personnel et les connaissances préalables des élèves :
  • L’environnement personnel fait explicitement référence à tout ce qui existe dans la vie de l’élève. 
  • Les connaissances préalables sont des connaissances relatives à un sujet spécifique, généralement antérieurement apprises à l’école, qui sont présentes dans la mémoire à long terme et sur lesquelles on peut se baser.
Par exemple, dans un cours sur les transports, un enseignant peut utiliser une question telle que « qui a déjà pris l’avion » pour exploiter l’environnement personnel des élèves. À meilleur escient, il peut utiliser les questions « qu’est-ce qu’un avion » ou « comment fonctionne-t-il » qui permettent de sonder les connaissances préalables. La seconde approche, qui est moins susceptible d’activer le phénomène de rareté, est à privilégier. 



Les risques de dérives liées à la vision de l’enseignement en tant que processus de construction personnel pour l’élève


Les tendances actuelles dans le secteur de l’éducation vont dans le sens d’une vision de l’apprentissage comme d’un processus de production ou de construction nécessitant un suivi et une évaluation minutieuse. 

L’apprentissage devrait être tout à la fois flexible, adaptable, efficient et personnalisé.

 Pedro De Bruyckere et Maarten Simons (2016) mettent en évidence trois tendances :
  1. L’accent mis sur l’évaluation permanente et les résultats de l’apprentissage
  2. Une personnalisation accrue
  3. L’accent mis sur les méthodes d’enseignement actives


1) L’accent mis sur l’évaluation permanente et les résultats de l’apprentissage


Dans cette vision, l’amélioration de l’apprentissage consiste à le rendre plus productif, et donc à imposer les critères d’efficience et d’efficacité au processus d’apprentissage.
 
Cela fait apparaitre la nécessité d’un suivi et d’une évaluation permanente, en vue de mesurer les forces, les faiblesses et éventuellement aussi les défis et les opportunités, tout en gardant à l’esprit les résultats souhaités. L’idée ou l’idéal est d’offrir à l’apprenant un retour d’information à tout moment, et de lui faire savoir en permanence ce qui est nécessaire ou attendu. 

Cette tendance rend les élèves plus préoccupés par les besoins d’apprentissage qui leur sont présentés de manière plus ou moins permanente. La conséquence à laquelle on peut s’attendre est que les élèves se concentrent de plus en plus sur l’urgent ici et maintenant, et oublient l’important à long terme. De fait, les résultats et les performances peuvent devenir l’objectif ultime qui éclipse lui-même les apprentissages et leur utilité pratique.



2) Une personnalisation accrue


L’augmentation des trajectoires d’apprentissage personnalisées a pour objet de répondre aux traits personnels uniques, aux talents, aux capacités et aux besoins propres de chaque apprenant. Si cela peut apparaitre comme une sorte d’idéal, il s’agit également d’une radicalisation où l’accent est mis sur les antécédents pas toujours bénéfiques de l’apprenant.

Une conséquence de la personnalisation accrue pourrait être une autoréflexion induite et même un égocentrisme qui empêche les élèves d’échapper à des problèmes immédiats, urgents et pressants. Le risque est que la compétition avec les autres élèves soit remplacée maintenant par une compétition continue avec soi-même, ce qui implique à nouveau un rétrécissement de la bande passante disponible. 

Une personnalisation accrue pourrait aboutir à un état où l’apprenant est entièrement responsable de ce qui va bien et aussi de ce qui va mal, de ses succès et aussi de ses échecs. 


3) L’accent mis sur les méthodes d’enseignement actives


Il y a une tendance profondément inscrite dans le secteur éducatif ces dernières décennies à promouvoir les pédagogies actives et l’idée de rendre l’élève acteur de son propre apprentissage. Celle-ci s’accompagne d’un rejet des méthodes d’enseignement dites traditionnelles ou passives, telles que l’enseignement magistral où les élèves écoutent l’enseignant en prenant note.

Il y a une mise en valeur de l’activité, du projet, d’une prise en main par l’élève dans le cadre d’une conception de l’apprentissage comme un processus de production axé sur les résultats. L’apprentissage de l’élève ou de l’enseignant se retrouve axé sur la réalisation d’activités soigneusement planifiées et programmées. 

La conséquence de cette perspective est que le fait de ne pas réaliser des activités planifiées équivaut à ne pas apprendre, et donc à perdre du temps ou à ne pas être efficace et axé sur les résultats. Le temps devient dès lors une ressource rare. Le souci est que la mise en activité ne correspond pas automatiquement à un traitement cognitif ou métacognitif signifiant qui se traduirait concrètement par un apprentissage durable et profond. 

Ainsi, l’accent mis sur les méthodes actives pourrait, lorsqu’il est appliqué au pied de la lettre, consister à mettre le plus possible les élèves ou les enseignants en activité ou en projet. Cela pourrait se faire au détriment de l’apprentissage et le réduire à une version étroite, comme attendu dans le cadre de la théorie de Mullainathan et Shafir.



Mis à jour le 31/12/2022

Bibliographie


De Bruyckere P., Simons M. Scarcity at school. European Educational Research Journal. 2016; 15(2):260-267. doi:10.1177/1474904115627821

Pedro De Bruyckere, Klaskit, 2017, Lannoo

Mani A, Mullainathan S, Shafir E, et al. (2013) Poverty impedes cognitive function. Science 341 (6149): 976–980.

Masschelein J. and Simons M. (2012) Apologie van de school. Een publieke zaak. Leuven/Den Haag: Acco. 

Mullainathan S. and Shafir E. (2013) Scarcity: Why Having Too Little Means So Much. New York: Macmillan

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